SEANCE DU 26 NOVEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° I-191, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Dans l'article 278 du code général des impôts, le taux : "19,6 %" est
remplacé par le taux : "18,6 %".
« II. - Le taux prévu à l'article 219 du même code est relevé à due
concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Par cet amendement, nous proposons de réduire le taux normal de la TVA en le
ramenant à 18,6 %, taux pratiqué, je le rappelle, avant le 1er août 1995. Cela
fait désormais plus de six ans que la majoration du taux de la taxe sur la
valeur ajoutée est entré en vigueur. Depuis, seules une baisse dans le corps
d'une loi de finances rectificative et des dispositions ciblées ont permis de
revenir sur cette disposition. Nous pensons, pour notre part, même s'il est
vrai que cet amendement apparaît comme quelque peu identitaire, que le taux
normal de la TVA doit être réduit, même si le taux en vigueur en France se
situe dans la moyenne des taux pratiqués en Europe. La taxe sur la valeur
ajoutée, cet impôt prétendument invisible, pèse, en effet, très lourdement sur
la consommation populaire et est, comme celle-ci, un facteur essentiel de
croissance. Il importe donc, à notre avis, de réduire le taux de TVA.
Nous attendons de la mesure que nous préconisons qu'elle puisse concourir
aussi efficacement que d'autres dispositions à relancer la consommation, à
rendre du pouvoir d'achat aux familles et à alléger certaines des contraintes
de financement des collectivités territoriales ou des entreprises.
Tels sont, rapidement exposés, quelques-uns des motifs qui nous conduisent à
proposer cet amendement. Mes chers collègues, si j'en juge par le débat qui
s'est instauré voilà quelques instants, vous allez, j'en suis persuadé,
l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission apprécie que cet amendement ait été
déposé et comprend la logique qui le sous-tend.
Monsieur le ministre, faisons un retour en arrière. La politique affichée et
menée en matière de TVA par les gouvernements qui se sont succédé depuis 1997
nous paraît assez erratique et incertaine.
En effet, d'un côté, on a entendu un discours politique - inciter à la
consommation - très proche de celui qui a été tenu voilà un instant par M.
Thierry Foucaud. C'était le discours de la campagne électorale de 1997. Dans
cette veine, on a vu le Gouvernement choisir, à un moment donné, de réduire
d'un point le taux normal de la TVA. En définitive, la mesure préconisée par M.
Foucaud n'est pas une mesure folle, puisqu'elle n'est que la redite de
l'abaissement d'un point de 19,6 à 18,6, dont l'actuel gouvernement est
l'auteur. Si je dis que la politique a été erratique - en fait, une politique
de non-choix - c'est non seulement parce que cette baisse d'un point du taux
normal a été opérée, mais aussi parce que, par ailleurs - vous l'avez rappelé
vous-même, monsieur le ministre -, une baisse ciblée a été choisie
simultanément pour certaines prestations. Vous avez fait état des travaux dans
le bâtiment. Vous nous avez même confirmé que cette mesure doit se poursuivre,
et nous en sommes bien sûr satisfaits.
Mais prenons un exemple, et nous y reviendrons sans doute dans la suite du
débat. Un point de TVA, de mémoire - et je parle sous le contrôle des
spécialistes -, c'est...
M. Denis Badré.
Trente milliards de francs !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... une trentaine de milliards de francs.
L'application à la restauration du taux réduit de 5,5 %,...
M. Denis Badré.
C'est trois milliards et demi de francs !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On peut faire des évaluations diverses et variées. Si
on applique totalement le taux, dans toute sa rigueur et de façon massive et
immédiate, cela représente une vingtaine de milliards de francs. Nous avons
des discussions sur les chiffres au sein de la commission des finances, mais,
comme cela ne changera pas le cours des choses ni le sort de la restauration,
nous pouvons, je crois, raisonner sur une enveloppe d'une vingtaine de
milliards de francs. Finalement, avec l'argent que vous avez consacré à faire,
voilà quelques années, ce que M. Foucaud recommande de faire à nouveau
aujourd'hui, vous auriez pu donner satisfaction à la restauration, ainsi qu'à
d'autres professions et poursuivre la politique de baisse ciblée de TVA.
L'amendement du groupe communiste républicain et citoyen nous conduit à nous
poser toutes ces questions. Au moment de dresser un tableau global de la
politique fiscale qui est conduite, des choix qui sont faits et de ceux qui ne
sont pas faits, il est tout à fait légitime que, sur votre flanc gauche,
monsieur le ministre, on vous pose ce type de questions. Nous allons être très
attentifs à la réponse que vous allez très certainement faire à votre collègue
et voisin de la Seine-Maritime.
Mais, monsieur le ministre, dans l'élaboration de la politique fiscale, sans
doute pouvons-nous, les uns et les autres, nous reconnaître dans une certaine
manière de poser les problèmes. De deux choses l'une : ou bien on s'efforce de
satisfaire un peu tout le monde, pas forcément en même temps, en diluant les
mesures de politique fiscale et notamment de baisse d'impôt et en adoptant
successivement différentes techniques ; ou bien on peut choisir consciemment
une voie, mais, à ce moment-là, par définition, on se ferme les autres.
Pour ce qui concerne la TVA, la fiscalité indirecte, souvent très critiquée
dans notre pays, nous serions heureux de connaître votre avis sur l'amendement
qui a été présenté par M. Foucaud. S'agissant de cette disposition, la
commission des finances a bien sûr émis un avis défavorable, non seulement
parce que le gage prévu n'est pas acceptable, mais aussi parce que, selon nous,
la baisse d'un point de TVA ne serait certainement pas de bonne politique dans
les circonstances économiques actuelles.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En entendant M.
le rapporteur général employer l'expression « de deux choses l'une », je me
rappelais cette formule, que j'aime bien, de Jules Renard : « Lorsque j'entends
dire : de deux choses l'une, je pense en général qu'il y en a une troisième. »
(Sourires.)
C'est souvent le cas dans la vie.
Mon voisin et ami Thierry Foucaud a déposé, au nom de son groupe, un
amendement qui tend à abaisser le taux normal de TVA de 19,6 % à 18,6 %. A
cette occasion, comme vous m'y avez invité, monsieur le rapporteur général, et
sans prolonger le débat, je ferai, puisque nous parlons du fond, quelques
observations.
D'abord, je ferai quelques remarques sur le passé. Lorsque ce gouvernement a
accédé aux responsabilités, le taux de TVA était de 20,6 %.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On s'en souvient très bien !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En effet,
précédemment, il était de 18,6 %, mais, sous le gouvernement Juppé, M. Madelin,
qui est resté en fonction peu de temps, a augmenté de deux points le taux de
TVA et, de ce point de vue, il a marqué son passage. Le taux était donc de 20,6
% lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités.
Le projet qui avait été adopté par les partis aujourd'hui au Gouvernement
prévoyait une baisse de la TVA de deux points. Au mois d'avril 2000, il a été
décidé de baisser d'un point la TVA. L'équivalent de l'autre point a consisté
en une série de quatre mesures ponctuelles, ou cibles - vous choisirez le terme
qui vous convient. Ces quatre mesures ont été les suivantes : d'abord, une
baisse sensible du taux de la TVA de 19,6 % à 5,5 % pour les travaux réalisés
dans les logements - j'y ai fait allusion tout à l'heure - ; ensuite, une
baisse pour les services rendus à la personne ; en outre, même si on l'a
oublié, une baisse pour le traitement des déchets, à laquelle votre parti était
très favorable ; enfin, une baisse, onéreuse pour l'Etat et qui a été perçue de
manière positive par les intéressés, même si on oublie très vite une telle
mesure, du prix des abonnements du gaz et de l'électricité.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ces dispositions
représentent un point de TVA.
Ainsi, à ceux qui reprochent au Gouvernement de n'avoir pas tenu sa promesse
de réduire de deux points le taux de TVA, je réponds qu'il l'a fait : un point
a été acquis sous forme de baisse générale, et l'équivalent d'un point l'a été
sous forme de baisses ciblées. Voilà pour le passé.
Quid
du futur ? C'est là que les choses deviennent intéressantes !
Nous sommes tous membres ou responsables de formations politiques, mais ce
n'est pas pour cela qu'il nous est interdit de réfléchir.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est même le contraire !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En effet !
M. Foucaud estime qu'il convient d'abaisser le taux de TVA de 19,6 % à 18,6 %.
Mais, je l'imagine, il présente cet amendement pour nourrir le débat, car il
sait très bien qu'on va lui objecter, à juste titre, que cette mesure coûtera
une trentaine de milliards de francs ! Il est suffisamment averti de la
situation des finances publiques pour ne pas l'ignorer et il n'est pas homme à
réduire les dépenses en faveur du service public et de la fonction publique
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, il propose d'augmenter l'impôt sur les sociétés
!
