SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, pour 2002, le projet de budget du ministère de
l'agriculture et de la pêche s'élève à 5,102 milliards d'euros, soit un montant
presque stable, la diminution étant de 0,08 %, par rapport aux dotations votées
pour 2001.
Toutefois, il faut tenir compte des modifications de la structure budgétaire
intervenant cette année et, notamment, de la budgétisation des crédits
auparavant inscrits sur le compte d'affectation spéciale intitulé : « Fonds
national des haras et des activités hippiques », à hauteur de 32 millions
d'euros. Au total, à périmètre constant, le budget de l'agriculture et de la
pêche diminue donc en réalité de 0,7 % en 2002 par rapport à 2001.
Pour être parfaitement exhaustif, il faut aussi rappeler les modifications de
crédits adoptées à l'Assemblée nationale : elles ont abouti à une majoration de
plus de 310 000 euros des crédits du titre III et de plus de 275 000 euros de
ceux du titre IV, ainsi qu'à une majoration des crédits du titre VI, en
autorisations de programme et en crédits de paiement, de 183 000 euros.
Ces majorations constituent certes, monsieur le ministre, des avancées
significatives, mais elles ne sont pas suffisantes pour apaiser les inquiétudes
de nos agriculteurs.
Je m'étonne que, dans le contexte actuel de crise sans précédent du secteur
agricole, le projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche soit
l'un des seuls à connaître une diminution cette année.
Lors de la présentation du projet de budget de votre ministère pour 2002, vous
avez, monsieur le ministre, développé quatre axes prioritaires : la qualité et
la sécurité des produits alimentaires ; la multifonctionnalité de l'agriculture
et de la forêt ; le soutien des filières et la régulation des marchés ; la
formation et la recherche.
Il m'est apparu, en analysant les crédits destinés à financer chacune de ces
priorités, que le budget de l'agriculture et de la pêche était, cette année,
bien plus destiné à répondre aux attentes et aux craintes, certes légitimes, de
la société dans son ensemble en matière de sécurité sanitaire et alimentaire
qu'à apporter des réponses aux préoccupations des agriculteurs et des solutions
aux crises sans précédent que traversent certains secteurs.
A cet égard, les mesures d'accompagnement des secteurs en crise ne m'ont pas
paru suffisantes dans le projet de budget pour 2002.
La filière bovine notamment se trouve aujourd'hui dans une situation
dramatique.
Des mesures ont, certes, été prises par le Gouvernement en faveur de la
sécurité sanitaire et alimentaire, comme la décision d'interdire totalement
l'usage des farines animales dans l'alimentation animale et la mise en place
d'un système d'épidémiosurveillance efficace, et les crédits destinés aux
mesures de surveillance et d'éradication de l'encéphalite spongiforme bovine,
l'ESB, sont en augmentation pour 2002. Il n'en reste pas moins que les
éleveurs, dans leur grande majorité, restent confrontés à de graves difficultés
financières.
La chute des cours, couplée à la fermeture des débouchés pour les animaux, a
entraîné des pertes de revenus très importantes pour les exploitations.
Aujourd'hui, ce sont les éleveurs de race à viande qui sont les plus
pénalisés, la chute des prix des broutards ayant, par exemple, atteint près de
30 %. En moyenne, les cours à la production ont diminué en un an de 25 % à 30
%, avec pour conséquence une dégradation inquiétante, voire dramatique, du
revenu des éleveurs.
Les éleveurs de vaches de race allaitante, eux aussi, sont désormais concernés
par la chute des cours de la viande. Ils sont confrontés à de graves
difficultés de trésorerie et on estime qu'une exploitation sur quatre est
menacée de faillite dans le secteur allaitant.
Le 17 octobre dernier, vous avez présenté, monsieur le ministre, un plan de
soutien aux éleveurs touchés par la crise. Les principales mesures annoncées
sont la mise en oeuvre d'outils de gestion du marché et celle d'une nouvelle
politique des prix et de la consommation. Toutefois, les mesures relatives à la
situation financière des éleveurs sont décevantes.
Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'un « travail d'évaluation était en
cours pour mesurer et identifier au mieux les difficultés réelles et les
catégories d'éleveurs les plus touchés ». Les résultats de cette étude ne
devraient être connus qu'en toute fin d'année. Pouvez-vous cependant nous en
dire plus aujourd'hui ?
Ainsi, quels sont les premiers résultats de l'enquête menée par les directions
départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, pour le ministère
sur la situation de la filière bovine ? Quelles sont les catégories d'éleveurs
et les exploitations les plus touchées ? Des mesures d'aides directes aux
éleveurs vont-elles être mises en oeuvre et, si oui, quand le seront-elles ?
Autre secteur en crise et qui aurait mérité une plus grande attention de votre
part dans le projet de budget pour 2002, monsieur le ministre : la
viticulture.
Le secteur de la viticulture est confronté depuis deux ou trois ans à une
crise importante résultant, notamment, d'une désaffection des consommateurs
français, touchant tant les vins de table que les vins à appellation d'origine
contrôlée, d'un accroissement de la concurrence internationale exercée par les
producteurs des pays émergents ainsi que d'une augmentation de l'offre
française et communautaire.
La consommation a diminué de 5 millions d'hectolitres en trois ans en France
et elle régresse aussi en Europe. Les perspectives de croissance du marché
mondial ne permettent pas de compenser à court terme les pertes de débouchés.
En outre, la chute des ventes a entraîné une baisse des prix du vin de l'ordre
de 30 %, ce qui a contraint les coopératives à diminuer les acomptes versés à
leurs adhérents.
Alors que la nouvelle organisation commune des marchés vitivinicoles est
entrée en vigueur le 1er août 2000, il paraît donc nécessaire que des mesures
de dégagement du marché soient mises en oeuvre afin de permettre à celui-ci de
se rétablir et d'offrir des prix rémunérateurs aux producteurs.
De même, la restructuration de l'aval de la filière, aujourd'hui atomisée face
à des acheteurs concentrés et aux concurrents de la France, doit être
encouragée et soutenue.
Dans ce contexte, je ne peux que regretter que les dotations du chapitre 44-53
relatives aux interventions en faveur de l'orientation et de la valorisation de
la production agricole, notamment les crédits destinés aux organismes
d'intervention, restent stables par rapport à 2001. Il me semble que des moyens
supplémentaires importants auraient dû être alloués aux deux offices
principalement concernés : l'Office national interprofessionnel des viandes, de
l'élevage et de l'aviculture, l'OFIVAL, dans l'optique notamment d'une relance
de la consommation de la viande bovine, et l'Office national interprofessionnel
des vins, l'ONIVINS.
Vous avez cependant promis, monsieur le ministre, le 25 septembre dernier,
lors de la présentation de votre plan d'adaptation pour la viticulture,
d'attribuer dès cette année 115 millions de francs à l'ONIVINS en vue de
soutenir l'amélioration des structures de production et de vinification.
Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui cette information et nous préciser
l'origine budgétaire de ces nouveaux crédits pour l'ONIVINS ?
De même, l'analyse des crédits du projet de budget de l'agriculture montre que
les mécanismes d'aides aux agriculteurs ne sont pas renforcés : ainsi la
procédure des aides aux agriculteurs en difficulté, dite procédure « Agridiff
», voit sa dotation reconduite à l'identique, alors que les difficultés
rencontrées par les agriculteurs auraient mérité que soit consenti un effort
réel pour ces chapitres budgétaires. La dotation du FAC, le fonds d'allégement
des charges financières des agriculteurs, est reconduite quant à elle à hauteur
de 30,5 millions d'euros. Ces dotations me semblent insuffisantes au regard des
importants besoins des exploitants en matière de prêts et de soutiens
financiers, notamment dans le secteur de l'élevage bovin. Enfin, la baisse des
crédits consacrés à la bonification des prêts à l'agriculture, qui atteint 40
%, environ, ne fait que corroborer l'impression d'un soutien fuyant aux
agriculteurs en difficulté.
Au-delà de ces secteurs en crise qui font l'objet de mesures d'accompagnement
à mon sens inadaptées, je tiens également à souligner l'existence de secteurs
délaissés cette année par le ministère de l'agriculture et de la pêche, au
premier rang desquels figure la forêt.
Alors que les deux assemblées parlementaires avaient réussi, en travaillant de
concert, à élaborer la nouvelle loi d'orientation sur la forêt du 9 juillet
2001, force est de constater que la forêt n'apparaît plus, dans le présent
projet de budget, comme une priorité pour votre ministère.
Les crédits dévolus en 2002 à la « gestion durable de la forêt » sont en nette
diminution par rapport à 2001. Au total, les dépenses prévues au titre de cet
agrégat s'élèvent pour 2002 à 334,4 millions d'euros, contre près de 368
millions d'euros en 2001. Cette baisse concerne à la fois les dépenses
ordinaires, à hauteur de 7 %, et les dépenses en capital, avec une diminution
de 15,5 % pour les crédits de paiement et de 21 % pour les autorisations de
programme.
En 2002, les baisses affectent notamment les engagements pris à la suite des
tempêtes de décembre 1999 bonification de prêts, travaux de nettoyage et de
reconstitution des forêts sinistrées - modernisation de la première
transformation et de l'exploitation forestière - les mesures forestières en
agriculture, ainsi que la prévention des risques d'incendie et les opérations
de protection. Cette diminution des crédits consacrés à la politique forestière
m'inquiète vivement dans un contexte qui reste encore très marqué par le drame
des tempêtes de la fin de 1999.
Un autre secteur délaissé est celui de la politique de la montagne. Cette
dernière a vu cette année la mise en oeuvre de la réforme des indemnités
compensatoires de handicap naturel, les ICHN, désormais attribuées à l'hectare
de superficie fourragère, en application du règlement communautaire «
développement rural ».
Or la dotation pour les ICHN prévue dans le projet de budget pour 2002 est
reconduite à l'identique par rapport à 2001, à hauteur de près de 427 millions
d'euros, en prenant en compte le cofinancement communautaire, qui représente un
montant de 195,7 millions d'euros sans inclure les crédits communautaires. Vous
vous étiez pourtant engagé, monsieur le ministre, en octobre 2000, à porter ce
montant à 3 milliards de francs dès 2001, participation communautaire comprise.
Par la suite, cette échéance avait été repoussée précisément à 2002 et, lors de
la discussion de ce projet de budget à l'Assemblée nationale, vous avez pris
solennellement « l'engagement au nom du Gouvernement, soit par la dotation
budgétaire de 1,4 milliard de francs, soit par des reports et des
redéploiements » au sein de votre budget, « d'honorer » votre « engagement ».
Vous semblez prendre beaucoup d'engagements, monsieur le ministre,...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je les tiens !
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
... mais dites-nous clairement comment vous comptez
tenir celui que vous avez pris s'agissant des crédits de la montagne.
L'année dernière, j'avais vivement critiqué le dispositif des contrats
territoriaux d'exploitation, les CTE, et j'avais mis en évidence l'échec de sa
mise en place. Cette année, force est de constater que, après un démarrage
manqué, le dispositif a connu une certaine montée en puissance, bien en deçà
cependant des objectifs initialement fixés par le Gouvernement : pas plus de 20
000 CTE auront été signés d'ici à la fin de l'année, alors que l'objectif était
de 50 000 contrats à la fin de 2000 et de 100 000 à la fin de 2002.
Je m'interroge donc sur la légitimité de l'augmentation de la dotation du
fonds de financement des CTE inscrite dans le présent projet de budget et je
constate que cet instrument reste très contesté, surtout s'agissant des
objectifs visés : la principale critique formulée à l'encontre du dispositif
concerne en effet leur caractère trop ambitieux, qui tendrait à faire des CTE
un outil de réorientation totale de la politique agricole. La complémentarité
entre le volet économique des CTE et les adaptations sociales et
environnementales est inexistante, et l'accent mis sur la dimension
socio-environnementale de ce dispositif a contribué à gripper la mécanique dès
le départ.
Enfin, ma dernière observation, monsieur le ministre, portera sur l'impasse
dans laquelle se trouve aujourd'hui la politique d'installation : le nombre
d'installations aidées de jeunes agriculteurs est, en effet, passé d'environ 10
000 en 1997 à 6 314 en 2000. En 2001 cette tendance semble se confirmer
puisque, pour le seul premier semestre, les demandes présentées au titre des
dotations aux jeunes agriculteurs, les DJA, sont en diminution de 6 %.
A cet égard, les crédits destinés pour 2002 à favoriser l'installation des
jeunes agriculteurs connaissent une baisse sensible, liée, selon le ministère,
aux évolutions démographiques constatées ces dernières années. Ainsi, les
crédits affectés à la DJA subissent une réduction de 8,2 millions d'euros par
rapport à 2001, ce qui représente un recul de 11 %. Ils s'élèveront, en 2002, à
66,5 millions d'euros, alors que le choix avait été fait de maintenir
l'objectif, fixé en 2001, de 8 000 nouvelles installations.
Cette baisse résulte, d'une part, de la diminution tendancielle du nombre
d'installations, qui entraîne une sous-consommation des crédits de ce chapitre
budgétaire et donc une diminution mécanique du montant des crédits inscrits
chaque année, et, d'autre part, d'une contribution européenne plus importante
au financement de cette politique dans le cadre du plan de développement rural
national, le PDRN.
Au-delà de la DJA, les aides de l'Etat en faveur de l'installation recouvrent
d'autres domaines : les stages, les programmes pour l'installation des jeunes
en agriculture et le développement des initiatives locales, les répertoires à
l'installation. Ces trois volets enregistrent également une diminution de leurs
dotations.
Je ne nie bien sûr pas l'importance des évolutions démographiques et l'effet
de baisse mécanique qu'elles entraînent pour les crédits destinés à financer
l'installation des jeunes agriculteurs, mais je mets en doute l'efficacité et
la pertinence de la politique d'installation menée par le Gouvernement, qui
élude manifestement tout un pan de cette politique, à savoir les aides au
départ et à la restructuration, et n'utilise pas suffisamment, en outre, les
outils fiscaux qui lui sont liés, notamment en matière de transmission des
exploitations.
S'agissant du contenu des articles rattachés, que nous discuterons par la
suite, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter un amendement à
l'article 60 visant à fixer pour 2002 le plafond d'augmentation du produit de
la taxe pour frais de chambre d'agriculture, afin de porter le taux maximal
d'augmentation de cette taxe de 1,7 % à 2 % et de permettre ainsi aux chambres
d'agriculture, qui sont des établissements publics à caractère administratif,
d'assumer pleinement l'ensemble de leurs missions.
Pour conclure, je proposerai au Sénat de rejeter les crédits inscrits au
projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2002,
considérant qu'ils ne sont nullement à la hauteur des attentes et des
difficultés actuelles de l'ensemble de nos agriculteurs.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'agriculture.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'agriculture a été durement éprouvée au cours de l'année écoulée.
La nouvelle crise de l'ESB, déclenchée voilà plus d'un an, a bouleversé
l'économie de toute une filière, au travers de dispositions qui, à l'instar de
l'interdiction des farines animales et de la mise en place de mesures
drastiques de dépistage et de prévention, étaient pourtant indispensables.
Pour la filière de l'élevage bovin, les conséquences sont sans précédent.
Après avoir diminué de plus de 50 % au plus fort de la crise, la consommation
de viande bovine semble rester durablement en dessous de son niveau antérieur.
Par ailleurs, les cours des bovins se sont effondrés tandis que, dans le même
temps, les prix de vente aux consommateurs demeuraient élevés, ce qui a
provoqué une révolte bien légitime des éleveurs.
La situation est particulièrement dramatique pour le bassin allaitant, qui a
investi pendant des années dans une stratégie de qualité. Alors que les
résultats provisoires de l'étude conduite par vos services, monsieur le
ministre, confirment la fragilité financière de 40 % des exploitations
spécialisées en viande bovine, j'aimerais que vous nous indiquiez combien de
temps le monde de l'élevage devra encore attendre avant de recevoir les aides
annoncées.
Une autre crise a touché, cette année, un secteur tout aussi important de la
production agricole française, qui représente, rappelons-le, le premier poste
des exportations agroalimentaires de la France : celui de la viticulture.
Cette crise, qui s'est traduite par une diminution significative des ventes de
vins de table et d'une partie des vins de pays, a rendu nécessaire le recours à
plusieurs distillations. Prenant conscience de la montée en puissance de
nouveaux pays producteurs sur le marché mondial des vins et confronté à une
réduction structurelle de la consommation française, notre secteur viticole
doit maintenant définir des axes stratégiques pour son avenir, qui lui
permettront, j'en suis sûr, de rétablir sa situation et de préserver ainsi les
emplois directs ou indirects.
Au-delà de ces deux crises sectorielles, il convient d'insister sur la
nouvelle diminution, à hauteur de 2,1 %, du revenu agricole durant l'année
2000. A l'évidence, il est de plus en plus difficile de vivre de l'agriculture.
Dans ces conditions, comment s'étonner de la diminution continue du nombre
d'installations et de la disparition, selon les chiffres donnés par le dernier
recensement agricole, d'un tiers des exploitations agricoles depuis 1988 ? Il
est temps de mettre en place une politique volontariste qui permette aux
agriculteurs de vivre dignement du revenu tiré de leur production.
Au vu du désarroi ressenti par le monde agricole, le projet de budget de
l'agriculture qui nous est aujourd'hui soumis apparaît bien insuffisant. Je ne
reviendrai pas sur son économie générale, déplorant seulement, à l'instar de M.
le rapporteur spécial, la diminution des dépenses en faveur de
l'agriculture.
S'agissant de l'affectation des crédits, les priorités affichées posent
question. C'est notamment le cas pour les contrats territoriaux d'exploitation,
dont la dotation augmente de 25 %, alors que la montée en puissance du
dispositif semble toujours se faire attendre. En dépit des nombreux
aménagements et de la simplification des procédures auxquels vous avez procédé,
monsieur le ministre, nous débouchons finalement sur une politique de guichet
plutôt que sur une politique de projets ! Est-il nécessaire de rappeler que,
plus de deux ans après la création des CTE, 16 000 contrats seulement ont été
conclus, alors que vous espériez 50 000 signatures pour la seule année 2000
?
Le Gouvernement est paradoxalement beaucoup moins généreux quand il s'agit de
répondre à de vrais besoins.
Ainsi, la dotation à l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO,
ne progresse que de 500 000 euros, ce qui est loin de suffire à satisfaire les
besoins de financement de cet organisme, récemment confronté à une extension
significative de ses missions.
De même, les crédits alloués à la forêt diminuent, en particulier les
dotations pour la reconstitution des forêts et le transport du bois. A cet
égard, est-il possible, monsieur le ministre, que l'on cesse d'attribuer des
aides au transport du bois à compter du 31 décembre 2001, comme la rumeur en
court aujourd'hui dans certaines régions ?
M. Gérard Larcher.
Non !
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
Ce problème inquiète les professionnels, alors que
la réparation des dégâts causés par les tempêtes voilà moins de deux ans est un
travail de longue haleine qui doit se poursuivre, en particulier en Aquitaine,
région que M. Valade et moi représentons ici et qui a été durement touchée. En
outre, ne négligeons pas les risques d'incendie des chablis non encore
exploités, qui représentent de 5 millions à 6 millions de mètres cubes en
Aquitaine.
Par ailleurs, si l'augmentation de 40 % des crédits attribués au Fonds
national de garantie des calamités agricoles et l'adoption, à l'Assemblée
nationale, d'un amendement instaurant une déduction fiscale pour aléas ne
peuvent qu'être saluées, il est regrettable que le rapport de M. Christian
Babusiaux sur l'assurance-récolte vienne seulement d'être transmis au
Parlement, alors que la date d'octobre 2000 figure sur la page de garde. Le
chemin est long depuis le ministère jusqu'au Parlement ! Comment ne pas y voir
la volonté de différer une réforme tant attendue par le monde agricole ?
Quant à la diminution de 9,3 % des crédits prévus pour la dotation
d'installation des jeunes agriculteurs, elle démontre l'absence de volontarisme
politique dans ce domaine, le Gouvernement se contentant de constater la
réduction du nombre des installations et d'ajuster à la baisse, l'année
suivante, les crédits qu'il leur consacre, alors que ceux-ci pourraient
avantageusement servir à financer des dispositifs fiscaux incitatifs, notamment
en matière de transmission des exploitations.
