SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation
nationale : I. - Enseignement scolaire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, au début de ce rapport, je voudrais poser le
cadre budgétaire dans lequel s'inscrit la politique gouvernementale et citer
quelques chiffres.
Le budget de l'enseignement scolaire, qui s'élève à 346 milliards de francs, a
connu, entre 1997 et 2001, une augmentation de 54 milliards de francs et, entre
2001 et 2002, une augmentation de 13 milliards de francs. Dans le même temps,
l'effectif des élèves scolarisés a diminué de quelque 300 000, ce qui fait que
le coût moyen annuel de l'élève a augmenté de 18 % en cinq ans.
En citant ces chiffres, il n'est pas question pour moi de condamner de
manière systématique l'accroissement de la dépense en faveur de l'enseignement.
Il s'agit en effet de préparer l'avenir de nos enfants, celui de nos jeunes,
donc l'avenir du pays.
Au cours de ce débat, nous devrons chercher à savoir si cette augmentation
entraîne des améliorations, si elle rend les enseignants plus heureux
d'enseigner, les élèves plus heureux d'apprendre et, par conséquent, le système
éducatif plus efficace.
Pour le savoir, il faut évidemment des indicateurs plus subtils que les
chiffres. Quelques faits s'imposent, mais je ne m'y appesantirai pas, car tout
le monde les connaît, et, à les relever, on risque de caricaturer la réalité,
ce que je ne veux pas faire.
Ainsi, on parle beaucoup de la violence dans les établissements. Sans doute
généralise-t-on trop, même si elle mine certains établissements. Il se trouve
que, ces temps-ci, on en parle moins, pour des raisons évidentes, mais elle
existe toujours : elle rend les professeurs désemparés, elle rend les élèves
malheureux, elle pourrit la vie dans certains établissements, nous ne le
méconnaissons pas.
Je constate, monsieur le ministre, que les sorties du système sans
qualification, qui ont baissé régulièrement pendant à peu près une décennie, ne
baissent plus. Peut-être a-t-on atteint un seuil incompressible ? J'espère que
ce n'est pas le cas. On en est aujourd'hui à 60 000 ; elles ont tendance à
remonter un peu, et ce n'est pas un bon indicateur.
Par ailleurs, on ne peut pas dire que les inégalités sociales aient été
vraiment corrigées ni que, face aux risques d'échec scolaire, tous les petits
Français soient égaux ; il reste encore beaucoup à faire.
Ces quelques faits démontrent fort bien, me semble-t-il, qu'il ne suffit pas
de dire : « toujours plus », qu'il faut dire : « toujours mieux ».
J'organiserai mon propos autour de quelques thèmes et, tout d'abord, je
parlerai non pas de pédagogie mais de quelques mesures qui ressortissent à la
pédagogie.
Je veux d'emblée, monsieur le ministre, saluer un certain nombre de points
positifs.
Ainsi, il me semble bon, parce que cela correspond aux besoins du temps et à
l'état de notre société, de relancer l'internat. Que le budget consacre 80
millions de francs par an à la création des bourses d'internat, c'est une bonne
mesure.
La création du fonds de rénovation des internats est une bonne chose
également. Mais j'observe que la somme de 30 millions de francs qui lui est
affectée est bien faible, et je me demande comment ces fonds vont être
mobilisés.
C'est une bonne chose aussi que le renforcement du dispositif médico-social ;
je n'y insiste pas non plus, mais il s'agit d'une action qui doit être
poursuivie.
Quant aux bourses de mérite, créées par M. Allègre, vous en augmentez le
nombre. Vous en prévoyez pour 10 000 élèves par niveau dans les lycées, 5 000
francs étant accordés à chaque élève ; c'est une mesure significative qui
devrait encourager les meilleurs.
Bonne chose aussi que la rénovation de la formation des enseignants !
Vous voulez éviter que les formateurs en instituts universitaires de formation
des maîtres, les IUFM, soient, en quelque sorte, des professionnels de la
formation et ne fassent que cela. Il faut en effet qu'ils soient aussi immergés
de temps en temps dans les classes, qu'ils aient une connaissance de la réalité
de l'enseignement. Vous tendez à favoriser la mise en place de formateurs en
service partagé ; j'approuve cette mesure.
