SEANCE DU 29 NOVEMBRE 2001
M. le président.
Je suis saisi par M. Vasselle, au nom de la commission, d'une motion n° 1,
tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
« Considérant que le présent projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2002 a été élaboré dans la plus grande improvisation, comme
l'atteste le dépôt par le Gouvernement d'un nombre élevé d'amendements
modifiant, en cours de navette parlementaire, la physionomie même du texte
initial ;
« Considérant qu'il confirme et amplifie les montages financiers et les
errements déjà dénoncés, les années précédentes, par la Haute Assemblée et n'a,
au total, pour objectif principal que d'accroître la contribution de la
sécurité sociale au financement d'une dispendieuse politique de l'emploi dont
l'Etat n'entend pas ou ne peut assumer la charge sur son propre budget ;
« Considérant que ces ponctions réalisées par l'intermédiaire du Fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale
(FOREC) dépouillent la sécurité sociale des recettes fiscales et des réserves
financières qui lui sont indispensables pour faire face à un avenir désormais
incertain ;
« Considérant que ces ponctions sont contraires aux engagements mêmes pris
par le Gouvermenent, selon lesquels le financement des allégements de
cotisations sociales patronales devait demeurer « neutre » pour la sécurité
sociale ;
« Considérant qu'elles se traduisent, en outre, dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002, par le recours à des procédés
dont la régularité même soulève de graves questions de principes ;
« Considérant, à cet égard, que l'imputation sur les comptes d'un exercice
clos, en l'occurrence l'exercice 2000, de l'annulation de la dette du FOREC à
l'égard de la sécurité sociale est contraire à tous les principes communément
admis de la comptabilité publique et privée ;
« Considérant qu'une telle imputation n'obéit qu'à des considérations «
d'affichage » politique, et ne saurait en aucun cas être justifiée, comme cela
a été affirmé par le Gouvernement, par le souci de "tenir compte de l'analyse
de la Cour des comptes" ; que le premier président de cette haute juridiction a
tenu à confirmer solennellement au président de votre commission que les
"dispositions contenues dans l'article 5 du projet de loi ne peuvent être
considérées comme reflétant la position de la Cour" ;
« Considérant que l'annulation de la dette du FOREC prive le régime général de
quinze milliards de francs de recettes au titre de l'exercice 2000, et le rend
ainsi lourdement déficitaire ; qu'elle modifie, ce faisant, profondément les
conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale déterminé
par la loi de financement pour 2000 et par la loi de financement pour 2001
agissant en tant que loi de fiancement rectificative ;
« Considérant, par ailleurs, que la nécessité toujours plus impérieuse, pour
le Gouvernement, de trouver les marges de manoeuvre nécessaires au financement
de sa politique le conduit à effectuer des prélèvements rétroactifs sur les
excédents 2000 de la branche famille ;
« Considérant que ces prélèvements ont notamment pour but de pallier la perte
de recettes, résultant, pour le fonds de réserve pour les retraites, des
diverses manipulations financières opérées, au cours des deux dernières années,
au profit du FOREC ;
« Considérant que ces prélèvements effectués, sans concertation, sur les
excédents de la branche famille privent celle-ci des moyens de mettre en oeuvre
une ambitieuse politique familiale qui fait aujourd'hui manifestement défaut à
notre pays ;
« Considérant que se mettent ainsi en place des circuits de dépenses, de
prélèvements et de recettes, parallèles aux objectifs de dépenses et aux
prévisions de recettes qu'il est demandé au Parlement d'approuver pour 2002 ou
de rectifier pour 2001 ;
« Considérant que, de ce fait, il convient de s'interroger sur la sincérité
des comptes soumis à l'examen du Parlement ;
« Considérant que, hors ces montages financiers, le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 ne contient rien qui puisse
s'apparenter à la définition et à la mise en oeuvre de véritables priorités de
santé publique, ni rien qui puisse résoudre le problème à venir des retraites
;
« Considérant qu'en première lecture le Sénat a profondément modifié le projet
de loi tel que présenté par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale
;
« Considérant qu'il a tout d'abord souhaité restituer à la sécurité sociale et
au fonds de solidarité vieillesse la totalité des recettes qui leur avaient
été, directement ou indirectement, « confisquées » au profit du FOREC ;
« Considérant qu'il a ainsi restitué, pour la seule année 2002, 30 milliards
de francs de recettes supplémentaires au régime général de sécurité sociale et
18 milliards de francs au fonds de solidarité vieillesse ;
« Considérant que, ce faisant, le Sénat a notamment rétabli les excédents de
la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse et restauré ainsi les
moyens, tant de mener une politique familiale ambitieuse que de contribuer à la
garantie des retraites ; qu'il a fait apparaître symétriquement l'ampleur de la
charge dont le budget de l'Etat s'est exonéré ;
« Considérant que, par ailleurs, le Sénat a su se montrer constructif en
examinant les dispositions du projet de loi relevant véritablement du champ des
lois de financement de la sécurité sociale ;
« Considérant qu'en première lecture il a ainsi adopté vingt-sept articles
conformes et qu'il en a amendé trente, notamment en faveur des travailleurs