Enfin et surtout, ce projet de budget ne tient pas compte de la profonde crise
dans laquelle se trouvent certains secteurs de notre agriculture, ainsi que
cela a été rappelé par M. Joël Bourdin.
La simple reconduction, à hauteur de 16,77 millions d'euros, des crédits
destinés aux aides aux agriculteurs en difficulté, dites « procédures Agridiff
», de même que celle de la dotation au fonds d'allégement des charges, est
insuffisante au regard des importants besoins des exploitants en matière de
prêts, de soutiens financiers et de couverture sociale. Dans le secteur de
l'élevage bovin, les trésoreries sont exsangues et de nombreuses exploitations
au bord de la faillite.
De même, il est dommage que les crédits destinés aux dispositifs de cessation
anticipée d'activité ne prennent pas en compte la nécessité de mettre en place
un accompagnement social à la restructuration des secteurs en crise.
Loin d'être à la hauteur de la crise, économique pour certains secteurs, et
plus largement morale en particulier pour les futurs installés, vécue
actuellement par le monde agricole, ce projet de budget n'a pas recueilli
l'assentiment de la commission des affaires économiques, qui s'est prononcée
contre son adoption.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour la pêche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le budget de la pêche maritime et de l'aquaculture ne représente que
0,01 % du budget général de l'Etat, alors qu'il oriente de manière décisive
l'avenir de toute la filière pêche, laquelle génère près de 100 000 emplois en
mer et à terre.
Or la pêche maritime française sort fragilisée de deux années particulièrement
difficiles, pour trois raisons : la marée noire de décembre 1999, d'abord ;
deux semaines plus tard, la tempête ; enfin, la forte hausse des prix du
carburant, surtout pendant l'année 2000.
Certes, les prix des produits de la mer se sont redressés. Mais les chiffres
d'affaires n'ont pu augmenter d'autant, contraints par la stagnation des
quantités pêchées. Pourtant, des charges croissantes, de carburant notamment,
ont pesé sur les entreprises de pêche, dont la rentabilité s'est trouvée encore
réduite. La rémunération des équipages en a évidemment pâti, ce qui n'aidera
pas à résorber la criante pénurie de bras.
Monsieur le ministre, vous n'êtes pas resté indifférent aux difficultés que la
pêche traversait et les indemnisations et allégements de charges fiscales et
sociales que vous avez décidés ont été bien accueillis par les professionnels.
Je reste toutefois inquiet devant le risque que vous avez fait encourir à la
France et aux pêcheurs en ne vous assurant pas, en amont, de la recevabilité
communautaire de ces mesures. Je n'admettrais pas que les entreprises de pêche
se trouvent contraintes à rembourser ces aides.
Mais la crise conjoncturelle de la pêche ne doit pas occulter son lent et
terrible déclin : 1 600 marins de moins en trois ans, deux fois moins de
bateaux que voilà vingt ans, mais aussi des bateaux plus vieux, ce qui menace
la sécurité des hommes. Au rythme actuel du renouvellement des bateaux
restants, il faudrait deux siècles pour renouveler intégralement la flottille.
Comment croire que Bruxelles ne s'accommode pas, finalement, de cette
dégradation progressive ?
Il est de votre responsabilité, monsieur le ministre, de défendre notre
tradition maritime et de tout mettre en oeuvre pour développer et moderniser
nos entreprises de pêche ; il vous faut les accompagner vers une démarche
nouvelle de qualité qui, bien sûr, contribuera à valoriser leurs produits.
Ce pari de la qualité s'impose, à l'heure où la quantité est contingentée ; il
répond à l'exigence actuelle d'information des consommateurs, qui a déjà
conduit à de nouvelles règles communautaires d'étiquetage.
Or cette démarche de qualité repose prioritairement sur une traçabilité de la
production maritime, difficile à organiser, mais qu'il vous revient de rendre
possible. Pour cela, je vous appelle à mieux reconnaître le travail et le rôle
des criées. Maillon central dans la commercialisation des produits de la mer,
puisque quatre poissons frais sur cinq y sont vendus, les criées assurent des
missions croissantes de service public. A ce titre, je vous invite à soutenir
leurs investissements visant à l'harmonisation des critères de tris et à
l'intégration des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, car il s'agit d'autant de gages d'une meilleure traçabilité.
L'avenir de la pêche réside aussi, voire surtout, dans une nouvelle politique
commune de la pêche - PCP. En vue de sa prochaine refonte en 2002, le Livre
vert de la Commission européenne reconnaît les insuffisances de l'actuelle PCP
et analyse les nouveaux défis. Malheureusement, il ne rompt pas avec la logique
de réduction de capacité de la flotte par une succession de plans d'orientation
pluriannuels - POP - mais laisse augurer d'une nouvelle réduction de 40 % de la
flotte.
Vous savez l'onde de choc que ce chiffre de 40 % a produite chez nos
marins-pêcheurs. Comme eux, je ne conçois pas de poursuivre une politique de
destruction. Les limites des ressources de pêche exigent leur exploitation
raisonnée, mais pas le recours exclusif à la « machine à casser du bateau ». La
première exigence de la PCP doit être de garantir une pêche durable, et
d'autres mesures de réduction de l'effort de pêche que les POP peuvent
également préserver les ressources. Ces mesures ne doivent pas relever de
l'arbitraire politique ; à cet égard, j'appelle à suspendre l'interdiction des
filets maillants dérivants le temps de refonder la nouvelle PCP.
Je vous demande de construire avec les professionnels un projet alternatif,
que j'imagine : recentré autour des totaux admissibles de captures - TAC - et
des quotas de pêche ; crédibilisé par des contrôles renforcés et équitables,
qu'il faudrait peut-être confier exclusivement aux inspecteurs communautaires
pour plus d'impartialité et d'uniformité ; complété par des mesures techniques,
qu'un intense effort de recherche doit permettre d'affiner afin d'assurer la
sélectivité et le respect des écosystèmes ; prenant enfin en compte la
dimension sociale de la pêche et son rôle dans l'aménagement du territoire. Nos
marins-pêcheurs sont à la fois porteurs d'un patrimoine national et d'une
dynamique pour nos côtes.
Le récent lancement de nouvelles négociations commerciales multilatérales
repose sur un texte de compromis ambigu. Je vous prie instamment, dans le
déroulement des négociations, de soutenir avec la plus grande fermeté l'aide
publique à la pêche, car la survie de ce secteur est vitale pour la France.
Je dirai un mot du budget proprement dit, en baisse de 3 %. Il n'est pas à la
hauteur des attentes et des enjeux, monsieur le ministre.
Vous justifiez par des reports de crédits - que je juge d'ailleurs inquiétants
- la nouvelle baisse de 25 % des dépenses d'investissement, après la diminution
de 50 % l'an dernier, mais vous n'envisagez pas de redéployer ces crédits, par
exemple vers la recherche, dont la dotation stagnante me préoccupe.
Un tel contexte a convaincu la commission des affaires économiques d'émettre
un avis défavorable sur l'adoption des crédits de la pêche pour 2002.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le développement rural.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, la notion de développement rural évoque traditionnellement
certaines politiques d'aménagement foncier, de travaux d'hydraulique et
d'animation rurale aux enjeux budgétaires relativement limités, auxquelles il
est coutume d'adjoindre les actions en faveur de l'agriculture de montagne et
de l'espace forestier. La mise en oeuvre plus récente d'une politique
européenne de développement rural, consacrée comme le deuxième pilier de la
politique agricole commune par l'accord de Berlin de mars 1999 sur l'agenda
2000, tend à donner un nouveau souffle à cette notion.
Avant de présenter les crédits du budget de l'agriculture en faveur de ces
différents volets de la politique de développement rural, votre rapporteur pour
avis souhaite mettre l'accent sur certaines évolutions qui ont marqué l'année
2001.
La première est la rénovation de la politique forestière grâce à l'adoption, à
l'issue d'un examen approfondi et constructif par le Parlement, de la loi
d'orientation sur la forêt. Publié le 9 juillet dernier, ce texte modernise des
pans entiers du code forestier, prenant en compte la diversité des fonctions de
la forêt et les nouvelles attentes, notamment sociales et environnementales,
dont elle fait aujourd'hui l'objet. Il permet d'envisager la politique
forestière nationale dans une optique de développement durable, alors qu'elle
était abordée, jusqu'à l'année dernière, essentiellement, mais on le comprend,
sous l'angle des importants dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre
1999. Cette avancée importante a été complétée par la signature, le 22 octobre
2001, d'un contrat d'objectifs entre l'Etat et l'Office national des forêts
pour la période 2001-2006. Je veux, à cette occasion, souligner le travail
remarquable que réalise l'Office, grâce au professionnalisme de ses agents.
Une autre initiative de fond menée au cours de l'année 2001 en faveur du
développement rural est la concertation autour du projet de schéma de services
collectifs des espaces naturels et ruraux. Quelles que soient les insuffisances
de ce schéma, qui ont été notamment relevées par le Sénat, il n'en constitue
pas moins la première tentative d'inscrire dans une stratégie de moyen terme
l'ensemble des politiques publiques tendant à favoriser un développement
équilibré des espaces ruraux.
Enfin, il convient d'insister sur l'adoption, à l'échelle européenne, du
programme de révision du plan de développement rural national - PDRN - le 21
novembre 2001. Cette révision complète les mesures mises en place dans le cadre
de la politique européenne de développement rural et contribue à mieux prendre
en compte la multifonctionnalité de l'agriculture, c'est-à-dire sa vocation à
satisfaire, au sein des espaces ruraux, des attentes qui dépassent sa seule
fonction productive.
A ce sujet, je voudrais faire observer que, après s'être progressivement
disjointes durant les cinquante dernières années, les fonctions de production
et de préservation du territoire tendent de nouveau à se rapprocher. Malgré des
débats parfois vifs, notamment autour des CTE, les contrats territoriaux
d'exploitation, le développement rural n'est plus seulement complémentaire, il
est à nouveau ressenti comme constitutif de la défense du rôle de production
dévolu, de façon prioritaire, à l'agriculture. La notion de territoire revient
au coeur du débat.
L'analyse des crédits révèle des évolutions contrastées, même si, dans un
budget de l'agriculture qui, sans vraiment diminuer, est tout au moins soumis à
une certaine rigueur, les dotations du développement rural sont globalement
préservées.
Il convient de se féliciter de l'augmentation de près de 16 % des crédits de
paiement alloués à l'aménagement foncier et hydraulique de l'espace rural,
ainsi que de la progression de 19 % de l'enveloppe destinée au financement de
la modernisation des exploitations, qui s'établit à 29 millions d'euros. Les
crédits d'amélioration du cadre de vie, qui financent des projets de mise en
valeur des ressources et du patrimoine rural, sont également en hausse, alors
qu'ils avaient diminué de 18 % l'année dernière. Enfin, les crédits consacrés
aux contrats territoriaux d'exploitation augmentent de 25 %, afin de conforter
la montée en charge du dispositif, stimulée cette année par la mise en place de
CTE-cadres adaptés aux filières de production.
Cet effort en faveur du développement rural est toutefois incomplet. Ainsi,
les crédits des interventions spéciales en faveur des zones défavorisées, qui
financent les indemnités compensatoires de handicap naturel - ICHN - sont
simplement reconduits à 195,74 millions d'euros, ce qui ne permet pas
d'atteindre l'enveloppe globale de 457 millions d'euros - crédits
communautaires inclus - que le Gouvernement s'était engagé, en octobre de
l'année dernière, à effecter à l'agriculture de montagne. Cette sous-dotation
nous inquiète, monsieur le ministre.
En outre, les dotations allouées à la forêt sont en baisse de près de 7 % en
dépenses ordinaires et de 15,5 % en crédits de paiement, cette diminution
affectant notamment les mesures de bonifications de prêts, de reboisement et
d'aides à la modernisation de la première transformation, prises à la suite des
tempêtes de décembre 1999, mais également les dotations finançant la prévention
des risques en forêt. La commission des affaires économiques a considéré que
cette évolution est en contradiction avec l'affichage d'une politique
forestière ambitieuse et qu'elle se faisait au détriment de la forêt privée.
Vos explications, monsieur le ministre, n'ont pas convaincu sur ce point. Pour
cette raison, mais également parce que de nombreux sénateurs se sont plaints de
la lourdeur des procédures des contrats territoriaux d'exploitation, la
commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption
des crédits consacrés au développement rural. Votre rapporteur pour avis tient
à souligner que, pour sa part, il votera en faveur de leur adoption.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. André Lejeune.
Bravo !
M. le président.
La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les industries agricoles et alimentaires.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, maillon stratégique entre les
productions agricoles et les circuits de distribution, les industries
agroalimentaires sont une source importante de création de richesses et
d'emploi ; elles contribuent, par leur présence sur l'ensemble du territoire, à
un développement harmonieux de nos régions.
Elles ont bénéficié, en 2000, d'un maintien de la croissance en valeur de
leurs productions, en dépit d'une baisse du volume produit. Cette stabilité
apparente ne doit pourtant pas masquer les difficultés réelles de certaines
productions, comme celle de la viande bovine, très affectée par la chute
brutale de la consommation à la suite de la nouvelle crise de l'ESB,
l'encéphalopathie spongiforme bovine.
Les résultats de l'année 2001 risquent d'être particulièrement négatifs pour
le secteur de la viande, d'autant plus qu'au delà d'une diminution structurelle
de la consommation de viande bovine des tensions se font actuellement sentir
sur les cours du porc, qui connaît des difficultés persistantes à
l'exportation.
Si la crise de la viande bovine frappe de plein fouet les éleveurs, qui en
sont, sans conteste, les premières victimes, elle a également affecté
l'industrie des viandes. En effet, celle-ci a dû faire face aux mesures
imposées dans le cadre de la lutte contre l'ESB, telles que le dépistage
systématique à l'abattoir ou l'extension de la liste des matériaux à risque.
Par ailleurs, alors que la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale
du commerce vient de décider, à Doha, l'ouverture d'un nouveau cycle de
négociations multilatérales, il convient de souligner la fragilité de certaines
des positions françaises sur les marchés extérieurs, malgré les résultats plus
qu'honorables de nos industries agroalimentaires à l'export. Ainsi, les
exportations françaises de vins sont de plus en plus concurrencées par les vins
dits « du Nouveau Monde », portés par une politique commerciale agressive.
Dans cette conjoncture, les initiatives prises dans le sens d'un soutien plus
affirmé à la promotion des produits agroalimentaires français, telles que la
mise en place par le Gouvernement du Conseil supérieur des exportations
agricoles et agroalimentaires, le CSEAA, prévue par la loi d'orientation
agricole, ne peuvent qu'être saluées.
Enfin, il apparaît aujourd'hui difficile d'évoquer les industries
agroalimentaires sans aborder les problématiques de sécurité alimentaire et
environnementale.
Le dossier des OGM, les organismes génétiquement modifiés, en particulier, a
fait l'objet d'une très grande attention. Il convient, à cet égard, de se
féliciter des mesures de transparence prises par le Gouvernement - à l'instar
de la possibilité pour le public d'accéder aux dossiers de demandes d'essais -
ainsi que du lancement, tout récemment, d'un débat public sur les OGM et sur
les essais en plein champ.
La sécurité alimentaire figure, cette année encore, parmi les priorités du
Gouvernement pour ce budget, comme l'attestent l'augmentation de 3,4 % des
dotations destinées à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
l'AFSSA, la progression des crédits affectés à la protection et au contrôle
sanitaire des végétaux, ainsi que la hausse de près de 20 % - à 106,7 millions
d'euros - des crédits consacrés à la maîtrise sanitaire des animaux et de leurs
produits, destinés notamment à la lutte contre l'ESB, mais également au
renforcement de l'hygiène alimentaire tout au long des filières de
production.
Les crédits de soutien à l'investissement des industries agroalimentaires
bénéficient également d'une progression de 9,4 %, et l'augmentation des crédits
affectés à la politique de la qualité, d'un montant total de 17,05 millions
d'euros, bénéficie essentiellement à la promotion des signes de qualité.
Cependant, la commission des affaires économiques a considéré que la
progression de 4 % de crédits alloués à l'Institut national des appellations
d'origine, l'INAO, d'un montant de 12,9 millions d'euros, était insuffisante au
regard des importants besoins de cet organisme.
La subvention de l'Etat à la société pour l'expansion des ventes des produits
agricoles et alimentaires, la SOPEXA, est, quant à elle, reconduite à 24,4
millions d'euros, ce qui est juste suffisant pour couvrir les frais d'entretien
du réseau de cet organisme dans le monde.
D'un montant total de 487,83 millions d'euros, les crédits affectés à
l'équarrissage et à l'élimination des farines animales augmentent de 9,4 %
cette évolution résultant à la fois de l'augmentation de 13 % des crédits
affectés au financement du service public de l'équarrissage et de la diminution
de 10 % des crédits destinés au financement de l'élimination des farines
animales.
Prenant acte de la progression des crédits consacrés à la sécurité alimentaire
et à la qualité, la commission des affaires économiques n'en a pas moins
déploré l'insuffisant effort financier de l'Etat en faveur de l'INAO. Elle a
également regretté la stagnation des crédits en faveur de la SOPEXA, dans un
contexte où la promotion de nos produits agroalimentaires est indispensable.
Elle a finalement, contrairement à ma proposition, émis un avis défavorable à
l'adoption des crédits destinés aux industries agroalimentaires dans le projet
de loi de finances.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Férat, rapporteur pour avis, que je salue à l'occasion de
la présentation de son premier rapport budgétaire.
Mme Françoise Férat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement agricole.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, alors qu'en 2002 le budget de l'agriculture s'établira au même
niveau qu'en 2001, les crédits de l'enseignement agricole progresseront de 2,27
%, pour atteindre 1 171,56 millions d'euros.
Cette comparaison constitue, certes, un signe encourageant pour cet
enseignement, qui fait encore, à bien des égards, figure de parent pauvre
comparé à l'éducation nationale, mais il ne faut pas pour autant en déduire
qu'il est bien servi.
Le projet de budget comporte certaines mesures positives qui prennent en
compte la nécessité de rattraper les retards accumulés au cours des dernières
années.
Parmi ces mesures positives je me félicite de la progression des subventions
aux établissements de l'enseignement public, qui augmentent de manière
significative aussi bien en fonctionnement qu'en investissement.
Ces moyens supplémentaires sont bienvenus, alors que la parcimonie budgétaire
a contraint ces établissements à recourir à des expédients durant la période de
forte croissance des effectifs.
Ainsi, l'accélération du programme de mise aux normes du parc immobilier des
établissements d'enseignement supérieur correspond à une incontestable
nécessité dont l'urgence a encore été accrue par les intempéries de décembre
1999.
Mais l'effort devra être poursuivi au cours des années à venir, car les marges
de manoeuvre demeurent étroites. A titre d'exemple, en 2002, pas plus qu'au
cours des deux précédents exercices, ne pourra être étendu dans l'enseignement
technique le dispositif de prise en charge des frais de stage.
Si ces mesures constituent des signes encourageants, le projet de budget
comporte encore des lacunes, qui sont autant de sujets de préoccupations pour
l'avenir.
Ainsi, monsieur le ministre, comment justifiez-vous le fléchissement de
l'effort engagé pour renforcer les moyens en personnel de l'enseignement public
? Le recul des effectifs à la rentrée 2001 ne peut légitimer une telle rupture
dans le rythme des créations d'emplois !
En 2002, seront créés 12 emplois d'enseignants, contre 120 en 2001 et 158 en
2000.
La situation est comparable dans l'enseignement supérieur, qui ne bénéficie
pas des moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la rénovation des formations,
en particulier dans les écoles vétérinaires. Ce constat est particulièrement
préoccupant alors que l'on souhaite réduire la précarité : en effet, on peut
craindre que l'insuffisance des créations d'emplois ne contraigne à nouveau les
établissements à recourir à du personnel précaire, sauf à leur imposer des
quotas de contractuels, ce qui ne jouera pas en faveur d'une amélioration des
taux d'encadrement.