J'approuve aussi, bien entendu, la professionnalisation de la deuxième année,
l'insistance étant mise, la première année, sur les disciplines. Cette
organisation me paraît rationnelle et raisonnable.
Je m'interroge néanmoins, monsieur le ministre, sur la mise en application de
ces excellentes orientations. Il semble qu'elles aient quelque peine à se
traduire dans les faits. Vous nous direz peut-être quelles sont vos intentions
et, j'espère, quelle est votre détermination à ce sujet.
Bonne chose, enfin, que la mise en place d'une formation continue, qui
prolongera en quelque sorte la formation initiale ! J'espère que cette
disposition, elle aussi, entrera en vigueur assez rapidement.
J'en reviens aux chiffres, non pas pour en citer, mais pour faire une
remarque.
Ces bonnes mesures que je viens d'énumérer ne mobilisent, en fait, qu'un
pourcentage très faible des crédits. Le reste de la masse des crédits sert à
autre chose, et le débat que nous allons avoir doit nous permettre de saisir
justement à quoi ils servent.
J'en viens à quelques remarques un peu plus critiques, monsieur le
ministre.
Je regrette, pour ma part, que les nouvelles orientations tracées pour le
collège soient encore très floues et que vous ayez autant de mal à faire entrer
dans les faits ce que vous paraissez souhaiter.
Les mesures de réforme annoncées par Mme Ségolène Royal tardent à se
concrétiser. En fait, s'applique au niveau du collège, ce phénomène tout à fait
spécifique de notre système d'enseignement ; je veux parler de l'espèce de
latence, plus encore de l'espèce de viscosité, voire de tendance au blocage,
qui fait que les réformes ne passent pas, que les intentions du ministre sont
souvent mal comprises dans les établissements et rarement appliquées dans leur
totalité. Ce n'est pas que les enseignants manifestent une mauvaise volonté,
mais notre système éducatif a du mal à s'adapter.
Il y aurait bien une solution, monsieur le ministre : qu'une plus grande
autonomie soit donnée aux établissements et que plus de responsabilités soient
accordées aux enseignants. Dans un rapport qu'il a rédigé sur le sujet, M.
Joutard, éminent universitaire, collaborateur de ministres, et non suspect de
partialité, a insisté, lui aussi, sur cette nécessité de développer l'autonomie
des établissements. Vous avez fait quelques efforts, vous avez tracé quelques
pistes : ce sont les fameux « itinéraires de découverte ». Mais c'est encore
trop peu, monsieur le ministre, et cela ne porte pas sur l'essentiel !
Je formulerai une autre remarque, également d'ordre pédagogique, sur les
objectifs.
Vous avez fixé des objectifs dans l'enseignement primaire comme dans
l'enseignement secondaire. Je vais m'arrêter un instant sur ceux de
l'enseignement primaire.
Les priorités y sont si nombreuses qu'il manque, me semble-t-il, un signe fort
pour exprimer quelle est « la » priorité : trop de priorités tuent les
priorités.
Il me semble, monsieur le ministre, qu'il y en a une sur laquelle il faudrait
de nouveau mettre l'accent fortement - je regrette que ce ne soit pas le cas
actuellement : je veux parler de l'acquisition et du renforcement des savoirs
fondamentaux. L'acquisition d'une langue étrangère, c'est très bien ;
l'ouverture à l'art et la culture, c'est évidemment très bien ; l'apprentissage
de la citoyenneté, c'est parfait. Mais tout cela ne doit-il pas s'organiser à
partir de la priorité absolue que doit être le renforcement des savoirs
fondamentaux ?
Or, monsieur le ministre, que constate-t-on ? Quand on examine le « bleu », on
voit que, dans l'agrégat consacré à l'enseignement primaire, cette acquisition
et ce renforcement des savoirs fondamentaux ont disparu en tant que priorité :
il s'agit, là encore, d'une anomalie.
Dans le peu de temps qui me reste maintenant, il me faut parler un peu des
emplois et de la gestion de ces emplois.