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il est en même
temps très attaché au développement économique, et je partage son souci : nous
sommes élus du même département, et nous savons bien qu'il est nécessaire
d'encourager l'activité économique. Voilà pourquoi le gage qu'il propose est
contestable : certaines sociétés éprouvant des difficultés, ce n'est pas le
moment d'augmenter massivement l'impôt sur les sociétés !
De toute manière, quel que soit le gage, il reste 30 milliards de francs à
trouver, ce qui n'est pas facile. Il n'existe donc aucune solution immédiate,
quel que soit le déluge d'imagination qui existe au ministère des finances.
Essayons cependant d'élargir un peu le débat. Je pose la question à M.
Foucaud, mais elle pourrait être posée de manière plus générale : pour aider la
consommation, et notamment la consommation populaire, puisque c'est elle que M.
Foucaud a à l'esprit, la baisse d'un point de la TVA est-elle la méthode la
plus adaptée ? J'ai à cet égard quelques doutes, parce que les études réalisées
par l'INSEE montrent que, lorsque la baisse de TVA est faible - alors même
qu'elle représente un coût considérable - cette baisse ne se répercute que très
difficilement dans les prix pour les consommateurs.
On comprend bien que si, pour un commerçant, il s'agit simplement de passer du
taux de 19,6 % - qui lui-même ne tombe pas juste - à celui de 18,6 %, on
obtient des fractions de fractions de quelque chose et le consommateur ne s'y
retrouve pas, alors que, dans l'esprit de M. Foucaud, il s'agit bien d'aider le
consommateur !
Quelle est, dans ces conditions, la méthode qui peut le plus facilement aider
la consommation populaire ? Je n'écarte pas l'hypothèse de M. Foucaud d'un
trait de plume, mais l'expérience montre qu'elle n'est pas évidente à
appliquer.
M. le rapporteur général, avec son esprit d'à propos, propose d'appliquer
cette baisse à la restauration. Mais, si l'on voulait aligner le taux de TVA
applicable à la restauration sur celui qui s'applique au logement, ce n'est pas
- je confirme l'ordre de grandeur donnée par M. Marini - 3,5 milliards de
francs, mais 15 milliards ou 20 milliards de francs qu'il faudrait trouver.
M. Denis Badré.
Nous y reviendrons tout à l'heure !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous y
reviendrons si vous le souhaitez, mais les estimations ont été faites, nous
avons fait des calculs.
Mais allons un peu plus loin dans le raisonnement, monsieur Badré, car
j'espère pouvoir vous convaincre. J'ai rencontré les retaurateurs qui demandent
cette baisse, j'ai discuté avec eux et je peux vous dire que ce sont des gens
très bien. Ils ont, disent-ils, des difficultés, ils ne peuvent pas payer assez
leurs salariés, ils ont des problèmes avec la réduction du temps de travail et
ils souhaitent une réduction de la TVA, quitte à la répercuter dans leurs
comptes afin de retrouver un peu de marge pour payer davantage leurs
salariés.
M. Denis Badré.
Et investir !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Investir, en
effet.
Mais la baisse de la TVA, monsieur Badré, ce n'est pas du tout fait pour cela
!
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est fait pour baisser les prix !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La TVA, comme son
nom l'indique, est un impôt sur la consommation. C'est-à-dire que, quand il y a
une baisse, il faut qu'elle soit répercutée intégralement sur les prix. Or, à
supposer que ce soit possible juridiquement, ce qui est un autre problème, vous
ne pouvez pas dire - et, vous seriez à ma place, vous tiendriez le même
raisonnement -...
M. Denis Badré.
Monsieur le ministre, je constate que c'est la deuxième fois ce soir que vous
voulez que je sois à votre place !
(Sourires.)
M. Jacques Valade.
Nous pouvons nous en aller !
(Nouveaux sourires.)
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je ne prendrai
plus cette comparaison, je vous le jure !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pourquoi ? C'est une comparaison agréable !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mais redevenons
sérieux. Quand on baisse la TVA, il faut, je l'ai dit, que cela soit répercuté
intégralement sur les prix. Vous ne pouvez pas dire : je vais consacrer 20
milliards de francs à la baisse de la TVA pour la restauration et, sur les
factures des restaurants, n'en voir qu'une petite partie ! Comme je l'ai
indiqué aux intéressés, les problèmes de la restauration et de l'hôtellerie ne
peuvent donc pas se résoudre par une baisse de la TVA. Il faut trouver d'autres
solutions, par exemple agir sur les cotisations sociales.
La TVA doit être un impôt neutre. Je ne suis pas sûr d'être clair, mais
j'essaye d'exprimer ma conviction : s'il s'agit d'améliorer la situation des
restaurateurs ou des hôteliers, ce n'est pas, à mon avis, par la baisse de la
TVA qu'il faut agir. En effet, si l'on décidait que la TVA passe de 19,6 % à
5,5 %, il faudrait, j'y insiste, que cela se répercute intégralement dans les
factures et, dans ce cas, il n'y aurait aucune baisse réelle pour les
professionnels concernés et cela ne correspondrait pas à leur demande.
(M.
Badré manifeste son désaccord.)
J'essaye d'aller au fond de la question, monsieur Badré, et, lorsque j'ai pu
en parler aux représentants des restaurateurs, je crois qu'ils ont été
sensibles à cette argumentation.
Il reste, vous le savez, un argument qui s'oppose à cette baisse, et je
réponds là à M. Marini : nous avons fait, en 1992, un certain nombre de choix
au niveau européen et nous avons élaboré une liste des bénéficiaires potentiels
de la baisse dans chaque pays, certains éléments étant communs à tous et
d'autres faisant l'objet de choix séparés. Le Gouvernement a alors fait des
choix qui correspondaient à l'intérêt général tel qu'il était perçu à cette
époque, aujourd'hui, ces choix seraient sans doute différents, mais, à
l'époque, ils n'incluaient pas la restauration et l'hôtellerie. Nous sommes
donc confrontés à un problème juridique, que nous ne pouvons pas passer par
profits et pertes.
Je me résume.
Premièrement, le Gouvernement a parfaitement honoré son engagement de baisser
la TVA de l'équivalent de deux points.
Deuxièmement, une baisse supplémentaire d'un point représente 30 milliards de
francs que, dans la situation actuelle, nous ne saurions pas financer.
Troisièmement, la question se pose de savoir si, au regard de la consommation
populaire, il est préférable de favoriser ce type de baisse générale, qui se
dilue très souvent dans les prix et que le consommateur ne retrouve pas, ou
s'il ne faut pas plutôt procéder à des baisses ciblées. Mais, dans ce cas-là,
lesquelles ?
Quatrièmement, en ce qui concerne la suggestion faite ce soir en faveur des
restaurateurs et des hôteliers - professions parfaitement dignes d'intérêt pour
les pouvoirs publics -, je ne pense pas que ce soit par la baisse de la TVA que
l'on peut agir.
Tel est mon avis, monsieur le président, sur un sujet qui est très intéressant
mais sur lequel je pense que les différentes formations politiques seront
appelées à approfondir leur réflexion.
La TVA est un impôt qui pèse lourd, qui a certains côtés injustes...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très injustes !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous avez tout à
fait raison, madame, mais, en même temps, j'ai essayé de démontrer, chiffres de
l'INSEE à l'appui, qu'il faut sans doute que nous enrichissions notre réflexion
pour que la consommation populaire puisse effectivement bénéficier de baisses
le jour où elles seront décidées.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-191.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le ministre, je partage au moins sur un point votre argumentation :
je crois que nous avons tous à parfaire notre réflexion.
Dans l'immédiat, même si je m'apprête à retirer l'amendement que je viens de
défendre, je sais que nous aurons certainement l'occasion de revenir sur ce
sujet. Je rappelle toutefois que le passage de 18,6 % à 20,6 % n'est pas de la
responsabilité de la gauche, qui au contraire a diminué le taux applicable de
20,6 % à 19,6 %.
Néanmoins, les membres du groupe communiste républicain et citoyen estiment
que l'on peut aller plus loin, et c'est pour quoi ils ont déposé cet
amendement.
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Je voterai contre cet amendement, non par esprit d'opposition - loin s'en faut
! - mais pour que nous puissions engager un dialogue constructif sur la TVA.
Politiquement, ce qui doit nous guider, à gauche, c'est à la fois l'emploi et
la défense de ceux qui éprouvent des difficultés. On ne peut pas demander à la
fois une chose et son contraire ! Pour ma part, j'ai toujours défendu dans cet
hémicycle les baisses ciblées de TVA et j'en ai expliqué les raisons lors des
différentes discussions budgétaires.
La fiscalité est un moyen d'accompagner la politique que nous menons, même si,
malheureusement, nous ne faisons pas toujours ce que nous voulons. En
particulier, quand nous avons défendu la baisse du taux de TVA dans les
domaines du bâtiment et de la gestion des déchets, c'était pour deux raisons :
il s'agissait, d'une part, de redonner de la vigueur à notre politique en
faveur de l'emploi, ou du moins de lui donner une certaine marge ; d'autre
part, il fallait permettre à nos concitoyens de bénéficier d'une diminution des
prix grâce à la baisse des taux de TVA.