victimes de l'amiante ;
« Considérant qu'il a également tenu à enrichir et à compléter le projet de
loi ;
« Considérant qu'il a ainsi souhaité favoriser la reprise d'un dialogue
confiant entre les professionnels de santé et la sécurité sociale, en
supprimant le dispositif des lettres-clés flottantes, système pernicieux,
absurde et injuste et donc, au total, inefficace ;
« Considérant qu'il a défini, dans la cadre du rapport annexé à l'article 1er,
les objectifs d'une véritable politique nationale dans le domaine sanitaire et
social ;
« Considérant qu'il a aménagé, dans un sens plus favorable, les règles de la
compensation entre régimes spéciaux d'assurance vieillesse ;
« Considérant qu'il a, en outre, prévu d'associer le conseil d'administration
de la Caisse nationale d'assurance maladie à la définition des conditions
d'utilisation de ses excédents ;
« Considérant, en revanche, que le Sénat a décidé de rejeter solennellement
l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ;
« Considérant que cette décision est d'une exceptionnelle gravité car cet
objectif constitue un élément central des lois de financement de la sécurité
sociale, dont les auteurs ont voulu, en 1996, qu'il exprime les priorités de
notre système de soins, telles que définies par le Parlement ;
« Considérant cependant que, dépourvu de tout contenu de santé publique,
l'ONDAM n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable, inévitablement contesté,
entre les contraintes financières de l'assurance maladie et le souci des
pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît notre système de soins ;
« Considérant que le Sénat s'est, dès lors, refusé à engager sont autorité en
approuvant un objectif pour 2002 dont le Gouvernement s'empresse, d'ores et
déjà, de s'affanchir ;
« Considérant que le Sénat a pris cette décision en toute connaissance de
cause tant la dérive observée depuis quatre ans lui a semblé traduire le
dévoiement de l'ONDAM et devoir être sanctionnée clairement ;
« Considérant que le dévoiement de l'ONDAM constitue, au même titre que le
financement du FOREC, un point de désaccord fondamental entre le Sénat et,
sinon l'Assemblée nationale, du moins la majorité qui soutient le Gouvernement
;
« Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, ne s'est pas
contentée d'acter ce désaccord essentiel ;
« Considérant qu'elle a rétabli l'ensemble des circuits financiers étrangers
aux enjeux de la protection sociale et qui constituent autant de détournements
et de manipulations des recettes de la sécurité sociale pour financer les 35
heures ;
« Considérant que ce rétablissement traduit une divergence fondamentale, et
irréductible, d'approche des deux assemblées sur cette question essentielle
;
« Considérant, de surcroît, que l'Assemblée nationale a non seulement rétabli
l'intégralité des dispositions contestées par la Haute Assemblée mais qu'elle a
écarté certaines des améliorations et corrections de bon sens apportées par le
Sénat, de même qu'elle a supprimé cinq articles additionnels dont il avait
souhaité enrichir le projet de loi ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a ainsi entendu signifier qu'elle
avait dit son dernier mot dès sa première lecture ;
« Considérant, en outre, que le Gouvernement a fait adopter par voie
d'amendement, en nouvelle lecture, une réforme considérable, à la fois par sa
portée et son volume, du cadre conventionnel régissant les relations entre les
caisses d'assurance maladie et les professions de santé ;
« Considérant que cet amendement a été déposé le 20 novembre, soit la veille
du débat en séance publique à l'Assemblée nationale sur la nouvelle lecture du
dernier projet de loi de financement de la législature qui s'achève ; qu'il n'a
pu de ce fait être examiné de manière approfondie par les députés et n'a pu
faire l'objet de la nécessaire concertation avec les professions concernées
;
« Considérant que cette réforme, par son ampleur et ses implications, avait, à
l'évidence, vocation à figurer dans le projet de loi initial, tel qu'il a été
déposé à l'Assemblée nationale le 10 octobre, et non à être adoptée en nouvelle
lecture, après réunion de la commission mixte paritaire ;
« Considérant, de ce fait, que l'on peut s'interroger sur la
constitutionnalité des conditions d'adoption de cette réforme par l'Assemblée
nationale ;
« Considérant, de surcroît, que cette réforme laisse subsister, pour les
professions non signataires d'une convention, le mécanisme des lettres-clés
flottantes que le Sénat avait supprimé en première lecture ;
« Considérant que le Gouvernement a ainsi confirmé qu'il entendait ignorer,
par principe, la contribution du Sénat sur ce projet de loi.
« Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, adopté par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture. »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de
l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes également, le président
ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je ne veux pas prolonger le débat et j'estime avoir, dans le
cadre de la discussion générale, défendu la motion tendant à opposer la
question préalable. Je relève seulement l'embarras et du Gouvernement et du
groupe communiste républicain et citoyen. Si Mme Guigou et M. Fischer ont
essentiellement centré leurs interventions sur le MEDEF, c'est en effet parce
qu'ils manquaient d'arguments pour contrer les propositions faites par le Sénat
en première lecture !
(M. Guy Fischer proteste.)