Je vais relever quelques points qui ont été pour moi des surprises - il
m'arrive encore de découvrir des choses ! Il faut dire que le monde que vous
gérez est si vaste, monsieur le ministre, que c'est bien compréhensible. Ainsi,
j'ai découvert - c'est la Cour des comptes et l'inspection générale qui l'ont
relevé - que le nombre moyen d'élèves par classe baisse, même si c'est de façon
modeste, et que, ce qui est surprenant, le nombre moyen d'heures de cours par
enseignant, lui, tend à diminuer de manière importante.
Il y a là un phénomène qu'il faut expliquer. Parmi les explications, il y a,
bien sûr, l'amélioration des conditions de travail de certains enseignants ; je
pense aux enseignants des lycées professionnels, dont le nombre d'heures de
cours, en tout cas les maxima de service, ont été réduits. Il y a bien d'autres
explications, mais celle-là est importante. Quoi qu'il en soit, la Cour des
comptes a évalué ce que représentait pour une seule académie, l'académie de
Nantes, la diminution de ce nombre moyen d'heures d'enseignement. J'ai été
surpris d'apprendre qu'entre 1994 et 1998 cela représentait 1 180 emplois.
C'est considérable !
Je relève une nouvelle fois que la spécialisation disciplinaire des
enseignants du second degré entraîne des effets pervers. Vous voulez parer aux
difficultés de la rentrée et veiller à ce que les élèves aient toujours des
professeurs devant eux. J'observe d'abord que le nombre de classes non pourvues
a cessé de diminuer. C'est bizarre, mais c'est ainsi : vous voulez qu'il n'y
ait plus de classe sans professeur, mais, comme dans votre système les
enseignants sont très spécialisés, soit ils ne sont pas employés de manière
continue, soit il faut leur demander de faire des heures supplémentaires. Aussi
le volume de ces dernières ne se réduit-il pas, il reste à peu près stable.
Je vais en terminer - je ne suis pas épuisé, mais mon temps l'est
(Sourires)
- en évoquant le service des enseignants. En vérité, la fin
de mon propos m'y conduit.
Vous vous faites une fierté de la hausse des dépenses. Elle est en effet
substantielle, puisque, en 1994 et aujourd'hui, c'est deux fois plus que pour
le budget de la police. Je fais cette comparaison sans malice, évidemment !
(Sourires.)
M. Jacques Valade,
président de la commission des affaires culturelles.
Sans aucune malice !
(Nouveaux sourires.)
M. Ivan Renar.
Non, bien sûr !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Comment s'explique cette augmentation du volume de la
dépense ? Par la progression des pensions et, surtout, par les plans de
revalorisation successifs, le protocole Durafour et le plan Jospin.
J'en arrive à un regret : pourquoi ne pas avoir profité de ces occasions
extraordinaires pour au moins tenter de redéfinir le service des enseignants
afin de l'adapter aux besoins actuels de l'enseignement ? Le corps enseignant
va largement se renouveler, nous avons tous les chiffres en mémoire. Pourquoi
ne pas saisir cette opportunité pour redéfinir le service des enseignants et
l'adapter aux tâches d'aujourd'hui ?
M. Jean-Claude Carle.
Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Le modèle de l'enseignant qui fait son cours, puis
rentre chez lui est obsolète, il ne correspond plus à la réalité. Mais le
service auquel sont contraints les enseignants remonte évidemment à plusieurs
décennies. J'aurais dû faire la recherche historique, sans doute est-il fort
ancien.
Monsieur le ministre, j'en viens à ma conclusion : personne ne nie votre
habileté, tout le monde la loue. Je suis tenté de vous appliquer une épithète
homérique :
polutropos
, l'homme aux mille tours.
(M. le ministre
sourit.)
Vous savez éviter les écueils, vous prévenez les tempêtes.
Mais, monsieur le ministre, à l'éducation, il faut aussi donner un cap, et,
s'il est un reproche à faire à ce Gouvernement - pas uniquement au ministre de
l'éducation nationale, qui, on le sait très bien, ne peut pas agir seul dans un
secteur aussi important - s'il est un reproche à faire, disais-je, à ce
Gouvernement, c'est de ne pas avoir clairement indiqué ce cap. Si tel était le
cas, peut-être comprendrions-nous mieux la nécessité des crédits que vous nous
demandez de voter.