Pour les personnels ATOSS, administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de
santé et de service, de l'enseignement technique, si nous restons peu ou prou
sur le rythme constaté l'an dernier, nous sommes très loin des objectifs du
plan de rattrapage sur lequel vous vous étiez engagé, monsieur le ministre. En
outre, le bilan très décevant de l'application de la loi Perben, attesté par le
nombre encore élevé d'agents contractuels régionaux, ne permet pas d'expliquer
le relâchement de l'effort en ce domaine : 153 emplois, contre 260 en 2001,
seront créés par transformation de crédits de vacation et d'heures
supplémentaires.
Le montant des dotations destinées à l'enseignement privé suscite également
bien des interrogations.
Si je me félicite de la revalorisation, tout à fait légitime, des subventions
à l'enseignement supérieur privé, je m'inquiète de l'évolution des crédits
consacrés aux établissements du second degré.
M. Serge Mathieu.
Très bien !
Mme Françoise Férat,
rapporteur pour avis.
Pour les établissements du temps plein, je constate
que, s'agissant de la rémunération des enseignants, le projet de loi de
finances ne prend en compte ni les conséquences de la réforme du statut des
professeurs de lycées professionnels ni l'extension à ces personnels du régime
temporaire de retraite des maîtres des établissements d'enseignement privé, le
RETREP, pourtant annoncé depuis longtemps.
Cela consiste à faire supporter à l'enseignement privé le coût de ces mesures
en limitant, voire en interdisant des mesures de créations d'emplois ou de
revalorisation de la fonction enseignante.
Pour les subventions de fonctionnement, procédera-t-on enfin, en 2002, à la
réactualisation des bases de calcul qui aurait dû intervenir en 1998 et, si
oui, avec quels crédits ?
Enfin, je m'interroge sur les raisons qui ont conduit à ne pas réévaluer cette
année, comme c'est l'habitude, le coût du poste de formateur, référence à
partir de laquelle sont calculées les subventions aux établissements du rythme
approprié.
Alors que l'enseignement agricole fonctionne dans sa grande majorité selon le
régime de l'internat, il ne pourra bénéficier des mesures décidées par le
ministre de l'éducation nationale en faveur de ce mode de scolarisation. En
l'état actuel des dotations pour 2001 comme pour 2002, pas plus la prime
d'internat que le doublement de la prime d'équipement ne pourront être mis en
oeuvre et, à ma connaissance, le collectif de fin d'année ne prévoit aucune
ouverture de crédits à ce titre. Une telle entorse à la parité entre
l'enseignement agricole et l'éducation nationale ne peut être acceptée.
Ces analyses comptables traduisent, à l'évidence, une gestion à courte vue de
l'enseignement agricole. Le recul des effectifs dans les établissements du
second degré, bien moindre que celui qui est constaté dans l'ensemble de
l'enseignement technique, ne doit pas encourager des tentations
malthusiennes.
L'offre de travail continue à progresser dans les secteurs couverts par
l'enseignement agricole, tandis que nos concitoyens aspirent à de nouveaux
modes de production. Il importe plus que jamais de réfléchir à l'adaptation des
formations à ces nouvelles exigences. Or la politique suivie en ce domaine
manque singulièrement d'ambition : l'attentisme qui en tient lieu risque de
créer les conditions d'un découplage entre les enseignements dispensés et les
besoins de l'économie rurale et agricole. Si cette situation devait perdurer,
notre agriculture perdrait un de ses atouts.
Le constat n'est guère différent pour l'enseignement supérieur. Les handicaps
sont connus et la loi d'orientation n'a pas changé grand-chose. Les synergies
avec la recherche sont encore à mettre en place et je ne vois guère, dans le
projet de budget, les signes d'une action volontariste en ce domaine.
Compte tenu de ces observations, la commission des affaires culturelles a
donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole
pour 2002.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 57 minutes ;
Groupe socialiste, 44 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 31 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 19 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes. Essayons de nous y tenir !
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque
année, à la faveur de la discussion du budget de l'agriculture, je m'attache,
en qualité de président du groupe d'études de la viticulture du Sénat, à
présenter un état de la situation de notre secteur vitivinicole.
L'année 2001 aura été marquée par une grave crise qui a affecté principalement
la viticulture du Midi, avec une chute des cours de l'ordre de 30 %, mais aussi
les vins d'appellation d'origine contrôlée, les AOC, comme je puis en témoigner
pour ma région du Beaujolais.
Cette crise a motivé d'importantes manifestations des producteurs en
Languedoc-Roussillon, littéralement pris à la gorge par les charges de
trésorerie.
A cette crise, il y a plusieurs raisons.
La première est liée à une diminution structurelle de la consommation
intérieure, qui atteint 33,7 millions d'hectolitres. En 2000, la consommation
de vin accuse globalement une baisse de 5 %, dont 2 % pour les vins
d'appellation et 8 % pour les vins de table. En trois ans, la consommation a
fléchi de 5,5 millions d'hectolitres. Elle atteint 49 litres par an et par
habitant.
La seconde raison réside dans la diminution de nos exportations. En 2000,
elles s'établissent à 15 millions d'hectolitres, après l'année record de 1999
qui a atteint 16,5 millions d'hectolitres.
Les exportations de champagne chutent de 27 % et, hors champagne, les
exportations se replient en volume de 5 %.
Cette évolution défavorable est due à la concurrence sur le marché mondial,
notamment européen, de nouveaux pays producteurs tels que l'Australie, dont les
vins ont été particulièrement appréciés des consommateurs britanniques.
Au cours de l'année dernière, le solde commercial diminue de 2,1 milliards de
francs, pour s'établir à 32,4 milliards de francs. Nous constatons,
heureusement, une reprise des exportations au premier semestre 2001.
Face à cette crise, vous avez engagé, monsieur le ministre, une série de
mesures : plusieurs distillations pourront être opérées en début de campagne et
une distillation supplémentaire de 5 millions d'hectolitres a été demandée à
l'Union européenne.
Au total, 100 millions de francs ont été accordés à la filière et 15 millions
de francs l'ont été pour le recrutement de techniciens et d'oenologues.
M. Jacques Berthomeau, contrôleur général des offices, vous a remis en juillet
dernier, monsieur le ministre, un rapport sur la situation du secteur viticole
français au regard du marché mondial des vins.
Sur les bases de ce rapport, vous avez annoncé, le 25 septembre dernier, la
mise à l'étude d'un plan d'adaptation pour la viticulture.
Quels sont les principaux axes de ce plan ? Poursuivre la restructuration du
vignoble ; moderniser l'outil de vinification ; renforcer l'organisation
commerciale de la filière, notamment avec l'attribution de primes d'orientation
agricole, les POA, permettant de « muscler » le négoce ; enfin, réformer
l'organisation commune des marchés en vue notamment de reconnaître aux Etats
membres la possibilité de rendre obligatoire une distillation de crise qu'ils
requièrent.
J'ajouterai à cette énumération les mesures sociales et fiscales que sollicite
la profession : plafonnement des cotisations maladie, fiscalité favorisant les
transmissions d'exploitations.
Sans doute serait-il fructueux également d'étudier un dispositif de jachère,
permettant la remise en culture des vignes après quelques années d'arrêt de la
production, voire d'arrachage suivi de restructuration.
Mes collègues et moi-même, nous nous félicitons de l'adoption par les deux
assemblées du contrat de vendange permettant l'embauche, dans un cadre légal
adapté, de travailleurs saisonniers qui seront exonérés des cotisations
sociales salariales.
S'agissant de la reconquête des marchés, un débat est intervenu au salon
Vinexpo à Bordeaux sur l'intérêt de pratiquer des politiques de marques
permettant de dégager des budgets de promotion. A cet égard, que faut-il penser
de l'échec du projet Mondavi dans l'Hérault ?
Je n'aurai garde d'ignorer l'accord intervenu entre la grande distribution et
la filière des vins de pays et des vins de table pour la présentation de ces
vins dans les linéaires des grandes surfaces. J'observe, à cet égard, que les
ventes de vins assurées par la grande distribution ont fléchi de 5 % en 2000 ;
les foires aux vins ne rencontreraient-elles plus le succès d'antan ?
Une réforme de l'agrément par l'INAO est intervenue récemment ; elle porte sur
le respect des conditions de production et sur la dégustation.
Puisque j'évoquais l'INAO, je ne puis, monsieur le ministre, passer sous
silence les mouvements sociaux qu'a connus cet établissement public, motivés
par des problèmes d'effectifs et une inquiétude budgétaire. Pouvez-vous nous
rassurer, monsieur le ministre ?
J'achèverai cet exposé en évoquant la récolte 2001, qui atteint 56,3 millions
d'hectolitres contre 59,7 l'année dernière.
Les vins de table représentent 20,7 millions d'hectolitres et les vins de
qualité produits dans des régions déterminées, les VQPRD, 25,7 millions
d'hectolitres. La récolte est globalement de bonne qualité. On ne saurait à
l'excès déplorer cette légère diminution compte tenu de la crise que traverse
la filière.
Je rappellerai qu'avant le début de la campagne les stocks atteignaient 97,6
millions d'hectolitres, en hausse de 7 % par rapport à l'année dernière à la
même période.
Il convient de rendre hommage à nos collègues Gérard Delfau et Gérard César,
qui animent un groupe de travail sur l'avenir de la viticulture française au
sein de la commission des affaires économiques et du plan.
Le souci d'une formation agronomique, économique, informatique adaptée à
l'agriculture du xxe siècle me conduit à porter un intérêt tout particulier à
l'enseignement agricole. Je déplore que les crédits affectés à la formation,
l'enseignement et la recherche, qui s'élèvent à 1 173 millions d'euros, ne
progressent que de 2,2 %, au lieu de 5,5 % dans le budget pour 2001. Je note
toutefois l'effort consenti en faveur de l'enseignement technique agricole, qui
permettra la création de 50 emplois.
Je suis attaché, monsieur le ministre, à une réelle parité de traitement entre
l'effort budgétaire consenti en faveur de l'enseignement public, d'une part, et
les établissements privés, conformément à la loi Rocard, d'autre part.
Il y a lieu de souligner l'enrichissement apporté aux élèves par
l'enseignement en alternance que pratiquent les maisons familiales rurales,
dont la vocation dépasse le seul secteur de la production agricole ou viticole.
Ces établissements constituent des instruments de l'animation du milieu
rural.
Monsieur le ministre, je vous remercie à l'avance de l'attention que vous
voudrez bien porter aux problèmes que j'ai soulevés.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Soulage.
M. Daniel Soulage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis
heureux que ce débat sur le budget de l'agriculture me donne l'opportunité
d'intervenir sur un sujet qui m'est cher : la gestion des risques en
agriculture.
Monsieur le ministre, je n'interviendrai que sur ce point particulier, mais
sachez que, sur l'ensemble du budget de l'agriculture, je partage tout à fait
les conclusions de la commission des affaires économiques, à laquelle
j'appartiens.
Comme vous le savez, l'agriculture est l'activité humaine la plus dépendante
des conditions climatiques. Il est donc nécessaire que l'activité agricole
fasse l'objet d'une protection à l'égard des risques particuliers qui lui sont
inhérents, et cette protection devra prendre en compte la spécificité de la
profession d'exploitant agricole.
Aujourd'hui, les agriculteurs doivent disposer d'outils de garantie adaptés à
cette réalité. On le constate malheureusement tous les jours, les risques dits
traditionnels se modifient et des risques d'un genre nouveau apparaissent. Il
faut proposer aux acteurs du monde agricole des réponses adaptées à cette
réalité.
Si elle a organisé le dispositif relatif aux calamités agricoles, la loi de
1964 n'est plus que partiellement appliquée. Aujourd'hui, la logique de
l'indemnisation l'a emporté sur celles de la prévention et du développement des
assurances.
Au demeurant, s'il est indispensable de développer le mécanisme d'assurance
récolte - vous y travaillez, monsieur le ministre - il faut que cette assurance
soit attractive pour les agriculteurs. A cet égard, la loi d'orientation
agricole avait prévu un rapport sur l'assurance récolte. Nous attendons la
publication officielle de ce rapport, dont M. Babusiaux a été chargé.
Dans cette attente et celle du débat qu'il entraînera, je profite de
l'occasion qui m'est donnée pour aborder ce sujet.
Les aléas climatiques, en particulier, peuvent atteindre un niveau très élevé,
sur des surfaces importantes, selon, parfois, de fortes fréquences. Dans ces
conditions, si l'assureur peut proposer des solutions techniques adaptées, il
les assortira souvent de tarifs dissuasifs tenant compte de la nature des
productions et des risques.
C'est pourquoi l'intervention des pouvoirs publics est nécessaire sous une
forme ou sous une autre : prise en charge d'une partie des primes ou des frais
de gestion, réassurance, etc.
A cet égard, je voudrais simplement rappeler qu'en 1999 la dotation du
ministère de l'agriculture au fonds national de garantie des calamités
agricoles, le FNGCA, était nulle alors qu'auparavant elle s'élevait en moyenne
à 200 millions de francs par an.
Depuis deux ans, cette dotation est de 50 millions de francs, et on ne peut
que se féliciter de l'accroissement d'un montant de 20 millions de francs pour
cette année. Cela permettra, je l'espère, d'amorcer le processus de gestion des
risques, même si la participation de l'Etat devrait, à mes yeux, être autrement
plus conséquente.
En effet, si l'on se rapporte aux estimations du rapport Babusiaux, toujours
officieux, le coût de la mise en place du dispositif de protection contre les
aléas climatiques serait d'environ 60 millions de francs - soit deux fois le
montant actuel de l'incitation à l'assurance grêle - pour la prise en charge
des primes la première année, et de 300 millions de francs la cinquième
année.
Dans cette perspective, l'Etat doit impérativement prévoir un budget
permettant de faire face à la montée en puissance de ce nouveau dispositif.
Je voudrais aborder maintenant le problème soulevé par un amendement voté la
semaine dernière à l'Assemblée nationale.
Le dispositif d'épargne défiscalisée, adopté par l'Assemblée nationale, en
complément de l'assurance, est intéressant parce qu'il permet de faire face à
des investissements futurs ou à des aléas climatiques, sanitaires, économiques
ou familiaux, aléas qui affectent le devenir de l'exploitation.
Cette nouvelle déduction pour aléa, articulée autour de l'actuelle déduction
pour investissement, se caractérise non seulement par l'obligation pour
l'exploitant de mobiliser l'épargne sur un compte affecté, mais aussi par celle
de souscrire une assurance couvrant les dommages aux cultures ou la mortalité
du bétail.
Je ne conteste pas cette interactivité entre épargne et assurance. En effet,
les assurances, notamment les assurances récoltes, souscrites en complément de
l'épargne, permettront à l'agriculteur de se prémunir contre les sinistres les
plus importants.
Néanmoins, il est difficile à ce jour d'appréhender comment épargne et
assurance vont s'articuler. Il faut préciser ce qui peut et ce qui doit être
assuré aujourd'hui. Je le redis, des risques d'un genre nouveau apparaissent,
tels que le risque prix, accru dans un contexte de dérégulation et de
mondialisation des marchés agricoles, ou encore les risques sanitaires.
Dans la pratique, nous savons tous que l'assurabilité est fonction de
paramètres techniques, du rapport entre le coût du risque et la solvabilité de
la demande, de l'existence ou non d'une offre des assureurs et de la
possibilité de trouver un réassureur.
Epargne et assurance sont complémentaires, mais n'est-il pas prématuré de les
lier dès aujourd'hui aussi fortement ? Ne croyez-vous pas, monsieur le
ministre, qu'une telle mesure soit trop contraignante et vienne limiter vos
efforts pour garantir le revenu agricole ?
Demain, monsieur le ministre, l'agriculteur pourra choisir entre : le
dispositif souple que constitue la déduction pour investissement, avec une
provision constituée pouvant rester dans la trésorerie ; le dispositif plus
avantageux financièrement et fiscalement qu'est l'épargne de précaution, mais
avec l'obligation de mobiliser l'argent sur un compte spécifique ; enfin, la
possibilité de recourir ou non à l'assurance récolte.
Ces mesures vont dans le bon sens : celui d'une sécurisation du revenu.
Il me semble que cette liberté de choix serait opportune, du moins dans un
premier temps, tant que le système d'assurance récolte ne sera pas « rodé ».
Imposer le lien assurance-épargne défiscalisée, c'est un peu oublier la
diversité des exploitations, en termes de nature de production, en termes de
taille de l'exploitation, en termes de santé financière. C'est aussi multiplier
les contraintes pour les agriculteurs.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, lors de la discussion des articles non
rattachés, je déposerai un amendement visant à dissocier ce nouveau mécanisme
d'épargne défiscalisée de l'obligation de souscrire une assurance.
Quoi qu'il en soit, je souhaite, monsieur le ministre, qu'épargne de
précaution et assurance récolte deviennent opérationnelles le plus vite
possible et que l'Etat apporte un financement suffisant pour qu'il fonctionne
efficacement.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
permettez-moi de faire le point sur quelques questions que la lecture du budget
a suscitées dans l'esprit des responsables de la forêt communale et de la forêt
privée.
Nous avons salué en son temps le plan « chablis » de monsieur Jospin et, plus
tard, coopéré avec vous, monsieur le ministre, pour l'heureux aboutissement de
la loi d'orientation sur la forêt. Mais voici venu le temps de « la réalité
rugueuse à étreindre », comme dit le poète.
Je ne ferai, en l'occurrence, que prendre le relais de notre excellent
rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, et de notre non moins excellent rapporteur
pour avis M. César, qui se sont plaints de la diminution des crédits de la
forêt.
J'insisterai sur le chapitre 61-45, ligne 40, qui regroupe la reconstitution
des forêts, le nettoyage, la poursuite des programmes de conversion, le
reboisement, l'équipement des routes forestières aux scieries, en passant par
les platesformes.
En 2001, la forêt a bénéficié de 1,7 milliard de francs de crédits, si l'on
additionne les engagements nouveaux - 600 millions de francs, soit 91,47
millions d'euros - la participation de l'Europe - 240 millions de francs, soit
36,69 millions d'euros - et les reports de l'année 2000, fort importants - 800
millions de francs, soit 121,69 millions d'euros.
En 2002, l'inscription budgétaire de 69 millions d'euros, soit 454 millions de
francs, est en baisse sensible par rapport à 2001. Il faut y ajouter, bien sûr,
les 40 % provenant de l'Europe - 182 millions de francs, soit 27,6 millions
d'euros - dont l'Etat fait masse en quelque sorte avec ses propres crédits pour
tenir sa fameuse promesse des 600 millions de francs par an.
Comme cela ne suffit pas, l'Etat compte aussi sur les reports de 2001, évalués
à 600 millions de francs, soit 91,47 millions d'euros, pour arriver à un total
d'environ 1 235 millions de francs, soit 188,27 millions d'euros.
Mais ces reports - et c'est ce sur ce point que je voudrais insister - sont
peut-être déjà largement entamés.
En effet, du côté de la forêt privée, on assiste, depuis octobre, à une
accélération des engagements - rien que pour octobre, ils atteignent 180
millions de francs, soit 27,44 millions d'euros - au point que les retards pris
en raison des changements de procédure et de la substitution du CNASEA, Centre
national pour l'aménagement des structures des exploitants agricoles, aux TPG
seront peut-être rattrapés... et les crédits consommés.
N'oublions pas, non plus, les aides aux transports, très sensibles en forêts
privées, qui seront affectées avant le 31 décembre 2001. Même si elles sont
supprimées - ce que je regrette - de nombreux dossiers n'ayant pas encore été
évalués, des dépenses pourront intervenir.
On peut craindre en outre l'insuffisance des crédits de paiement par rapport
aux autorisations de programme : il serait sans doute opportun de revoir la clé
de répartition. Mais vous êtes au fait de toutes ces difficultés, monsieur le
ministre, puisque le syndicat des propriétaires forestiers sylviculteurs vous a
adressé un courrier à ce sujet.