Nous considérons pour notre part que le MEDEF est un des partenaires sociaux
et qu'à ce titre il apporte sa contribution au débat social, mais ce n'est pas
parce qu'une proposition émane de lui qu'il faut considérer qu'elle emporte
nécessairement l'assentiment de la majorité sénatoriale ou de l'opposition à
l'Assemblée nationale.
M. Guy Fischer.
On ne vous a pas souvent entendu réagir !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je comprends donc votre embarras, et, à mon avis, il
constitue une raison supplémentaire d'adopter la motion !
M. Gilbert Chabroux.
C'est vous qui êtes embarrassés !
Mme Nelly Olin.
Il ne faut pas vous énerver, monsieur Chabroux !
M. le président.
La parole est à M. Chabroux, contre la motion.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
rapporteur, notre collègue Alain Vasselle, dans son rapport, a cité l'adage
selon lequel « il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ».
Cet adage me paraît bien s'appliquer à la situation dans laquelle nous nous
trouvons à l'occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2002, mais reste à savoir qui est sourd.
M. Vasselle et les membres de la majorité sénatoriale ne sont-ils pas sourds
et aveugles lorsqu'ils nient les résultats obtenus, l'équilibre retrouvé, en
restant muets sur la situation de 1997...
M. Nicolas About,
président de la commission.
Sourds, aveugles et muets, ça fait beaucoup
!
M. Gilbert Chabroux.
... et les 265 milliards de francs de déficit cumulé ?
Mme Nelly Olin.
C'est le Gouvernement qui est aveugle !
M. Gilbert Chabroux.
Ne font-ils pas preuve d'aveuglement en ne voyant dans le FOREC que les 35
heures alors que les allégements de charges au titre de la ristourne « Juppé »
sont beaucoup plus importants et qu'ils n'ont pas de contrepartie en termes de
création d'emplois ? D'abord, sont-ils pour ou contre ces allégements de
charges patronales ? Nous ne les avons pas entendu répondre à cette
question.
Mme Nelly Olin.
Vous êtes sourds !
M. Gilbert Chabroux
M. Vasselle et la droite sénatoriale ne sont-ils pas, par ailleurs, frappés
d'amnésie...
Mme Nelly Olin.
C'est vous qui êtes frappés d'amnésie !
M. Gilbert Chabroux.
... lorsqu'ils veulent supprimer l'ONDAM au mépris de la loi organique du 22
juillet 1996, dite la loi « Juppé », qu'ils ont votée et qui fait l'obligation
au Parlement de fixer un objectif national de dépenses d'assurance maladie ? Et
vous voudriez nous donner des leçons de constitutionnalité !
Maintenant, après avoir déversé des flots de paroles en première lecture - je
pense surtout à M. Vasselle - et cherché à tout détruire pour ne laisser qu'un
champ de ruines, vous vous estimez incompris, peut-être même outragés, et vous
désertez le combat, alors qu'il y a tant à dire sur l'avenir de la sécurité
sociale. Nous souhaiterions par exemple vivement vous entendre sur les
positions exprimées par le MEDEF à Strasbourg, voilà quelques jours. Il ne
suffit pas de dire : le MEDEF, ce n'est pas nous !
Mme Nelly Olin.
Nous, nous sommes parlementaires !
M. Gilbert Chabroux.
Nous souhaiterions aussi que s'engage un vrai débat sur l'article 10 A, qui a
été considérablement enrichi par le Gouvernement lors de la deuxième lecture du
projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Me permettez-vous de vous interrompre, mon
cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je vous remercie, monsieur Chabroux.
Ne nous parlez pas du MEDEF ! On ne peut pas à la fois se battre pour
instaurer le dialogue entre les partenaires sociaux et, lorsque l'un d'entre
eux fait une proposition, immédiatement accabler toute une partie de la classe
politique comme si elle était à l'origine de cette proposition !
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Il appartient aux partenaires sociaux de
débattre entre eux de leurs propositions. Mais, si le politique « s'amuse » à
immédiatement jeter à terre, à déformer, à transformer, à bafouer tout ce que
dit l'un des partenaires, comment voulez-vous que s'élabore un véritable
dialogue social ? C'est le mépris du dialogue social que nous entretenons ce
soir au Sénat !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Laissons au contraire le MEDEF discuter avec
ses autres partenaires ! Quand ils parviendront - ou ne parviendront pas - à un
accord, nous en prendrons acte. A ce moment-là seulement,...
M. Guy Fischer.
Ce sera trop tard !
M. Nicolas About,
président de la commission.
... nous aurons à jouer notre rôle, celui de
politiques responsables, et nous discuterons sans traiter le MEDEF comme si
c'était je ne sais quelle maladie !
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Guy Fischer.
Le MEDEF se veut acteur pour 2002 !
M. Nicolas About,
président de la commission.
En France, monsieur Fischer, il y a beaucoup
d'acteurs, et le MEDEF n'est qu'un de ceux-là. Le parti communiste et la CGT
aussi sont des acteurs, de surcroît actifs.
(Très bien ! et applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Monsieur Chabroux, veuillez poursuivre.