En tout cas, le cap ne paraissant pas bien fixé, la commission des finances
n'a pas recommandé au Sénat l'adoption des crédits de l'enseignement scolaire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 52,7 milliards
d'euros, soit 345,7 milliards de francs, le projet de budget de l'enseignement
scolaire pour 2002 est, de loin, le premier poste budgétaire de l'Etat. Sa
progression est de 4,11 %, près du double de celle du budget général.
Je rappelle que les crédits ont augmenté de 57 milliards de francs depuis
trois ans, alors que leur progression n'avait été - si je puis m'exprimer ainsi
! - que de 113 milliards de francs entre 1989 et 1999. Depuis 1997, ce poste a
absorbé plus de 40 % de l'augmentation des dépenses budgétaires.
Comme l'avait déjà constaté la commission d'enquête du Sénat consacrée à la
gestion des personnels de l'éducation, ces derniers chiffres traduisent
incontestablement un emballement de la dépense publique d'éducation, qui
résulte d'ailleurs pour l'essentiel du poids du passé et des dépenses directes
et indirectes de rémunération, alors que le coût des initiatives pédagogiques
engagées à l'école, au collège et au lycée paraît, en proportion, des plus
réduits.
Malgré cette débauche de moyens budgétaires, je ne suis pas persuadé que
l'école assure aujourd'hui de manière plus satisfaisante l'intégration de tous
les élèves, qu'elle favorise davantage l'égalité des chances - le délabrement
du système des bourses de collège en témoigne - et qu'elle joue un plus grand
rôle d'ascenseur social. Je suis même convaincu du contraire. Il suffit de
regarder ce qui se passe pour s'en convaincre.
Au-delà de ses résultats, souvent décevants par rapport aux moyens affectés,
notre système scolaire n'est pas non plus en mesure d'assurer un épanouissement
des élèves à la mesure de leurs capacités personnelles. Or ce sont bien là les
véritables enjeux qui nous permettent de nous prononcer sur la pertinence des
moyens engagés. J'y reviendrai.
S'agissant des emplois, près de 11 000 créations sont annoncées, pour un coût
de 2,1 milliards de francs. Mais il faut constater que le nombre de créations
nettes n'est que de 4 300 ; alors que 4 200 sont destinés à résorber la
précarité et 2 312 sont des emplois de stagiaires.
Parmi les quelque 9 000 emplois d'enseignant créés, 2 400 seront affectés au
premier degré, dont 800 nouveaux emplois de professeur destinés à résorber les
inégalités de dotation entre les académies. Pour le second degré, qui
bénéficiera de la création de près de 6 600 emplois, 1 000 emplois nouveaux
seront affectés à la réforme du collège et à la relance de l'enseignement
professionnel.
Concernant les emplois non enseignants, je noterai un certain effort en faveur
des personnels médico-sociaux, notamment à destination des internats. Mais les
1 175 emplois d'ATOS - personnels, administratif, technicien, ouvriers et de
service - créés ne permettront sans doute pas de remédier au déficit structurel
d'encadrement constaté dans les établissements. On peut même se demander si les
emplois créés permettront de compenser les effets du récent accord sur la
réduction du temps de travail et d'accompagner, par exemple, l'effort de
construction et d'extension des collèges engagé par nos départements.
Nous savons tous à quel point les départements sont amenés à multiplier les
rénovations, les extensions, les constructions nouvelles, alors que les
créations d'ATOS, très en retrait, n'ont pas permis la mise à niveau des moyens
d'entretien de ces établissements.
Je veux, en revanche, saluer le plan de relance de l'internat scolaire,
politique utile qui s'accompagne d'une aide financière non négligeable aux
familles des élèves boursiers internes, alors que les bourses de collège
restent d'un montant dérisoire. Je souhaite aussi que les collectivités
territoriales participent au financement de ces internats, sans aller
toutefois, bien entendu, jusqu'à supporter le coût de leur encadrement.
Ces créations d'emplois s'inscrivent dans la programmation du plan
pluriannuel, qui prévoit une augmentation substantielle des postes mis aux
concours pour les cinq ans à venir et la création de 27 600 emplois pour la
période 2001-2003. Si cette programmation était attendue depuis longtemps par
la commission des affaires culturelles, je tiens cependant à souligner le
caractère exclusivement quantitatif du plan pluriannuel, qui n'est assorti
d'aucune orientation pédagogique nouvelle, concernant en particulier
l'obligation de service des enseignants.