Je regrette, personnellement, que nous n'allions pas aussi loin en matière de
sources d'énergie, en particulier pour la géothermie car, là, l'injustice est
flagrante : il n'est pas normal que les taux de TVA applicables aux abonnements
à EDF et à GDF ne soient pas au même niveau que les taux applicables aux
énergies renouvelables.
Cela étant, aujourd'hui - je le dis à M. Foucaud sur un ton très gentil et
convivial - on ne peut pas à la fois demander des services publics performants,
mener une action politique pour que la société soit capable de satisfaire les
besoins des citoyens et ne pas donner à l'Etat les moyens de mener cette
politique.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Je le rappelle une fois encore, l'augmentation du taux de TVA est le fait non
pas de la gauche, mais de la droite : la gauche a diminué d'au moins un point
le taux de la TVA.
Cela étant, je ne reprendrai pas l'ensemble des explications que j'ai données
tout à l'heure, notre collègue Bernard Angels pourra s'y référer s'il le
souhaite. Je ne vois pas pourquoi, d'ailleurs, il fait mine de s'affoler ! Je
sais que la situation politique est complexe, mais je crois qu'il faut garder
sang-froid et lucidité et s'unir au lieu de se désunir.
En ce qui nous concerne, nous nous efforçons de faire progresser les choses.
Bien sûr, nous ne prétendons pas détenir la vérité, pas plus que d'autres ici.
Mais, puisqu'un débat s'est tenu tout à l'heure sur une autre taxe, pourquoi
n'y aurait-il pas maintenant un débat sur la TVA ? M. le ministre a livré un
certain nombre de réflexions ; je l'ai écouté, mais que l'on nous permette
maintenant de livrer les nôtres !
« Une diminution d'un point de TVA permettrait-elle de relancer la
consommation ? Est-ce la bonne solution ? », vous êtes-vous demandé, monsieur
le ministre. Personnellement, et mon groupe partage cette opinion, je pense que
ce fut le cas lorsqu'on est passé de 20,6 % à 19,6 %.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On n'a pas vu grand-chose !
M. Thierry Foucaud.
Pourquoi ne serait-ce pas le cas en passant de 19,6 % à 18,6 %, même si l'on
peut se poser un certain nombre de questions ? J'ai écouté attentivement ce
qu'a avancé tout à l'heure M. le ministre à ce propos. Moi, je dirai, sur un
plan politique : faisons attention ! Peut-être M. le rapporteur général, qui a
utilisé tout à l'heure notre amendement à des fins politiciennes,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voyons !
M. Thierry Foucaud.
... en tout cas à des fins qui lui sont propres, pourrait-il déclarer :
puisque cela ne profite pas à la consommation populaire, ne pourrait-on pas
augmenter à nouveau le taux de la TVA de 19,6 % à 20,6 %, voire au-delà ? »
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour financer des baisses ciblées !
M. Thierry Foucaud.
Il faut savoir que les collectivités locales et les entreprises - car nous les
écoutons, sont demandeuses. C'est aussi en ce sens, cher collègue Bernard
Angels, que nous faisions cette proposition.
Sachez-le, mes chers collègues, même si j'accepte de retirer cet amendement,
je ne suis pas du tout satisfait et je ne souscris absolument pas aux propos
qu'a tenus tout à l'heure M. le rapporteur général.
En tout cas, monsieur le ministre, nous proposerons des baisses ciblées de TVA
dans un certain nombre d'amendements que nous allons défendre dans quelques
instants.
M. le président.
L'amendement n° I-191 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-222 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 2° Sur l'ensemble des produits destinés à l'alimentation ; ».
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-151, présenté par M. Pelchat et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Dans le troisième alinéa (2°) de l'article 278
bis
du code général
des impôts, après les mots : "Produits destinés à l'alimentation humaine à
l'exception", sont ajoutés les mots : ", et sous réserve que les dispositions
suivantes ne soient pas contraires au principe d'égalité devant les charges
publiques". »
L'amendement n° I-59, présenté par MM. Badré, Amoudry, Arnaud, Barraux,
Baudot, Bécot et Bernardet, Mme Bocandé, MM. Borotra, Deneux, Dulait, Franchis,
Fréville, Grignon, Hérisson, Hoeffel, Christian Gaudin, Hyest, Jarlier,
Lesbros, Lorrain, Mercier, Monory, Richert, Thiollière, Biwer et Nogrix, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Les deuxième
a
, troisième
b
, et quatrième
c
alinéas du 2° de l'article 278
bis
du code général des impôts sont
supprimés.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est
compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° I-211, présenté par MM. Ostermann, Oudin, Besse, Del Picchia
et Demuynck, Mme Olin, MM. Cazalet et Calméjane, Mme Michaux-Chevry, MM.
Darcos, Gaillard, Gournac, Hamel, Lardeux, de Richemont, Marest, Gruillot,
César, Doublet, Goulet, Murat, Fournier, Ginésy, Leclerc, Vasselle, Braye, de
Broissia, Legendre, Doligé et Vial et Mme Brisepierre, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - La seconde phrase du
b
du 2° de l'article 278
bis
du code
général des impôts est complétée par les mots : "Quel que soit leur mode de
présentation".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575
A
du code des
impôts. »
La parole est à M. Foucaud, pour défendre l'amendement n° I-222 rectifié.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur le taux pratiqué sur les produits alimentaires.
En effet, alors qu'il est établi pour l'essentiel de ces produits l'usage du
taux réduit, il demeure quelques produits taxés au taux normal, à l'image,
notamment, de certaines prestations de service.
On observera d'ailleurs la contradiction qui peut résider dans une législation
de TVA qui taxe la margarine au taux normal et les hôtels quatre étoiles au
taux réduit pour leurs prestations hôtelières, ce qui n'est vraiment guère
logique.
C'est cette contradiction que nous souhaitons, comme chaque année, résoudre en
proposant au Sénat d'adopter cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-151 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-59.
M. Denis Badré.
« Parce que le cacao n'est ni une marchandise de luxe ni une gourmandise,
parce qu'il a des propriétés hygiéniques et nutritives incontestables et
incontestées, et que son arôme et sa saveur flattent l'odorat et le palais et
parce qu'il entre dans les denrées de grande consommation, j'en proclame le
dégrèvement fiscal », déclarait Napoléon III le 5 janvier 1860.
Napoléon III ajoutait : « Il est physiquement et moralement salutaire ».
De nombreux débats ont eu lieu sur ce produit, année après année, et, voilà
dix-huit mois, j'ai pris l'initiative de déposer une proposition de loi,
cosignée par plus de cent sénateurs, concernant le chocolat et les produits à
base de chocolat, lesquels, avec la margarine - Thierry Foucaud le rappelait à
l'instant - sont seuls parmi les produits alimentaires à supporter encore un
taux normal de TVA. D'innombrables difficultés ont d'ailleurs surgi dans la
mesure où le chocolat est traité différemment selon qu'il est présenté en barre
pour le goûter des enfants ou de façon plus sophistiquée : où est la limite
exactement ? Personne ne le sait !
Je pense, monsieur le ministre, qu'il faut lever ces difficultés et clarifier
une fois pour toutes cette situation. Je regrette simplement qu'on ne l'ait pas
fait l'année dernière, car cela aurait été évidemment plus facile que cette
année.
M. le président.
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-211.
M. Jacques Oudin.
La guerre du chocolat reprend chaque année ; les antécédents sont anciens. On
avait oublié ce texte de 1860, merci de nous l'avoir rappelé !
Quoi qu'il en soit, actuellement, la plupart des produits de chocolaterie sont
toujours assujettis à un taux de TVA de 19,6 %, contrairement à la
quasi-totalité des produits alimentaires, qui, eux, sont bien moins taxés, mais
encore l'administration fiscale tente d'imposer ce taux de 19,6 % au chocolat
noir, qui était jusqu'ici taxé à 5,5 %.
Le présent amendement vise à remédier à cette distorsion en proposant de
maintenir à 5,5 % le taux de TVA applicable au chocolat noir de couverture.
J'espère que vous serez sensible au sort du chocolat noir, monsieur le ministre
!
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-222 rectifié, I-59
et I-211 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Chaque année, nous avons cette discussion, tout à
fait justifiée, car les professions concernées sont dignes d'estime et leurs
défenseurs ont des accents extrêmement convaincants, auxquels il est difficile
de résister.
Monsieur le ministre, le problème qui est posé doit prendre place dans le
cadre général de l'évolution de notre fiscalité indirecte : quelle politique
pour la TVA dans les années qui viennent ?
Tout à l'heure, lorsque je vous entendais répondre sur le précédent
amendement, qui proposait une baisse du taux général d'un point, j'ai cru
relever dans vos propos - mais peut-être me suis-je trompé - une nuance
d'autocritique.
