SEANCE DU 1ER DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
les crédits relatifs à la communication : crédits du Conseil supérieur de
l'audiovisuel, d'aides à la presse et à l'audiovisuel inscrits aux services
généraux du Premier ministre ; article 47 et lignes 38 et 39 de l'état E annexé
à l'article 43.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Belot
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, c'est une grande chance que de pouvoir évoquer
en ces lieux, plus qu'en d'autres, la pensée, l'information, l'image, la beauté
!
Commentant les crédits de la presse, un grand hebdomadaire satirique a parlé
d'« aide exceptionnelle », qui s'élève à 7,2 % cette année, sans faire de
rapprochement avec quelque échéance que ce soit.
Quant aux responsables de presse que je rencontre, ils estiment que, si le
système est, dans la pratique, d'une complexité extraordinaire, ils ont avec le
temps, acquis le savoir-faire nécessaire, et que les aides qui leur parviennent
présentent un caractère globalement satisfaisant.
Ils expriment cependant une revendication qui porte sur le mauvais
fonctionnement du fonds de modernisation de la presse. Il est vrai que, si l'on
se penche sur les chiffres, on ne peut qu'être surpris par la situation quelque
peu exceptionnelle, sur le plan financier, que l'on découvre.
Vous le savez, il s'agit d'un compte d'affection spéciale alimenté par une
taxe sur certaines dépenses de publicité « hors médias ». Les crédits inscrits
pour l'an 2000 se sont élevés à 159 millions de francs ; cette année, ils
seront de l'ordre de 190 millions de francs. Mais je relève que le fonds
dispose actuellement de 392,7 millions de francs de crédits de report, soit
l'équivalent de six années de consommation effective ! Comme le ministre des
finances, mes chers collègues, nous aimerions tous avoir la même somme !
Une telle situation n'est pas convenable, et les responsables de presse ont
fait une proposition pour y remédier : il suffit de transformer les avances
remboursables en subventions définitives ! C'est en tout cas leur revendication
principale.
Vous le savez, une telle solution n'est guère saine : ou bien il s'agit d'un
fonds de modernisation, et l'on traite le problème de la presse comme on traite
ceux des autres entreprises, en lui apportant une aide dans des conditions de
financement exceptionnelles et peu coûteuses ; ou bien l'on change de logique
et l'on se met à subventionner, ce qui n'est pas conforme, je crois, aux
traités européens. La commission des finances du Sénat n'y est pas
favorable.
J'aborderai un autre sujet qui, bien que récurrent, a pris une acuité
particulière depuis 1998.
Nous vivions depuis bien longtemps dans un système dans lequel l'Etat
contrôlait tout, décidait qui payait quoi. Tant et si bien que les frais de
portage sont assumés, aujourd'hui, essentiellement par La Poste et par la
SNCF.
La Poste n'est pas dans une situation aussi brillante que nous le
souhaiterions, mais elle n'est pas en difficulté ; la SNCF, si. Et si le
tonnage transporté a baissé de 20 %, les sommes attribuées à la SNCF ont été
arbitrairement diminuées de plus de 60 % par Bercy. Jusqu'en 1998, le système
en vigueur était celui du paiement à la tâche. Depuis a été instauré un système
largement forfaitaire, mais qui va déclinant, puisque l'on est passé de près de
210 millions de francs à moins de 100 millions de francs.
Cela ne fait évidemment pas l'affaire d'une entreprise en sérieuse difficulté,
à laquelle on reproche par ailleurs de ne pas équilibrer ses comptes : elle
rend des services à la nation, mais elle n'a pas à le faire gratuitement, et
ce service devrait être justement rémunéré ; il ne l'est pas, car la
contrepartie accordée à la SNCF est très inférieure au prix de revient de la
prestation. La gestion de cette question, madame la ministre, n'est guère
orthodoxe et n'est pas conforme à l'usage actuel.
Un autre problème récurrent est celui de la distribution très matinale, sur
tout le territoire, de tous les titres de la presse nationale, conformément aux
prescriptions de la loi Bichet.
Ce système de distribution est en grande difficulté, car il n'est plus adapté
aux conditions actuelles. Et si je souscris totalement à la nécessité que les
Français connaissent toute la diversité de la presse, force est de reconnaître
que la distribution ne fonctionne pas de façon convenable ; pis, la situation
se détériore.
Un titre national qui n'est pas en place au point de vente à neuf heures du
matin ne se vendra guère. Or, pour citer un exemple que je connais moins mal
que d'autres, les journaux vendus à La Rochelle transitent d'abord par
Toulouse. Inutile de vous dire qu'ils parviennent rarement à l'heure et qu'un
grand nombre d'invendus est consciencieusement remis, le lendemain matin, aux
diffuseurs. Les limites de l'absurde sont parfois atteintes !
J'entends beaucoup de doléances de la part des marchands de journaux et
diffuseurs de presse qui, recevant très tardivement certains journaux, doivent,
le matin, répondre aux clients que tel titre n'est pas arrivé comme les autres
et, le lendemain, en renvoyer presque tous les exemplaires.
Il faut voir la vérité en face : aujourd'hui existe la possibilité de
télétransmettre instantanément les grands titres et de les imprimer près du
lieu de vente. Il faudra, un jour ou l'autre, en tenir compte.
Je souhaite, madame le ministre, que vous réfléchissiez à l'avenir du système
actuel, qui a le grand mérite d'exister, mais dont on peut se demander s'il n'a
pas fait son temps.
J'aborderai, enfin, le problème de l'Agence France Presse, dont on parle
beaucoup en ce moment et qui vient d'arrêter ses comptes.
J'ai commencé le contrôle sur pièces et sur place de son activité, et j'ai
rencontré - c'est tout à l'honneur de cette entreprise - des équipes qui font
un travail exceptionnel, loin de France, en particulier celle qui, à Hong Kong,
se mobilise, sous la direction de Pierre Lesourd, pour que soit connu le regard
de la France sur le monde. J'ai également eu la bonne surprise de constater que
cette équipe de l'AFP était prépondérante dans sa région : à elle seule, elle
représente plus de 50 % du marché de l'information dans le grand ensemble
asiatique, puisque sa zone d'activité va de l'Afghanistan au Japon, en passant
par l'Australie et Singapour. Il s'agit donc d'une superbe entreprise !
Quel décalage, madame la ministre, entre ce que l'on constate loin de France
et en France !
C'est un vrai sujet : cette entreprise sans statut actualisé, sans capital,
dont les clients siègent au conseil d'administration, doit - c'est sa seule
chance en l'état actuel des choses - retirer les bénéfices de ses activités
lointaines pour financer ses activités françaises.
J'ai le sentiment que le système est en bout de course. Je le dis
solennellement, tout en sachant que cela peut ne pas faire plaisir à la presse,
qui administre elle-même le service, mais ne le vend pas à son juste prix.
Il faut donc engager une réflexion afin que l'AFP devienne une entreprise
comme les autres, qui, comme ses concurrents, équilibre ses comptes avec ses
seules recettes, ce qui implique que, en France comme ailleurs, le service soit
vendu à son juste prix.
Je suis convaincu que l'AFP a des ressources humaines et une force interne -
je n'aurais pas dit cela, il y a un an, parce que je n'étais pas allé voir sur
place - qui lui permettront de faire des choses exceptionnelles.
L'AFP est un atout pour la France et il faut donc lui donner ses chances en la
dotant des structures adaptées.
Je sais que la presse est un monde difficile à faire évoluer parce qu'il a ses
habitudes, madame la ministre, mais il faut que vous vous attachiez à le
réformer, dans l'intérêt de notre pays et de la presse elle-même.
Ce projet de budget ne soulève pas notre hostilité, au contraire - nous
serions tentés de nous en remettre à la sagesse du Sénat -, mais il connaîtra
le sort réservé aux crédits des services généraux du Premier ministre,
c'est-à-dire, sans doute, un sort défavorable. Sans hostilité donc, je
souhaitais attirer votre attention sur des sujets importants.
J'en viens maintenant à un autre sujet d'importance : l'audiovisuel.