En outre, les moyens attribués à l'enseignement scolaire doivent s'apprécier
au regard de l'évolution des effectifs scolaires du second degré, qui ont fondu
de 367 000 élèves depuis 1995 et qui devraient se stabiliser dans les cinq ans
à venir.
Si les personnels sont de plus en plus nombreux, leur gestion n'est pas sans
susciter des critiques. Les récentes conclusions de la Cour des comptes
viennent confirmer le constat effectué il y a déjà deux ans et demi par la
commission d'enquête du Sénat, même si la réforme du mouvement des enseignants
du second degré, engagée depuis trois ans, peut être considérée comme
positive.
J'aborderai ensuite l'utilisation des moyens budgétaires nouveaux et les
nouvelles orientations pédagogiques engagées pour l'école, le collège et le
lycée.
S'agissant du premier degré, la commission des affaires culturelles ne peut
que partager le souci du ministre de recentrer les programmes sur la maîtrise
des fondamentaux, d'autant que le phénomène de l'illettrisme et des élèves en
grande difficulté de lecture perdure et s'accroît même, comme le révèlent les
dernières journées d'appel de préparation à la défense et les évaluations
nationales. Cela témoigne d'une certaine incapacité de l'école à remédier au
poids des inégalités sociales et scolaires.
Vous avez, certes, monsieur le ministre, mis en place des aides personnalisées
et un système de repérage des élèves les plus en difficulté. Mais je ne peux
que m'inquiéter - et je ne suis pas le seul - de la philosophie des nouveaux
programmes, dont le projet est actuellement soumis aux enseignants du premier
degré. Celui-ci consisterait à instituer une sorte d'apprentissage
interdisciplinaire du français, en abandonnant les anciennes plages horaires
spécifiques. Gardons-nous, monsieur le ministre, des expérimentations
pédagogiques généralisées de façon trop hâtive et qui peuvent être
dévastatrices pour les jeunes en difficulté ! Nous savons le tort que
l'introduction rapide des mathématiques modernes a provoqué chez les jeunes les
plus fragiles. Ne commettons pas les mêmes erreurs une nouvelle fois !
J'en viens à votre objectif, ambitieux, pour l'enseignement des langues
vivantes, qui devrait être étendu à tous les élèves de CM 1 et même à la grande
section de maternelle à la rentrée 2005. Je rappelle cependant que sa
généralisation en CM 2 l'an dernier s'est réalisée dans des conditions
difficiles, faute d'enseignants qualifiés, et que l'évaluation des élèves
concernés en classe de sixième s'est révélée encore décevante. Je ne suis pas
certain que les 100 emplois et les 100 millions de francs supplémentaires
affectés à cette action en 2002 permettent d'améliorer sensiblement cette
situation.
J'ajoute que 19 millions de francs seront consacrés en 2002 aux classes à
projet artistique et culturel, dont 20 000 ont été mises en place à la dernière
rentrée, et qui sont de nature à réduire les inégalités avant le collège. Je
note cependant la faiblesse de l'aide apportée par l'éducation nationale pour
chaque appel à projet, ce qui conduira sans doute à solliciter une nouvelle
fois les collectivités locales.
Sur un plan plus général, il convient de se demander si les multiples
innovations pédagogiques annoncées dans le premier degré, auxquelles il faut
ajouter d'ailleurs l'enseignement des langues régionales et l'initiation
scientifique, ne risquent pas de conduire à une dispersion des efforts à
l'intérieur d'un horaire hebdomadaire nécessairement limité. Ne vont-elles pas
à l'encontre de la vocation même de l'école primaire, qui est l'acquisition des
fondamentaux dans une perspective d'intégration des élèves et d'égalité des
chances ?
Le collège, qui reste unique, doit désormais proposer un parcours de formation
conciliant exigences et pluralité d'itinéraires afin de mieux gérer
l'hétérogénéité des élèves. Son autonomie devrait être développée par une
globalisation des moyens qui sera progressivement étendue à toutes les classes.