S'agissant de la forêt publique, nos inquiétudes portent sur trois points :
l'avenant tempête - hors plan chablis et hors contrats de plan - dont on ne
connaît pas le financement ; les avenants aux contrats de plan Etat-région ;
enfin, ce qu'on appelle les programmes ordinaires, tels ces plans de conversion
établis, dans les aménagements, avant les tempêtes de 1999 et dont
l'application a été suspendue.
Une circulaire devrait permettre de reprendre le cours normal des choses qui
ont été longtemps bloquées au contrôle financier...
Tout cela, à vue de nez, atteint dans les 400 millions de francs, soit 60,98
millions d'euros, pour lesquels, comme je viens de le montrer, on ne peut pas,
à coup sûr, compter sur les reports.
Y aura-t-il, monsieur le ministre, dans la loi de finances rectificative pour
2001, de quoi apurer ce passé et procéder au nécessaire travail de nettoyage
?
Nous avons également, à la fédération des communes forestières, des soucis
concernant les subventions aux communes sinistrées. Le Gouvernement avait nommé
une mission interministérielle ; son rapport a été déposé en octobre. Vous
savez que les vrais problèmes budgétaires vont se poser aux communes en 2002 et
2003, une fois épuisées les ressources provenant des ventes de chablis. Les
6,86 millions d'euros prévus dans le budget de votre collègue de l'intérieur
pour 2002 sont manifestement insuffisants. Là encore, nous espérons dans la loi
de finances rectificative. Il paraît que 7,62 millions d'euros seraient prévus,
soit au total 14,48 millions d'euros. Est-ce vrai ? Aujourd'hui même, notre
collègue M. Nachbar va interroger le ministre de l'intérieur sur ce sujet
sensible.
La mission interministérielle s'est-elle penchée aussi sur le problème des
prêts à taux bonifiés prévus seulement pour aider les communes qui, par
solidarité, ont dû reporter la mise en vente de leur coupes ? Depuis, nous
avons eu la déception des ventes de l'automne : boycott par la Fédération
nationale du bois, mauvaise tenue du marché, en volume - avec une baisse de 50
% - et en valeur, surtout pour le hêtre. Pouvez-vous, monsieur le ministre,
intercéder auprès du Gouvernement, vous qui vous êtes fait, l'an dernier, notre
interlocuteur naturel, et un peu notre protecteur ?
(M. le ministre sourit.)
A ce propos, où en sont les décrets d'application ? Nous sommes intéressés,
bien sûr, par les deux textes relatifs à l'ONF : il y a celui dit de l'« ONF
ensemblier » qui comporte une disposition renforçant notre représentation au
sein du conseil d'administration de l'organisme ; l'autre est le texte relatif
au régime des ventes.
Je profite de cette occasion pour vous féliciter, après M. Delfau, du bon
contrat de plan Etat-ONF que vous avez réussi à obtenir du Gouvernement.
J'assure l'ONF, son directeur, ses cadres et ses agents de l'estime profonde et
de la confiance des communes forestières, en dépit des difficultés que nous
pouvons avoir sur tel ou tel point.
Il y a deux autres textes qui nous concernent spécifiquement et que vous devez
prendre avec votre collègue de l'économie et des finances : celui qui découle
de l'article 9 de la loi sur le plan d'épargne forestière, et auquel nous
tenons beaucoup - tout particulièrement le nouveau président de la fédération
des communes forestières qui vous parle -, et celui qui est relatif au
reversement d'un pourcentage des cotisations en valeur bois payées par les
chambres d'agriculture.
Nous comptons, pour la formation des élus communaux, sur un complément de
ressources en 2002. Or on nous dit que l'APCA aurait déjà voté son budget sans
en tenir compte. Il est vrai que, faute de décret, les dispositions de
l'article 9 de la loi ne sont pas encore entrées en application. Il y a,
semble-t-il, un problème interne aux chambres d'agriculture, qui nous inquiète
beaucoup.
Monsieur le ministre, je n'ai pas voulu faire un discours lyrique, comme on en
avait fait l'année dernière à propos de la loi forestière, mais un discours de
comptable. Continuez à nous aider sur ces différents points et vous aurez bien
mérité, en 2002, comme en 2001, de la forêt française.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en ma
qualité de sénateur d'un département de montagne, le Cantal et en tant que
secrétaire général de l'Association nationale des élus de la montagne que je
m'adresse à vous aujourd'hui. Aussi concentrerai-je mon propos sur les éléments
de ce budget qui touchent particulièrement les agriculteurs de montagne.
Vous le savez, monsieur le ministre, la situation de nos agriculteurs de
montagne est grave, très grave, plus grave encore que ne le laissent entendre
les conclusions de l'enquête nationale menée par votre administration.
En effet, il faut le dire et le redire, la situation est critique, et c'est
toute l'économie des départements de montagne qui est en jeu face à ce séisme
d'une ampleur dramatique. Ce séisme risque, à court terme, d'accélérer la
désertification de nos zones rurales si une solidarité nationale et européenne
ne se concrétise pas très rapidement, d'autant que - nous venons de l'apprendre
- la grille des prix de la viande bovine décidée le mois dernier par
l'interprofession ne sera pas reconduite.
Je n'aborderai ici que deux points, mais ce sont des points majeurs pour la
survie de notre agriculture de montagne : la mise en oeuvre des nouvelles
modalités de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, l'ICHN, et celle
des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE.
Les éleveurs de montagne sont confrontés à de réelles difficultés du fait de
la mise en oeuvre des nouvelles modalités de l'ICHN.
La réforme des ICHN s'est traduite par une modification de calcul, celui-ci
étant, depuis 2001, fondé sur les surfaces fourragères, et non plus l'unité de
gros bétail - UGB -, d'un agriculteur qui recourt aux bonnes pratiques
agricoles.
L'intention est tout à fait louable en soi, mais, avec ce nouveau dispositif,
l'ICHN est détournée de ses objectifs initiaux, directement liés à la
compensation des handicaps naturels des exploitations des régions de montagne,
car elle devient une mesure agri-environnementale liée au taux de
chargement.
Avec cette réforme, le montant des 25 premiers hectares primés est inférieur
au montant des 25 premières UGB aidées jusqu'en 2000. Les petites exploitations
ayant un chargement supérieur à un - mais néanmoins extensif - sont
particulièrement pénalisées par ce nouveau mode de calcul.
Cette situation peut être corrigée en augmentant, dans le budget pour 2002, le
montant moyen des vingt-cinq premiers hectares. Mais, pour cela, une dotation
supplémentaire de l'ordre de 35 millions d'euros est nécessaire. Cette somme
correspond au montant que vous avez promis en 2001, mais elle n'apparaît pas
dans le projet de loi de finances pour 2002.
C'est pourquoi l'ensemble des élus de la montagne et de très nombreux
sénateurs vous demandent, monsieur le ministre, de corriger cette distorsion
apportée par la réforme des ICHN, qui pénalise plus particulièrement les
petites exploitations.
Un département comme le Cantal, qui représente près de 9 % des ICHN
françaises, pourrait ainsi prétendre à une enveloppe supplémentaire de l'ordre
de 18 millions de francs, soit environ 140 francs pour chacun des 25 premiers
hectares de chaque exploitation.
Je tiens également à attirer votre attention sur la majoration qui était
accordée aux éleveurs dont le siège d'exploitation est situé à plus de 1 000
mètres d'altitude : avec la mise en oeuvre de la réforme, cette majoration
n'est plus possible. Cette impossibilité, vous en conviendrez, va à l'encontre
de la prise en compte des handicaps spécifiques de la montagne.
Pourtant, ces handicaps sont bien réels, et l'ICHN est au coeur d'un juste
rééquilibrage des aides.
Quelques chiffres frappants illustrent ce propos. Le montant moyen de l'ICHN
représente 19 % du revenu des agriculteurs de montagne, alors qu'en même temps
leur revenu moyen est inférieur d'environ 40 % à celui des exploitants situés
en zone non défavorisée.
A titre d'exemple, le revenu agricole moyen en Auvergne est de 65 000 francs
par an. Mais, aujourd'hui, il faut aussi tenir compte de la perte de revenus
liée à la crise, chiffrée par les organisations agricoles à 200 euros par
UGB.
Monsieur le ministre, le 5 novembre dernier, lors de l'examen du budget de
l'agriculture pour 2002, à l'Assemblée nationale, vous avez pris l'engagement,
au nom du Gouvernement, d'abonder votre budget pour que « la réforme des ICHN
n'entraîne aucun recul des subventions ou des soutiens donnés aux agriculteurs
». Ce jour-là vous avez parlé de 3 milliards de francs. Or 1,3 milliard sont
déjà inscrits au projet de loi de finances et 1,5 milliard sont apportés par
l'Europe ; il manque donc 200 millions pour faire le compte.
Aujourd'hui, les agriculteurs, confrontés à une crise sans précédent, comptent
sur vous pour tenir ces engagements. Je souhaiterais connaître, comme tous mes
collègues des zones de montagne, par quelle mesure supplémentaire vous avez
l'intention d'y parvenir.
Enfin, je souhaite aborder rapidement les conditions de mise en oeuvre des
CTE, mesure phare de la loi d'orientation agricole que j'ai personnellement
soutenue.
En effet, ce dispositif permet à nos agriculteurs de se lancer dans une
véritable politique contractuelle, fondée sur un projet d'exploitation alliant
l'économique et le social, l'environnement et le territorial.
Le CTE permet ainsi de sortir d'un système d'aides forfaitaires et
automatiques qui a largement montré ses limites.
Par ailleurs, c'est un dispositif parfaitement adapté à la politique de
montagne parce qu'il favorise la multifonctionnalité de l'agriculture de
montagne, qui doit s'inscrire dans une logique plus large de développement
rural.
Malheureusement, le volet économique de ces CTE, plafonné à 100 000 francs,
est très insuffisant en zone de montagne car les investissements y sont plus
coûteux.
Néanmoins, il faut noter avec satisfaction une montée en puissance, à hauteur
de 25 %, des crédits attribués aux CTE en 2002. Pour autant, ce dispositif doit
être parfait pour devenir un véritable outil de développement rural au service
des agriculteurs.
Sur le plan quantitatif, il faut bien avouer que l'objectif fixé est loin
d'être atteint. Seulement 50 000 CTE étaient prévus en 2000 et 15 000 étaient
signés au 1er novembre 2001. Le rythme actuel de 2 000 contrats par mois laisse
toutefois espérer une évolution positive. La complexité de cette notion
nouvelle est sans doute, pour une grande part, responsable de ce départ
timide.
Aussi les démarches doivent-elles être simplifiées et assouplies pour obtenir
une adhésion plus volontaire des agriculteurs ; c'est une demande forte de la
base et des socioprofessionnels.
Cependant, ce qui pourrait être plus déterminant encore, c'est sans doute le
développement de projets collectifs, qui ne représentent aujourd'hui que 10 %
des CTE, car la réussite de l'ancrage territorial du CTE doit s'appuyer sur une
mobilisation de tous les acteurs locaux. De tels projets peuvent émaner d'une
petite région agricole, d'une intercommunalité, de coopératives ou encore
d'associations à vocation de développement rural. Pour cela, ils doivent être
fortement encouragés et facilités, grâce à une simplification des procédures,
associée à un champ plus large de la contractualisation.
Monsieur le ministre, les agriculteurs de montagne, déjà très pénalisés par
les handicaps naturels qu'ils subissent, méritent, dans un contexte
particulièrement difficile, d'être fortement soutenus par le Gouvernement.
Des ICHN adaptées à leur spécificité et les CTE peuvent constituer des
réponses à leurs attentes, à condition que la diversité de leur mode de
production soit mieux reconnue dans notre politique agricole.
Seule cette reconnaissance peut encourager les filières de qualité et
favoriser la valeur ajoutée pour sortir de la spirale infernale de la baisse
des prix et assurer un revenu décent à nos agriculteurs.
L'heure est au choix : quelle société voulons-nous pour demain ? Une société
uniformisée, linéaire, monoculturale, avec un mode unique de production
agricole, aligné sur les prix mondiaux, bref, une société standardisée ? Ou
bien une société riche de la diversité de ses territoires, de ses savoir-faire,
de ses cultures, ouverte à de nouveaux échanges, en d'autres termes, une
société enrichie par ses différences ?
N'oublions pas que cette diversité constitue l'un des atouts majeurs de notre
pays.
Notre choix est clair, et il est partagé sur de nombreuses travées de cet
hémicycle : c'est cette société-là que nous voulons pour demain, et c'est bien
cet enjeu majeur qui, aujourd'hui, justifie la mobilisation de tous. Nous
comptons sur vous, monsieur le ministre, et sur des mesures concrètes prises
rapidement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
M. Lejeune applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le montant
des diverses subventions publiques d'origine nationale et européenne consacrées
à l'agriculture s'élève à près de 29 milliards d'euros, soit 190 milliards de
francs. On le constate encore aujourd'hui, notre secteur agricole est l'un des
secteurs d'activité qui reçoit le plus d'aides publiques, et ce dans la
continuité des efforts consentis les années précédentes.
Comment, dès lors, ne pas souligner le contraste inquiétant entre, d'un côté,
des aides toujours aussi importantes et, de l'autre, une situation économique
et sociale qui s'est progressivement dégradée au point de dégénérer en une
véritable crise, faisant éclater les contradictions du modèle productiviste
?
De nombreuses crises agricoles ou alimentaires ont pour origine l'appât du
gain. C'est vrai pour les farines animales, qui ont été moins chauffées que
nécessaire pour être stériles ; c'est vrai pour la dioxine, liée à
l'introduction de produits illicites dans l'alimentation des animaux. Il en
résulte un affaiblissement de la confiance des consommateurs dans les produits
alimentaires et une accentuation de la crise par la baisse des ventes, alors
que la sécurité alimentaire n'a jamais été aussi grande.
Quand les crises ont des origines liées aux échanges européens et mondiaux,
est également en cause le monde de l'argent, des grands groupes de
l'agroalimentaire et de la grande distribution, qui tirent les prix à la
production vers le bas pour dégager des marges maximales.
Tout cela pose la question du modèle de société que nous voulons
construire.
Nous savons, monsieur le ministre, tous les efforts que vous avez consentis,
au cours de ces dernières années, pour promouvoir une agriculture plus
soucieuse de l'environnement et tenter de réorienter la production agricole
vers ses finalités premières.
Les quatre priorités inscrites à votre budget - le renforcement de la qualité
et de la sécurité alimentaires, le développement de la multifonctionalité de
l'agriculture et de la forêt, l'intensification des actions en faveur de la
formation et de la recherche, le soutien des filières de production et la
régulation des marchés - témoignent de cette volonté d'impulser une nouvelle
orientation, en rupture avec les logiques antérieures.
La tâche n'est pas aisée, qui le nierait ?
Votre bilan est, sur certains points, tout à fait positif. Je pense notamment
aux efforts consacrés à la relance du secteur forestier dans le contexte
particulièrement délicat que l'on sait. Les CTE constituent aussi un élément
qui contribue à enrichir la politique agricole d'objectifs d'intérêt général en
valorisant les différentes dimensions économiques, sociales, environnementales
et territoriales de l'agriculture. Si les avancées en ce domaine sont encore en
dessous des objectifs fixés, reconnaissons que la concrétisation d'un projet
aussi novateur suppose quelques délais d'ajustement avant d'atteindre un
rendement correct.
Soulignons aussi que, dans une conjoncture où les jeunes risquent de se
détourner de cette activité, les CTE ont l'avantage d'aider ceux qui
s'installent et ne peuvent, faute de diplôme, prétendre à la DJA. C'est une
revendication des communistes qui est, ici, partiellement satisfaite. L'amour
du métier ne suffit pas toujours à rendre attractive une profession de moins en
moins rémunératrice aux yeux de ceux qui s'y seraient peut-être engagés si les
conditions étaient différentes.
Depuis vingt ans, la situation des agriculteurs s'est fortement détériorée. La
dernière enquête de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA,
intitulée
Pauvreté et RMI dans l'agriculture,
fait le constat de la
persistance de très bas revenus dans l'agriculture, malgré la disparition de
nombreuses petites exploitations, facteur traditionnel de la pauvreté agricole.
Ainsi, 40 % des exploitations agricoles dégagent un revenu inférieur au SMIC,
tandis que plus de 40 000 paysans tirent mensuellement de leur exploitation des
revenus inférieurs à la moitié du SMIC !
Fait plus inquiétant encore - mais comment ne pas le remarquer ? en phase avec
l'évolution globale de la société - les disparités de revenus se sont accrues
au cours de la décennie quatre-vingt-dix l'écart entre les riches et les
pauvres se creusant un peu plus encore.
L'INRA observe aussi que le salariés agricoles sont particulièrement exposés à
la pauvreté. Certains d'entre eux connaissent des situations d'extrême
précarité, proches parfois du total dénuement. Et le nombre de ceux qui
touchent le RMI ne cesse d'augmenter. Comme pour l'ensemble du salariat, les
mesures de déréglementation visant à accroître la flexibilité - annualisation
du temps de travail, travail à temps partiel - contribuent à une précarisation
accrue des emplois.
Les formidables gains de productivité accumulés dans le secteur agricole au
sens large sont aujourd'hui accaparés par les multinationales de
l'agroalimentaire qui, cherchant à se fournir à moindre coût en matières
premières, font pression sur les cours en même temps qu'elles poussent à
l'accroissement des rendements. Malgré d'importantes subventions, cette
situation ne permet pas à nombre de nos producteurs de bénéficier de revenus
décents.
La baisse régulière du nombre des installations, la disponibilité des crédits
et la baisse des taux d'intérêt devraient nous inciter à majorer les aides en
direction des jeunes générations. L'augmentation de 25 % de crédits destinés
aux CTE y contribue en partie.
Les toutes récentes négociations à l'OMC sur le volet agricole ont mis en
évidence la difficulté à concevoir, dans le cadre de la mondialisation des
marchés, une politique agricole commune qui préserve les intérêts de
l'agriculture européenne tout en favorisant ceux des pays en voie de
développement.
Les conclusions du sommet de Doha ne sont pas de nature à dessiner un avenir
radieux aux agriculteurs de demain. En effet, « des améliorations
substantielles de l'accès au marché » signifient une pénétration encore plus
grande des importations en provenance des pays tiers. Aussi « des réductions de
toutes les formes de subventions aux exportations en vue de leur retrait
progressif » peuvent se traduire par une baisse de la production nationale.
Enfin, « des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de
distorsions des échanges » supposent que tous les pays membres de l'OMC
appliquent ces réductions qui, sur le plan national, portent d'abord préjudice
aux plus petites exploitations et à la multifonctionnalité.
Abaisser les prix à la production vers un prix mondial - qui ne signifie rien
au regard de la très grande diversité des conditions climatiques et sociales de
la production - et démanteler les systèmes d'aide aux revenus, tels sont les
objectifs des Etats-Unis et des pays du groupe de Cairns dans le cadre de cette
négociation où les dés sont pipés.
Nous ne sommes pas sûrs que la révolution dans le domaine des biotechnologies
sera, comme certains l'affirment, favorable aux pays du Sud. Le risque existe,
en effet, que les firmes multinationales s'accaparent des recherches sur les
OGM pour soumettre l'agriculture mondiale aux lois du marché et aux logiques du
profit. Cela s'appelle la « guerre alimentaire ».
« Terminator », le procédé génétique qui compromet la reproduction naturelle
des plantes par elles-mêmes, justifie par exemple pleinement nos craintes.
Cette soumission de l'agriculture au marché mondial n'est pas à même de
favoriser des prix stables et mieux rémunérateurs.
En France, à la suite des événements que l'on connaît, la filière bovine, en
particulier les éleveurs de troupeaux allaitants, ont profondément souffert et
souffrent toujours, malgré les mesures de soutien que vous n'avez pas hésité à
mettre en place et leur ciblage actuel en faveur des plus touchés.
Les écarts constatés entre les prix producteurs et les prix payés par le
consommateur sont symptomatiques de graves perturbations. La mise en place d'un
observatoire des prix et des marges, ainsi que l'expertise des possibilités
offerte par la loi relative aux nouvelles régulations économiques sont des
mesures appréciables.