Je veux rappeler quelle est la philosophie tant de la commission des finances
que du groupe de travail que j'ai eu l'honneur de présider.
Ce groupe de travail a rencontré, pendant des mois et à de nombreuses
reprises, les responsables de l'audiovisuel à un moment où ce secteur bougeait
extrêmement vite. Il a, à l'unanimité, exprimé son attachement à l'existence
d'un audiovisuel public fort.
Il a donc souhaité, et la commission des finances avec lui, que l'audiovisuel
public dispose de moyens de fonctionnement suffisants pour exister dans un
monde où les problèmes qu'il rencontre se posent parfois en termes tout
simplement existentiels !
Je pense, par exemple, à cette triste affaire qu'a évoquée Mme la ministre de
la jeunese et des sports ce matin : les droits du Mondial. J'en ai discuté, il
y a quelques jours, avec Marc Tessier, à qui j'ai demandé ce qu'il comptait
faire. Il m'a dit la simple vérité : « Je n'ai pas les moyens de suivre ! »
Vous avez paraît-il, madame la ministre, en tout cas la presse l'a dit -
peut-être était-ce fondé, même si elle ne dit pas toujours la vérité -, « piqué
» une belle colère.
(Mme le ministre fait un signe de dénégation.)
Il ne faut pas se voiler la face : les budgets de l'audiovisuel public
deviennent extrêmement faibles par rapport à ceux de la concurrence privée, et
il ne sert à rien d'espérer un miracle dans ce domaine. Je le redis, il faut
voir la réalité en face. Tous les discours incantatoires n'y changeront rien :
même s'il y a des aléas boursiers, la capitalisation des grands groupes
français de l'audiovisuel représente des sommes des centaines de fois
supérieures à celles que pourrait recevoir France Télévision. Ainsi, une
augmentation - facile à réaliser - de 1 % du capital drainerait plus de fonds
que n'en rapportent les droits audiovisuels du Mondial.
Les recettes publicitaires ont été exceptionnellement bonnes en 2000. Elles
sont en train de fléchir, et tout le monde est touché, mais elles n'en auront
pas moins été très supérieures en 2001 à ce qu'elles étaient en 1999.
Pour l'audiovisuel public, les recettes proviennent de la redevance et de la
publicité.
Or il a été choisi - on peut en discuter, mais c'est ainsi - de limiter le
nombre d'écrans publicitaires. Ce choix est celui de la qualité, mais il n'a
pas entraîné un accroissement de l'audience et il a pour conséquence la
diminution des moyens de France Télévision, en particulier de France 2 et de
France 3.
Quant à la redevance, elle évolue comme elle peut !
Elle a été dynamique pendant des années parce que le Sénat a eu le courage de
dire un jour que les fichiers de la taxe d'habitation et de la redevance de
télévision devaient être recoupés, décision qui a été prise en 1993 et dont les
effets ont été très rapidement perceptibles.
Aujourd'hui, ces effets se tassent. Or, on parle maintenant de ne pas
augmenter la redevance au-delà d'un certain seuil, ce qui peut se comprendre,
voire - et c'est un débat qui est entretenu à l'Assemblée nationale par la
majorité qui vous soutient - de supprimer la redevance !
Ce n'est pas du tout dans cette logique que nous nous situons. La commission
des finances et le groupe de travail sur l'audiovisuel estiment, au contraire,
qu'il est indispensable, dans un esprit de liberté, qu'une recette soit
affectée à l'audiovisuel public et que celui-ci dispose des moyens nécessaires
à son fonctionnement.
Je crois que c'est aussi votre position, madame la ministre, et vous trouverez
au Sénat des gens pour vous soutenir.
J'ai effectué un contrôle sur pièces et sur place au service de la redevance,
à Rennes. J'y ai rencontré des fonctionnaires qui faisaient bien leur métier et
qui étaient très motivés. On ne leur reproche qu'une chose : un taux de
recouvrement d'environ 3,5 %.
Mais quel est le taux de recouvrement de l'impôt local ? Selon l'Etat, il
serait de 7 %, ce qui correspond exactement au taux de l'impôt. Plus le montant
de l'impôt est faible et plus le coût du recouvrement est élevé, en pourcentage
du moins, c'est évident.
Madame la ministre, quelles que soient les modalités retenues pour la
redevance, de grâce, faites en sorte que cesse ce débat et obtenez qu'une
recette continue à être affectée à l'audiovisuel public. Sinon, après le
Mondial, ce sera le tennis, puis toutes les grandes manifestations qui y
passeront !
J'espère par ailleurs que vous n'avez pas donné votre aval à la décision qui
vient d'être publiée au
Journal officiel
du 22 novembre.
Nous avions conduit, dans ces lieux, un combat pour que la recette de la
redevance, qui est donc une recette affectée, ne soit pas captée par Bercy et
fondue dans le budget commun. J'ai souvenir d'un combat commun avec Mme
Pourtaud, il y a deux ans et l'an dernier, pour que les excédents de la
redevance, excédents qui avaient été constatés et dont nous avions
connaissance, soient affectés à l'usage prévu et ne soient pas « banalisés ».
En loi de finances rectificative, nous avions obtenu gain de cause.
Prenons garde à ce que nous faisons. Le projet de loi de finances pour 2001 a
exonéré de la redevance les personnes non imposables âgées de plus de
soixante-dix ans. L'Assemblée nationale vient, en première lecture du présent
projet de loi de finances, de décider d'étendre l'exonération aux personnes de
plus de soixante-cinq ans : l'engrenage qu'elle a ainsi enclenché se retournera
contre l'audiovisuel public.
L'Etat, pour la première fois, il faut le savoir, a opéré une diminution des
crédits de 120 millions de francs, ce qui n'est pas rien : c'est presque le
montant de ce que nous avions réussi à affecter à l'audiovisuel public, il y a
deux ans, en loi de finances rectificative. Bercy a en effet estimé que le
montant des exonérations figurant en loi de finances initiale avait été exagéré
et qu'il fallait donc le diminuer.
C'est cela, madame la ministre, qui figure au
Journal officiel
du 22
novembre, et j'espère, je le répète, que vous n'avez pas donné votre aval à
cette opération - vous nous le direz tout à l'heure - car vous seriez alors
complice d'une mauvaise action à l'encontre de l'audiovisuel public.
C'est la parade de Bercy à la manoeuvre que nous avons réussie il y a deux ans
et l'an dernier. Maintenant, nous sommes « coincés » : Bercy pourrait être en
mesure d'utiliser les excédents de recettes de redevance pour compenser ses
réductions de crédits ; en d'autres termes, il n'y aura donc plus d'excédents
!
Un peu de travail nous attend donc en loi de finances rectificative pour
tenter de dégager des moyens pour l'audiovisuel public.
Je veux, enfin, évoquer quelques sujets d'actualité.
Le numérique de terre a été adopté au Parlement : c'est une décision de la
nation. Il ne faut pas qu'il se développe dans l'ambiguïté. Or il y a un grand
nombre de zones d'ombre.
S'agissant du calendrier, tout d'abord, on nous dit que le démarrage aura lieu
dès 2002-2003, mais pour qui ? Pour les grands émetteurs ? On sait qu'à cause
du relief l'introduction de la télévision analogique en France a exigé des
années. En outre, l'installation des nombreux réémetteurs locaux nécessaires
n'est que très partiellement prévue sur les dix prochaines années. Je tiens
cette information d'EDF, à qui j'ai demandé de me communiquer ses prévisions.
Contrairement à ce qui a été dit, de très nombreux Français - et pas seulement
ceux qui habitent dans le Massif central ou dans les Alpes - ne pourront pas
recevoir le numérique de terre pour des raisons techniques. Ce n'est pas très
encourageant !
Il faut aussi avoir le courage de se demander pourquoi, en Grande-Bretagne et
en Suède, le numérique de terre est une catastrophe financière. En Espagne, on
n'a pas trouvé d'opérateurs en nombre suffisant. Pour quelles raisons ?
On doit se poser la question si l'on ne veut pas commettre les mêmes erreurs,
et je crois qu'il est très urgent de le faire, madame la ministre.