En effet, à propos de la baisse précédente, on aurait pu critiquer le fait
d'avoir remis 30 milli ards de francs dans le circuit économique pour des
contreparties, en termes de comportement des agents économiques, d'évolution
des prix, d'évolution de la consommation, qui sont loin d'être évidentes. En
fait, en regardant le passé, on voit bien que le Gouvernement a, en quelque
sorte, cédé à la tentation d'amour-propre de finir la législature avec un taux
de TVA réduit. Convenez-en !
Si vous n'aviez pas cédé au plaisir de dire que vous aviez heureusement
remédié aux mesures désavantageuses prises par le précédent gouvernement,
complètement incompétent et maladroit, vous auriez pu régler bien des
problèmes. Peut-être auriez-vous pu faire entrer, au moins pour une partie, le
secteur de la restauration dans le mouvement de baisse. On aurait pu trouver
des solutions progressives qui n'auraient pas été aussi onéreuses que celles
qui ont été évoquées.
Ainsi, pour le secteur de l'alimentation, dans des conditions tout à fait
compatibles avec les règlements communautaires, vous auriez pu entamer la
baisse préconisée par nos collègues et par les défenseurs de ces excellentes
professions du chocolat, auxquelles nous devons tant.
(Sourires.)
Il faut simplement savoir que la baisse dont il s'agit, sur le seul secteur
du chocolat, représente, si je ne m'abuse - je parle sous le contrôle de plus
compétents que moi - une somme de l'ordre de 5 milliards de francs. Cette
mesure, dont le coût est donc très substantiel, ne peut pas être prise dans
l'instant. En tout cas, nous ne pouvons pas la voter en première partie de la
loi de finances. Sinon, en faisant ses comptes M. le ministre aurait beau jeu
de dire : « Voyez à quel prix vous mettez la cigarette ! », reprenant ainsi
l'argument fréquemment utilisé au moment de la clôture des comptes de la
première partie de la loi de finances.
Il est clair que les conditions de l'équilibre financier pour 2002 ne
permettent pas d'adopter maintenant de telles dispositions. En revanche, il est
tout à fait concevable que les amendements n°s I-59 et I-211 soient, à titre de
signal, redéposés et votés en deuxième partie, comme cela s'est produit l'année
dernière.
Bref, mes chers collègues, la commission est défavorable à l'amendement n°
I-222 rectifié, en raison notamment de son gage qu'elle ne peut admettre. Elle
demande le retrait des amendements n°s I-59 et I-211 en suggérant à leurs
auteurs de les redéposer en deuxième partie pour que nous puissions affirmer
notre position de principe en vue de l'avenir.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le Gouvernement,
malheureusement, ne peut émettre un avis favorable pour des raisons
essentiellement financières. Comme il a été dit à l'instant, plusieurs de ces
amendements représentent des sommes considérables, dont nous ne disposons pas,
sauf à les faire supporter par un autre impôt.
Pour ce qui concerne la margarine, je crois, monsieur Foucaud, que la
différenciation qui a été opérée par rapport au beurre s'inscrivait dans une
politique favorable à l'égard des producteurs de lait. Mais les choses ont
peut-être évolué. Il est vrai qu'en termes de consommation populaire cela peut
représenter un handicap. M. Foucaud y est sensible ; nous le sommes également.
Mais la mesure proposée, je le répète, représente des sommes importantes, et je
ne vois pas comment on pourrait les dégager.
En ce qui concerne le chocolat, évidemment, comme on l'a souligné, les
producteurs, les négociants sont des personnes tout à fait dignes d'intérêt,
qui ont de bons arguments. Mais, là aussi, les mesures proposées représentent
des sommes non négligeables.
Bref, mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que vous n'en voudrez pas au
ministre des finances de vous parler de finances !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-222 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-59 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Non, monsieur le président. Mais je le déposerai à nouveau lors de l'examen de
la deuxième partie du projet de loi de finances.
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-211 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Non, monsieur le président. Nous suivrons la recommandation de la commission
des finances.
M. le président.
Les amendements n°s I-59 et I-211 sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-98 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent, Godefroy et les membres du groupe
socialiste et apparentés.
L'amendement n° I-221 rectifié
bis
est présenté par M. Foucaud, Mme
Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen. Tous deux sont ainsi libellés :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le 3°
bis
de l'article 278
bis
du code général des impôts
est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique à la part de la
prestation d'exploitation de chauffage représentative du combustible bois,
quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux alinéas
a, b
et
c
ci-dessus.
« Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique au terme de la
facture d'un réseau de distribution d'énergie calorifique représentatif du
combustible bois, quand le combustible est l'un des trois mentionnés aux
alinéas
a, b
et
c
ci-dessus. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions
ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Haut, pour présenter l'amendement n° I-98.
M. Claude Haut.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 1997, il a été décidé d'appliquer
le taux réduit de TVA aux ventes de bois de chauffage et de déchets de bois
destinés au chauffage à usage domestique ainsi qu'au chauffage des locaux
d'hébergement et d'accueil, des établissements d'enseignement et des piscines,
et ce pour favoriser le développement de l'énergie bois.
Toutefois, les dispositions de cette loi de finances excluait de fait les
bâtiments tertiaires, les immeubles d'habitation exploités par un prestataire,
ainsi que les réseaux de chaleur.
Or, si le bois est très souvent utilisé pour le chauffage à usage domestique,
il l'est souvent par la biais d'un prestataire de chauffage ou d'un réseau de
chaleur. Le prestataire de chauffage se voit souvent confier par des
copropriétés ou des organismes bailleurs l'exploitation de leurs installations
de chauffage et il assure une prestation complète incluant le combustible,
l'entretien et les réparations.
Les réseaux de chaleur, quant à eux, achètent du bois en vue de produire et de
vendre de l'énergie calorifique.
Les opérations de ces intermédiaires étant soumises au taux normal, cela ne
permet pas de faire bénéficier du taux réduit les usagers collectifs du bois en
tant que source d'énergie, ce qui est une incongruité.
Comme nous voulons favoriser le développement du chauffage au bois, qui est
une source d'énergie renouvelable et non polluante, nous demandons que le taux
réduit de TVA soit répercuté sur le consommateur.
Pour ce faire, nous proposons que le prestataire de chauffage ou le
gestionnaire du réseau de chaleur scinde sa facture en deux parties : l'une,
correspondant franc pour franc - ou plutôt euro pour euro - à l'achat du bois,
serait affectée du taux réduit, tandis que l'autre, correspondant à la
prestation de l'opérateur, serait affectée du taux normal.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud, pour défendre amendement n° I-221 rectifié
bis
.
M. Thierry Foucaud.
Notre amendement tend également à réduire le taux de TVA sur le bois de
chauffage dès lors qu'il est utilisé en tant que complément de production
d'énergie pour le domicile des particuliers.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-98 et I-221
rectifié
bis
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait entendre l'avis du
Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
A l'heure
actuelle - les auteurs des amendements le savent - une raison juridique
s'oppose à l'adoption d'une telle disposition : contrairement à la fourniture
de gaz et d'électricité, la distribution d'énergie calorifique par les réseaux
de chaleur ne figure pas aujourd'hui dans la liste communautaire des opérations
que le Etats membres peuvent soumettre au taux réduit de la TVA.
En septembre 1998, nous avions formulé une demande sur ce point, mais celle-ci
n'a malheureusement pas recueilli l'accord de nos partenaires.
Cela étant, je suis en mesure d'apporter ce soir au Sénat des informations qui
ne manqueront pas de l'intéresser.
Voilà quelques jours, la Commission de Bruxelles, qui est très attentive à ces
sujets, nous a informés de l'état de ses réflexions sur les taux de TVA. Il est
en effet évident que des ajustements sont nécessaires, car certaines situations
- plusieurs ont été évoquées ici, mais chacun en a d'autres à l'esprit - ne
sont pas satisfaisantes.
La question principale est celle de la pérennisation du taux réduit sur les
travaux à forte intensité de main-d'oeuvre. Je rappelle que, sur ce point, la
France - personne ne le contestera dans cet hémicycle, je pense - est très
attachée aux mesures concernant le logement et les services à la personne.
Pour ce qui est du logement, je considère que cette mesure est un réel succès,
et le Gouvernement a déjà exprimé clairement, en particulier par ma voix tout à
l'heure, le souhait d'en voir l'application reconduite ; nous ferons ce qui est
nécessaire pour cela.
Je dois à la vérité de dire que la Commission propose une prolongation de
l'expérience pendant une année. Certains trouverons cette proposition timide,
mais cela laisse le temps d'établir, dans tous les pays concernés, un bilan
économique approfondi. Il reste, je ne le cache pas, que la position de
plusieurs Etats ne va pas, pour le moment, dans le même sens que la nôtre. Mais
nous allons mettre à profit cette période d'un an pour les convaincre, et je
pense que nous avons de bons arguments.
Un second débat porte sur la hiérarchie des taux et sur la distribution des
biens et services dans cette échelle de taux.