La diversité des élèves sera prise en compte en cinquième et en quatrième, avec
la mise en place d'itinéraires pluridisciplinaires de découverte, qui viendront
s'ajouter, selon un schéma quelque peu complexe, aux parcours diversifiés et
autres travaux croisés existants.
Monsieur le ministre, un rapport rédigé par l'une de vos inspections générales
montre, vous le savez, que les mesures prises en application du précédent plan
de réforme du collège, lancé à la rentrée de 1999, sont pour la plupart restées
lettre morte et ont été très largement ignorées par les enseignants et les
établissements.
La commission des affaires culturelles ne peut donc qu'exprimer un certain
scepticisme quant à la mise en oeuvre effective et à l'efficacité de ces
mesures pédagogiques nouvelles, qui se succèdent de ministre en ministre et
finissent par se chevaucher, suscitant ainsi l'incompréhension, voire
l'indifférence, des équipes enseignantes et des familles.
Pour ma part, je crois que les établissements ont surtout besoin d'une
continuité pédagogique, de confiance et de soutien, d'une plus grande
autonomie, et qu'il convient d'abord de remédier aux disparités constatées
entre collèges, disparités qui sont sources d'inégalités scolaires, comme le
révèle officiellement, et pour la première fois, une étude réalisée par l'une
de vos directions.
Si les actions que vous avez engagées pour stabiliser les équipes enseignantes
dans les zones sensibles doivent être saluées, il faudrait aussi, sans doute,
engager une réflexion sur l'avenir du système d'éducation prioritaire, qui
évolue vers un système éducatif à deux vitesses, et sur la mise en place d'un
véritable dispositif d'aide au mérite, dont le mécanisme des bourses de collège
n'est plus aujourd'hui qu'une caricature.
J'évoquerai rapidement, avant de conclure, la politique menée en faveur de
l'enseignement des langues régionales.
S'agissant de la langue corse, plus de 27 000 élèves de l'île, dont près de 80
% dans le premier degré, bénéficient déjà de cet enseignement, ce qui montre
clairement le caractère symbolique de l'article 7, si controversé, du projet de
loi relatif à la Corse, qui a été heureusement modifié par le Sénat.
Pour ce qui est de l'enseignement dit « immersif » en breton, pratiqué par les
écoles de l'association Diwan, dont l'intégration dans le service public est
prévue par l'article 65 rattaché du projet de loi de finances, je crois qu'il
convient de ramener la controverse à de justes proportions : l'association est
placée en effet sous contrat d'association depuis 1994 et elle ne regroupe que
2 400 élèves.
Nous souhaitons cependant, monsieur le ministre, que vous nous donniez des
précisions sur cette intégration et sur les modifications que vous entendez
apporter pour faire en sorte que le nécessaire soutien aux langues régionales
soit parfaitement conforme à la Constitution et à la loi du 4 août 1994. Nous
pourrons ainsi nous prononcer en toute connaissance de cause.
D'une manière générale, notre commission regrette que ce problème de
l'enseignement des langues régionales n'ait jamais fait l'objet du moindre
débat au Parlement. Un tel débat ne pourrait-il être organisé au Sénat ?
Sous réserve de ces observations, en dépit de l'augmentation des moyens, mais
compte tenu des incertitudes subsistant quant à leur utilisation et à leur
efficacité, ainsi que du manque de clarté de certaines des réformes
pédagogiques annoncées, la commission des affaires culturelles a émis un avis
défavorable sur les crédits de l'enseignement scolaire pour 2002.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme David, rapporteur pour avis.
Mme Annie David,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement technique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter pour la première fois le
projet de budget de l'enseignement technologique et professionnel, succédant
ainsi à ma collègue Hélène Luc, dont les conseils m'ont été précieux.
(Mme
Luc sourit.)
Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des années antérieures.
Huit millions d'actifs étant appelés à sortir du monde du travail dans les dix
ans à venir, des besoins considérables en professionnels qualifiés vont se
manifester au cours de la même période.
L'enseignement technologique et professionnel est donc appelé à jouer un rôle
essentiel, tant pour former les futurs actifs appelés à remplacer leurs aînés
que pour proposer des formations répondant à une élévation inéluctable du
niveau général des qualifications, aussi bien dans l'industrie que dans les
services.