Aujourd'hui, parmi ceux qui soutiennent le numérique de terre, il y a bien sûr
vous, madame la ministre, mais vous avez peu de moyens. On a estimé qu'il
fallait 1 milliard de francs, vous n'avez obtenu que 350 millions de francs,
dont je précise qu'ils ne figurent nulle part - en tout cas, je ne les ai pas
trouvés - dans le projet de budget.
Il y a aussi la télévision publique, mais Marc Tessier m'a dit - et je crains
qu'il n'ait raison - que les opérateurs des bouquets satellitaires et du câble
ne laissaient pas à celle-ci la place qui lui revenait.
Aujourd'hui, 4,5 millions de foyers, soit environ 15 millions de personnes,
reçoivent le numérique de terre. Il faut faire la part des choses entre les
voeux de l'
establishment,
qui trouve, bien sûr, que l'ordre établi est
le meilleur, ceux des « aspirants » - on sait qui ils sont - et ceux de la
télévision publique. Si celle-ci est, comme le dit Marc Tessier, maltraitée et
n'a pas la place qui lui revient, vous savez, madame la ministre, que nous
avons le moyen législatif de régler cette affaire et, pour ma part, je vous
soutiendrai.
Il faut que les chaînes publiques soient reçues sur le câble et sur le
satellite à la place qui leur revient, c'est-à-dire pas en trois cent
vingt-deuxième position ! Il faut résoudre ce problème parce que le numérique
terrestre ne peut, dans l'immédiat, être la solution, d'abord parce que la TNT
n'arrivera pas tout de suite dans les foyers, ensuite parce qu'elle n'y
arrivera que très partiellement. Dans combien de temps en effet la TNT
sera-t-elle une réalité sur tout le territoire français ? Dans longtemps !
C'est une première zone d'ombre.
Il y en a une autre : le frein mis au développement d'une vraie télévision de
proximité. Il faut le savoir, nous sommes l'une des dernières grandes
démocraties sans télévision de proximité véritable. On l'a vu pendant les
municipales - c'était peut-être intéressant pour les Parisiens, les Lyonnais ou
les Marseillais, mais un peu pitoyable - on nous a abreuvés de toutes les
informations possibles et imaginables sur Paris, Lyon et Marseille, à croire
qu'il n'y avait d'élections que dans ces trois villes ! S'il y avait eu une
télévision de proximité, les choses auraient sans doute été différentes.
Je vais assez souvent au Canada, dans la ville jumelle de la mienne : une
télévision de proximité y diffuse depuis vingt-trois ans, elle marche
remarquablement bien, avec de petits moyens mais beaucoup d'audience. C'est un
exemple dont il faudrait nous inspirer.
Quoi qu'il en soit, la télévision numérique de terre n'est pas une télévision
de proximité. On nous annonce que trois canaux d'un multiplex lui seront
affectés. Mais de tels moyens sont utiles pour couvrir un immense territoire,
il ne s'agit pas de télévision de proximité. Ce n'est pas la télévision-miroir
à laquelle les gens aspirent.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Claude Belot,
rapporteur spécial.
J'en ai presque terminé, monsieur le président.
Veuillez m'excusez-moi de m'être quelque peu attardé sur ce sujet, mais il est
important.
J'évoquerai enfin l'audiovisuel extérieur, dont la situation n'est pas bonne.
Nous disposons de superbes outils, notamment avec RFI ; quant à TV 5, cette
chaîne peut sans doute être améliorée, mais elle a le mérite d'exister.
Diffuser la voix et l'image de la France dans le monde entier est fondamental,
et nous sommes tous très attachés à cette composante de notre action
extérieure.
Toutefois, l'évolution de la technique joue contre nous et contre ces
entreprises. Ainsi, RFI éprouve de plus en plus de difficultés à trouver des
émetteurs en modulation de fréquence, car cela impose de passer des accords
locaux. Nous ne sommes plus au temps des grandes ondes et des ondes courtes !
En ce qui concerne TV 5, les rebonds satellitaires fonctionnent parfaitement,
mais il faut disposer de diffuseurs au sol, lesquels sont des entreprises
privées dans la quasi-totalité des cas. Ainsi, en Malaisie, l'opérateur du
bouquet satellitaire a exigé huit millions de francs avant de s'engager. On en
arrive alors à une situation absurde où l'on a dépensé beaucoup d'argent afin
d'assurer les rebonds satellitaires d'une chaîne que seule l'ambassade de
France peut recevoir ! Vous reconnaîtrez avec moi, madame la ministre, que cet
état de fait n'est pas satisfaisant et doit absolument évoluer.
En conclusion, l'ambiguïté, l'absence de moyens, le retrait arbitraire de
crédits - je vous renvoie à cet égard, mes chers collègues, au
Journal
officiel
du 22 novembre - font qu'il ne m'a pas été possible de proposer à
la commission des finances d'apporter son soutien à ce projet de budget. Il est
impératif de réussir, d'instaurer la clarté et de ne pas se borner à des
formules incantatoires, comme c'est parfois le cas. Telle est, monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, la position de la
commission des finances du Sénat.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la
communication audiovisuelle et la presse écrite.
Madame le ministre, lors
de votre audition par la commission des affaires culturelles, au nom de
laquelle j'ai l'honneur de rapporter, vous nous avez indiqué que la croissance
des aides à la presse serait, en 2002, de 7,2 % par rapport à l'année
précédente, ce qui confirme une forte augmentation depuis 1997.
On peut cependant, à l'instar de M. le rapporteur spécial, présenter les
choses différemment. En effet, les aides directes de l'Etat n'augmenteront pas,
en françs courants, en 2002, et le taux de croissance important des crédits
résulte du fait que la taxe sur la publicité hors médias, qui a été créée par
le biais d'un amendement parlementaire en 1998 et dont les recettes sont
affectées au fonds de modernisation de la presse, a enfin commencé à rendre ce
que l'on en attendait, même si l'on est encore loin du compte.
Si l'on considère le projet de budget comme un instrument permettant de
mesurer le volontarisme du Gouvernement à l'égard de la presse, vecteur
incontournable de l'expression pluraliste et ouverte à tous, on est en droit de
nuancer la présentation des crédits pour 2002 : au travers de l'examen de
quelques postes de dépenses, je vais donner l'éclairage de la commission des
affaires culturelles sur ces derniers.
En premier lieu, l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources
publicitaires augmentera de 1,2 % en 2002. Compte tenu des très graves
incertitudes qui pèsent à court terme sur l'avenir de certains journaux
émargeant à cette aide et de la fragilité de ceux-ci, il ne me paraît pas
certain que ce dispositif puisse permettre de répondre aux préoccupations de
l'heure. La dotation n'est, à mon avis, pas suffisante au regard de la
situation de la presse d'opinion.
En deuxième lieu, le fonds d'aide aux investissements multimédias ne recevra
aucune dotation en 2002. Voilà au moins qui est clair ! Vous nous avez indiqué,
lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, madame le
ministre, que le Gouvernement estime que les 10 millions de francs de
remboursement attendus permettront de répondre aux demandes présentées au titre
de ce fonds qui a déjà distribué, depuis 1997, 57 millions de francs.
Je rappelle à tous mes collègues que le fonds d'aide aux investissements
multimédias vise à aider les entreprises de presse à faire face aux importantes
mutations qui s'imposent à elles dans l'optique de la mise en oeuvre des
nouvelles technologies de l'information. Le dispositif d'aide attribuée sur
dossier a bien fonctionné, et il me paraît donc regrettable qu'aucun crédit
supplémentaire ne soit prévu pour 2002.
En troisième lieu, s'agissant de l'aide au transport spécial de la presse,
l'Etat a reconduit pour 2002 sa participation aux frais du transport postal au
niveau des exercices précédents, soit 1,9 milliard de francs ou 0,29 milliard
d'euros. Ce chiffre correspond, il est vrai, aux engagements pris dans le cadre
du contrat d'objectifs de La Poste. L'Etat prolonge son effort pour un an et
s'engage, en outre, à ne pas augmenter les tarifs postaux de la presse, dans
l'attente de la renégociation des accords entre celle-ci et La Poste.