La Commission, dans son dernier travail, qui est tout récent, reconnaît
l'existence d'anomalies dans le classement. Nous pensons particulièrement en
cet instant aux réseaux de chaleur. Elle avance une idée nouvelle, celle du
double taux réduit : l'un qui serait d'environ 5 %, comme le nôtre, pour les
biens de première nécessité ; l'autre qui se situerait entre 10 % et 12 % pour
des biens ou des services dont on souhaiterait favoriser l'achat par le biais
d'une politique de soutien fiscal.
Cette idée peut être intellectuellement séduisante, mais elle doit donner lieu
à un débat. Si vous le souhaitez, le Gouvernement associera le Parlement à la
préparation de nos positions, que nous ne définirons qu'après avoir bien mesuré
toutes les conséquences de tel ou tel choix.
A la question précise soulevée par les auteurs de ces amendements, j'oppose
donc, dans l'immédiat, une objection juridique ; mais je signale que le travail
de la Commission ouvre une fenêtre, et cela doit nous conduire à y réfléchir
ensemble dans les mois qui viennent pour pouvoir utilement peser sur les
décisions qui seront prises.
M. le président.
Quel est, à présent, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre, vous venez de nous apporter des
éléments d'information extrêmement précieux, qui renouvellent la donne. L'idée
d'un nouveau taux intermédiaire qui serait susceptible d'être appliqué à
certaines catégories de biens et de services constitue une ouverture tout à
fait considérable : pourraient ainsi être traités les problèmes de différents
secteurs d'activité.
Je suis par ailleurs heureux de saluer l'offre que vous nous faites d'associer
le Parlement, en particulier le Sénat et sa commission des finances, aux
réflexions de vos services en vue de la préparation des positions
gouvernementales.
Il me semble que, dans l'attente de ces travaux, sachant qu'ils seront pour
nous l'occasion de formuler des propositions, je ne peux qu'inviter les auteurs
de ces deux amendements à les retirer.
M. le président.
Je vais mettre au voix les amendements identiques n°s I-98 et I-221 rectifié
bis
.
M. Claude Belot.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Belot.
M. Claude Belot.
Il faut avoir bien conscience de l'enjeu que représentent ces amendements.
Voilà quatre ou cinq ans, nous sommes passés brutalement, à la suite d'une
directive européenne, d'un taux réduit à 5,5 % sur les réseaux de chaleur,
quelle que soit l'énergie utilisée - géothermie, bois ou ordures ménagères - au
taux normal de 19,6 %. Cela a évidemment eu des conséquences sur le prix du
kilowatt payé par les consommateurs, en particulier ceux qui habitent dans des
lotissements ou dans des immeubles collectifs. Au demeurant, les offices d'HLM
n'ont pas toujours pu ou voulu répercuter la hausse en question, sachant
qu'elle serait difficilement supportable pour les habitants, mais cela a
naturellement affecté leur équilibre financier.
Depuis, nous sommes un certain nombre à déposer des amendements tendant à
revenir sur cette hausse. Si je ne l'ai pas moi-même fait cette année, c'est
sans doute un peu par découragement.
En tout cas, il n'est pas possible de maintenir une distorsion de concurrence
entre les sources calorifiques. Au nom de quelle logique peut-on aujourd'hui
favoriser le gaz et l'électricité - c'était la position de la Commission
jusqu'à récemment, mais vous nous avez apporté, monsieur le ministre, des
éléments qui semblent aller dans le sens d'une évolution positive de sa part -
par rapport aux énergies renouvelables, dont on sait bien qu'elles ne peuvent
être utilisées de façon optimale qu'à une échelle collective ?
Il existe en France un énorme gisement d'énergies renouvelables - environ
quinze millions de tonnes d'équivalent pétrole ! - mais ce gisement est à peine
exploité.
Je fais partie de ceux qui ont soutenu et qui continuent de soutenir le
programme électronucléaire français, lequel permet de fournir 92 % ou 93 % de
l'électricité consommée dans notre pays. Or cette orientation est combattue,
parfois avec beaucoup de véhémence, par certains membres de la majorité
actuelle. Ne conviendrait-il pas de dire, pour apaiser ce débat : « Le
nucléaire existe, mais nous faisons tout ce qui est possible pour mettre en
valeur d'autres sources d'énergie et, en particulier, celles qui ne peuvent
être utilisées que par des réseaux de chaleur » ? Le développement des réseaux
de chaleur est la condition du développement de ces énergies.
Monsieur le ministre, au-delà de l'enjeu des prix et de l'enjeu du bois, c'est
l'orientation de la politique énergétique française qui est ici en question.
M. Bernard Angels.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels.
Je ne reprendrai pas ce qu'a excellemment dit mon collègue M. Belot, avec qui
j'ai souvent évoqué ces problèmes.
Pour des gens qui, comme nous, pensent que l'Europe peut apporter beaucoup à
notre pays, il n'est pas admissible que celle-ci conduise à taxer des énergies
renouvelables plus lourdement que le gaz et l'électricité.
Depuis trois ans, tous les ministres nous répondent la même chose : c'est la
directive européenne. Mais, quand on a pour idéal le rapprochement entre les
pays d'Europe et qu'on défend le principe d'une égalité des citoyens devant le
prix de l'énergie, il paraît inconcevable qu'on n'arrive pas à avancer sur un
tel dossier.
Vous nous avez dit que la Commission européenne avait laissé entrevoir une
avancée avec l'institution d'un taux intermédiaire. Ce taux serait sans doute
justifié pour certains biens, mais pas pour les sources d'énergie, parce que
serait maintenue une distorsion au détriment de certaines d'entre elles.
Il faut à tout prix obtenir de Bruxelles que les énergies renouvelables
bénéficient du même taux que les autres.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
A nouveau, notre débat est intéressant, et il porte sur un vrai sujet.
Je rappelle que nous avons beaucoup travaillé, au sein de la Haute Assemblée,
à partir d'un rapport intitulé :
Comment baisser le taux de TVA ?
que
j'ai eu l'honneur de signer il y a trois ans et qui a depuis été notre guide
pour savoir ce qui est eurocompatible et ce qui ne l'est pas, pour essayer
d'avancer sur ces questions.
La Commission n'est, par principe, pas très ouverte - pour ne pas dire qu'elle
est complètement fermée - à une évolution vers le taux réduit. Pourquoi ? Parce
qu'elle a l'oeil rivé sur son projet de régime commun de TVA. Nous avons dit,
il y a trois ans, que le régime commun était prématuré, que l'adopter dès
maintenant ne ferait que braquer tous les Européens contre l'Europe, en tout
cas dans les pays qui seraient amenés à élever leurs taux. Nous avons dit qu'il
fallait reporter ce projet à plus tard et que, en attendant, il convenait de
travailler sur le régime transitoire, notamment pour réduire les fraudes ou
pour aplanir les difficultés que ne peut qu'engendrer sa mise en oeuvre.
La Commission a prévu, en 1991, par sa sixième directive, la possibilité
d'avoir deux taux réduits. Cette possibilité est ouverte à tous les Etats. Avec
le nouveau texte de la Commission, un problème va se poser en France parce que
nous avons déjà un taux super réduit pour certains médicaments et pour la
presse.
M. Michel Charasse.
Exact !
M. Denis Badré.
C'est le taux de 2,80 %, qui est une survivance du passé. Je pense que nous
devons aussi avoir un débat sur cette question !
Toute la difficulté, pour la France, vient de ce que nous avons un des taux
normaux les plus élevés et un des taux réduits les plus faibles de l'Union
européenne et que les distorsions peuvent être très fortes ; d'où le caractère
exacerbé des demandes de passage au taux réduit.
Je rappelle que l'on peut passer librement au taux réduit pour tout bien ou
service figurant dans l'annexe H de la sixième directive. Rien en dehors de
l'annexe H, a toujours dit la Commission, sauf par application de l'article 28,
qui permet des dérogations temporaires. C'est en vertu de cet article que,
voilà deux ans, a été mise en place l'expérimentation sur les services à haute
intensité de main-d'oeuvre. C'est pourquoi la Commission a indiqué qu'elle en
tirerait les enseignements après trois ans.
La Commission propose aujourd'hui de prolonger l'expérimentation d'un an. Je
pense qu'il faut profiter de cette opportunité pour essayer de voir sur quels
sujets nous pouvons aller plus loin, sur quels sujets il sera possible, au
terme de l'expérimentation, de demander une modification de l'annexe H.
Après tout, Bruxelles, c'est nous ! Il y a deux cas de figure : soit Bruxelles
permet la baisse de TVA et le problème est franco-français. Il revient au
Parlement et au gouvernement français de décider d'utiliser ou non les
possibilités ouvertes par l'annexe H.
Soit Bruxelles ne permet pas la baisse de TVA. Les réseaux de chaleur ne
figurant pas dans l'annexe, nous devons passer d'abord par l'article 28 et,
plus tard, demander des modifications de l'article H.
En 1991, les réseaux de chaleur n'avaient pas leur ampleur actuelle. Il est
donc tout à fait normal qu'ils ne figurent pas dans l'annexe H. Il est
également normal que, nous efforçant de suivre notre temps, nous demandions
aujourd'hui au Gouvernement de plaider auprès de Bruxelles pour que l'annexe H
soit modifiée et prenne en compte les réseaux de chaleur.