M. Gilbert Chabroux.
Je comprends un peu votre embarras...
Mme Nelly Olin.
Ah non ! Il recommence !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il n'y a pas d'embarras !
M. Gilbert Chabroux.
... et je note que vous êtes accablés par les positions du MEDEF.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pas du tout !
M. Gilbert Chabroux.
Ah ! Pas du tout ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Vous êtes obsédé !
M. Gilbert Chabroux.
Je vous ai sentis accablés. Ce serait bien de le dire, de l'exprimer
clairement : c'est tout ce que nous vous demandons !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Me permettez-vous de vous interrompre à
nouveau, mon cher collègue ?
M. Gilbert Chabroux.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances, avec
l'autorisation de l'orateur.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Monsieur Chabroux, je suis ravi que le MEDEF
donne sa position parce qu'il est un des partenaires sociaux et que c'est sur
cette vie entre les partenaires sociaux que se développe la démocratie. Je
n'accablerai donc pas le MEDEF. Par ailleurs, monsieur Chabroux, je ne me sens
pas « accablé » par les propositions du MEDEF !
M. Gilbert Chabroux.
Vous avez employé le terme !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je suis accablé par les comportements que
certains adoptent ici !
Mme Nelly Olin.
Oui ! Cela dépasse l'entendement !
M. Nicolas About.
Vous tuez le dialogue social avant même qu'il ne se soit instauré ! Cessez de
parler du MEDEF, d'autant que vous avez d'autres choses à dénoncer et que M. le
ministre est là pour entendre vos reproches !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Ce sont des éléments de débat que j'apporte et j'aurais souhaité qu'un débat
s'engage. Mais, en recourant à une motion de procédure, vous fuyez le débat
!
M. Nicolas About,
président de la commission.
Mais non !
M. Gilbert Chabroux.
Mais si ! Cela ne vous empêche pas pour autant de fustiger l'improvisation et
l'absence de concertation. Nous n'en croyons pas nos oreilles ! Faut-il
rappeler, à titre d'exemple de démocratie sociale, les conditions dans
lesquelles a été élaboré le plan Juppé ? Faut-il rappeler qu'il a mis dans la
rue des centaines de milliers de Français ?
M. Jean-Pierre Schosteck.
Parce qu'il n'y a personne dans la rue en ce moment ?
(Rires sur les
travées du RPR.)
M. Gilbert Chabroux.
Pas des centaines de milliers de Français ! Pas autant qu'avec Juppé !
Nous sommes très loin du compte !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous allez peut-être l'atteindre !
M. Gilbert Chabroux.
Il faut mesurer les dégâts du plan « Juppé » : nous essayons encore de les
réparer !
Vous nous accusez de porter un coup fatal à la cohésion sociale...
Mme Nelly Olin.
On se demande qui est aveugle !
M. Gilbert Chabroux.
... en dépouillant la sécurité sociale de recettes fiscales et de réserves
financières qui lui sont indispensables pour faire face à un avenir désormais
incertain - je vous cite -, mais quelle proposition faites-vous ? Je suis bien
obligé de reparler du MEDEF, car il fait des propositions.
Mme Nelly Olin.
Heureusement qu'il est là !
M. Gilbert Chabroux.
La seule alternative aujourd'hui, c'est celle qui est proposée par le MEDEF,
c'est-à-dire la fin du paritarisme et la privatisation d'une bonne partie de la
sécurité sociale. Cela mérite qu'on en parle ! Cela signifie, pour le risque
maladie, le recours à des assureurs privés, les entreprises choisissant avec
les salariés, sur appel d'offres, l'opérateur qu'elles jugeront le plus
efficace.
Bien sûr, le financement serait assuré uniquement par la CSG, car « il n'y a
pas de raison que les salariés et les entrepeneurs continuent à financer un
système qui profite à tous les Français ». Je répète que je ne fais que citer
le MEDEF, en espérant que vous réagirez à ses provocations et que nous aurons
un débat sur ce sujet. C'est tout ce que je souhaite.
Il en est de même en ce qui concerne la retraite avec la transformation de
tous les régimes de retraite en régimes par points strictement contributifs et
la mise en place des fonds de pension que vous appelez de vos voeux, et, cela,
je l'ai entendu à plusieurs reprises à propos de la loi Thomas et de son
abrogation !
Quant à la politique de la famille, le MEDEF s'en dégage totalement. C'est à
l'Etat, exclusivement, de la financer par l'impôt. Qu'en pensez-vous ?
Voulez-vous, comme le MEDEF, le développement de la concurrence, la
confrontation du secteur public et du secteur privé, la multiplication des
inégalités et la fin de la cohésion sociale, une sécurité sociale à deux
vitesses, comme l'a dit Mme la ministre, une politique sociale étriquée, figée
sur les privilèges des privilégiés ?
Il faut le dire. Il faut que les Français le sachent : il y a peut-être un
programme caché de la droite, celui du MEDEF !
M. Nicolas About,
président de la commission.
On va vous en parler !