Cela étant, vous n'ignorez pas, madame le ministre, que l'année 2001 a été
quelque peu calamiteuse pour La Poste, marquée partout en France par des
distributions et des tournées non effectuées : le président de La Poste, que
j'ai rencontré à plusieurs reprises, l'a reconnu. Les résultats de la gestion
de l'entreprise publique pour 2001, que nous connaîtrons au cours de l'année
2002, permettront-ils à celle-ci d'assumer la mission de service public dont
elle est chargée dans des conditions satisfaisantes pour la presse d'opinion ?
Il aurait été souhaitable que l'Etat se saisisse avec d'avantage de
détermination de ce dossier crucial. Il n'en a pas été ainsi : c'est un regret
que j'exprime au nom de la commission des affaires culturelles.
Si l'on considère ce projet de budget comme un instrument permettant de
mesurer la capacité de réaction du Gouvernement devant le contexte économique,
culturel et social, on est en droit de se demander si ce dernier ne manque pas
de dynamisme et d'imagination.
La situation est en effet préoccupante, et je suis sur ce point plus soucieux
que M. le rapporteur spécial. Après deux années satisfaisantes pour tous les
médias, l'économie de la presse est affectée, depuis 2001, par une récession
des investissements publicitaires dont on ne voit pas comment elle pourrait ne
pas se poursuivre au cours de l'année 2002. Ce ralentissement, qui était
perceptible bien avant le 11 septembre et qui a même précédé celui de la «
net-économie », nous fait redouter une fragilisation accrue de la situation de
la presse en 2002.
A cet égard, madame le ministre, vous avez voulu introduire une innovation,
que nous avons saluée, dans la gestion du fonds de modernisation de la presse,
en affectant une partie de ses ressources à l'aide à la distribution de la
presse quotidienne nationale d'information générale et politique, question
lancinante que les rapporteurs de la commission des affaires culturelles
évoquent chaque année. Les mesures annoncées sont positives, mais elles ont un
caractère temporaire, puisque la durée d'application prévue est de trois ans.
Or cette aide à la presse parisienne n'aura de sens que si le fonds de
modernisation de la presse est utilisé comme un instrument permanent de
compensation des surcoûts engendrés par la distribution à flux tendus : tel
est, bien sûr, le principe qui a été posé par la loi Bichet.
L'Etat pare intelligemment au plus pressé, sans régler le problème de fond,
mais peut-être pourrez-vous nous en dire davantage, madame le ministre, sur les
modalités de gestion de cette aide et sur l'objectif qui lui est assigné. La
commission des affaires culturelles du Sénat demandera néanmoins à être
associée, au cours de l'année 2002, au contrôle et au suivi de l'utilisation de
ce fonds.
En outre, j'aurais souhaité que le projet de budget puisse permettre
d'apporter d'autres modifications au fonctionnement du fonds de modernisation
de la presse. Je pense en particulier que, si cela se révèle nécessaire en
2002, nous devrons créer à partir de ce dernier un fonds d'aide aux quotidiens
nationaux à faibles ressources publicitaires, aux objectifs élargis.
J'en reviens ici à la première préoccupation que j'ai exprimée : il ne me
semble pas imaginable que des journaux puissent être contraints de cesser leur
parution au cours d'une année d'expression politique majeure, marquée par les
élections présidentielle et législatives. Je me devais d'insister sur ce
point.
Finalement, en ce qui concerne les aides à la presse, vous nous présentez,
madame le ministre, un bon exercice comptable, pertinent à bien des égards, sur
fond de réutilisation de crédits non consommés, de réaffectation de crédits de
fonds en expansion et de redistribution de recettes parafiscales. Tout cela
n'est ni très enthousiasmant ni très critiquable : ce projet de budget témoigne
d'une gestion un peu terne, mais sérieuse et habile. Comme vous le constatez,
madame le ministre, mes appréciations sur le traitement que l'Etat réserve à
cette activité indispensable à la qualité du débat public et au fonctionnement
de la démocratie sont balancées.
En conclusion, j'indique que la commission des affaires culturelles m'a
suivi en émettant un avis favorable à l'adoption des crédits de la presse pour
2002. Madame le ministre, nous ne vous délivrons pas un
satisfecit
global, mais nous espérons que, à l'avenir, vous ou vos successeurs
manifesterez un surcroît d'imagination et de volontarisme dans le climat
difficile qui va s'instaurer. D'autres défis attendent la presse écrite, et il
nous faudra ensemble les relever.
S'agissant maintenant du projet de budget de la communication audiovisuelle
pour 2002, j'exprimerai quelques divergences de vues avec M. le rapporteur
spécial, je rappellerai quelques chiffres, je poserai quelques questions et
j'émettrai quelques doutes.
En ce qui concerne tout d'abord les chiffres, les ressources globales des
organismes publics devraient augmenter, dans le cas où le marché publicitaire
serait conforme aux prévisions quelque peu optimistes qui ont été retenues, de
3,2 % par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances initiale pour
2001. Je rappelle, mes chers collègues, que cette progression atteignait 6 %
l'an passé.
Les ressources publiques - redevances et dotations budgétaires - augmenteront
quant à elles de 3,4 %, contre 10 % l'année précédente. Comme l'a souligné M.
le rapporteur spécial, le taux de la redevance croîtra de 1,8 %, après avoir
été stable en 2001.
Enfin, pour les ressources propres, l'objectif fixé marque une progression de
2,7 %.
L'impression générale qui ressort de l'analyse de ces chiffres est qu'il
s'agit d'un budget d'étape précédant le lancement de la télévision numérique de
terre, qui sera l'axe stratégique de l'audiovisuel public pour l'avenir. Ce
projet de budget s'inscrit, à nos yeux, de façon cohérente dans la politique
suivie depuis de nombreuses années pour le secteur de l'audiovisuel public.
Nous demeurons néanmoins dans l'expectative, car les temps ont changé. Je
rejoins ici M. le rapporteur spécial pour affirmer que 2002 sera, comme c'est
inscrit dans la loi, l'année de la télévision numérique de terre, ce qui
signifie qu'il faudra mobiliser des ressources importantes pour financer
l'audiovisuel public.
A cet égard, il est question de faire passer le montant de la redevance à 1
000 francs à l'issue de l'exécution des fameux contrats d'objectifs et de
moyens, en particulier de celui de France Télévision, sur lequel je reviendrai
plus tard puisque j'ai le privilège de siéger au sein du conseil
d'administration de cette entreprise. Je remercie, à ce propos, tous les
sénateurs qui m'ont désigné !
Cela étant, madame le ministre, nous souhaiterions connaître vos réponses à
quelques questions avant de nous prononcer.
Qu'en est-il des perspectives d'augmentation de la redevance ? C'est là un
sujet important : on a supprimé la redevance pour les véhicules à moteur, la
vignette, mais on a maintenu la redevance audiovisuelle. Pour ma part, j'étais
de ceux qui défendaient ces deux taxes. Nos concitoyens aimeraient savoir, à
l'occasion des débats budgétaires, ce qui leur sera demandé.
Or, aujourd'hui, nous examinons un projet de budget stationnaire, où ne figure
aucune information sur la façon dont sera abordée et financée cette aventure,
cruciale aux yeux de la commission des affaires culturelles, que sera la
télévision numérique de terre. Ces informations ne peuvent pour le moment être
trouvées que dans le contrat d'objectifs et de moyens, dont le conseil
d'administration de France Télévision a pu débattre voilà deux jours.
Ce projet de budget marque donc, à mon avis, plutôt une fin de parcours. Je
crains que notre discussion ne soit légèrement tronquée, car il serait
nécessaire de disposer déjà de quelques aperçus sur ce que seront les budgets
pour 2003, 2004 et 2005, cette dernière année constituant le terme de
l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévision.