Si les Quinze font simultanément la même démarche, il y a quelques raisons de
penser que l'Europe avancera. Et elle avancera parce que les peuples de l'Union
européenne l'auront voulu.
M. le président.
L'amendement n° I-98 est-il maintenu, monsieur Angels ?
M. Bernard Angels.
Je le retire au bénéfice de l'amendement n° I-221 rectifié
bis
.
M. le président.
L'amendement n° I-98 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-221 rectifié
bis
, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis
.
L'amendement n° I-190, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le premier alinéa de l'article 278
quinquies
du code général des
impôts est ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce qui
concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition
intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de
façon portant sur les appareillages pour handicapés visés au chapitre 1er. »
« II. - Le taux prévu à l'article 219 du même code est relevé à due
concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je tiens à dire en préambule que j'apprécie que nous ayons pu avoir ce débat
sur la proposition de baisse générale d'un point de la TVA et que nous le
poursuivions sur la baisse ciblée.
Il est important de rappeler que la TVA est la première ressource du budget de
l'Etat et qu'elle représente plus de 40 % des recettes.
Nous l'avons démontré à plusieurs reprises, et je sais, monsieur le ministre,
que vous ne le contestez pas, cette TVA est très injuste. Elle pénalise les
ménages les plus modestes, ceux qui, justement, ont pourtant la plus forte
propension à consommer. C'est un impôt dégressif, qui s'applique directement
sur la consommation. En fait, plus on est pauvre et plus on paye
proportionnellement au titre de la TVA.
Si nous avons proposé de réduire la TVA d'un point, c'est parce que, ainsi que
l'a rappelé M. Foucaud, c'est la dernière année - donc, la dernière possibilité
- de la législature pour respecter l'engagement pris en 1997. La droite, je le
rappelle, avait directement porté le taux de TVA à 20,6 % en 1995.
Vous le savez, monsieur le ministre, mais il est bon de le rappeler, les taux
de TVA appliqués en France sont parmi les plus élevés de l'Union européenne.
Ils dépassent très largement le plancher de 15 %. Je pense qu'il n'est pas trop
tard pour avoir ce débat. D'autres lois de finances seront votées, mais il
fallait montrer l'intérêt de combattre cette injustice sociale créée par
l'impôt. Vous partagez, je le sais, cette opinion, et il est dommage que
d'autres choix aient été retenus.
J'en viens à l'amendement I-190. Je rappelle que l'article 278
quinquies
du code général des impôts accorde une TVA à 5,5 % à toute une
série d'appareillages visant à réduire de façon importante de graves handicaps
pour la vie individuelle et collective des personnes handicapées.
Il est vrai que, au fil des lois de finances, cette liste s'est allongée,
intégrant désormais des appareillages lourds. Or, pour réduire un handicap,
permettre l'intégration sociale et professionnelle, il y a non plus des
handicaps lourds ou légers mais, plus simplement, des handicaps.
C'est ainsi que la loi pour la formation professionnelle, le droit au travail,
à l'éducation, au sport des personnes handicapées ne fait pas, quant à elle, la
différence. Alors que la loi est une pour l'intégration du handicapé, pourquoi
la TVA serait-elle capable de différencier des appareils, des aides techniques
plus nécessaires que d'autres ?
Je sais, monsieur le ministre, que vous ne poursuivez pas une recherche
obsessionnelle de recettes fiscales. Dès lors, pourquoi ne pourriez-vous pas
oeuvrer en faveur de la réduction du handicap ?
Je vais prendre un seul exemple, qui concerne les sourds et les malentendants.
Pour vivre avec les autres, ils ont besoin d'un télécopieur-fax, d'un
téléphone-fax-portable, d'un système d'appel lumineux d'urgence dans le
logement familial, dans les lieux professionnels, dans les lieux publics ou
recevant du public. Il serait donc bon de revoir à la baisse le taux de TVA
applicable à ces aides techniques.
Le législateur, qui n'est pas en mesure de savoir ce qui est bon, mauvais ou
adapté pour chaque handicapé, peut néanmoins reconnaître le principe de l'aide.
Comment aurait-il le pouvoir de faire des choix, alors que les médecins
eux-mêmes ont parfois du mal à conseiller et à arrêter un choix pour réduire un
handicap ? Faut-il croire que la TVA serait douée d'un pouvoir de discernement
dont sont dépourvus les professionnels de la santé eux-mêmes ?
Pour être juste, peut-être faudrait-il maintenant accorder aux autres ce que
l'on accorde aux uns. Notre amendement vise donc à abaisser le taux de TVA pour
tous les appareillages réducteurs de handicaps.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Les années précédentes, la commission a déjà examiné
dans un esprit tout à fait constructif des suggestions de cette nature.
Il convient de rappeler que, en la matière, il n'y a pas de problème
d'application du droit communautaire puisque la fameuse annexe H autorise
l'application du taux réduit aux appareillages destinés exclusivement aux
handicapés.
Même si le Gouvernement a régulièrement fait des gestes en ajoutant tel type
de prothèse à telle catégorie d'appareillage, le secteur n'est pas encore
globalement couvert. Vous avez raison, madame Beaudeau, de dire que l'équité
est en cause et qu'il faut aller au bout de la logique à laquelle on s'est
progressivement rallié.
La commission souhaiterait toutefois que le groupe communiste républicain et
citoyen modifie le gage pour le remplacer par un gage classique, conforme aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Compte tenu de l'état du droit communautaire, qui n'oppose pas d'obstacle à
une démarche plus généreuse, la commission, après avoir entendu les
explications de M. le ministre, s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Madame Beaudeau, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur général,
s'agissant du gage ?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
J'y suis favorable, et je rectifie donc mon amendement pour viser les articles
575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° I-190 rectifié, présenté par M. Foucaud,
Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, et ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Le premier alinéa de l'article 278
quinquies
du code général des
impôts est ainsi rédigé :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,50 % en ce qui
concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition
intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de
façon portant sur les appareillages pour handicapés visés au chapitre 1er. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Madame Beaudeau,
la mesure vise des biens destinés à un usage exclusif par les handicapés.
Vous avez énuméré un certain nombre de biens certes extrêmement utiles pour
les handicapés. Vous avez parlé, par exemple, d'un fax. Nous traitons de
fiscalité, et il faut - je vous prie de m'en excuser - entrer dans les détails
techniques. Or, quand il s'agit d'un fax, le principe même de la TVA ne permet
pas, même si c'est certainement dommage, de procéder à une distinction selon le
destinataire. S'il faut apporter une aide aux handicapés, c'est donc par le
biais, non pas de la TVA, mais d'un autre instrument qu'on peut agir. Je laisse
cependant cet argumentaire de côté.
Madame Beaudeau, votre proposition vise à soumettre au taux réduit de 5,5 %
les appareillages pour handicapés visés au chapitre 1er du TIPS, le tarif
interministériel des prestations sanitaires. Permettez-moi d'apporter quelques
éclaircissements à cet égard.
Si votre question porte sur le chapitre 1er du titre II de ce fameux TIPS, je
vous dis clairement - cela n'est pas toujours connu - que l'ensemble des biens
y figurant sont soumis au taux réduit.
En revanche, si vous visez les biens inscrits non pas au titre II mais au
titre Ier qui comprend des matériels assez divers soumis, dans leur ensemble,
au taux normal de TVA, il faudrait préciser la rédaction de l'amendement.
Il est clair que nous adhérons à l'orientation sociale que vous défendez.
Sachez aussi que, pour certains équipements, l'application de ce taux réduit
paraît parfaitement compatible avec le droit communautaire. Citons, notamment,
les appareils de soutien partiel de la tête, les casques de protection pour les
enfants handicapés, les gilets de série pour contention et immobilisation, les
filtres respiratoires pour les personnes ayant subi une laryngectomie, les
appareils de photothérapie, les appareils à pression positive.
Un certain nombre d'appareils spécialisés ne semblent donc pas poser de
problèmes du point de vue qui vous intéresse, alors que d'autres pourraient
être repris, si je puis dire, par le droit communautaire.
Vous comprenez bien que le Gouvernement va dans le sens de votre orientation
sociale. Il souhaiterait néanmoins procéder à un examen préalable rapide pour
savoir bien exactement de quoi il s'agit.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-190 rectifié, pour lequel la commission
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 11
bis.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ayant pris acte
du vote du Sénat, je pense, madame Beaudeau, qu'il faudra retravailler le
texte. Sous cette réserve, le Gouvernement sera disposé à lever le gage.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-55 est présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste.
L'amendement n° I-152 est présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet,
Lachenaud, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Après l'article 11
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après l'article 278
septies
du code général des impôts, il est
inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... . - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce
qui concerne :
«
a)
La fourniture de repas à consommer sur place ;
«
b)
Les ventes de boissons non alcoolisées réalisées à l'occasion des
prestations visées au
a.