Monsieur le ministre, vous m'avez dit en commission ne pas envisager de
prolonger ces deux mesures par un renforcement de la loi NRE ou par une
nouvelle loi encadrant le marché et la formation des prix. Or, à mon avis, cet
observatoire ne permettra ni de relancer la demande ni d'assurer un plus juste
revenu aux producteurs s'il ne s'accompagne pas d'un véritable et effectif
contrôle des prix.
Du moins, cet observatoire permettra-t-il, et en cela il est déjà très utile,
de suivre l'évolution des marges tout au long de la filière bovine, en
identifiant les segments qui maintiennent leur marge, voire les augmentent.
Un certain nombre d'enquêtes permettent déjà de mettre en évidence que la
grande distribution n'est guère affectée par la crise bovine. Ainsi, une étude
parue mi-septembre dans la revue
Les Marchés
montre que le rayon
boucherie libre-service d'une grande surface réalise des marges substantielles.
La marge nette par mètre linéaire de rayon rapporte annuellement 220 000 francs
contre 121 000 francs pour les produits élaborés par les distributeurs, soit un
écart de 82 %. Un tel rayon de grande surface dégage une marge nette de l'ordre
de 23 %.
En comparaison, le résultat net d'un abattoir atteint difficilement les 1 % à
1,5 % du chiffre d'affaires. Il me paraît nécessaire de réguler et de mieux
répartir les marges au sein de chaque filière si nous voulons faire évoluer les
prix à la production, notamment, sans pénaliser les consommateurs.
Non seulement ces distorsions de prix ne sont pas propres à la filière bovine,
mais elles sont révélatrices de phénomènes structurels susceptibles à tout
moment de dériver vers des formes aiguës de crise pesant plus lourdement encore
sur le revenu des exploitants touchés, qui par les conséquences de l'infection
des farines, qui par celles de la fièvre aphteuse, qui par toute autre crise
conjoncturelle susceptible de se généraliser du pays foyer aux autres pays.
A cet égard, l'effort supplémentaire que vous consacrez à la régulation des
marchés va dans le bon sens et nous nous en félicitons. Elle n'est cependant
encore que très timide.
La viticulture, par exemple, a subi un retournement brutal de conjoncture qui
touche tout particulièrement la région Languedoc-Roussillon. L'arrivée de
nouveaux pays producteurs sur le marché mondial des vins, l'accumulation des
excédents depuis plusieurs saisons contribuent à peser sur les prix et mettent
en difficulté de nombreux viticulteurs. Ils réclament des mesures d'urgence
capables de contribuer à une remontée des cours afin qu'un revenu décent leur
soit assuré.
Dans l'immédiat, la distillation de 5 millions d'hectolitres à un prix de 19
francs par hectolitre permettrait de répondre aux besoins urgents de trésorerie
et des exonérations d'impôts soulageraient les plus en difficulté. A moyen
terme, il est nécessaire de maîtriser la production et de soutenir les jeunes
vignerons par des aides ciblées aux investissements.
Une mesure d'importance consisterait aussi à tenter d'uniformiser, dans le
cadre de l'OMC, les règles concernant les pratiques oenologiques. Vous avez
annoncé, monsieur le ministre, un plan d'adaptation de la viticulture à
l'horizon 2010 mobilisant l'ensemble des partenaires de la filière.
Pourriez-vous nous en préciser les contours ?
La loi d'orientation agricole, la LOA, a donné de bonnes pistes d'évolution à
notre agriculture. Il faudra plusieurs années pour corriger les effets des
orientations précédentes qui visaient à imposer un seul modèle pour
l'agriculture, le modèle productiviste. Demain, la LOA devrait logiquement
redessiner le paysage par la coexistence de plusieurs modes agricoles
complémentaires et rémunérateurs. Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les
incompatibilités entre la PAC, l'élargissement de l'Union européenne, les
conclusions de l'OMC à Doha et la loi d'orientation.
Le chemin est encore long pour réorienter la mondialisation des échanges. Il
est urgent d'établir un bilan contradictoire des effets des précédents cycles
de négociations du GATT, puis de l'OMC. Il est urgent de considérer la
production agricole et alimentaire comme une activité vitale d'utilité publique
au même titre que la santé, l'eau, l'emploi, le logement, la sécurité
alimentaire et l'aménagement du territoire, qui doivent demeurer des domaines
protégés et inaliénables pour chaque pays, sans exclure des échanges
mutuellement avantageux.
Monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre
budget, dont nous partageons les orientations générales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Pastor.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Marc Pastor.
Le budget agricole que vous nous présentez, monsieur le ministre, met en
exergue deux caractéristiques essentielles, la volonté et la continuité.
Première caractéristique, la volonté émane de ce gouvernement qui, depuis
1997, veille à ancrer pleinement l'agriculture dans son époque.
Il s'agit non plus de s'adosser au monde paysan pour tenter d'en tirer une
légitimité politique fondée sur un modèle rural que l'on a trop souvent opposé
au modèle urbain, mais bien de mettre en application le produit d'une réflexion
sur l'avenir du monde paysan, dépassant les clivages partisans, dans le
contexte mondialisé dans lequel nous évoluons chaque jour un peu plus.
Le courage de ce gouvernement est d'avoir pris acte du rôle social du paysan,
qui grâce à son activité, devient responsable du territoire en tant que bien
collectif.
Ainsi la loi d'orientation agricole a-t-elle réintroduit les bases d'une
relation forte de l'homme à la terre en reconnaissant la multifonctionnalité du
métier d'agriculteur.
De là découle le renouveau de la notion de terroir et des produits d'origine,
en phase avec la politique d'aménagement et de développement du territoire et
l'émergence des pays. Le budget agricole pour 2002 est une expression concrète
de cette approche, qui accompagne le début d'une mutation inéluctable.
Deuxième caractéristique de l'action du Gouvernement, la continuité apparaît
dans le budget tout entier. Je prendrai comme unique illustration la
revalorisation des retraites, qui mobilise toutes les attentions et alimente
les débats, tant les retraités de l'agriculture sont perçus comme des acteurs
faisant partie intégrante du monde agricole et moins comme une génération
remplacée par une autre.
Leurs préoccupations sont prises en compte de manière continue comme une
composante de la politique agricole nationale et participent au phénomène de
mutation de l'activité agricole dans notre pays.
Dès lors, l'action du Gouvernement est tournée vers l'avenir mais ne méconnaît
pas le passé sur lequel notre agriculture se fonde et auquel la mémoire
collective est fortement attachée. En traduisant pour la cinquième année
consécutive le rôle de nos anciens dans une ligne budgétaire, il donne un signe
de continuité et tient un engagement à hauteur de 20 milliards de francs, même
s'il n'est pas envisageable de s'arrêter là. Je vais y revenir.
Volonté et continuité se conjuguent donc, monsieur le ministre, dans les
priorités que vous affichez à l'occasion de ce budget, qui est quasiment
stable.
Vous avez choisi de développer la qualité et la sécurité sanitaire des
produits alimentaires. Les crédits augmentent de 12 %. Ils se décomposent en
actions de promotion et de contrôle de la qualié, notamment l'agriculture
biologique et les signes de qualité, en un dispositif d'identification
permanente des animaux, essentiel à la traçabilité, en une dotation à l'Agence
française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, dotation en progression
de manière à être en phase avec la problématique du moment.
Le plan de lutte contre l'ESB est un volet incontournable de votre action
agricole, monsieur le ministre, chacun le sait. Son intensification de 20 %
montre à quel point ce dossier est pris au sérieux, contrairement à certains
propos que j'ai pu entendre ici.
Vous avez également voulu bousculer l'économie agricole et promouvoir la
multifonctionnalité de l'agriculture. A travers les CTE qui n'en constituent
que les prémices, la multifonctionnalité de l'agriculture prend corps de
manière institutionnelle. Tant mieux ! C'est un garde-fou contre les aléas ou
les excès du marché. Ainsi, les crédits finançant les CTE sont majorés de 25 %,
en phase avec l'accélération des contrats conclus. Même si les objectifs
annoncés au départ ne sont pas atteints, il n'empêche que le chemin se
poursuit.
Cet instrument, dont je n'ai pas besoin de rappeler qu'il correspond à
l'orientation de notre agriculture pour les années à venir, est
incontestablement une première réponse pour que notre pays ne devienne pas une
grande puissance sans paysans.
La modulation des aides introduites pour la première fois dans notre pays par
le gouvernement de Lionel Jospin a ouvert la voie d'un rééquilibrage des
soutiens. Mais, monsieur le ministre, son caractère redistributif, vous l'avez
senti, n'est pas évident ; il faut l'accentuer. En effet, il est toujours
difficile de bousculer de vieilles habitudes et de remplacer l'aide aux
produits pour partie par l'aide à la personne.
S'agissant des installations, force est de constater qu'avec 6 000 enfants par
an en âge de s'installer, les agriculteurs n'ont plus aujourd'hui les moyens
démographiques de remplacer la population agricole. Il faudrait 12 000
installations par an pour maintenir cette population à 3,5 % des actifs.
Monsieur le ministre, vous n'êtes évidemment pas resté inerte face à cette
problématique dont les causes ne sont pas les modalités d'attribution de la
dotation aux jeunes agriculteurs, contrairement à ce que certains de nos
collègues voudraient nous faire croire.
L'APCA, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, dans son document
relatif au budget, reconnaît que plus de vingt mesures ont été prises depuis
2000, parmi lesquelles figurent un assouplissement de l'aide à la transmission,
la mise en oeuvre du contrat territorial d'exploitation-transmission et du
CTE-installation progressive, l'élargissement de l'accès à la dotation aux
jeunes agriculteurs, des allégements fiscaux.
Il me semble que la profession devrait aujourd'hui s'interroger, au-delà des
questions foncières, sur les conditions de vie et de tavail qui s'offrent aux
jeunes agriculteurs. En effet, on n'évitera pas que ces nouvelles générations
feront de plus en plus des comparaisons entre le cadre de vie qui leur est
proposé et celui qui est proposé à des jeunes qui exercent d'autres métiers. Il
y a là une question de fond qui doit être abordée.
Le travail paysan est devenu un travail solitaire, alors qu'il était autrefois
collectif. Ne faudrait-il pas réfléchir à réinventer cette communauté de femmes
et d'hommes en s'attachant à recréer des habitudes de travail en groupe, voire
un partage du travail, et, peut-être, dans certains cas, du capital ? La
question mérite d'être posée.
J'ai entendu tout à l'heure notre collègue, M. Pierre Jarlier, évoquer la
nécessité des CTE collectifs. Je partage pleinement cette interrogation de
fond.
Si nous voulons de nouveaux cadres de vie pour nos jeunes agriculteurs, ce
n'est pas forcément par des dotations que nous y parviendrons.
En ce qui concerne le soutien des filières, ce budget fixe une augmentation de
4 % des dotations.
L'Etat soutient à juste titre la filière bovine. A cet égard, monsieur le
ministre, vous prévoyez un nouveau plan d'aides en direction des éleveurs de
bovins allaitants pour le début de l'année. C'est d'autant plus nécessaire que
la filière est désorganisée et que la crise est grave.
Je dois dire que je continue de m'interroger sur l'attitude ambiguë de
quelques-uns des acteurs de cette filière - cela a été dit à cette tribune -
qui ne jouent pas le jeu de la solidarité et qui continuent de réclamer à la
fois plus de liberté et plus d'intervention. Je m'interroge également sur le
positionnement politique de ceux qui entretiennent cette ambiguïté en dénonçant
la suradministration de l'agriculture tout en revendiquant toujours plus de
transferts au titre de la solidarité nationale. Tout cela reflète le contraste
et l'ambiguïté d'une agriculture qui réclame à la fois plus de libéralisme du
marché et plus d'encadrement.
M. André Lejeune.
C'est vrai !
M. Jean-Marc Pastor.
Cela dit, il faut trouver un avenir à l'élevage allaitant et nous comptons sur
vous, monsieur le ministre, pour tirer les conséquences de la crise française.
L'adaptation de la PAC à mi-parcours nous paraît être, sur ce dossier comme sur
d'autres, une évidence.
M. André Lejeune.
Très bien !
M. Jean-Marc Pastor.
Le budget pour 2002 dotera par ailleurs le fonds des calamités agricoles de
3,04 millions d'euros supplémentaires, ce qui encouragera les dispositifs
d'assurance récolte prévus par la loi d'orientation agricole.
Les crédits d'aménagement de l'espace rural sont également en hausse
sensible.
Ceux qui sont consacrés à la forêt sont en rapport avec les dispositions de la
loi d'orientation pour la forêt afin de reconstruire les forêts, de les
protéger et de promouvoir l'efficacité économique de la filière.
Autre point important de ce projet de budget : la priorité accordée à
l'enseignement et à la recherche. Les crédits inscrits sur ce volet sont en
hausse de 2,2 %, consacrant surtout la déprécarisation des personnels et la
progression des moyens de l'enseignement supérieur.
Je conclus là mon tour d'horizon en indiquant que ce budget permettra de
produire un effet de levier significatif sur la mise en oeuvre des priorités
qui ont été définies et de maintenir le potentiel d'activité sur les secteurs
d'intervention traditionnels, consolidant ainsi la hausse du budget de 2001. Le
groupe socialiste le votera donc...
M. Henri de Raincourt.
Il a bien tort !
M. Jean-Marc Pastor.
Comme je l'ai dit au début de mon intervention, monsieur le ministre, les deux
caractéristiques essentielles de votre budget sont la volonté et la
continuité.
En conclusion, je saluerai donc, d'abord, votre volonté affichée de faire en
sorte que la conférence de Doha aboutisse à un accord susceptible de préserver
l'agriculture de notre pays et de l'Union européenne.
Je saluerai, ensuite, la continuité de votre action quant à la création d'un
régime complémentaire d'assurance vieillesse agricole. La discussion dans les
prochaines semaines de la proposition de loi Peiro en sera l'aboutissement.
En franchissant ce nouveau pas social, vous permettrez à la fois à cette
législature et à ce Gouvernement de régler deux questions fondamentales. Vous
leur permettrez tout d'abord d'amorcer une nouvelle ventilation des aides
publiques accordées au monde agricole en les orientant moins sur les produits
mais plus sur les personnes. Vous leur permettrez, ensuite, de construire les
fondations d'une nouvelle ère rurale où les agriculteurs pourraient trouver un
nouvel espoir. Nous vous en remercions et nous vous encouragerons dans cette
voie.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées
du RDSE
).
M. le président.
La parole est à M. Emorine.
M. Jean-Paul Emorine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
discutons aujourd'hui du budget relatif à l'agriculture et à la pêche dans un
contexte qui présage de grands changements pour notre agriculture.
Les crises sanitaires se sont récemment multipliées - dioxine, fièvre
aphteuse, encéphalopathie spongiforme bovine - en provoquant une crise de
confiance chez les consommateurs alors que nos productions n'ont jamais été
aussi sûres et aussi surveillées.
Dans le même temps, la conjoncture internationale est en train de se modifier
avec la nécessaire évolution de la politique agricole commune, l'élargissement
de l'Union européenne aux pays de l'Est et le lancement d'un nouveau cycle de
négociations dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce.
Notre devoir de parlementaires est donc de veiller à ce que le présent budget
prépare l'avenir des agriculteurs, c'est-à-dire qu'il permette à chacun d'entre
eux de vivre correctement de son métier, dans le respect de sa spécificité.
Or, force est de constater que le budget de l'agriculture pour 2002 est un
simple budget de reconduction : il s'établit à 5,102 milliards d'euros, soit
une baisse de 0,7 % à structure constante, alors que l'ensemble des budgets
civils progresse de 2,2 %.
Comme l'an dernier et comme l'année précédente, nous pouvons dire que
l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement, ce que nous
regrettons vivement. Et cela sans compter que votre politique économique
générale handicape le secteur agricole. Je pense, par exemple, aux 35 heures, à
la taxe générale sur les activités polluantes ou à la future loi sur l'eau, qui
inquiète les agriculteurs.
Dans ce cadre général de faiblesse budgétaire, cette année encore, monsieur le
ministre, vous donnez la priorité à la sécurité alimentaire. Sa dotation
augmentera de 12 % afin de financer, notamment, la lutte contre la maladie de
la « vache folle », l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et la
création de 150 postes pour la surveillance et le contrôle. Nous approuvons
pleinement ce choix qui répond à une nécessité nationale.
Aujourd'hui, je souhaiterais revenir sur la situation critique dans laquelle
se trouvent de nombreux éleveurs, qui sont confrontés, depuis un an, à une
crise sans précédent. J'ai déjà évoqué ce sujet lors d'une question d'actualité
à la fin du mois d'octobre.
La consommation de viande bovine a chuté de façon vertigineuse. Les chiffres
méritent d'être cités : selon le centre d'information des viandes, les achats
des ménages ont baissé de 18 % depuis le mois d'octobre 2000 et un million de
ménages qui achetaient de la viande de boeuf avant la crise n'en achètent
plus.
Au même moment, les mesures de sécurité sanitaire coûtent cher aux éleveurs,
que ce soit le test de dépistage de l'ESB ou les nouvelles méthodes de
désossage de la colonne vertébrale. La perte pour les producteurs est évaluée à
5 francs par kilo.
En conséquence, les éleveurs sont confrontés à d'énormes problèmes de
trésorerie et à des pertes d'exploitation qui sont de l'ordre de 100 000 francs
à 150 000 francs par unité de travail humain. A la veille de l'hivernage, ils
ne pourront payer ni leurs fermages ni leurs annuités d'emprunt. Ils sont pour
la plupart dans une grande détresse morale et financière. Monsieur le ministre,
vous le reconnaissez d'ailleurs puisqu'il ressort d'un récent rapport
d'inspection auprès des directions départementales de l'agriculture et de la
forêt que près de 50 % d'entre eux connaissent des difficultés financières.
3Face à cette crise exceptionnelle par son ampleur et par sa durée, et qui est
loin d'être achevée, des mesures exceptionnelles s'imposent, non pas des
mesures ponctuelles mais de vraies mesures structurelles.
Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, vous avez
annoncé un nouveau plan en faveur des éleveurs d'ici à la fin de l'année. Ce
plan est attendu d'urgence et il doit se traduire par des aides directes aux
éleveurs. Pouvez-vous nous en dire un peu plus aujourd'hui, monsieur le
ministre ?
Nous devons procéder en deux étapes : d'abord, enrayer la crise du secteur
bovin - je viens d'en parler - et, ensuite, tirer les leçons de cette même
crise afin de préserver l'avenir du secteur de l'élevage et de dynamiser
toujours davantage notre agriculture.
Le Sénat entend prendre sa pleine part dans la réalisation de cet objectif. A
cette fin, la commission des affaires économiques et du Plan mettra en place,
avec l'accord de son président M. Gérard Larcher, une mission d'information sur
l'avenir de l'élevage en France.
Cependant, nous savons déjà qu'il faut rééquilibrer le marché de la viande
bovine au niveau européen. Dans un rapport sur la PAC, que j'ai d'ailleurs eu
l'occasion de présenter avec mon collègue Marcel Deneux en 1998, nous avions
proposé une maîtrise de la production au niveau communautaire. Où en est-on à
ce jour sur cette question, dans le cadre notamment des négociations sur
l'Organisation commune de marché de la viande bovine ?
Quant à la réforme de l'OCM ovine, il paraît indispensable d'arriver à un
accord lors du prochain Conseil des ministres chargés de l'agriculture sur une
prime fixe de 30 euros, sur une prime supplémentaire de 9 euros en zone
défavorisée et sur le financement par l'Etat de mesures en faveur de
l'environnement et des démarches qualité, car la production ovine joue un rôle
primordial dans l'aménagement de l'espace rural.
Il faut aussi mener une politique d'installation déterminée, ce qui passe par
une meilleure adéquation entre les départs à la retraite et la venue de jeunes
agriculteurs.
A ce titre, je souligne que la politique d'installation des jeunes est
menacée. Ses mauvais résultats perdurent depuis trois ans : en 2000, seuls 6
300 dossiers d'installation ont fait l'objet d'un versement. Ce n'est pas
suffisant pour répondre aux besoins et assurer le renouvellement des
générations. Les conséquences sont graves en matière d'emploi et d'aménagement
rural. Une réflexion de fond et une amélioration du dispositif doivent être
entreprises sans tarder.