D'après les informations qui m'ont été fournies lors de la réunion du conseil
d'administration de France Télévision - la loi prévoit d'ailleurs qu'à l'avenir
un rapport sur les contrats d'objectifs et de moyens sera présenté au Parlement
- la progression des ressources publiques pourrait atteindre jusqu'à 3,7 % par
an tout au long de la durée du contrat, qui s'achèvera, je le rappelle, en
2005. Cela signifie qu'il faudra bien parler de l'évolution de la redevance.
Mille francs ? Davantage ? Le temps est venu de le dire aux téléspectateurs.
Nous savons que les besoins de financement des chaînes vont augmenter
fortement. Je faisais allusion, voilà quelques instants, au coût du numérique
de terre. France Télévision l'évalue à 1,1 milliard de francs en régime de
croisière, sans compter l'investissement qui sera financé par la dotation de 1
milliard de francs que vous avez confirmée, madame le ministre, et nous le
notons.
Il y a aussi, mes chers collègues, et le rapporteur spécial avait déjà
souligné cet aspect l'an dernier, les conséquences financières de la RTT, la
réduction du temps de travail. En effet, la RTT s'applique partout. Evaluée
annuellement à 34 millions de francs pour France 2 et à 104 millions de francs
pour France 3, la RTT ne me semble pas avoir épuisé tous ses effets,
spécialement à France 3, puisque l'accord passé avec les syndicats est peu
exigeant au regard des gains de productivité.
Il y a, me semble-t-il, et c'est ainsi que cela s'est exprimé au conseil
d'administration, un hiatus entre les objectifs et les moyens de l'entreprise,
si une refonte de l'organisation du travail n'est pas engagée.
Or, mes chers collègues, il faut insister sur ce point, la réussite du
numérique de terre pour France Télévision n'est possible que si des gains de
productivité permettent de financer le projet. Les voies et les moyens ne sont
pas encore très clairs s'agissant de la manière dont pourra être dégagée une
économie de 1,3 milliard de francs sur la durée du contrat. Il s'agit, pour
s'exprimer de façon optimiste, d'une politique très volontariste, et je salue
le volontarisme du président Tessier. C'est néanmoins un beau défi lorsqu'on se
souvient, mes chers collègues, que la masse salariale de France 3, qui
représente 34 % de ses charges, a augmenté de 11 % entre 1999 et 2000.
Face à cela, quelle est la possibilité ? L'augmentation de la redevance ou
l'augmentation des recettes publicitaires, mais cette dernière est limitée par
la loi, comme cela a été voulu par le Parlement, plus précisément par
l'Assemblée nationale. Je tiens à souligner que la réalisation des objectifs
2002 est déjà improbable et qu'il conviendra de se demander si la publicité ne
risque pas de devenir, pour France Télévision, une ressource un peu plus
résiduelle que prévu, alors même que les besoins de financement sont
croissants.
On pourrait pousser plus loin l'analyse du contrat d'objectifs et de moyens,
mais vous n'avez pas eu la possibilité de le lire, mes chers collègues, et
comme, moi-même, j'en ai pris connaissance voilà deux jours seulement, je n'ai
pas eu l'occasion de vous en parler davantage.
Par ailleurs, je regrette, moi aussi, la modestie des efforts consentis en
faveur des organismes de l'audiovisuel extérieur. Madame le ministre, vous
n'êtes pas la principale responsable de cette situation. Néanmoins, je
considère qu'il faut accroître la coordination, comme le montre la couverture
des événements de l'Afghanistan par France 2, France 3, RFI et l'AFP. En effet,
l'absence de synergie laisse un « boulevard » à CNN et à d'autres chaînes qui
consacraient leur temps d'antenne à ces événements. Cette coordination et cette
synergie sont indispensables. La convergence des médias pourrait donner une
vigueur nouvelle à l'audiovisuel extérieur, qui est le parent pauvre de ce
budget.
S'agissant du numérique terrestre, je serai bref. Je soulignerai que la
commission des affaires culturelles avait pris l'initiative, avec les
présidents Gouteyron et Valade et le précédent rapporteur sur la communication
audiovisuelle, notre ami Jean-Paul Hugot, de soutenir le numérique
terrestre.
Je suis un peu plus optimiste que M. le rapporteur spécial. En effet, je
considère que l'arrivée des boîtiers numériques ou des téléviseurs numériques
est une condition incontournable du succès de cette technique. C'est le
téléspectateur qui fera la différence.
De ce point de vue, en dépit du fait que la loi a prévu de favoriser
l'attribution de fréquences aux services gratuits, ce qui peut être une
condition de réussite pour le numérique terrestre, tous les observateurs
estiment que l'équipement des ménages français ne sera vraiment assuré que si
des boîtiers décodeurs sont fournis, en prêt ou à des prix très bas, par des
éditeurs et des distributeurs de chaînes payantes.
Comment les services payants vont-ils financer l'équipement du public en
boîtiers décodeurs ? Je le rappelle, madame le ministre, mes chers collègues,
le rôle du distributeur commercial sera le pivot de la réussite de la
télévision numérique terrestre. Il faudra donc fournir des décodeurs et ensuite
encaisser des abonnements. Madame le ministre, vous le savez, il y a toute une
économie de la télévision numérique terrestre, que le Sénat souhaitait analyser
préalablement au vote du dispositif et que nous faisons finalement en toute
hâte, d'où la mission confiée au directeur général de la concurrence, qui
travaille donc actuellement sur le sujet.
Vous le savez, les interrogations de Canal Plus sont encore importantes.
Faut-il rappeler que le Gouvernement avait justifié son choix de faire
attribuer les autorisations d'utiliser les fréquences numériques service par
service - et on nous en avait beaucoup parlé ici - et non par multiplexe, en
invoquant « l'objectif de pluralisme et de diversité des opérateurs » ? Cet
objectif semble exclure manifestement la constitution de positions dominantes
dans la distribution commerciale. Je le répète : le Gouvernement, conscient du
problème - enfin ! - a confié via le ministère de l'économie des finances et de
l'industrie, le 18 octobre dernier, une mission sur l'économie de cette
question. Nous attendons avec intérêt les résultats de cette mission, auxquels
la commission des affaires culturelles sera attentive. Pour ma part, je propose
qu'un consortium, et non pas un distributeur unique, étudie cette question.
Enfin, et là je serai plus optimiste que M. le rapporteur spécial,
l'équipement des ménages sera la condition cruciale du lancement de la
télévision numérique de terre. La voie dirigiste que le Gouvernement a choisie,
et qui est différente de celle que proposait le Sénat en juin 2000, peut avoir
sa logique, sa cohérence et peut même être efficace, si le Gouvernement - et
vous avez répondu à une de mes questions sur ce point en commission, madame le
ministre - fixe de façon solennelle et irrévocable la date de la cessation de
la diffusion en analogique terrestre, afin de manifester sans ambiguïté
l'engagement de l'Etat en faveur de la télévision numérique de terre. Vous le
savez, mes chers collègues, aux Etats-Unis, les choses sont faites. En effet,
la FCC a dit que le basculement interviendrait en 2007. Tel est sans doute le
meilleur moyen d'inciter les constructeurs à lancer la production en grande
série, d'abord des décodeurs numériques peu chers - ils sont disponibles sur le
marché - ensuite, des récepteurs numériques à un coût accessible - ils le
seront demain. Il me semble nécessaire que les pouvoirs publics fixent
publiquement cette date, en 2007 au plus tôt ou en 2009 au plus tard. Etes-vous
en mesure, madame le ministre, de nous annoncer aujourd'hui cette décision ?
Ainsi, le vrai lancement de la télévision numérique de terre serait
souligné.
Je parlais de la voie dirigiste qu'a choisie le Gouvernement sur l'audiovisuel
public. Il m'a semblé - je saisis l'actualité - que vous vous y engagiez,
madame le ministre, de façon un peu hardie, et même inhabituelle pour vous
(Sourires,)
lorsque vous avez mis en cause, de façon un peu surprenante
à mes yeux, les modalités de diffusion des prochaines coupes du monde de
football.
Je lis, comme nous tous, les journaux. Je lisais, avant-hier,...
M. Michel Pelchat.
Le Bien Public
?