Je crois cependant qu'il convient de rompre avec l'idée selon laquelle la voie
professionnelle est la seule voie pour remédier à l'échec scolaire, car
l'enseignement général et l'enseignement technologique ont aussi un rôle à
jouer dans l'accueil des élèves en difficulté.
Par ailleurs, la revalorisation de la voie professionnelle passe par la
promotion de passerelles véritables, autorisant les élèves concernés à renouer
avec la réussite ; la diversification de cette voie doit permettre une
élévation du niveau général des savoirs et offrir une qualification
professionnelle pour toute la filière, du certificat d'aptitude professionnelle
à la licence professionnelle, en passant par le brevet de technicien
supérieur.
Les moyens prévus pour 2002 restent difficiles à appréhender en raison du mode
de présentation des documents budgétaires. J'indiquerai cependant que les
crédits affectés à l'enseignement professionnel sont de l'ordre de 6,10
milliards d'euros, soit 40 milliards de francs, leur progression étant
parallèle à celle des crédits de l'enseignement scolaire. L'effort engagé
depuis trois ans en faveur des personnels enseignants se poursuit pour
accompagner la mise en oeuvre des innovations pédagogiques : 1 770 emplois de
professeurs des lycées professionnels, ou PLP, seront ainsi créés en 2002, pour
un coût de 18,7 millions d'euros, soit 122,7 millions de francs. Ces emplois
peuvent être ventilés entre 370 créations nettes, 500 emplois créés par
transformation d'heures supplémentaires et 900 emplois créés pour contribuer à
résorber l'emploi précaire, qui est, vous le savez, traditionnellement élevé
dans la voie professionnelle. J'ajouterai que 310 emplois non budgétaires de
PLP seront créés en formation continue et en apprentissage.
Il n'est pas inutile de rappeler que l'effort engagé depuis trois ans pour
résorber la précarité s'est traduit par la création de 4 460 emplois et que 6
280 emplois budgétaires de PLP ont été créés en cinq ans, dont 2 410 par la
précédente loi de finances.
S'agissant des emplois non enseignants, les lycées technologiques et
professionnels bénéficieront d'une bonification de dotation pour les personnels
ATOS compte tenu de leurs besoins particuliers en maintenance et en
entretien.
En outre, est prévue la création de trente emplois de conseiller en formation
continue, de treize emplois de conseiller d'orientation psychologue et de sept
emplois de directeur de centre d'information et d'orientation, ces centres
étant appelés à jouer un rôle important dans la généralisation de l'entretien «
plan de carrière » à quinze ans.
Ces créations d'emplois s'inscrivent dans un plan de relance du recrutement et
de résorption de la précarité : le concours externe de PLP a ainsi enregistré,
pour la session 2001, une augmentation de 19 % des ouvertures de postes,
l'augmentation étant de 25 % pour le concours destiné à résorber l'emploi
précaire. Sur les 2 300 PLP titularisés en 2001, 1 100 l'ont été au titre du
concours réservé et 900 au titre de la nouvelle voie de l'examen
professionnel.
Au total, l'augmentation du nombre de places au concours externe de PLP sera
de 40 % entre 2000 et 2002, contre 29 % pour le CAPES.
Le projet de budget prévoit, en outre, deux mesures de pré-recrutement pour
ouvrir, d'une part, 200 places en cycle préparatoire au concours externe de
PLP, assorties d'une rémunération annuelle de 135 000 francs, et pour créer,
d'autre part, 112 emplois de PLP stagiaire, destinés à accueillir les lauréats
des concours. Ces deux mesures devraient permettre d'anticiper les difficutés
de recrutement résultant notamment de la concurrence avec les entreprises dans
certaines spécialités.
A cet égard, lors de son audition en commission, M. Mélenchon, ministre
délégué à l'enseignement professionnel, a évoqué le recours à la formule des
professeurs associés, qui se partageraient entre le lycée professionnel et leur
entreprise. Ce projet suscite, comme j'ai pu le constater, le scepticisme de
certaines organisations syndicales.