Parallèlement, il est indispensable de revoir notre dispositif de préretraite
agricole. En particulier, il me semble qu'il serait possible de mettre en place
une préretraite intégrale, sans quotas départementaux. Un tel système existe
déjà dans de nombreux pays voisins. Il est financé à 50 % par l'Union
européenne.
En ce qui concerne les retraites agricoles, vous poursuiviez l'initiative
prise par l'un de vos prédécesseurs, Philippe Vasseur, et nous achevons, cette
année, le dernier volet du plan quinquennal de revalorisation.
Le but doit être d'atteindre un retraite au moins égale à 75 % du SMIC, ce qui
n'est pas le cas à ce jour. Vous avez donné, monsieur le ministre, votre accord
de principe sur une retraite complémentaire. Permettra-t-elle d'atteindre ces
75 % ? L'Etat ne devrait-il pas en prendre une partie à sa charge au titre de
la solidarité nationale ? Quand présenterez-vous un projet de loi au Parlement
sur ce sujet ?
Parallèlement, il faut faire aboutir la mensualisation du paiement des
retraites agricoles comme c'est le cas désormais pour les artisans.
Dans ce débat budgétaire, où nos interventions sont limitées, j'ai choisi
d'évoquer principalement les difficultés que rencontrent les éleveurs en raison
de l'actualité et de la gravité de la crise qu'ils vivent et aussi en raison du
rôle particulier que tient l'élevage comme dernière activité dans des zones en
voie de désertification.
J'ai également tenu à traiter de la question des retraites et de
l'installation, car il s'agit de l'avenir de notre agriculture dans son
ensemble.
Je n'en oublie pas moins d'autres interrogations que le budget qui nous est
soumis laisse sans réponses : le lent démarrage des CTE, la diminution des
crédits affectés à la forêt, l'absence de réforme de l'assurance récolte, la
future politique de la montagne, les conditions de mise en place du nouveau
programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le plafonnement à 1,7
% de la taxe pour frais des chambres d'agriculture, alors que le budget général
augmente de 2 %.
Pour toutes ces raisons et pour celles que notre collègue rapporteur M. Joël
Bourdin a développées avec plus de précision, monsieur le ministre, le budget
de l'agriculture et de la pêche ne nous paraît pas satisfaisant : contrairement
au groupe socialiste, le groupe des Républicains et Indépendants ne le votera
pas.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le
monde agricole traverse une crise d'une exceptionnelle gravité, le projet de
budget de l'agriculture est à peine stabilisé pour 2002. Il voit, en effet, ses
dotations s'établir à 5,102 milliards d'euros, soit une baisse de 0,1 % en
tenant compte de son nouveau périmètre.
Plombé par le poids des dépenses d'administration, il donne priorité à des
actions d'intérêt général - formation, qualité sanitaire et sécurité
alimentaire - qui sont, certes, légitimes et attendues des consommateurs, mais
qui s'exercent au détriment du socle de la politique agricole, c'est-à-dire les
productions, et du soutien aux agriculteurs.
Les secteurs bovin et viticole connaissent, depuis plusieurs années, une
succession de crises dont l'ampleur plaide aujourd'hui pour la mise en place
d'une dotation spécifique au sein du budget des offices. Or celui-ci est tout
juste reconduit pour 2002.
Monsieur le ministre, j'aborderai deux points.
Concernant, d'abord, plus précisément la filière de l'élevage bovin, le
Gouvernement a, au cours de l'année passée, arrêté plusieurs plans de soutien,
dont le dernier a été annoncé le 17 octobre 2001.
En apparence significatives, ces mesures ont cependant déçu le monde agricole
dans la mesure où elles ne couvrent pas de manière satisfaisante les pertes
subies. Plus que des prêts bonifiés ou des reports de charges sociales, les
éleveurs attendent, de manière urgente, des aides directes au revenu et des
mesures importantes de dégagement de marché pour les broutards.
Il faut déplorer, à cet égard, le manque de solidarité dont a fait preuve
l'Union européenne en refusant le versement d'aides directes aux éleveurs et
regretter le comportement de certains Etats qui n'ont pas appliqué les mesures
européennes de dégagement de marchés, contribuant ainsi à aggraver et à
prolonger la crise.
Monsieur le ministre, vous ne semblez pas mesurer l'ampleur et l'intensité de
la crise bovine. Celle-ci est loin d'être achevée et l'année 2002 nécessitera
sans doute de mobiliser des moyens supplémentaires pour soutenir le revenu des
agriculteurs.
La présentation, mardi dernier, par votre ministère des résultats de l'enquête
menée dans tous les départements sur la situation des éleveurs bovins a
consterné ces derniers.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Parce qu'ils ne les ont pas lus
! Ils ne lisent pas ça !
M. Bernard Joly.
Au contraire, je crois qu'ils les ont lus attentivement !
Selon ce document, « l'examen détaillé des retours d'information ne fait pas
ressortir une situation globale du secteur qui soit à ce jour critique, tant
pour l'état des stocks d'animaux présents sur les exploitations que pour leur
situation économique et financière, si ce n'est celle des exploitations déjà
fragiles avant la crise ».
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous ne citez pas tout,
évidemment ! C'est de la mauvaise foi flagrante !
M. Bernard Joly.
Pourtant, un rapport statistique émanant également de votre ministère - j'y
reviens, monsieur le ministre - fait état d'une hausse importante des charges,
d'un sureffectif non négligeable, d'une chute des cours sans précédent et d'un
marché à l'exportation toujours déprimé : les pouvoirs publics se disent « très
inquiets pour le premier semestre 2002 ». Vous semble-t-il donc urgent
d'attendre que les plus fragiles d'entre eux soient obligés de cesser leur
activité ?
Un autre point de votre budget aurait mérité d'être consolidé : il s'agit de
la politique de la forêt. Les crédits qui lui sont alloués sont en diminution,
passant de 397,9 millions d'euros à 334,4 millions d'euros. Cette baisse
intervient malgré l'adoption à l'unanimité, en 2001, d'une loi d'orientation
sur la forêt et alors que la forêt française ne s'est pas encore relevée des
tempêtes qui l'ont décimée en décembre 1999.
Les communes forestières ont été sinistrées, certaines d'entre elles
complètement, au point que l'on peut estimer aujourd'hui les pertes à 6
milliards de francs. Les communes non sinistrées, par solidarité, n'ont pas
vendu leurs bois au cours de l'année 2000.
Elles se trouvent donc aujourd'hui avec des stocks sur les bras et ne
comprennent pas le boycott des ventes par la Fédération nationale du bois
depuis le 1er octobre. Ce boycott met en difficulté les budgets communaux et
les entreprises de travaux forestiers.
S'agissant du plan chablis, l'échéance des mesures exceptionnelles de prêts
bonifiés et de subventions d'éléquilibre aux communes sinistrées a été fixée au
31 décembre 2001.
Des crédits restant disponibles, monsieur le ministre, je demande instamment
que ces deux mesures soient reconduites, en particulier les prêts bonifiés à
1,5 %.
La gestion de la forêt, qui s'exerce sur le long terme, est peu compatible
avec les principes de l'annualité budgétaire. Or la suppression du Fonds
forestier national en 2000 a entraîné la budgétisation des crédits et le risque
évident d'une érosion des dotations d'année en année. Elle ne permet pas non
plus de soutenir les propriétaires dans leur effort de reconstruction de la
forêt française.
Les agriculteurs retraités sont déterminés à faire aboutir rapidement leur
juste revendication concernant la mise en place d'un régime de retraite
complémentaire obligatoire, applicable aux actuels retraités. Les éleveurs,
quant à eux, demandent que les conséquences de la crise de la vache folle
soient traitées avec plus de sérieux, d'efficacité et de rapidité.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Vinçon.
M. Serge Vinçon.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens,
monsieur le ministre, à évoquer à mon tour la détresse des agriculteurs du
berceau des races à viande du grand Massif central, et plus particulièrement de
ceux du Cher, à la suite des crises de l'élevage ovin et bovin.
Dans le cadre de la crise de l'épizootie de fièvre aphteuse, le préjudice subi
par les éleveurs ovins du Cher, dont le cheptel a été abattu à titre préventif,
a en partie été compensé grâce aux mesures d'indemnisation accordées ces
derniers mois. En revanche, il n'en va pas de même pour les éleveurs de
bovins.
Si nous nous réjouissons que le budget du ministère de l'agriculture accorde
une nouvelle fois la priorité à l'enseignement et amplifie le renforcement des
moyens relatifs à la sécurité sanitaire, nous déplorons qu'il ne prenne pas
suffisamment en compte l'accompagnement des secteurs en difficulté, notamment
celui de la filière bovine.
En effet, cette dernière a été durement éprouvée à la suite de la crise de
l'encéphalopathie spongiforme bovine. Les éleveurs subissent de plein fouet les
conséquences de la dégradation du marché, qui s'est traduite par l'effondrement
des cours des bovins, alors que, dans le même temps, les prix de vente aux
consommateurs progressaient. Par ailleurs, la diminution de la consommation, en
termes d'achats par les ménages autant que des commandes par la restauration
collective, est devenue structurelle. Il n'est donc pas exagéré de dire que les
exploitants agricoles et les éleveurs de ma région ont été plongés dans un
marasme extrêmement profond et, avec eux, par effets collatéraux, l'ensemble
des secteurs artisanal et commercial.
Les producteurs des races à viande sont les plus pénalisés, puisque la chute
des prix est proche de 30 % sur les broutards, et l'on estime à un quart le
nombre d'exploitations menacées de faillite dans le secteur allaitant.
Les difficultés financières auxquelles sont confrontés les exploitants
agricoles sont innombrables. Ainsi, 40 % des éleveurs professionnels du berceau
des races à viande du grand Massif central ne perçoivent pas le SMIC et
quatre-vingts éleveurs du Cher ont été contraints de demander à accéder au RMI
à titre dérogatoire.
Nous tenons à le dire, la situation aujourd'hui est due à l'insuffisance
avérée des actions entreprises pour sauver la filière bovine. Sans un
engagement massif de la part du Gouvernement en faveur des éleveurs, notamment
ceux du bassin allaitant, c'est toute une filière qui risque de s'effondrer
avec les répercussions que cela comporte sur l'équilibre économique de
certaines régions.
Afin de permettre aux éleveurs de passer le cap de la crise, en soutenant
leurs revenus et en les aidant à réorienter leur production, nous aimerions que
soient mises en place, d'une part, des mesures de gestion du marché et, d'autre
part, des mesures d'amélioration de leur situation financière.
Résoudre les problèmes des éleveurs reviendrait dans un premier temps à
résorber la production excédentaire puisque la dégradation du marché de la
viande bovine les a conduits à garder plus d'animaux qu'ils ne l'avaient
envisagé.
Il est donc nécessaire de procéder de toute urgence au programme d'abattage
des veaux. Pour compenser les pertes, le plan d'accompagnement des éleveurs
doit à notre sens être mis en place dans les plus brefs délais. Nous plaidons
pour l'attribution immédiate des aides directes, évaluées à 122 euros pour le
retrait de chaque veau et à 200 euros par vache allaitante.
Il serait également souhaitable que soit reconduit le dispositif adopté par
l'Union européenne au titre de la campagne 2000-20001 pour les agriculteurs
ayant contracté des mesures agro-environnementales relatives à une
extensification du cheptel bovin. Cela reviendrait à appliquer un coefficient
de 0,8 sur les unités de gros bétail présentes sur l'exploitation.
Une autre mesure consisterait à donner la possibilité aux éleveurs qui le
désirent de résilier leurs contrats agro-environnementaux en cours sans
encourir de sanctions financières.
Nous estimons par ailleurs que le nouveau plan d'aides « directes et ciblées »
que vous avez prévu, monsieur le ministre, pour les éleveurs bovins touchés par
la crise de la viande doit intervenir rapidement. De ce fait, il nous paraît
indispensable que les travaux d'identification et d'évaluation des éleveurs les
plus fragilisés soient accélérés.
Nous regrettons, enfin, que les dotations aux offices soient seulement
reconduites à hauteur de 466 millions d'euros, en dépit des besoins accrus face
aux marchés en crise. Il est indispensable, selon nous, que des moyens
supplémentaires soient dégagés pour que les offices puissent faire face à des
situations dramatiques telles que celle qui affecte la filière bovine.
En effet, outre les missions qu'ils remplissent, tant dans le fonctionnement
des marchés que dans l'adaptation des exploitations, le rôle des offices
devient aujourd'hui essentiel dans un environnement international de plus en
plus concurrentiel. Ils ont besoin de moyens pour organiser les programmes de
promotion en faveur des produits agricoles et alimentaires.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les
quelques minutes qui me sont imparties, mon intervention portera exclusivement
sur l'enseignement agricole.
J'ai l'honneur de présider depuis de très nombreuses années le conseil
d'administration de l'Ecole nationale d'industrie laitière et des industries
agroalimentaires, l'ENILIAA, à Surgères. Je me limiterai à deux exemples - je
pourrais, bien sûr, en prendre d'autres - sur le thème : « Du discours à la
réalité », cela sans aucun esprit polémique. Il s'agit de situations que je vis
- j'insiste - depuis longtemps, monsieur le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'en suis témoin !
M. Jean-Guy Branger.
Vous souriez, monsieur le ministre, mais vous savez que c'est vrai.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Absolument !
M. Jean-Guy Branger
J'ai été élève de l'ENILIAA, j'y suis revenu en tant qu'enseignant et je
préside aujourd'hui le conseil d'administration de cet établissement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je sais tout cela !
M. Jean-Guy Branger.
Vous comprendrez donc que ma motivation soit grande. Je ne demande pas la
parole, histoire de parler ; j'ai vraiment quelque chose à vous dire !
Je commencerai par les missions des établissements publics locaux, les EPL,
particulièrement les établissements publics locaux d'enseignement.
La loi d'orientation leur fait obligation d'assurer cinq missions, dans la
participation au développement, à l'expérimentation, à la recherche appliquée
et à la coopération internationale. Compte tenu des enjeux, l'ENILIAA, comme
d'autres établissements sans doute, y répond en confiant notamment
d'interventions à des ingénieurs. C'est du moins ce que nous dit la direction
générale de l'enseignement et de la recherche, la DGER.
Que se passe-t-il en réalité ? Aucune aide n'est apportée par l'Etat à ces
interventions. Les ingénieurs concernés continuent d'être recensés comme
enseignants. En conséquence, l'ENILIAA supporte donc seule, financièrement, le
coût de l'équivalent d'un temps plein.
S'agissant des heures supplémentaires, on entend dire que le processus de
déprécarisation engagé impose un effort très important à l'Etat. Si je suis,
bien évidemment, favorable à la déprécarisation, qu'il faut poursuivre, je
crois, au contraire, qu'elle ne coûte pas cher à l'Etat, car elle va surtout se
traduire, en réalité, par des postes gagés. La charge pour les établissements
reste donc la même. Mais la déprécarisation aura servi de prétexte pour réduire
les enveloppes d'heures supplémentaires de 60 %.
Le coût pour l'établissement sera, pour l'année scolaire, d'environ 400 000
francs, car il existe - tous ceux qui s'occupent de l'enseignement agricole le
savent - une inadéquation entre les personnels en place et les matières
enseignées. Pour respecter les programmes, nous sommes donc obligés de faire
appel à des contractuels. Mais cela n'étant plus possible faute de moyens, les
élèves se verront priver de la totalité de leurs heures de cours. Au total, 220
heures ne seront pas assurées pour le trimestre en cours. Pour 2002, cela
devrait représenter environ 70 heures par classe.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il ne fallait donc pas «
déprécariser » ?
M. Jean-Guy Branger.
Si, il faut « déprécariser » ! C'est une bonne chose, monsieur le ministre, je
l'ai dit ; je reconnais l'effort qui est accompli à cet égard.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Ah !
M. Jean-Guy Branger.
Il faut être honnête ! Mais vous supprimez les heures supplémentaires en
connaissant cette inadéquation ! La « déprécarisation » ne coûte pas cher à
l'Etat, vous le savez, puisqu'elle porte surtout sur des postes gagés. Je vous
le dis avec beaucoup de sincérité. C'est grave, car les professeurs n'assurent
pas leurs cours gratuitement. Il y aura donc une altération de l'enseignement
qui est dispensé.
Je me permets de vous signaler que cet établissement place 80 % de ses élèves
dès la première année de leur sortie et 98 % dans les deux années qui suivent
la fin de leur scolarité. Nous plaçons nos élèves pratiquement à 100 % ! Pour
parvenir à une telle performance, il nous faut développer des liens avec des
établissements, des usines, des industries et des centres de recherche : nous
avons une licence avec la faculté de La Rochelle et nous sommes en train d'en
préparer une autre. Nous tirons le niveau de formation vers le haut, car tous
les élèves préparent des BTS ! Les établissements qui placent tous leurs élèves
à la fin de l'enseignement ne sont pas si nombreux que cela dans l'Hexagone.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
C'est l'enseignement agricole
!
M. Jean-Guy Branger.
L'enseignement agricole est effectivement plus performant dans ce domaine que
l'enseignement général ; je vous le concède et j'en suis fier.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Moi aussi !
M. Jean-Guy Branger,
Cela étant, ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas nous lui donner les
moyens de remplir sa mission ! Je vous le dis avec beaucoup de conviction.
Voilà longtemps que je préside le conseil d'administration de l'ENILIAA : Je
ressens les tensions qui existent, alors que ce n'était pas le cas auparavant.
Nous avions en effet un fonds de roulement. Mais lorsqu'on puise dans un fonds
de roulement sans l'alimenter, ce fonds s'assèche. On l'a fait, et on a
peut-être eu tort, parce qu'on a agi sans les moyens qui devaient nous être
donnés. Je suis très à l'aise pour le dire, car cela ne date pas d'hier. Mais
il est de mon devoir de tirer maintenant la sonnette d'alarme, parce que
l'enseignement agricole en France est quelque chose d'important et de sérieux.
Il faut lui conserver son identité pour que nous puissions continuer à placer
les élèves au lieu de les inscrire à l'ANPE.
Je sais que 90 % d'entre vous, mes chers collègues, partagent mes propos.
(Sourires.)
J'attends évidemment avec intérêt votre réponse, monsieur le
ministre. Les mentalités se dégradent et les comportements changent. J'ai voulu
vous faire partager ma foi et mon espérance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Lejeune.
M. André Lejeune.
Le projet de budget que vous nous présentez pour 2002, monsieur le ministre,
est globalement équivalent à celui de 2001, lequel avait connu, en revanche,
une hausse de 15 % par rapport à celui de 2000.
Au-delà de son montant, il importe de se demander s'il peut permettre de
répondre aux nécessaires évolutions de l'agriculture et, plus particulièrement,
de mettre en oeuvre les mesures profondes et de longue durée qu'exige la crise
agricole que nous traversons aujourd'hui.
Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des efforts entrepris les
années précédentes, en particulier de la loi d'orientation agricole de juillet
1999, qui a créé un outil important de développement : le contrat territorial
d'exploitation.
Je note avec satisfaction la majoration de 25 % des crédits destinés au
financement des CTE, qui va permettre d'accompagner l'accélération que nous
observons dans les CDOA, où plus de 2 000 contrats sont actuellement acceptés
tous les mois.
Certes, le démarrage n'a pas été aussi rapide que nous avions pu l'espérer,
même si plus d'un million d'hectares sont aujourd'hui contractualisés. Cette
lenteur s'explique sans doute par l'image assez confuse qu'avaient les
agriculteurs de ce dispositif qui leur apparaissait comme particulièrement
complexe. Les efforts de communication qui ont été entrepris dans les
départements commencent à porter leurs fruits, et il est nécessaire de les
poursuivre.
Les CTE sont une bonne réponse aux besoins de l'agriculture et nous devons
encourager les agriculteurs à s'engager massivement dans ce type de contrat.