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Non, Canal Plus c'est
Le Figaro,
mais je
pourrais citer
Libération,
qui a fait paraître un bon article sur ce
sujet. Je lisais donc que « la chaîne cryptée Canal Plus fête un anniversaire
important à l'occasion du toujours attendu PSG-OM... ».
MM. Eric Doligé et Roger Karoutchi.
Score : 0-0 !
M. Michel Pelchat.
Nul en ce qui concerne tant le score que le match lui-même !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Nous l'avons suivi à la radio. Madame le ministre,
six cents matchs de division 1 ont été retransmis par la chaîne cryptée.
Michel Pelchat.
Et en D 2 ? Nous, nous avons la D 2 !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Or, aucun ministre n'a jamais trouvé à y redire. En
l'occurrence, s'agit-il d'une indignation sélective ?
L'ensemble du public doit avoir droit à ces événements. Si un problème de
concurrence se pose, votre collègue de l'économie, des finances et de
l'industrie, chargé de l'organisation de la concurrence, devrait intervenir.
Cette question est d'actualité. Nous l'avons posée tout à l'heure à Mme
Marie-George Buffet.
Je conclus. Ce projet de budget pour 2002 est globalement correct. Il
permettra d'assumer les missions.
Mme Danièle Pourtaud.
Quel enthousiasme !
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Je fais une analyse ! Cependant, il prépare de
façon incertaine l'avenir de l'audiovisuel public. Or 2002 est l'année de
lancement du prénumérique pour tous.
Compte tenu des doutes que la commission éprouve, des questions qu'elle se
pose, comme moi-même, mais aussi des chiffres du projet de budget, que j'ai
rappelés et qui, je tiens à le dire, ne sont pas mauvais, la commission des
affaires culturelles a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Bravo !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 18 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 9 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents,
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est àM. Pelchat.
M. Michel Pelchat.
Vous nous présentez, madame le ministre, un budget de la communication
audiovisuelle pour 2002 en augmentation de 3,2 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2001, soit près de 659 millions de francs. Vous
poursuivez ainsi les engagements que vous avez pris dans le cadre de la loi du
1er août 2000 relative à la liberté de communication. Cela ne peut que me
réjouir.
Mais, en analysant plus avant votre budget et, de façon plus générale, la
politique du Gouvernement en matière de communication, ma satisfaction première
est quelque peu amoindrie par les incertitudes qu'ils laissent planer sur
l'avenir de l'audiovisuel public. Je reprends un peu la même thématique que M.
le rapporteur pour avis.
A ce propos, j'insisterai seulement sur deux points que je juge aujourd'hui
primordiaux : tout d'abord, la question du financement de l'audiovisuel public
et, ensuite, l'enjeu que constitue le numérique terrestre.
Concernant le financement, je n'ai pas trouvé les modifications, pourtant tant
attendues, afin que soit renforcé et pérennisé le financement propre du secteur
public de l'audiovisuel.
Certes, la part de financement public est portée pour 2002 à 76,8 % de
l'ensemble du budget de l'audiovisuel public. Même si ce pourcentage recouvre
des disparités importantes selon les chaînes, on pourrait croire qu'une plus
grande liberté de programmation des chaînes publiques est ainsi assurée, ainsi
que leur avenir. Mais ce n'est pas le cas !
Vous le reconnaissez d'ailleurs implicitement par la réflexion que vous avez
engagée avec vos services sur « l'avenir du financement de l'audiovisuel public
».
L'an dernier déjà, vous nous en aviez informé et, début novembre, devant la
commission des affaires culturelles du Sénat, vous avez confirmé que vous
réfléchissiez à la création d'une autre recette publique complémentaire aux
recettes publicitaires et à la redevance.
Où en sont ces travaux ? Quelle recette envisagez-vous de mettre en place qui
ne soit ni un impôt ni une taxe supplémentaires ?
J'ai entendu dire que vous réfléchissiez à l'ouverture à la publicité
télévisée des « secteurs interdits », notamment la grande consommation. Mais
une telle décision ne manquerait pas de mettre en difficulté les radios privées
commerciales, dont plus d'un quart, voire un tiers des recettes proviennent
notamment de la publicité de la grande distribution, sans compter les effets
sur la presse écrite régionale.
Au lieu, donc, de prévoir des dispositifs qui ne consisteraient qu'à
déshabiller Pierre pour habiller Paul, qu'attendez-vous pour réformer le
système de la redevance, qui est totalement obsolète et qui présente un coût de
perception exorbitant ?
(Marques d'approbation sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Eric Doligé.
C'est vrai !
M. Michel Pelchat.
Rappelons qu'au 30 septembre 2001 - permettez-moi de rappeler ces chiffres,
que certains ici connaissent bien, car ils méritent de l'être - le service de
la redevance gérait quelque 22,5 millions de comptes. Or, selon l'INSEE, plus
de 29 millions de foyers sont éligibles à la redevance.
En conséquence, 29 millions de foyers possèdent un poste de télévision mais
22,5 millions de comptes sont enregistrés auprès du service de la redevance, y
compris les personnes exonérées.
Ce sont, par conséquent, près de 5 millions de foyers qui échappent aux
services de la direction générale de la comptabilité publique et autant de
recettes potentielles pour l'audiovisuel public qui ne sont pas perçues, et ce
à taux constant.
Vous connaissez la réforme de l'assiette de la redevance que je propose. Je
l'ai en effet déjà exposée à de nombreuses reprises. Elle est liée à
l'évolution technologique et consiste à simplifier l'assiette de la redevance
en retenant comme fait générateur non plus, comme aujourd'hui, le binôme «
poste de télévision » et « point de réception », mais simplement le « point de
réception », celui-ci étant un point potentiel de communication, quelle qu'elle
soit. Toute personne sera ainsi redevable de la redevance, qui deviendra
de
facto
« redevance de communication », au sens général du terme, y compris
pour la future télévision numérique terrestre avec toutes les possibilités de
liaison avec Internet et d'interactivité si celle-ci aboutit. Je reviendrai
tout à l'heure sur ce point particulier. Cette réforme serait une première
solution au sous-financement chronique dont souffre aujourd'hui le secteur
audiovisuel public.
Permettez-moi, au passage, d'exprimer mon indignation quant à la dernière
illustration du manque de moyens des chaînes publiques : je veux parler de
l'acquisition par TF 1 des droits exclusifs de retransmission en France de la
totalité des matches de la Coupe du monde de football de 2002 et des
vingt-quatre « meilleurs matches » de 2006, notamment ceux de l'équipe de
France, les quarts de finale, les demi-finales, voire la finale, si la France y
accède, comme nous l'espérons tous, et comme cela a été le cas lors de la
dernière Coupe du monde.
Quelle insulte pour notre secteur public de ne même pas pouvoir offrir à ses
téléspectateurs la retransmission des matches auxquels participera l'équipe de
France ! Je le répète, aucun match de notre équipe nationale ne sera retransmis
par la télévision publique française ! Quelle piètre image, convenez-en madame
le ministre, pour l'audiovisuel public ! Comment faire valoir, dans ces
conditions, la spécificité du secteur public et maintenir son audience face à
ses concurrents ? Voilà un point qui méritait, à mon avis, d'être soulevé.
Concernant maintenant le dossier du numérique terrestre, j'éprouve les pires
craintes, madame le ministre, quant à son avenir.
Le numérique terrestre est en soi un projet très ambitieux et potentiellement
plein de promesses. Mais, alors que l'audiovisuel public souffre déjà d'une
insuffisance de moyens, a-t-on prévu un budget approprié pour que le passage à
la télévision numérique terrestre des actuelles chaînes généralistes et la mise
en place de nouvelles chaînes soient une réussite ?
Vous avez prévu une dotation d'un milliard de francs, échelonnée sur plusieurs
années, avec un premier versement en 2002. Certains, ici et ailleurs, jugent
que le montant de cette dotation est « réaliste ».
Pour ma part, j'estime qu'il traduit un manque d'ambition et d'intérêt patent
dans notre pays pour le service public de l'audiovisuel, car ces moyens sont
nettement insuffisants.