»
« II. - La perte de recettes générée par l'application des dispositions du I
est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« III. - Les dispositions des I et II ci-dessus entreront en vigueur le 1er
juillet 2002. »
L'amendement n° I-57, présenté par M. Badré et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Il est ajouté au code général des impôts un article 281
decies
ainsi rédigé :
«
Art. 281
decies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux
de 12 % en ce qui concerne :
«
a)
La fourniture de repas à consommer sur place ;
«
b)
Les ventes de boissons non alcoolisées réalisées à l'occasion des
ventes définies au
a
ci-dessus. »
« II. - La perte de recettes générée par l'application des dispositions du I
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts.
« III. - Les dispositions du I et du II ci-dessus entreront en vigueur le 1er
juillet 2002. »
L'amendement n° I-212, présenté par MM. Ostermann, Joyandet, Oudin, Besse et
Demuynck, Mme Olin, MM. Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Darcos,
Dufaut, Gaillard, Gournac, Hamel,Lardeux, de Richemont, Gruillot, Lassourd,
Gérard, César, Doublet, Goulet, Murat, Fournier, Ginésy, Leclerc, Rispat,
Braye, Dubrule, de Broissia, Legendre, Caldaguès, Vial et Doligé et Mme
Brisepierre, est ainsi libellé :
« Après l'article 11
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« I. - Après le a
quinquies
de l'article 279 du code général des
impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... les prestations de restauration ».
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus, sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° I-55.
M. Denis Badré.
Cet amendement vise à appliquer le taux réduit de TVA, à compter du 1er
juillet 2002, à la fourniture de repas à consommer sur place et à la vente de
boissons non alcoolisées réalisée à l'occasion de ces prestations.
Le fond de la question, c'est que, pour le moment, nous distinguons entre ce
qui est alimentaire, qui est taxé à 5,5 %, et ce qui est service, qui est taxé
à 19,6 %, et, par ailleurs, entre ce qui est social et ce qui ne l'est pas,
d'où les problèmes de restauration collective.
Dans ce contexte, il existe de très nombreuses distorsions de concurrence
entre la restauration rapide, la restauration collective et la restauration
traditionnelle, qui ne pourront être levées que lorsque l'ensemble de ces
prestations seront alignées sur le même taux, à savoir le taux réduit.
Au-delà de ces distorsions de concurrence entre diverses formes de
restauration, d'ailleurs extraordinairement compliquées aux limites, il existe
d'autres distorsions de concurrence avec nos voisins européens.
Nous sommes le dernier pays à fort potentiel touristique qui applique un taux
normal sur ces activités de restauration. Lors du débat sur le passage à titre
expérimental au taux réduit pour les services à haute densité de main-d'oeuvre,
nous avions le Portugal avec nous. Entre-temps, ce pays a bénéficié d'une
dérogation. Nous sommes donc le dernier pays à pratiquer le taux normal, d'où
de fortes distorsions de concurrence. On nous a dit qu'il s'agissait de
touristes étrangers venant consommer en France, et que c'était très bien de
leur faire payer la restauration au taux normal ! Non ! Il vaudrait mieux
développer cette activité en passant au taux réduit. C'est toujours le problème
du rendement de l'impôt.
J'en viens au coût de cet amendement pour répondre brièvement à la question
posée par M. le ministre.
Le chiffre d'affaires de la restauration est de l'ordre de 170 milliards de
francs. Avec 15 % de diminution du taux, cela ferait 25 milliards de francs de
coût. C'est la base. La totalité du chiffre d'affaires n'est déjà plus au taux
de 19,6 % et, dans notre proposition, la totalité du chiffre d'affaires ne
passerait pas à 5,5 %.
En outre, 13 milliards de francs sont déjà au taux réduit et 25 milliards de
francs sont réalisés par les petits cafés et les
fast-food
dont le
chiffre d'affaires est inférieur à 500 000 francs et qui bénéficient d'une
franchise de TVA ; ils sont donc hors du champ d'application de la mesure.
Par ailleurs, 35 milliards de francs concernent la restauration d'affaires,
dont la TVA est récupérable par les entreprises ; 7 milliards de francs sont
exonérés au titre de la loi Gaudin ; il reste 40 milliards de francs, qui
représentent la consommation de boissons alcoolisées, pour lesquelles nous
n'avons pas proposé de passer au taux réduits ; nous laisson ces boissons à
19,6 %.
Ce sont donc finalement à peine plus de 40 milliards de francs de chiffre
d'affaires, sur les 170 milliards de francs du départ, qui passeraient au taux
réduit. Or 40 milliards avec un taux de 15 %, cela donne entre 6 milliards et 7
milliards de francs, ce qui est notre référence de base.
Pourquoi proposons-nous, comme date d'entrée en vigueur de ces dispositions,
la date du 1er juillet 2002 ? Parce que - je suis le premier à le dire - cet
amendement n'est pas eurocompatible pour l'instant dans la mesure où cela n'est
pas prévu par l'annexe H. C'est tout le débat qui a eu lieu lors de la mise en
place de l'expérimentation sur les services à haute intensité de
main-d'oeuvre.
Nous donnons par conséquent six mois au Gouvernement pour convaincre nos
partenaires étrangers de la nécessité de bénéficier à notre tour, comme le
Portugal, d'une dérogation, et de passer ainsi au taux réduit afin de supprimer
les distorsions de concurrence qui existent dans le secteur de la restauration
et avec nos partenaires. Dans ce contexte, le coût de 7 milliards de francs la
première année, que j'évoquais à l'instant sera ramené à 3,5 milliards de
francs. Bien sûr, en période de croisière, il sera de 7 milliards de francs.
Ainsi, le coût de cette mesure devient beaucoup plus clair.
M. le président.
La parole est à M. Ferrand, pour défendre l'amendement n° I-152.
M. André Ferrand.
Notre amendement a le même objectif que le précédent : il s'agit de réduire le
taux de TVA à 5,5 % dans le secteur de la restauration traditionnelle, afin de
stimuler l'emploi et de limiter les distorsions de concurrence avec d'autres
formes de restauration. Ce taux réduit s'appliquerait aussi à la fourniture de
repas à consommer sur place, à la vente de boissons non alcoolisées, et ce à
partir du 1er juillet prochain.
Sur cette question, nous pensons que le Gouvernement n'a pas été clair et
qu'il a tenu un discours biaisé au niveau européen. Malgré ses promesses, il
n'a jamais vraiment cherché à répondre aux attentes de la restauration
traditionnelle française, se retranchant derrière Bruxelles et les autres Etats
membres pour justifier son immobilisme.
Bien entendu, nous avons conscience du coût budgétaire de l'amendement que
nous proposons, surtout dans un contexte économique devenu plus difficile. Nous
avons malgré tout souhaité le redéposer pour le principe - nous avions en effet
déposé un amendement identique l'an dernier - afin, d'une part, d'envoyer un
message clair aux artisans de notre pays, aux restaurateurs de tradition
française qui se sentent pénalisés, et, d'autre part, de rejeter tout aussi
clairement le jeu auquel, selon nous, s'est livré le Gouvernement.
Nous pourrons, bien entendu, discuter ensuite des modalités d'application
d'une telle mesure.
M. le président.
La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° I-57.
M. Denis Badré.
Il s'agit d'un amendement de repli.
Nous évoquions, tout à l'heure, la possibilité d'avoir deux taux réduits. Si
nous prenons un taux intermédiaire entre 19,6 % et 5,5 %, soit 12 %, nous
faisons la moitié du chemin, et le coût de la mesure sera encore réduit de
moitié. Cela devient presque donné, monsieur le président !
M. le président.
Nous verrons tout à l'heure si le Gouvernement est de cet avis !
(Sourires.)
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-212.
M. Jacques Oudin.
Comme pour le chocolat, tout à l'heure, ou pour le matériel destiné aux
handicapés, qui a d'ailleurs obtenu un succès que je salue, la restauration
revient à nouveau sur le tapis. Tout ayant été dit, je ne vais pas prolonger le
débat.
Il est une chose que je trouve paradoxale. Alors que la France est le pays de
la gastronomie, de la tradition culinaire, on applique le taux de TVA le plus
élevé sur les repas traditionnels, qui font notre réputation, et c'est la
restauration rapide - si elle a des qualités que personne ne nie, ce n'est
cependant pas le summum de la gastronomie ! - qui bénéficie du taux de TVA le
plus bas ! Ce n'est pas la meilleure publicité que nous faisons à notre pays,
première destination touristique du monde, et à notre gastronomie !
Arrêtons-là le lyrisme gastronomique, mais souhaitons qu'un jour le
Gouvernement accepte, s'agissant de cette demande que nous formulons depuis des
années, de nous fournir au moins une analyse claire et nette des conséquences
négatives de ce double taux sur nos entreprises de restauration et des effets
positifs qui pourraient résulter d'une harmonisation, que je qualifierai de
dynamique, de la fiscalité de ce secteur.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-55, I-152, I-57 et
I-212 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le ministre, nos collègues ont été très
convaincants, et j'ai peu à ajouter à leurs plaidoiries. Je partage leur
manière de voir.