C'est par cet intermédiaire qu'il sera possible de répondre aux attentes des
consommateurs et des citoyens, de développer des produits de qualité, de
reconnaître et de renforcer une agriculture qui travaille pour l'environnement,
d'encourager la diversification, d'améliorer le revenu des exploitations et de
créer des emplois.
Dans mon département, par exemple, au mois de septembre dernier, ce sont
treize emplois directs qui ont été créés, ce sans compter les emplois induits.
Ce résultat, même s'il est modeste, m'apparaît particulièrement encourageant,
surtout si on le compare à la perte progressive d'emplois dans ce secteur au
cours de ces dernières années.
Le bilan des premiers vingt-huit mois montre que nous sommes sur la bonne voie
: 55 % des contrats contribuent à la reconquête de la qualité de l'eau et 46 %
des aides aux investissements vont à l'amélioration de la qualité et des
performances environnementales des exploitations. Les premiers signataires ont
donc bien su traduire dans leur projet les nouvelles orientations de notre
politique agricole.
Ce dispositif est une chance pour toutes les exploitations, même les plus
petites qui peuvent s'inscrire dans une démarche collective et monter des CTE
adaptés à leurs besoins, comme le CTE-élevage herbager.
La profession a sans doute encore du mal à percevoir les effets sur le long
terme de ce dispositif, qui représente une réforme en profondeur, correspond à
une véritable réorientation de notre agriculture, et lui permettra d'être moins
vulnérable aux aléas de la conjoncture. C'est pourquoi il présente un intérêt
tout particulier pour les éleveurs du bassin allaitant profondément touchés par
la crise.
Comme vous l'avez fort justement exprimé, monsieur le ministre, la grande
force de ce bassin en termes d'élevage extensif, de production de qualité et
d'aménagement du territoire, s'avère également être sa grande faiblesse en
temps de crise.
Nos éleveurs produisent des animaux qui ne se vendent plus ou se vendent mal.
Cette offre excédentaire, qui provoque l'effondrement des cours, les frappe de
plein fouet et leur fait subir une perte de revenus considérable.
Vous mesurez parfaitement l'ampleur de cette crise, monsieur le ministre ;
vous connaissez la détresse de ces exploitants, contrairement à ce que disaient
certains orateurs tout à l'heure, et vous n'êtes pas resté inactif face à cette
situation, comme en témoignent les différents plans que vous avez mis en place
depuis novembre 2000.
Aujourd'hui, il faut aller plus loin en poursuivant une politique de soutien
des prix et de la consommation, ainsi qu'une politique d'aides directes aux
éleveurs.
Dans le cadre d'une éventuelle renégociation de l'utilisation de l'enveloppe
de flexibilité, il faudra certainement veiller à maintenir ou à renforcer le
niveau d'aides prévu pour le troupeau allaitant.
Vous vous êtes déclaré favorable à une différenciation de la viande issue de
ce troupeau et vous avez lancé une étude sur l'avenir du bassin allaitant. Ces
initiatives vont dans le bon sens, car ces difficultés spécifiques nécessitent
des solutions plus structurelles et nous sommes en attente de nouvelles
orientations qui permettront aux exploitations d'être moins fragiles et moins
sensibles aux aléas de l'exportation de broutards.
Quatre priorités d'action sont affichées dans ce budget : la qualité et la
sécurité des produits alimentaires ; la multifonctionnalité de l'agriculture et
de la forêt ; la formation et la recherche ; enfin, le soutien des filières et
la régulation des marchés. Il s'agit de choix pertinents qui devraient
permettre à notre agriculture de relever les défis auxquels elle est
aujourd'hui confrontée.
Monsieur le ministre, je vous félicite pour le bon travail que vous avez
réalisé dans votre ministère et je vous en remercie.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas en détail sur le contenu de ce budget ; les rapporteurs l'ont
déjà fait avec toute la compétence et la précision requises. Je note qu'il est
en baisse.
Comment ne pas dire que l'agriculture traverse une crise sans précédent et
qu'en particulier l'élevage allaitant ne sait comment résister à cette
situation ? De plus, la grande complexité des procédures des aides mises en
place et les contrôles de toute nature decouragent les agriculteurs. J'étais à
une réunion des maires d'un canton du Calvados au cours de laquelle l'un
d'entre eux citait une liste impressionnante de documents à produire dont on ne
mesure peut-être pas assez qu'elle devient insupportable.
Je souhaite, monsieur le ministre, aborder trois sujets qui ne laissent pas
d'inquiéter les professionnels concernés, à savoir : l'Institut national des
appellations d'origine, l'INAO, le programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole, le PMPOA, et la politique du cheval.
En ce qui concerne l'INAO, essentiel dans une politique de qualité et de
territoire, nous nous étonnons d'une dotation budgétaire, certes en
progression, mais qui ne permettra pas de financer les nouvelles missions de
l'institut. Lors de votre audition par la commission des affaires économiques
du Sénat, monsieur le ministre, vous avez annoncé l'attribution de 5 millions
de francs supplémentaires. Seront-ils suffisants ? Quand interviendront-ils ?
Et sous quelle forme ?
Le deuxième point d'inquiétude est le PMPOA. Vous préparez des textes
réglementaires à la suite de la validation par Bruxelles du nouveau programme.
Dans ce cadre, une logique géographique de zone remplace la précédente logique
fondée sur la taille de l'exploitation. Ce changement d'approche crée
localement de nombreuses difficultés.
Tout d'abord, comment seront traités les dossiers déposés depuis le 18
décembre 2000, date d'arrêt du programme antérieur ?
Ensuite, le zonage aboutit à exclure certains espaces. Est-ce bien raisonnable
d'un point de vue environnemental ? Et faut-il pénaliser ceux qui ont fait le
plus attention à cet aspect ?
Le zonage aboutit aussi à exclure les petites exploitations, puisque seuls les
grands élevages pourront être subventionnés, qu'ils soient situés ou non en
zone prioritaire. Ce traitement vous paraît-il équitable, sachant que tous les
éleveurs, notamment les plus petits en zone prioritaire, devront quand même
réaliser leur mise aux normes ?
Enfin, quelle définition a été retenue de la part des travaux subventionnables
et quel taux peut-on espérer ?
Le dernier sujet que je souhaite aborder est celui de l'avenir de la filière
cheval. Cette année, le fonds national des haras et des activités hippiques,
compte d'affectation spéciale, est partiellement budgétisé. Si nous comprenons
la recherche de l'orthodoxie budgétaire qui motive cette décision, elle ne
semble pas moins avoir été menée sans concertation avec les professionnels et
soulève des interrogations sur le financement futur de toute la filière
cheval.
En effet, monsieur le ministre, vous maintenez un compte d'affectation
spéciale pour les courses ; c'est bien, compréhensible et nécessaire.
Pouvez-vous préciser en quoi consisteront les missions de ce nouveau fonds
national des courses et de l'élevage ? Mais, par ailleurs, vous globalisez tous
les autres financements qui dépendront désormais, chaque année, des arbitrages
interministériels. Comment assurer dès lors les encouragements à l'élevage des
chevaux de sport, de loisir et de trait en continuant de les indexer sur
l'évolution du PMU ? Pourquoi ne pas budgétiser seulement les crédits des haras
nationaux, ce qui correspondrait à la logique de leur transformation en
établissement public administratif depuis deux ans ?
Je tiens à rappeler que, lors de la création du compte d'affectation spéciale,
il était question d'affirmer la cohésion de toute la filière en y intégrant les
courses. Aujourd'hui, comment comptez-vous la préserver, monsieur le ministre,
et maintenir le PMU dans sa fonction de financier de l'ensemble, ce qui est
nécessaire en toute logique et dynamique ? En outre, pouvez-vous affirmer que
toutes les sommes consacrées au cheval dans le précédent système y sont
aujourd'hui conservées ? Le temps m'est compté, mais j'aurais aimé évoquer
d'autres sujets de préoccupation des professionnels, comme l'application des 35
heures, ...
M. Henri de Raincourt.
Quelle horreur !
(Sourires.)
M. Ambroise Dupont.
... la fiscalité trop lourde, et parfois incohérente, la gestion d'accidents
professionnels souvent graves.
Dans ces conditions, comment entendez-vous assurer l'avenir et la progression
de la filière du cheval ? La diversité de ses métiers et le nombre important de
ses petites structures en font un secteur dynamique, créateur d'emplois - à ce
jour au moins 80 000 emplois, en comptant les emplois induits - et constitue
une véritable activité agricole. Le cheval utilise, en effet, de vastes espaces
souvent sans droits à produire ; il revêt donc également un rôle primordial
dans l'entretien de notre territoire.
Les collectivités locales l'ont bien compris, qui ont créé les conseils
régionaux des chevaux avec les professionnels. A l'Etat de ne pas en limiter
l'expansion.
Mes questions sont nombreuses, monsieur le ministre, comme sont nombreuses les
attentes des professionnels qui escomptent beaucoup des réponses que vous
pourrez nous apporter.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la plupart
des orateurs l'ont souligné avant moi, le budget de l'agriculture pour 2002 est
en légère baisse par rapport à l'année dernière. Elu d'un département rural, je
suis sensible à ce mouvement, même si je comprends bien les priorités du
Gouvernement.
Fort heureusement, le renfort des crédits communautaires, notamment à travers
les mécanismes de la PAC, tempère la baisse budgétaire nationale. Aussi, les
concours publics à l'agriculture, qui atteindront, toutes origines confondues,
un peu plus de 28 milliards d'euros, permettent de conforter, c'est vrai, de
nombreuses actions.
Au nombre de ces mesures, je citerai particulièrement celles qui sont
relatives à la qualité et à la sécurité des produits alimentaires. Les
différentes crises qui ont traversé notre agriculture, de l'ESB à la fièvre
aphteuse en passant par la dioxine, ont atteint la confiance des consommateurs.
Au total, et particulièrement pour la viande bovine, les filières ont été
déstabilisées, fragilisant profondément la situation économique des éleveurs et
des producteurs ainsi que celle des transformateurs, sans doute.
C'est pourquoi l'augmentation des crédits en faveur de la protection et du
contrôle sanitaire des végétaux, de la traçabilité animale ou encore le
renforcement des moyens de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire
des aliments, et des directions sanitaires sont de nature à répondre aux
légitimes exigences des consommateurs.
La France a la chance d'avoir une agriculture riche et diversifiée ainsi qu'un
savoir-faire gastronomique exceptionnel qui font de son industrie
agroalimentaire un « fleuron » de son économie. A ce titre, il est
indispensable de garantir et de promouvoir sa qualité.
A ce volet sécurité et qualité s'ajoutent trois autres priorités du budget qui
nous occupe ce matin : le développement d'une agriculture multifonctionnelle,
le soutien aux filières et la régulation des marchés, ainsi que la
revalorisation des moyens destinés à l'enseignement et la recherche.
L'accroissement des démarches de qualité et de sécurité dont je parlais à
l'instant rendent l'agriculture de plus en plus complexe. Notre agriculture
requiert, aujourd'hui, dans certains secteurs, un tel niveau de sophistication
qu'il est indispensable d'encourager la formation et la recherche.
Je félicite, à cet égard, le Gouvernement d'avoir globalement augmenté les
crédits consacrés à l'action éducative. Je m'interroge, toutefois, sur la
faiblesse de ceux qui sont consacrés aux établissements sous contrat. Une fois
encore, ils ne permettront pas la pleine application de la loi du 31 décembre
1984 censée permettre le subventionnement d'une partie du fonctionnement des
établissements à temps plein de l'enseignement agricole privé. Les enseignants
de ces établissements et les familles attendent un geste de votre part.
La loi d'orientation agricole favorise la multifonctionnalité. Les contrats
territoriaux d'exploitation, ou CTE, qui ont eu des débuts difficiles,
connaissent maintenant une montée en charge à laquelle répond bien votre
budget, monsieur le ministre, avec 76 millions d'euros inscrits pour 2002.
Enfin, pour en terminer avec les axes prioritaires, je dirai un mot du soutien
aux filières. Vous avez présenté un plan destiné à soutenir l'élevage. Je
souhaiterais connaître votre avis sur une demande formulée par les
agriculteurs, à savoir l'adoption d'un prix minimum garanti en cas de crises
conjoncturelles, ce qui se pratique aujourd'hui pour les fruits ou légumes
frais. Les produits animaux, que l'on ne peut pas stocker au stade de la
production, sont donc périssables. Par conséquent, il ne serait pas anormal de
leur étendre le bénéfice de l'article 71-1 de la loi d'orientation agricole de
juillet 1999.
Sur le BAPSA, budget discuté conjointement ce matin, je voudrais, bien
entendu, souligner à mon tour l'effort exceptionnel entrepris en faveur des
retraites dans le cadre du plan pluriannuel.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'objectif de revalorisation des
pensions agricoles pour les porter au niveau du minimum vieillesse, soit 3 720
francs, s'agissant des chefs d'exploitation et des veuves, et 2 955 francs,
s'agissant du conjoint et des aides familiaux, sera atteint en 2002.
La performance de notre agriculture doit beaucoup aux actifs agricoles
d'aujourd'hui comme à ceux d'hier. C'est donc un grand soulagement de voir le
sort des retraités agricoles amélioré.
Bien entendu, même si cet effort sans précédent satisfait les agriculteurs, un
certain nombre de questions devront faire rapidement l'objet d'un débat. La
mensualisation du paiement des retraites, la suppression des minorations pour
les monopensionnés en cas de carrière incomplète, l'instauration d'un forfait
plutôt qu'un taux pour la majoration attribuée aux pensionnés ayant élevé trois
enfants ou plus, tels sont les principaux points en suspens.
Nous attendons surtout avec impatience, monsieur le ministre, la discussion
d'une proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale sur la retraite
complémentaire. Le voeu d'atteindre une retraite au moins équivalente à 75 % du
SMIC est légitime. Nous connaissons les conditions de cotisation de beaucoup
d'anciens retraités, comme nous connaissons tous également les efforts qu'ils
ont fournis, notamment après la Seconde Guerre mondiale, pour donner aux fruits
de nos terroirs ce que j'appellerai « l'excellence française ».
Bien entendu, monsieur le ministre, en dépit de quelques réserves, je voterai,
avec mes collègues du RDSE, le budget que vous nous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Doublet.
M. Michel Doublet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget
qui nous est présenté aujourd'hui ne répond pas aux attentes très pressantes de
nos agriculteurs. Beaucoup d'entre eux, confrontés à de graves difficultés
conjoncturelles, ont l'impression d'être laissés sur le bas-côté de la route.
Or, monsieur le ministre, cette professsion doit pouvoir vivre correctement de
son travail.
Sur le long terme, il faut garantir le revenu des agriculteurs, car il y va de
l'avenir du monde rural. Sur le court terme, des mesures doivent être prises
dans les plus brefs délais, et ce particulièrement en faveur des secteurs en
crise, je veux dire la filière bovine et la viticulture.
Nos éleveurs se trouvent aujourd'hui confrontés à de graves problèmes de
trésorerie. Monsieur le ministre, avant hier, un jeune éleveur de mon
département s'est suicidé à cause des difficultés de trésorerie que lui avait
causées la mévente de son bétail !
Ces pertes massives de revenus sont dues principalement à l'effondrement des
cours et à la fermeture des débouchés pour les animaux. Il est maintenant
urgent que la représentation nationale soit informée des résultats du travail
d'évaluation des difficultés des éleveurs en termes de revenus et de
trésorerie.
Un plan d'accompagnement doit rapidement être mis en place. Les éleveurs
doivent pouvoir bénéficier d'aides directes ciblées ainsi que d'une remise des
annuités d'emprunts et d'un report des cotisations dues à la Mutualité sociale
agricole.
Un autre secteur, je le disais, rencontre de graves difficultés : la
viticulture. Cela fait maintenant deux ans que nos viticulteurs sont confrontés
à une baisse de la consommation, tant française qu'européenne, et à une hausse
de la concurrence internationale, avec les vins venus du nouveau monde.
Cette crise est très durement ressentie dans le département de la
Charente-Maritime, dont je suis élu. On assiste, en effet, à une dégradation
continue du revenu des exploitants agricoles de la région délimitée « Cognac »
par l'effet conjugué de la baisse du rendement agronomique et de la baisse des
prix de toutes les productions des vignerons de la région.
Il faut ajouter à cela le fait que la filière du cognac est en surproduction
par rapport aux besoins du marché et que ses coûts de production sont
supérieurs à son chiffre d'affaires. Ainsi, dans cette région, seuls 60 000 à
65 000 hectares sur les 80 000 existants sont viables. Cela revient à dire que
1 000 à 1 500 exploitations, sur les 7 660 existantes, sont condamnées.
Des aides à la restructuration sont donc absolument nécessaires. Des
programmes d'adaptation du vignoble doivent être conçus, soit en diminuant les
surfaces tout en maintenant le niveau de rendement, soit en développant des
vins de pays de qualité. Il est, d'ailleurs, intéressant de noter, à ce sujet,
que, si l'on renforce les crédits en faveur de la sécurité et de la qualité des
produits, on laisse de côté la viticulture. Où sont les mesures pour améliorer
la traçabilité, l'origine et la qualité des produits viticoles ?
Plus généralement, des mesures de dégagement du marché doivent être prises
afin que celui-ci retrouve un niveau stable permettant d'offrir une
rémunération correcte aux viticulteurs.
Le niveau de vie des agriculteurs est, en effet, un sujet de plus en plus
préoccupant. On se demande comment intéresser des jeunes à cette profession
s'ils ne peuvent en vivre décemment. Cette question est d'autant plus
primordiale que l'on constate une diminution importante du nombre des
installations. Cette baisse ne fait que traduire le manque de confiance de nos
jeunes dans l'avenir de cette profession.
C'est le cas dans mon département, où des éleveurs laitiers cessent leur
activité sans avoir de repreneurs. La conséquence directe en est la perte de
quotas, qui ne sont donc plus disponibles pour les jeunes qui veulent
s'agrandir ou s'installer. De plus, la reprise par un jeune qui veut
s'installer en hors cadre familial est liée au financement de l'exploitation.
Or les banques ne veulent pas toujours financer ces projets du fait d'un manque
d'attribution de droits à produire ou du manque de garanties sur ces
attributions.
Il faudrait aider les jeunes en leur finançant les bâtiments ou le foncier. On
peut concevoir soit un système de bâtiment ou de ferme-relais, soit un
mécanisme de subventions versées à l'éleveur pour lui permettre d'acheter ses
bâtiments ou de financer une partie de son installation.
Une des solutions pourrait être la mise en place d'un système fiscal de
transmission des exploitations. Pourquoi ne pas exonérer le cédant de
l'imposition des plus-values en cas de transmission à un jeune ?
Des efforts significatifs doivent également être faits pour les départs à la
retraite. Ce régime connaît un fort déséquilibre démographique, puisque l'on
compte un cotisant pour 2,5 retraités. Il faut savoir que, dans le régime
général, la proportion est de 1 cotisant pour 1,4 retraité.
C'est pourquoi nous devons nous interroger sur la situation présente des
retraités de l'agriculture. Ces derniers formulent en effet des demandes
concernant la mensualisation des pensions de retraite, ainsi qu'une retraite
complémentaire.
Enfin, il faut, bien sûr, poursuivre la revalorisation des retraites afin
d'atteindre 75 % du SMIC. Aucun signe positif n'est lancé en ce sens dans le
présent budget, et nous ne pouvons que le regretter.
Pour toutes ces raisons, mais également parce que la politique agricole du
Gouvernement ne répond que très partiellement aux grandes difficultés du moment
sans préparer sérieusement l'avenir de l'agriculture française, je voterai
contre les crédits qui nous sont présentés.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Barraux.
M. Bernard Barraux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 3 avril
dernier j'avais donné l'occasion de m'exprimer à cette tribune lors de l'examen
du projet de loi d'orientation sur la forêt.
Evoquant la tempête de décembre 1999, je m'étais permis de rappeler que, de
mémoire d'administration des eaux et forêts, c'est-à-dire depuis 1824, on
n'avait pas de précédent d'une tempête aussi violente et aussi étendue. En
fait, de mémoire même d'historien, la forêt française n'avait jamais connu une
telle catastrophe depuis le xviie siècle !