M. Gilbert Chabroux.
Les Français, opposés à ce programme, attendent d'autres réponses.
Il faut améliorer la régulation du système de santé sans créer de
discrimination dans l'accès aux soins.
Il faut développer une politique familiale plus juste et plus solidaire. Il
faut introduire la souplesse qu'attendent les Français dans les conditions de
départ à la retraite. Il faut améliorer la réparation des accidents du travail,
en tendant à une réparation intégrale.
Cette politique ne peut s'appuyer que sur une sécurité sociale retrouvée,
bénéficiant d'un financement stable, durable et cohérent.
Il s'agit de pérenniser une politique sociale qui, depuis 1997, a fait ses
preuves, c'est-à-dire une politique de réduction des inégalités, qu'il s'agisse
de l'emploi ou de la santé et de la protection sociale, grâce aux
emplois-jeunes, à la loi contre les exclusions, aux 35 heures, à la CMU, à
l'allocation personnalisée d'autonomie, ainsi qu'aux lois de modernisation
sociale et de rénovation de l'action sociale et médico-sociale, qui seront
définitivement adoptées avant la fin de cette année.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ah ?
M. Gilbert Chabroux.
Nous l'espérons ! Elles seront de toute façon bientôt adoptées.
Cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale
aurait dû aussi nous donner l'occasion de discuter de la nouvelle architecture
conventionnelle - j'y reviens - destinée à améliorer et à réguler les soins de
ville. L'article 10 A a le mérite d'exister, et il ouvre des perspectives qui
mériteraient que nous engagions un débat au Sénat, comme cela a été le cas à
l'Assemblée nationale.
Nous aurions souhaité que le débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale aille à son terme et qu'il ait lieu dans la clarté, chacun
affirmant ses choix et ses convictions.
Pour le groupe socialiste, les choix ont été affichés, ils sont connus de
tous. Nous avons sans cesse chercher à atteindre l'objectif d'une solidarité
accrue entre les générations, entre les malades et les bien-portants, entre
ceux qui sont bien protégés et ceux qui l'étaient moins, et en faveur de toutes
les familles sans distinction, quel que soit leur statut juridique ou
social.
Je le répète, nos choix sont clairs, et les Français sont en droit d'attendre
de l'opposition qu'elle se prononce aussi clairement.
Nous ne pouvons donc que nous opposer à la motion tendant à opposer la
question préalable.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin.
Toujours le monopole du coeur !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je voudrais faire quelques remarques à la
suite de l'intervention de M. Chabroux.
M. Chabroux n'a d'autre argument aujourd'hui que le MEDEF...
M. Gilbert Chabroux.
Cela fait partie du débat !
Mme Nelly Olin.
Heureusement qu'il est là !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Je retiendrai, monsieur Chabroux, que, pour
vous, tout le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
s'est résumé aux choix du MEDEF, mais, puisque vous souhaitez parler du MEDEF,
allons-y !
Pourquoi, aujourd'hui, discutons-nous, discutez-vous, du MEDEF ? Parce que le
Gouvernement, par son action, a détruit le travail des partenaires sociaux, de
ceux qui géraient les caisses. Pourquoi le MEDEF a-t-il quitté les conseils
d'administration des caisses ? Parce que l'Etat « a piqué du fric dans la
caisse » pour financer les 35 heures, vous le savez très bien !
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Gilbert Chabroux.
Enfin, voilà une position claire !
Mme Nelly Olin.
C'est la vérité !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Bien sûr, c'est clair !
Monsieur Chabroux, vous n'avez pas dû assister au même débat que nous.
M. Jean-Pierre Masseret.
Classique...
M. Nicolas About,
président de la commission.
En effet, vous nous avez demandé à la tribune
quelles étaient les propositions du Sénat.
M. Gilbert Chabroux.
Les vôtres !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ce que nous proposons, c'est que l'Etat
remette dans la caisse ce qu'il y a pris !
Je sais que Mme la ministre s'est plainte que M. le rapporteur ait parlé trop
longuement lors de la première lecture.
Mme Nelly Olin.
Elle n'a pas écouté !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pourtant, son intervention n'a certainement
pas été assez longue, car sinon vous auriez compris que nous souhaitions que
les 30 milliards de francs en question soient reversés à l'assurance maladie.
Or qu'avons-nous constaté depuis quelque temps ? L'Etat n'a de cesse de lui
faire supporter des charges supplémentaires !
Par conséquent, nous proposons aujourd'hui de reverser l'argent dans les
caisses, pour permettre aux partenaires sociaux de se remettre tous ensemble à
l'ouvrage. Nous souhaitons en effet rétablir les conditions d'un dialogue
indispensable au fonctionnement de la sécurité sociale.
M. Gilbert Chabroux.
Grâce au MEDEF ?
Mme Nelly Olin.
Mais c'est fou ! Heureusement qu'il y a le MEDEF !
M. Gilbert Chabroux.
Vous vous référez au MEDEF !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Pas du tout, je viens d'évoquer un
fonctionnement normal de l'ensemble des branches de la protection sociale, en
particulier de l'assurance maladie. Je souhaite donc que l'on puisse restaurer
le partenariat entre tous les acteurs du champ social.