L'an dernier, le Sénat, selon l'avis de sa commission des finances, avait voté
le principe du taux réduit pour le secteur de la restauration.
Je voudrais simplement, monsieur le ministre, ajouter une considération qui,
dans la phase où nous nous trouvons, relève du réalisme économique.
La restauration a pour particularité d'être une activité très « consommatrice
» de main-d'oeuvre. Un restaurant d'une cinquantaine de couverts, donc un
restaurant relativement petit, emploie une dizaine de salariés ; il faut en
avoir bien conscience.
Lorsque l'on aura besoin de faire revenir vers l'emploi des personnes qui en
auront été momentanément exclues, et tout particulièrement celles qui seront
peu qualifiées, la restauration sera l'une des branches ouverte à l'insertion.
Elle est donc un instrument extrêmement précieux dont nous ne devons pas nous
priver.
Tout à l'heure, en abordant ce débat, vous nous avez déclaré que l'incidence
d'une telle baisse sur les prix ne serait pas le même que dans les professions
du bâtiment. Vous avez provisoirement jeté le doute dans mon esprit, mais j'ai
vérifié une note de restaurant que j'avais encore en poche et j'ai pu observer
que, de même que pour les services d'un maçon, la TVA s'inscrit au bas de la
facture, ce qui est normal. Si, au lieu de payer une TVA de 19,6 %, on paye une
TVA de 12 % ou de 5,5 %, la différence sera, bien entendu, tout à fait
substantielle pour celui qui aura à s'acquitter de la note et on peut
s'imaginer que l'essor de cette activité se traduira par des embauches et des
emplois supplémentaires.
Sous l'angle du réalisme économique, il faudra certainement diminuer la TVA
qui pèse sur la restauration, monsieur le ministre. C'est une affaire de
conviction - la gastronomie a été très bien défendue - des représentants de la
France auprès de l'Union européenne, car nous savons bien que les règlements
pris en ce domaine requièrent l'unanimité des Etats membres.
Vous avez, tout à l'heure, évoqué le document de travail de la Commission ;
mais au-delà de la Commission, qui ne fait que préparer les positions des uns
et des autres, il reste à convaincre les plus réticents. C'est, je l'imagine,
le grand marchandage qui peut s'instaurer entre les nations selon la situation
spécifique de leur fiscalité ou leurs intérêts économiques.
Monsieur le ministre, le Sénat souhaite vraiment que vous vous engagiez à
défendre les professions de la restauration et que vous mettiez, à votre tour,
votre conviction, qui est grande, au service de cette cause qui le mérite.
Quant aux différents amendements, ils ne peuvent pas être adoptés lors de
l'examen de la première partie de la loi de finances pour des raisons liées au
déficit budgétaire que nous ne devons pas aggraver. Toutefois, à l'occasion de
l'examen de la deuxième partie, nous devrons, à titre symbolique, voter au
moins l'un de ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Sans reprendre ce
que j'ai dit tout à l'heure, permettez-moi de souligner à quel point ces
professions, comme d'ailleurs celles que nous avons abordées ce soir, sont
dignes d'intérêt et de soutien.
M. Philippe Marini m'a fait la gentillesse de dire tout à l'heure qu'il avait
été un instant non pas ébranlé, mais attentif à mon raisonnement, avant de
considérer que celui-ci n'était pas déterminant. Mais la facture de restaurant
que M. Marini nous dit avoir regardée n'a peut-être pas été établie récemment.
Sinon, il saurait que le fait de diminuer le taux de la TVA n'empêche pas de
remonter le prix hors taxe !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On a aussi intérêt à avoir un maximum de clients !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
D'ailleurs,
lorsque vous discutez avec des personnes très sympathiques exerçant ces
métiers, elles ne vous disent pas que, dans le cas d'une réduction de 19,6 % à
5,5 % du taux de TVA, l'intégralité de la différence sera répercutée sur le
client ! De ce point de vue là, elles sont donc parfaitement honnêtes. La
différence sera partagée entre le client et elles-mêmes, pour faire face à des
difficultés, aux dépenses de personnel, etc.
M. Christian Cointat.
Pour les 35 heures !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les clients,
quant à eux, souhaitent bien évidemment - c'est la logique de la TVA - que la
totalité de la différence leur soit répercutée comme dans l'exemple que vous
avez pris tout à l'heure, et qui a été si efficace d'ailleurs, de baisse de la
TVA pour le logement.
S'agissant de l'aspect financier, l'un de vos collègues faisait une
décomposition qui est discutée et peut-être discutable, à savoir que les taux
pourraient varier pour une même addition : 5,5 % sur le veau marengo, mais 19,6
% sur la bouteille de vin.
M. Denis Badré.
C'est ce que j'ai dit !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mais cela n'est
pas admis par tout le monde, et cela fait une base de 40 milliards en plus.
S'agissant, enfin, de l'aspect juridique, dont M. Marini a parlé, l'exemple du
Portugal, qui est souvent cité, n'est pas du tout déterminant. Si le Portugal a
pu bénéficier d'une dérogation, c'est parce que, avant 1991, ce pays
bénéficiait, vous le savez, d'un tarif réduit, ce qui n'était pas le cas de la
France. Il faut dire des choses juridiquement exactes !
A l'instar de M. Oudin, je considère qu'il s'agit d'une profession très
importante, à la fois en raison de son aspect touristique et - M. Marini et
d'autres collègues y insistaient - en tant qu'employeur de main-d'oeuvre. Ce
sont des gens qui travaillent beaucoup, qui se battent pour le développement
économique de la France. Je serai donc toujours à leur côté pour essayer
d'aller dans ce sens. Simplement, je ne suis pas persuadé - c'est un euphémisme
- que le combat sur la TVA soit celui qui leur permette d'aller le plus
facilement dans le sens de ce qu'ils souhaitent. C'est sur ce point que porte
notre divergence.
C'est la raison pour laquelle, outre les arguments financiers que j'ai
développés, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement. Mais
si l'esprit qui anime cette assemblée - et je comprends qu'il en est ainsi sur
l'ensemble des travées - consiste à dire que nous avons là des professionnels
de bonne qualité et qu'il faut les soutenir dans leur effort économique, quitte
à chercher de meilleures solutions, le Gouvernement est d'accord avec cette
orientation, même s'il n'est pas d'accord avec la proposition précise qui est
formulée ce soir.
M. le président.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-55 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Monsieur le ministre, un repas servi par un traiteur est taxé à 5,5 %, un
sandwich mangé sur place, à 19,6 %. Un repas pris dans un hôtel est taxé à 19,6
%, alors que le même repas livré par un traiteur dans le même hôtel est taxé à
5,5 %. C'est aberrant ! Nous ne pouvons pas rester dans cette situation.
Par ailleurs, nous avons largement parlé de la situation économique du secteur
en cause et nous avons évoqué, bien sûr, l'intérêt des consommateurs.
J'ai bien entendu le rapporteur général, qui, à l'instant, disait qu'il
souhaitait qu'en deuxième partie de loi de finances nous adoptions au moins un
amendement qui ait force de symbole et qui marque, auprès du Gouvernement, la
volonté politique de notre assemblée d'avancer, comme M. le ministre vient de
le suggérer, vers une solution, au travers de la dérogation, par la voie de
l'article 28. C'est possible ! Il suffit d'une volonté politique relayée par
les efforts du Gouvernement. J'espère que nous arriverons à conclure sur ce
dossier.
Cela dit, répondant à l'appel de M. le rapporteur général, je retire mon
amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-55 est retiré.
Monsieur Ferrand, l'amendement n° I-152 est-il maintenu ?
M. André Ferrand.
Je le retire également, monsieur le président.
Toutefois, après vous avoir écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le
ministre, je suis toujours prêt à prendre le pari que les restaurateurs
garderont par-devers eux une partie de l'économie ainsi libérée. En effet, ils
doivent affronter le problème des 35 heures, et cette mesure est bienvenue pour
les y aider.
M. le président.
L'amendement n° I-152 est retiré.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-57 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-57 est retiré.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-212 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
En écoutant attentivement les propos de M. le ministre, je me posais une
question : depuis des années que nous débattons de ce problème, que s'est-il
réellement passé en ce qui concerne l'adaptation de la TVA à la restauration ?
Rien ! Je vous crois sur parole, monsieur le ministre, lorsque vous dites que
vous êtes très attentif à ce problème. L'année dernière, votre prédécesseur
avait dit la même chose. D'autres avant lui l'ont dit également. Nous voulons
bien vous croire encore une fois. Nous reverrons la question en deuxième partie
de loi de finances.
Je retire mon amendement, mais il faudrait vraiment que, lorsque le
Gouvernement s'engage solennellement devant le Parlement, des mesures soient
prises d'une année sur l'autre.
M. le président.
L'amendement n° I-212 est retiré.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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