Lors de cette intervention, j'avais regretté que la loi d'orientation sur la
forêt soit présentée avec un tel retard, soit un an et demi après cette
catastrophe.
Or cela fait presque deux ans que cette grande tempête a eu lieu et déjà un
certain nombre d'engagements du Gouvernement, pourtant des engagements formels,
semblent un peu oubliés, voire abandonnés.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Aucun !
M. Bernard Barraux.
Que constatons-nous dans le projet de loi de finances pour 2002 ? Hélas ! une
baisse sensible des crédits concernant la politique de la forêt. Et pourtant,
en son temps, le Gouvernement ne nous avait-il pas déclaré avec force sa
volonté de tout mettre en oeuvre en faveur d'une vigoureuse politique
forestière ? Cette diminution des crédits concerne pratiquement tous les
engagements pris après cette tempête, qu'il s'agisse de la bonification des
prêts, des travaux de nettoyage et de reconstitution de la forêt sinistrée, de
la modernisation de la première transformation de l'exploitation forestière ou
encore, au chapitre 61-45 de l'article 40, du reboisement, de la conversion, de
l'amélioration et de l'équipement des outils de gestion, qui diminuent de 24,3
%.
Tous les crédits pour 2002 affectés à la gestion durable de la forêt sont en
retrait très net par rapport à 2001. Les dépenses ordinaires enregistrent une
baisse de 7 % des crédits. Quant aux dépenses en capital, nous constatons qu'il
manquera 15,5 % des sommes sur les crédits de paiement. Les autorisations de
programme diminuent, elles, de 21 %.
Ces diminutions de crédit, monsieur le ministre, n'ont plus grand-chose à voir
avec l'engagement national formel en faveur du développement de la filière
forêt-bois qui avait été pris après la catastrophe.
Que peuvent devenir vos bonnes intentions si elles ne sont pas traduites dans
la réalité budgétaire ?
Depuis la suppression en 2000 du Fonds forestier national, c'est le budget du
ministre de l'agriculture et de la forêt qui assure, seul, le financement de la
politique forestière. Or, comme le disait tout à l'heure Bernard Joly, la
gestion de la forêt ne peut s'exercer que dans la très longue durée, et
l'annualité budgétaire n'est absolument pas compatible avec les programmes à
long terme imposés par le cycle naturel de la forêt. De plus, la budgétisation
de ces crédits entraînera, comme pour les autres, la lente et irréversible
érosion des dotations annuelles.
Les propriétaires forestiers s'inquiètent, car ils sont convaincus que de
telles dispositions ne permettront plus de les soutenir dans leurs efforts de
reconstruction de la forêt.
Pour conclure sur ce sujet, nous ne pouvons que constater que les crédits «
tempête » résultant de vos engagements seront largement inférieurs à ceux de
l'an passé, ce qui entraînera une diminution sensible des crédits consacrés aux
prêts à la forêt ou aux primes de transport. Même la prévention des risques
d'incendie et toutes les opérations de protection qui en découlent ont diminué
de plus de 30 %.
Permettez-moi, monsieur le ministre, avec tous mes collègues du groupe de
l'Union centriste, de vous demander des éclaircissements sur ces sensibles
diminutions de crédits qui font perdre tout son sens au fameux soutien de la
filière sylvicole.
Je ne peux achever mon propos sans évoquer la situation de la filière bovine.
En effet, si mon beau département de l'Allier possède, entre autres, la grande
et magnifique forêt de Tronçais, il est aussi et surtout un département
d'élevage, puisqu'il est le deuxième producteur de charolais.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le minsitre, les propos que vous avez
tenus lors de votre rencontre avec les sénateurs du groupe de l'Union
centriste, le 22 novembre dernier, au ministre de l'agriculture, propos
relatifs à la situation dramatique que traversent les éleveurs de la filière
bovine.
Cette rencontre, dont nous vous remercions très sincèrement, nous a permis
d'obtenir des précisions sur l'état d'avancement de l'analyse des situations
individuelles à laquelle procède le Gouvernement. Vous vous êtes également
engagé à proposer dès la mi-décembre un nouveau plan d'aides ciblé sur les
éleveurs rencontrant les plus grandes difficultés, et vous avez précisé que les
aides seraient versées au début de l'année 2002.
A propos de la définition de la notion de « grandes difficultés », je
répéterai ce que je vous ai dit le 22 novembre : l'appréciation de
l'endettement bancaire des éleveurs ne peut constituer à elle seule un critère
pertinent. Nombre d'éleveurs n'ont même pas eu la possibilité d'accéder au
crédit bancaire ; d'autres, soucieux de respecter scrupuleusement leur
signature, se sont saignés à blanc pour honorer leurs engagements financiers.
La seule analyse de leur compte bancaire ne reflète donc absolument pas leur
situation réelle.
Par ailleurs, s'il est vrai que les producteurs de viande labellisée s'en sont
pour l'instant plutôt moins mal sortis que les autres, ils connaissent
aujourd'hui les mêmes difficultés que tous les autres éleveurs. En effet,
pendant cette trop longue période au cours de laquelle les médias se sont
acharnés à diaboliser la viande bovine, le label était un repli sécuritaire
pour ceux des consommateurs qui n'avaient pas perdu confiance en la qualité de
nos productions. Mais aujourd'hui, les médias ont décidé, Dieu merci ! de
s'intéresser plus à ben Laden qu'à l'ESB, et la confiance revient
progressivement.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
« Dieu merci » ? Je ne suis pas
certains que nous y ayons gagné !
M. Bernard Barraux.
Tous les espoirs auraient été permis si le prix de la viande issue de vaches
de réforme d'importation ne concurrençait pas de façon si déloyale nos
productions !
En effet, ces viandes ne sont pas soumises à la même rigueur sanitaire que les
viandes françaises ; elles n'ont aucune traçabilité et ne sont même pas
parfaitement identifiées à l'étalage des grandes surfaces, alors que nos
viandes « label » sont soumises à un cahier des charges extrêmement rigoureux.
Bon nombre d'établissements de restauration collective - notamment de trop
nombreuses cantines scolaires -, qui hier, au moment de la crise, avaient
retiré la viande bovine de leurs menus, l'ont certes rétablie, mais en
s'approvisionnant trop souvent auprès des distributeurs de ces viandes
d'importation.
Sous votre autorité, monsieur le ministre, j'en appelle à tous mes collègues
maires pour que nos enfants retrouvent dans leur assiette, à la cantine, ce bon
et merveilleux produit de qualité de chez nous qui possède toutes les garanties
et qui les a toujours possédées, même à l'époque de cette cruelle suspicion
collective.
De ce fait, il manque aujourd'hui entre 1 500 et 2 000 francs par bête vendue,
ce qui, vous le savez, est très largement supérieur à la marge qu'un éleveur
peut tirer de son travail.
Par ailleurs, les reports de cotisations de la MSA, qui partent certes d'une
bonne intention, nous poussent dans la spirale infernale de la fuite en avant :
en ce moment, les éleveurs remboursent les cotisations de 1996, qui avaient
déjà été reportées...
Les éleveurs de l'Allier ont profité du fonds départemental d'aide à la prise
en charge des cotisations sociales, financé par le conseil général et la MSA.
Ils attendent la part de l'Etat !
Monsieur le ministre, les éleveurs n'ont plus d'espoir que celui qu'ils
fondent sur vos engagements. Permettez-moi d'insister, car tout retard dans
leur mise en oeuvre ne pourra que contribuer à déstabiliser encore, voire à
désespérer davantage les éleveurs.
Mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même serons donc
particulièrement attentifs au respect du calendrier et les modalités du
versement des concours et des indemnités promis, ainsi qu'à la réflexion en
cours sur l'avenir du bassin allaitant.
Gardons toujours à l'esprit qu'il n'y aura pas d'aménagement du territoire
sans paysans. Toute la politique que le Gouvernement développe pour
l'installation des jeunes, pour le développement des territoires, pour la mise
en place des pays, pour l'environnement, pour une meilleure répartition de la
population dans l'Hexagone, se décline autour de trois mots incontournables :
pays, paysages, paysans.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget du ministère de l'agriculture pour 2002 s'inscrit dans un contexte
national et mondial bien particulier.
A la mi-novembre, à Doha, l'Organisation mondiale du commerce est parvenue à
un accord, notamment en matière agricole.
Avec une grande partie des professionnels de l'agriculture, dont je salue le
sens des responsabilités, je me félicite que cet arrangement, auquel les
négociateurs français n'ont pas peu contribué, vienne lever une hypothèque qui
pesait sur la politique définie par l'Union européenne.
Cette bonne nouvelle vient éclairer l'horizon d'un secteur de notre économie
dont, l'an dernier, nous évoquions les difficultés face à l'encéphalopathie
spongiforme bovine, l'ESB, difficultés auxquelles se sont ajoutés au cours du
premier semestre de cette année les tourments d'une épizootie de fièvre
aphteuse.
L'événement a paru assez grave à notre assemblée pour qu'elle constitue une
mission d'information dont les conclusions ont permis de légitimer les options
retenues par les pouvoirs publics au cours de cette épreuve.
D'une façon générale, que ce soit en matière de fièvre aphteuse ou d'ESB, le
Gouvernement a su prendre ses responsabilités, et le projet de budget qui nous
est soumis traduit bien, en faits et en chiffres, le souci qui a été le sien de
faire face à ces deux crises. A cet égard, il convient de remarquer le bond en
avant des crédits consacrés à la sécurité sanitaire des aliments, en hausse de
15,27 %, entre la loi de finances initiale pour 2001 et le projet de loi de
finances pour 2002.
Dans une perspective plus qualitative, je saluerai aussi les mesures de
réformes structurelles prises pour le service public de l'équarissage et les
services vétérinaires, en notant qu'elles s'accompagnent de la création de 150
emplois et de l'instauration d'un agrégat budgétaire regroupant l'ensemble des
crédits dédiés à la sécurité et à la qualité des aliments.
Il n'en demeure pas moins que, pour la viande bovine, un décalage semble
subsister entre les prix à la production et ceux de la distribution, ce qui
donne à penser que les éleveurs comme les consommateurs subissent le joug
d'intermédiaires profitant à la fois de la détresse des premiers et de
l'inquiétude des seconds. Le Gouvernement aura à coeur, je n'en doute pas, de
ne pas laisser perdurer une telle situation sans réagir.
Le traitement des deux fléaux qui ont accablé notre agriculture s'inscrit bien
dans les objectifs de la loi d'orientation en matière de soutien aux
agriculteurs et à l'ensemble des secteurs de l'agriculture.
Cette année encore, avec des crédits confirmant ceux de l'année 2001, l'action
de l'Etat au service d'une agriculture multifonctionnelle, diversifiée,
dynamique, performante et sûre, au service d'un territoire et des hommes qui y
vivent, bénéficiera de plus de 5,1 milliards d'euros, soit plus de 33 milliards
de francs.
Une agriculture du xxie siècle, ce sont tout d'abord des modes de production
plus respectueux de l'environnement, à commencer par ce qu'il est convenu
d'appeler la « prime à l'herbe ».
L'an dernier, à cette tribune, dans le cadre de la discussion budgétaire, je
m'étais permis de recommander avec insistance la revalorisation de cette prime,
gage, en particulier pour les régions de bocage, d'un moindre recours aux
cultures fourragères, qui sont si destructrices pour les paysages. Je ne puis
que regretter que, au rebours de cette orientation, nous nous acheminions vers
la suppression, le 30 avril 2003, d'une mesure jugée inefficace : si elle
l'était, c'est précisément parce que le montant des primes n'était pas assez
incitatif !
Que d'autres dispositifs soient prévus ne compense que partiellement ce
regrettable état de fait, car les rémunérations à l'hectare qui sont envisagées
devraient atteindre à peine la moitié du montant que nous souhaiterions pour la
prime à l'herbe.
De même, après une première baisse constatée en 1999, les autorisations de
programme pour le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le
PMPOA, chutent de nouveau, cette année, de près de 13 %. Certes, les crédits
qui n'avaient pas été consommés localement seront redistribués. Mais en
attendant la publication du décret réformant le PMPOA, décret qui a été soumis
à l'avis de la Commission européenne, il semble que les exploitants
comprendraient difficilement qu'une sélectivité accrue s'exerce simplement du
fait de la volonté de maîtriser les coûts de ce programme.
En revanche, il convient de saluer l'effort consenti dans le domaine de
l'hydraulique. Je constate avec satisfaction le coup d'accélérateur donné aux
contrats territoriaux d'exploitation, dont j'avais souligné, voilà un an,
l'intérêt et les débuts encourageants.
Mais une agriculture du xxie siècle ne se conçoit qu'avec des agriculteurs. Il
faut donc que de jeunes agriculteurs s'installent.
Certes, la dotation aux jeunes agriculteurs est en diminution, mais il
convient de rappeler que ce phénomène est lié aux résultats des années
précédentes, eux-mêmes en baisse, et que le montant élevé du prix des terres
n'y est pas étranger.
Du reste, comme celles-ci restent malgré tout relativement moins onéreuses en
France qu'au-delà de nos frontières, il arrive que ce soient des agriculteurs
venus de pays voisins, où ils sont déjà exploitants, qui les acquièrent. Par là
même, ils bénéficient des aides à l'installation, comme l'ont indiqué
dernièrement, pour s'en plaindre, des agriculteurs auxquels le représentant de
l'Etat dans mon arrondissement était venu rendre visite.
Le souci du Gouvernement de voir la profession se renouveler est illustré par
l'accroissement de 2,2 % des crédits consacrés à l'enseignement et à la
formation, encore en hausse cette année. J'observe avec satisfaction que toutes
les catégories d'établissement voient les concours de l'Etat augmenter peu ou
prou.
Mais les nouveaux agriculteurs ne sont pas les seuls à voir leur situation
s'améliorer : il en va de même des anciens, comme le montre l'impact financier
des mesures de revalorisation des retraites - encore en hausse sensible cette
année - en attendant la création, sur l'initiative de parlementaires
socialistes, d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition
pour les non-salariés agricoles.
Restent, entre ces deux catégories d'exploitants, la majorité des
agriculteurs, auxquels le Gouvernement n'a pas ménagé sa solidarité à travers
le fonds national de garantie des calamités agricoles. La participation de
l'Etat à ce fonds s'accroîtra, selon le projet de budget, de 40 % ; il faut y
ajouter l'appui à la mise en place d'un système d'assurance-récolte doté de
près de 10 millions d'euros, tandis que le dispositif dit d'« aide aux
agriculteurs en difficulté » voit ses crédits maintenus.
Enfin, une agriculture du xxie siècle doit aussi être source de productions
diversifiées, et la consolidation des filières n'est pas absente du projet qui
nous est soumis. A cet égard, si j'avais salué avec satisfaction la hausse de
la dotation pour la part nationale de la prime à la vache allaitante, accrue
entre 2000 et 2001 de 14 %, ma satisfaction redoublera cette année, puisque
nous est proposé un bond de près de 30 %.
Le groupe socialiste, monsieur le ministre, a pris la mesure des moyens
considérables qui sont ainsi proposés, cette année encore, dans le projet de
loi de finances. Comme l'an dernier, nous apporterons donc un ferme soutien aux
orientations et aux engagements définis, qui illustrent avec force les
priorités de la politique agricole tout en confirmant les efforts conduits
précédemment, et nous voterons votre projet de budget.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde
rural est en crise : ce constat est d'une constante et affligeante banalité.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, est quant à lui en diminution.
Nos rapporteurs l'ont déploré ; je ne peux que m'en remettre à leurs
explications et les soutenir dans leur analyse.
Vous êtes pourtant, monsieur le ministre, le principal interlocuteur de ce
monde rural sinistré qui a perdu confiance dans son avenir. Aujourd'hui,
au-delà des clivages politiques, c'est d'ailleurs au défenseur du monde rural
que je m'adresse, et, certes, vous avez fait de votre mieux en tenant compte
des priorités dictées par votre gouvernement.
Vous avez ainsi pansé quelques plaies, mais, plutôt que de remédier aux
effets, c'était aux causes du mal qu'il eût fallu vous attaquer.
Monsieur le ministre, quel est aujourd'hui l'état du monde rural ?
L'apparition dans le paysage de l'administration territoriale de
l'intercommunalité, des pays et des parcs, des SCOT et des PLU a créé autant de
problèmes supplémentaires pour le monde rural. C'est ainsi que la loi SRU,
concoctée pour « redensifier » le territoire, interdit
de facto
toute
construction en milieu rural.
Cette loi « ruralicide » devait s'accompagner d'une information des élus qui,
en pratique, a été escamotée en milieu rural faute de personnel suffisant dans
les administrations et, en particulier, dans les DDE. C'est ce qui explique
l'inquiétude ambiante à la veille de l'entrée en vigueur de règles
déterminantes pour le développement économique et social équilibré du
territoire.
Ainsi, les effets cumulés de la loi SRU, de la politique de l'environnement
mise en place par votre gouvernement et de la politique des parcs régionaux
transforment les espaces ruraux en espaces naturels réservés aux citadins en
mal de verdure et freinent le développement des exploitations agricoles, au
risque d'entraîner leur disparition.
Nous faudra-t-il désormais vivre dans des campagnes aseptisées, où le coq ne
chantera qu'à heure autorisée pour ne pas gêner le sommeil des citadins en
week-end et où les exploitations avicoles et porcines ne dégageront plus
d'odeurs ?
Dès lors, en l'absence d'une politique globale cohérente prenant en
considération tous les aspects de la vie en milieu rural, pourquoi aider de
jeunes agriculteurs à s'installer ?
Les CTE représentent plus de 76 millions d'euros et la dotation
d'installation, 66,5 millions d'euros. Ce n'est pas rien ! Mais que feront ces
jeunes agriculteurs dans un milieu où il n'y aura pas d'école pour leurs
enfants, pas de médecin pour venir les soigner, dans un milieu où les services
publics seront défaillants, le commerce de proximité inexistant et les loisirs
peu accessibles ?
Pourquoi poursuivre une politique très coûteuse de mise aux normes des
installations si les producteurs ne peuvent vivre dignement de la vente de
leurs produits ?
Pourquoi, dans le même temps, promouvoir une production de qualité quand nos
produits se heurtent à la concurrence internationale et sont victimes de
l'ouverture de nos frontières à des productions de moindre qualité mais
réalisées à moindre coût ?
Je ne mentionne que pour mémoire les obligations administratives, souvent
dissuasives, auxquelles sont soumis les agriculteurs, mais combien de
formulaires doivent-ils remplir pour la moindre formalité ?
Pourquoi soutenir des systèmes de retraites défaillants dans un secteur où les
administratifs sont maintenant plus nombreux que les actifs ?
Ces interrogations doivent nous amener à nous poser, très simplement mais
honnêtement, la question suivante : pour quel avenir ?
Telle est bien, monsieur le ministre, la France rurale d'aujourd'hui. La
réalité, c'est que toute cette politique notamment fondée sur les lois Voynet,
Chevènement, SRU tend - peut-être est-ce une volonté délibérée - à faire
éclater le tissu rural.
Je souhaiterais tant être démenti !
Monsieur le ministre, il va vous falloir dire à la représentation nationale ce
que vous comptez faire de nos campagnes, de nos agriculteurs et de tous les
acteurs de la vie rurale.
Je veux ici témoigner que les populations rurales, comme leurs maires, veulent
continuer à jouer un rôle véritable dans la vie de notre pays. Les ruraux sont
des Français à part entière. Or, la France que vous nous proposez est une
France à deux vitesses dont nous ne voulons à aucun prix.
Nous attendons une vraie politique, globale, cohérente et viable, pour le
monde rural. Nos agriculteurs veulent vivre de leur travail et continuer d'être
les acteurs du développement durable de notre territoire en même temps que des
« aménageurs » de celui-ci.
Je crois donc, monsieur le ministre, qu'avec vos collègues de l'éducation, de
la santé et de la culture il faut que vous examiniez sérieusement ces questions
incontournables si vous pensez comme moi qu'il y a encore un avenir pour le
monde rural en France.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures
cinq, sous la présidence de M. Bernard Angels.)