Est-il besoin de vous rappeler que, au Royaume-Uni, une augmentation de la
redevance de deux milliards de francs par an pendant cinq ans a été prévue pour
assurer le développement du numérique hertzien ...
M. Louis de Broissia,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Michel Pelchat.
... et que, en Allemagne, ce sont trois milliards de francs par an qui sont
engagés dans ce projet ? Ces deux pays se situent déjà, dans le domaine de la
production, bien au dessus de la France, s'agissant du secteur public.
En outre, je persiste à penser, madame le ministre, que la procédure retenue
par le Gouvernement pour l'attribution des fréquences n'est pas la bonne, et
qu'elle constitue donc un handicap. Il eût mieux valu un opérateur par
multiplex, qui aurait dû remplir certaines obligations, notamment à l'égard des
nouveaux entrants.
Bien que tous les décrets ne soient pas, encore aujourd'hui, tous soumis à
l'examen du Conseil d'Etat, il est douteux qu'un nouveau gouvernement puisse
revenir sur vos décisions dans les mois qui viennent.
(M. Karoutchi
s'exclame.)
Un retour en arrière serait en effet impossible pour le
numérique hertzien, alors même que le processus engagé serait déjà très avancé.
Pourtant, rien ne sera effectif avant le milieu de l'année 2003. Je tiens en
effet à dire à cette tribune que, contrairement à ce que tout le monde indique,
y compris vous-même, madame le ministre, le numérique hertzien ne sera pas
opérationnel fin 2002 ! Les délais de mise en oeuvre de ce réseau, les délais
demandés par les constructeurs, les délais de réalisation des nouvelles
fréquences pour ces émetteurs et réemetteurs nous mèneront au mieux au milieu
de l'année 2003. Peut-être aurons-nous là une certaine liberté de revoir ce
dispositif. Mais je n'insiste pas, car nous aurons l'occasion d'évoquer à
nouveau ce sujet.
Je souhaite, par conséquent, si le système actuel devait aboutir, que le CSA
trouve la solution la moins mauvaise possible pour la composition intelligente
d'un système qui, malheureusement, est à mon avis néfaste pour le développement
de l'audiovisuel public.
Pour conclure, je voudrais brièvement aborder deux questions qui ne se
rapportent qu'indirectement à votre budget, madame le ministre.
Premièrement, s'agissant de l'appel à candidatures lancé par le CSA pour
l'attribution des neufs blocs de fréquences DAB en Ile-de-France, un problème
semble se faire jour. Le dispositif prévu par la loi de 1996, dite « loi Fillon
», arrive à échéance à la fin de l'année. Certains reprochent par conséquent au
CSA de définir les règles s'appliquant en matière de radio numérique en
transformant un appel à candidatures expérimental pour le DAB en lancement d'un
nouveau paysage radiophonique, sans que le Parlement ait eu à déterminer les
conditions d'exploitation de cette radio numérique en Ile-de-France.
Compte tenu des risques que pose ce dossier en termes de déstabilisation pour
le paysage radiophonique actuel et pour l'avenir du DAB, j'aimerais savoir,
madame le ministre, si le Gouvernement compte prolonger au plus vite le cadre
législatif permettant à cette technologie de dépasser le cadre expérimental, et
connaître votre position sur ce sujet.
Deuxièmement, s'agissant des quotas de chansons francophones sur les réseaux
radiophoniques, je tiens à vous remercier à nouveau pour le soutien que vous
m'avez apporté dans ce combat.
M. Henri Weber.
Ah !
M. Michel Pelchat.
Plus personne ne conteste aujourd'hui le bien-fondé de ces quotas. Je me
félicite, comme vous, je pense, de constater que 60 % des ventes en France sont
désormais constituées d'albums francophones.
Je souhaiterais toutefois attirer votre attention sur un oubli qui mérite
d'être réparé : il s'agit de la musique instrumentale produite par des
musiciens francophones qui, pour l'instant, ne bénéficie d'aucun quota et qui
se trouve donc un peu marginalisée sur les ondes radiophoniques. Je me demande
si un texte réglementaire ne pourrait pas pallier cet oubli.
Outre ces deux sujets annexes, votre projet de budget, madame le ministre,
comme je vous l'ai précédemment exposé, présente de trop nombreuses
incertitudes quant à l'avenir de l'audiovisuel public. C'est pourquoi le groupe
des Républicains et Indépendants votera contre ce budget.
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je serai un
peu plus direct que mes prédécesseurs.
M. Henri Weber.
Ah !
M. Roger Karoutchi.
Je ne parlerai pas du budget de la presse, n'ayant rien à ajouter aux propos
tenus en la matière par notre excellent rapporteur pour avis, Louis de
Broissia.
En revanche, s'agissant de l'audiovisuel, le budget qui nous est présenté ne
peut pas être considéré comme bon. C'est un budget à court terme, n'anticipant
pas sur l'avenir tant des structures actuelles de l'audiovisuel que sur le
choix du numérique terrestre.
Mme Danièle Pourtaud.
Les budgets sont annuels !
M. Roger Karoutchi.
C'est vrai, madame ! Mais le budget est une préparation, et, lorsqu'il ne se
prépare pas, c'est un échec !
Mme Danièle Pourtaud.
On s'en souviendra !
M. Roger Karoutchi.
Certes, le projet de budget pour 2002 en matière de communication
audiovisuelle est en augmentation. Est-ce suffisant ? Est-ce trop ? Ne faut-il
pas, avant que de parler chiffres, parler plutôt structures de recettes,
structures d'organisation ?
D'aucuns, et pas seulement à droite, estiment que, à l'occasion des réformes
pouvant être envisagées, la redevance pourrait être supprimée et remplacée par
une autre recette qui, semble-t-il d'ailleurs, est à l'étude ici ou là,
c'est-à-dire aussi bien dans les services du ministère que dans les formations
politiques, quelles qu'elles soient.
Mme Danièle Pourtaud.
Vous êtes bien informé !
M. Roger Karoutchi.
C'est donc le cas chez vous !
(Sourires.)
D'autres affirment que la suppression de la redevance n'est pas souhaitable,
car c'est l'unique ressource sûre et stable de l'audiovisuel public.
Soyons clairs : la redevance, dans son mode actuel, n'est pas le meilleur
système.
C'est un système coûteux, avec 482,5 millions de francs de coût de
fonctionnement. Le service de perception de la redevance a subi une
augmentation de ses coûts de 23 % en dix ans.
C'est un système archaïque : son utilité est remise en cause, la taxe n'ayant
plus de lien avec le monopole audiovisuel public, qui a disparu.
C'est un système injuste, car, que l'on soit RMIste ou très fortuné, on doit
s'acquitter du paiement de la redevance !
(M. Weber s'exclame.)
C'est un système compliqué à gérer. L'an dernier, sur 22 millions de dossiers,
on a dénombré 4,5 millions de réclamations, ce qui représente - vous le
reconnaîtrez - un taux de 20 % de réclamations.
Pourquoi, d'ailleurs, ne pas réfléchir à une nouvelle ressource qui fournirait
au secteur public les recettes nécessaires à son développement, en contrepartie
d'engagements fermes d'économies et de rationalisation ?
Il est vrai que cette réflexion débouche sur un débat qui, en général, fait
grand bruit : celui de l'avenir du secteur public.
D'un côté, il y a ceux qui prônent la privatisation de France 2 - quand il y a
débat, il porte en effet essentiellement sur France 2 - et, de l'autre, il y a
ceux qui pensent que l'existence d'un secteur public fort, organisé autour
d'une grande chaîne généraliste et populaire, est indispensable pour que
l'audiovisuel joue le rôle qui lui incombe : assurer une mission sociale,
culturelle et éducative.
Si l'on s'en tient effectivement à cette définition, on s'aperçoit rapidement
que la télévision publique, d'abord incarnée par France 2, ne respecte pas son
contrat.
La programmation et l'audience ne correspondent pas à ce que l'on est en droit
d'attendre d'une grande chaîne publique généraliste. L'information qui, dans le
secteur public, devrait être le point fort, est malheureusement le point
faible.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Non !