Par ailleurs, vous avez affirmé, monsieur Chabroux, que voter contre l'ONDAM
était anticonstitutionnel. Ah bon !
M. Gilbert Chabroux.
Oui, vous votez contre l'ONDAM ! Vous le supprimez !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Monsieur Chabroux, vous savez parfaitement
que l'ONDAM n'a été respecté que la première année, et encore n'est-ce pas
grâce à vous, bien au contraire. On ne peut donc, comme vous le faites, évoquer
sans cesse M. Juppé avec une certaine condescendance : ce sont ses successeurs
qui n'ont pas su estimer les véritables besoins et prévoir les dépenses en
matière de santé.
En outre, s'agissant de la négociation de la convention, vous savez fort bien
comment Mme la ministre conçoit la discussion avec le Parlement ! C'est après
la réunion de la commission mixte paritaire, à l'occasion de la deuxième
lecture à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement a présenté un amendement
sur ce point ! Ne s'agit-il pas là d'un profond mépris du Parlement...
Mme Nelly Olin.
Bien sûr !
M. Nicolas About,
président de la commission.
... et d'un refus de débattre, alors que l'on
sait très bien que la commission mixte paritaire a échoué ?
Cela étant, il ne faut effectivement pas, comme vous le disiez tout à l'heure,
monsieur Chabroux, être sourd, muet ou aveugle. Or vous avez malheureusement
démontré, par vos propos à la tribune, à la face de tous les Français, que vous
ne voyez pas que ce sont vos amis qui ont « piqué » dans la caisse de
l'assurance maladie !
M. Jean-Pierre Godefroy.
Non, ce sont les vôtres !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous ne voyez pas que ce sont eux qui
refusent la discussion conventionnelle !
M. Gilbert Chabroux.
Et les 265 milliards de francs de déficit !
M. Nicolas About,
président de la commission.
Vous ne voyez pas que ce sont eux qui ont
ruiné la relation entre les partenaires sociaux !
Pour toutes ces raisons, nous demandons au Sénat d'adopter la motion tendant à
opposer la question préalable.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du
règlement, la parole peut être accordée pour explication de vote à un
représentant de chaque groupe politique, pour une durée n'excédant pas cinq
minutes.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reprendrai pas l'ensemble des arguments excellemment développés par M. le
rapporteur et par M. le président de la commission des affaires sociales, mais
deux motifs justifient à eux seuls que nous rejetions le projet de loi de
financement de la sécurité sociale dans sa rédaction actuelle.
En premier lieu, l'avenir des retraites n'est pas assuré par ce gouvernement,
or l'échéance se rapproche : dès 2005, l'équilibre financier de l'ensemble des
régimes de retraite risque d'être remis en cause.
Comme nous l'avons vu au cours de la première lecture et, hier encore, lors de
l'examen de l'article 17 du projet de loi de finances pour 2002, l'alimentation
du fonds de réserve des retraites reste précaire et la source de financement
représentée par la vente des licences UMTS est en grande partie tarie. Quelle
que soit la future majorité gouvernementale, elle devra imaginer des solutions
autrement plus rigoureuses au problème du financement des retraites.
En second lieu, s'agissant de l'avenir démographique de notre pays et, par
conséquent, de notre système de protection sociale, ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale ne prévoit aucune mesure substantielle en
faveur des familles. Or le pouvoir d'achat de celles-ci baisse depuis plusieurs
années, et il est temps que les excédents dégagés au titre des allocations
familiales puissent être mobilisés en fonction des priorités des familles,
c'est-à-dire en faveur de l'amélioration du niveau des prestations, de la
création de places de crèche et de l'incitation à la garde des enfants à
domicile.
J'ajouterai que la politique de la santé manque de moyens, et je conclurai mon
intervention en citant Lamennais : « Si l'on peut en finir du passé avec
l'oubli, on n'en finit pas de l'avenir avec l'imprévoyance. »
Pour l'ensemble des raisons exposées, le groupe de l'Union centriste votera la
motion tendant à opposer la question préalable présentée par la commission des
affaires sociales du Sénat.
(M. le président de la commission des affaires
sociales applaudit.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi tout d'abord de déplorer le climat dans lequel s'est déroulé ce
débat : il y a eu mépris, agression verbale et agressivité. Je dois dire que
c'est la première fois en six ans que cela se produit, et ce n'est pas vraiment
digne d'un ministre.
M. Gilbert Chabroux.
C'est parce qu'il y a un nouveau rapporteur !
Mme Nelly Olin.
Non, monsieur Chabroux, ce n'est pas tout à fait cela. Je crois qu'il s'agit
là d'un manque de respect pour le Parlement et je tenais à le souligner.
Quoi qu'il en soit, le climat favorable créé par une croissance forte
permettant de minimiser la dérive des dépenses de notre système de protection
sociale cède la place aujourd'hui à une profonde inquiétude. Le ralentissement
de la croissance est déjà une réalité et aura des répercussions sur l'emploi et
les comptes sociaux, ce que nous ne pouvons que déplorer.
Faut-il pour autant se voiler la face et nier la réalité en ne tenant pas
compte de ces faits dans l'élaboration des comptes de la sécurité sociale ?
Nous ne le croyons pas, nous pensons au contraire qu'il faut préparer l'avenir
et engager les réformes nécessaires à la préservation de nos régimes de
sécurité sociale, auxquels nous sommes tous très attachés.
Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, tel que
l'Assemblée nationale l'a adopté en nouvelle lecture en supprimant la plupart
des dispositions adoptées par le Sénat, est bien loin de prévoir les réformes
indispensables.
Tout au contraire, les décisions prises s'agissant des circuits de financement
et les choix faits par le Gouvernement sont d'une exceptionnelle gravité, car
ils compromettent l'avenir de nos régimes.
Ainsi, il est grave de fragiliser l'équilibre financier de la branche dont la
situation est la plus préoccupante à court terme, à savoir la branche maladie.
Année après année, de réajustement des dépenses prévisionnelles en rebasage des
dépenses réelles, l'ONDAM a perdu toute signification et ne représente plus
aujourd'hui qu'une vague indication de dépenses à usage coercitif. Ce texte
prive donc la branche maladie de recettes significatives, alors même que ses
dépenses sont manifestement sous-évaluées. En dépit des milliards de francs
dépensés depuis cinq ans, notre pays n'a pas su se doter d'un véritable outil
de régulation des dépenses de santé équitable en responsabilisant tous les
acteurs du secteur.
Il est grave d'instaurer des sanctions financières systématiques pour les
laboratoires, sanctions qui se révèlent n'avoir aucune répercussion sur les
dépenses de médicaments, qui n'ont cessé d'augmenter. Nous ne pourrons pas
faire l'économie d'une véritable politique du médicament, fondée sur le service
médical rendu mais aussi sur un référentiel de prescriptions à réactualiser
dans l'optique d'une dynamisation des références médicales opposables.
Il est grave que le produit des taxes sur les consommations d'alcool et de
tabac, responsables de nombreuses pathologies et coûteuses pour la branche de
l'assurance maladie, soit désormais intégralement affecté au FOREC au lieu de
servir à financer une véritable politique de prévention permettant de lutter
contre les ravages causés par ces fléaux.
Il est grave que le Gouvernement ait décidé de ne pas compenser le déficit du
FOREC au titre de l'année 2000 pour un montant de près de 16 milliards de
francs, contrairement aux engagements passés et sous de faux prétextes de
transparence. La charge liée au passage aux 35 heures sera donc bel et bien
supportée par les régimes de sécurités sociale et non par l'Etat en 2000.
Il est grave que le Gouvernement ait rompu le dialogue avec les partenaires
sociaux, qui sont tous également sévères envers la politique qui est menée. Ils
ne semblent d'ailleurs guère convaincus par la conversion subite du
Gouvernement à la nécessité de renouer le dialogue social. Il est en outre
déplorable que la Caisse nationale d'assurance maladie en soit réduite à un
rôle subalterne, qui traduit bien le peu d'attention que le Gouvernement porte
aux partenaires sociaux.
Il est grave que seul le gouvernement français estime nécessaire d'attendre
pour réformer et adapter notre système de retraites, alors que quasiment tous
les pays européens ont engagé des politiques visant à tenir compte des réalités
démographiques. Même les hypothèses retenues par les études les plus favorables
ne tiennent plus, et personne ne peut croire un instant qu'une croissance
soutenue suffira à elle seule pour régler en douceur la question des
retraites.
Il est grave d'accaparer les excédents de la branche famille et de faire
supporter à celle-ci des charges indues, au mépris le plus absolu du
paritarisme et en violation du principe d'autonomie des branches. Ces choix
empêchent la mise en oeuvre d'une politique familiale plus volontariste et plus
audacieuse qui faciliterait l'accueil des enfants dans les familles et
permettrait de mieux faire face aux conséquences du vieillissement.
En fuyant ses responsabilités, le Gouvernement compromet l'avenir d'un système
de protection sociale que nous souhaitons sauvegarder.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera la motion présentée
par notre excellent rapporteur, M. Alain Vasselle, au nom de la commission des
affaires sociales !
(Applaudissements sur les travées du RPR, et de l'Union
centriste.)
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, en l'état actuel de notre débat, je ne crois pas qu'il soit
nécessaire de revenir sur le fond.
En effet, vous connaissez maintenant les arguments opposés par le Gouvernement
aux appréciations portées par la majorité de votre assemblée sur ce projet de
loi de financement de la sécurité sociale. Les divergences sont profondes, et
manifestements insurmontables pour le moment.
Ainsi, la majorité sénatoriale nous reproche de produire des excédents en
présentant des comptes inexacts. Je lui laisse la responsabilité de cette
affirmation, cependant je m'étonne que M. le président de la commission ait pu
employer l'expression : « piquer dans la caisse ».
M. Nicolas About,
président de la commission.
C'est certainement une expression abusive.
M. Gilbert Chabroux.
Tout à fait abusive !