M. Roger Karoutchi.
Les émissions culturelles restent réservées aux insomniaques ou sont reléguées
aux enregistrements.
Quant aux émissions de variétés ou de jeux, elles ne paraissent guère
différentes de ce que l'on voit, sans redevance, sur les chaînes privées.
Mieux ou pire, avec le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de France
Télévision, qui va encadrer le service public jusqu'en 2005, il apparaît que la
télévision publique n'est plus tenue d'atteindre un quelconque résultat
d'audience.
Ce contrat d'objectifs et de moyens a vu le jour après plus d'un an de
tractations. Aujourd'hui, on comprend un peu mieux pourquoi, quand on mesure la
conséquence du volet financier : en plus du milliard destiné au financement du
projet numérique terrestre de France Télévision, l'Etat s'engage sur une
progression de la ressource publique de 3,1 % par an, plus une prime de 0,4 % à
0,6 % si France Télévision respecte ses engagements !
En fait, l'Etat actionnaire semble incapable, aujourd'hui, d'indiquer aux
dirigeants dans quel sens résoudre la contradiction entre la nécessité
d'attirer une large audience et l'obligation de proposer une programmation de
qualité.
Ce contrat d'objectifs et de moyens sera-t-il en mesure de redresser
l'audiovisuel public ? Sera-t-il un bon guide, un bon indicateur ?
Dans l'immédiat, il recense toute une liste d'engagements de France
Télévision, qui devra assurer la diversité et la spécificité des programmes en
soutenant la création, privilégier l'information, la découverte, le spectacle
vivant, les programmes régionaux, les sports et les programmes pour la
jeunesse. Vastes sujets ! Vastes débats !
L'autre problème auquel est confronté cette chaîne est évidemment d'ordre
financier : je veux parler de la limitation draconienne des recettes
publicitaires et de la prise de dispositions financières par la Commission
européenne, le 17 octobre dernier. En effet, dans ces dispositions, la
Commission fixe les règles de financement des chaînes publiques. Elle précise
dans quelles conditions les Etats pourront apporter des financements publics à
leurs organismes de télédiffusion. Elle demande aux Etats membres une
définition « claire et précise » de la mission de service public. Elle entend
que le financement public soit limité à ce qui est nécessaire à l'exercice de
la mission de service public. Elle a appelé cela le test de
proportionnalité.
C'est ce test qui risque de poser des problèmes à notre pays. Je rappelle que
des procédures ont déjà été ouvertes avant le 17 octobre contre la France et
l'Italie pour octroi d'aides publiques indues.
Je n'ouvrirai pas aujourd'hui un grand débat sur l'avenir de France
Télévision. Il serait, paraît-il, de mauvais ton d'envisager, dans cette
assemblée, de faire évoluer le service public ! Pour ma part, j'émettrai
quelques réserves quant à cette opinion : contrairement à nos rapporteurs, je
ne pense pas que le maintien du service public de l'audiovisuel dans sa
dimension actuelle ne puisse faire l'objet d'une remise en question.
M. Henri Weber.
Nous y revoilà !
Mme Danièle Pourtaud.
C'est TF1 qui va être contente !
M. Ivan Renar.
Et c'est pourquoi votre fille est muette !
M. Roger Karoutchi.
Mais non, ma fille n'est pas muette, je vous rassure, mon cher collègue.
(Sourires.)
Le dernier point que je souhaite aborder concerne le dossier du numérique
terrestre.
Depuis plusieurs mois, on assiste à un débat entre, d'une part, ceux qui sont
hostiles au lancement de la télévision numérique de terre, considérant que
notre pays ne détient pas le potentiel indispensable pour développer de
nouvelles chaînes publiques gratuites en dehors du financement public et
refusant de faire appel au contribuable pour forcer l'implantation de cette
télévision numérique et, d'autre part, ceux qui considèrent que ce rendez-vous
est historique, révolutionnaire et que la France ne peut ni le manquer ni le
retarder.
Sur ce point, je partage pleinement la position de mon collègue Louis de
Broissia, qui a affirmé la nécessité de ce numérique terrestre, mais qui a
aussi évoqué les risques d'échec économique.
Gardons à l'esprit que la télévision numérique par satellite en Europe a perdu
6 milliards d'euros en l'an 2000.
Nombre de questions se posent.
Commençons par les aspects purement techniques : on sait maintenant que 50 %
des antennes collectives, inadaptées, devront être modifiées et que, à Paris
notamment, 80 % des logements auront des problèmes de réception et devront
subir des travaux préalables.
Aucun test n'a été effectué non plus sur les risques de brouillage de la
réception télévisée des abonnés aux réseaux câblés.
L'un des avantages de la télévision numérique de terre, la « portabilité »,
qui consiste à pouvoir changer son téléviseur de place dans un rayon restreint
ne sera effectif ni en rez-de-chaussée ni au premier étage des logements
parisiens.
Les aspects commerciaux ne sont pas à négliger non plus : les Français
vont-ils vouloir s'équiper ?
En effet, comme notre collègue de Broissia le rappelait, seuls les foyers
équipés d'un téléviseur et d'un décodeur adéquats pourront recevoir cette
nouvelle télévision.
En Grande-Bretagne, 20 % des citoyens ayant bénéficié de décodeurs gratuits
contre la promesse d'un engagement pour un an résilient actuellement leur
abonnement. Qu'en sera-t-il en France ?
Vous me permettrez de penser que la gestion de ce dossier paraît bien légère
quand on se souvient que cette révolution technologique a été présentée au
Parlement sous la forme d'amendements de dernière minute, dans la loi relative
à la liberté de communication.
Nous n'avons disposé d'aucune étude d'impact qui aurait permis au Parlement
d'apprécier les coûts comparatifs de la télévision numérique terrestre par
rapport aux autres technologies possibles, les capacités comparatives de ces
différentes technologies pour la couverture du territoire ou encore la
répartition des coûts qu'engendre cette télévision entre les finances
publiques, les opérateurs, le consommateur et d'autres acteurs.
Le ministre de l'économie et des finances lui-même reconnaît ces incertitudes
puisqu'il a diligenté une enquête sur les conditions de distribution
commerciale du numérique terrestre auprès de la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Nous attendons avec impatience les résultats de cette enquête. Vous disposez
peut-être, vous, madame le ministre, d'estimations qui vous auront été
communiquées par le ministère de l'économie et des finances...
Il est clair que le Gouvernement doit d'abord tirer les leçons de son échec
sur l'attribution des licences UMTS et ne pas refaire les mêmes erreurs pour la
télévision numérique terrestre.
Les propositions, faites tout à l'heure à cet égard par Louis de Broissia vont
dans le bon sens.
Même si une fraction de cette assemblée fait semblant d'être
scandalisée,...
M. Ivan Renar.
Mais pas du tout !
Mme Danièle Pourtaud.
On apprécie le sens de la nuance !
M. Ivan Renar.
On peut sourire, tout de même !
M. Roger Karoutchi.
... ceux qui disent perpétuellement que rien ne doit changer ni dans
l'audiovisuel ni ailleurs sont peut-être aujourd'hui dépassés. Quelles seront
demain les conséquences de la télévision numérique terrestre en cas de réussite
? Quelles en seront les conséquences sur l'audience des différentes chaînes ?
Que deviendront toutes ces chaînes ? Combien de temps l'ensemble des Français
accepteront-ils qu'on leur dise simplement : « C'est ainsi ; les choses doivent
évoluer de cette façon ; il faut simplement envisager l'extension de la
redevance ! » ? Les Français sont en droit de demander s'il s'agit d'un impôt
juste, d'une taxe normale, si c'est bien le seul moyen de financer
l'audiovisuel public et si celui-ci ne doit pas avoir, au-delà du contrat ou de
la convention, d'autres obligations ?
Madame le ministre, votre projet de budget pour 2002 n'est pas mauvais en
lui-même, mais il ne prépare pas l'avenir et n'engage pas les vrais débats. A
sa lecture, nous ne pouvons envisager ce que deviendra l'audiovisuel public.
Dans ces conditions, nous voterons contre.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze
heures.)