M. Guy Fischer.
Dont acte !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je vous remercie, monsieur le président de la
commission.
Je répondrai une nouvelle fois que ces excédents sont réels et que le souci du
Gouvernement est d'en faire un usage qui permettre d'améliorer la protection
sociale de nos concitoyens.
Cela étant, madame Olin, je reconnais que le problème des retraites, qui a été
abordé, de différentes façons d'ailleurs, chez nos voisins, n'a pas été encore
convenablement réglé dans notre pays. Mme la ministre l'a relevé, et nous nous
efforcerons, ou vous vous efforcerez, de le faire.
(Sourires.)
En revanche, vous ne pouvez pas prétendre que nous ayons mis à mal
l'assurance maladie au travers de l'ONDAM. Cette accusation n'est pas
recevable, parce que les faits sont têtus. Elle l'est d'autant moins que nombre
d'études et de reportages sont réalisés par nos voisins européens sur
l'exception française en matière de prise en charge des soins. L'attitude de la
majorité sénatoriale sur cette question me paraît donc quelque peu
étonnante.
Certes, il est difficile de s'en tenir à une politique stricte s'agissant du
médicament, mais cela est vrai pour les gouvernements de droite comme pour les
gouvernements de gauche. En effet, des molécules nouvelles apparaissent, très
efficaces mais très coûteuses, et nous devons donc à la fois accepter et
financer les conséquences du progrès : je vous accorde que tout n'est pas réglé
à cet égard.
Ma position sur ce sujet est connue. Alors que, voilà quelques années, nous
étions fortement limités par la technique pour traiter certaines maladies que
l'on aborde différemment aujourd'hui, ce sont maintenant les finances qui nous
entravent. C'est vrai pour nous aujourd'hui et ce sera vrai pour vous
demain.
Il est presque miraculeux que le système tienne, grâce au efforts de tous.
L'excès des revendications, notamment en ce moment, devrait nous inciter à
réfléchir, les uns et les autres, sur l'excellence de ce système et sur
l'exception qu'il constitue. A force de considérer que, en France, il est
naturel de se faire soigner dans les meilleures conditions - et ce n'est pas
parfait partout, il existe des inégalités et il faut améliorer la situation -
on ne se rend pas compte que, jusqu'à présent, le système a tenu.
L'ONDAM a été respecté, a dit M. le président About. Certes, il l'a été, mais
une fois, l'année de sa création. Aussitôt après, il a dérapé, pour vous comme
pour nous. Ne soyez pas surpris, ce sera toujours ainsi. Ce que je voudrais
vous faire comprendre - vous avez compris depuis très longtemps d'ailleurs -
c'est que, en réalité, si nous continuons dans l'excellence approchée - ne
soyons pas trop arrogants - cela coûtera toujours un peu plus cher et nous
devons donc trouver un système d'ajustement. Or, ni vous ni nous ne l'avons
encore trouvé, mais nous nous en approchons.
S'agissant des dérapages, il faut rappeler que les soins représentent au total
1 000 milliards de francs par an dans notre pays. Il y a, en effet, des
glissements de temps en temps de l'ordre de 10 milliards ou de 20 milliards de
francs. Nous devons donc trouver un dispositif qui accepte cela ; nous ne nous
en sommes pas encore approchés.
Oui, l'ONDAM n'a pas été respecté cette année. Il a eu, en effet, mais sans
intention de dissimuler, des déplacements de sommes parce que les comptes
étaient excédentaires. Nous l'avons fait honnêtement et très politiquement.
Vous avez bien sûr le droit, vous l'avez manifesté, de ne pas accepter ce que
nous avons fait.
Je conclurai en disant simplement que, si la majorité sénatorial était suivie,
c'est-à-dire si cette motion était adoptée, des millions de Français seraient
privés d'un certain nombre d'avancées majeures qui figurent dans ce projet de
loi.
Madame Olin, vous avez fait allusion aux sanctions. Ce n'est pas nous qui les
avons inventées. Avant, elles étaient appliquées d'une autre manière, mais le
système était le même
(Mme Olin est dubitative)
. Je suis contre les
sanctions. Je l'ai toujours été. J'étais contre les sanctions sous le
gouvernement précédent. Je ne suis pas en faveur de ces sanctions-là et c'est
pourquoi nous sommes en train de les lever.
Dans cette proposition en trois temps ou en trois étages, qui comporte des
avancées en termes de forfait pour la santé publique, figure la levée des
sanctions. Voilà le dispositif que nous avons élaboré. Il n'est pas parfait,
mais nous le défendrons devant les Français dans un avenir proche.
Si votre motion était adoptée, que deviendraient la protection contre les
risques liés à la vieillesse et cette nouvelle manière de personnaliser et de
prendre en charge la perte d'autonomie ? Or, par ces mesures, nous aidons
vraiment les familles.
Il s'agit du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la
législature. Aussi, je regrette que vous votiez cette motion tendant à opposer
la question préalable. En effet, j'aurais préféré que, ensemble, nous allions
de l'avant. Mais, après tout, les Français jugeront !
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 203 |
Contre | 111 |
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
L'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)