Les mesures prévues pour améliorer la situation des personnels sont les
suivantes : création d'une échelle de rémunération des PLP bi-admissibles à
l'agrégation, accès plus aisé des PLP à la hors-classe, revalorisation - très
attendue - de l'indemnité de responsabilité des chefs de travaux.
Par ailleurs, 3,81 millions de francs seront consacrés à la rénovation des
diplômes professionnels, 35 millions de francs à la rénovation de huit grandes
filières de BTS et à la création du BTS « banques ». Près de 5 millions de
francs sont également prévus pour abonder la dotation affectée aux dispositifs
de validation des acquis implantés dans les lycées professionnels.
L'enseignement technologique et professionnel bénéficiera des mesures
générales prévues pour le second degré.
Au titre du plan pluriannuel, une infirmière au moins sera affectée dans
chaque lycée professionnel, ce qui me paraît un minimum compte tenu des risques
encourus par les élèves en atelier, outre les besoins d'écoute, de conseils et
de prévention de tous les adolescents.
La mise en oeuvre du plan de prévention des violences en lycée professionnel
se traduira par l'affectation de nouveaux CPE - conseillers principaux
d'éducation - dans ces établissements.
Le plan de relance de l'internat scolaire concerne aussi, en priorité, les
lycées professionnels puisqu'on y compte deux fois plus de pensionnaires qu'en
lycée général et davantage d'élèves boursiers susceptibles de bénéficier de la
nouvelle prime à l'internat.
S'agissant de l'évolution récente de l'effectif des lycéens professionnels,
les rentrées scolaires de 1999 et de 2000 avaient enregistré une baisse très
importante des inscriptions. Celle-ci pouvait certes s'expliquer par des
réformes pédagogiques, la concurrence de l'apprentissage, la reprise de
l'emploi, voire une certaine inadaptation de l'offre de formation, mais aussi,
sans doute, par une orientation excessive vers la voie technologique et
générale. On est fondé à se demander si des impératifs de gestion et un « effet
de système » n'ont pas conduit à privilégier l'orientation vers ces filières,
au détriment de la réussite des élèves.
Notre commission constate avec satisfaction que la nouvelle politique
d'orientation mise en place dans les académies, en s'inspirant des
préconisations de l'inspection générale, semble avoir contribué à inverser la
tendance, puisque 12 000 inscriptions supplémentaires en lycée professionnel
ont été enregistrées à la rentrée 2001.
Le développement du dispositif de l'entretien « plan de carrière » à quinze
ans, expérimenté l'an dernier dans quelques académies, participe aussi de
l'objectif consistant à passer d'une orientation subie par les élèves à une
orientation véritablement choisie.
Les sorties du système éducatif sans diplôme ou sans qualification touchent
respectivement 100 000 et 60 000 élèves. Les sorties sans qualification restent
malheureusement stables depuis 1994 et représentent environ 8 % des sorties.
J'ajoute que les abandons en cours de préparation au CAP et au BEP constituent
la moitié de ces sortants, que 15 000 lycéens de plus de seize ans abandonnent
chaque année leurs études pour entrer dans la vie active, que 16 000 collégiens
ont plus de seize ans, que 17 000 élèves triplent la classe de seconde et que
11 000 élèves abandonnent cette classe et leurs études sans qualification.
Bref, les élèves en grand retard scolaire semblent constituer l'essentiel des
sorties sans qualification ; une réflexion devrait être engagée pour réduire ce
volant de sorties qui alimentent la précarité sociale.
J'évoquerai rapidement les mesures de rénovation pédagogiques introduites et
poursuivies dans la voie professionnelle depuis la rentrée 2000.
Ces mesures se traduisent pour l'essentiel, d'une part, par une réduction des
volumes horaires et une augmentation des dédoublements de classe, qui sont
particulièrement nécessaires dans certaines disciplines générales, d'autre
part, par une généralisation des projets pluridisciplinaires à caractère
professionnel, les PPCP, qui sont, en fait, l'équivalent des travaux
pluridisciplinaires encadrés de la voie générale.
Je noterai seulement, dans le droit-fil des observations de l'inspection
générale, que l'expérimentation des PPCP a sans doute pâti d'un lancement
tardif, d'un soutien insuffisant des académies, d'un certain désintérêt des
élèves et d'une sur-représentation des disciplines professionnelles dans les
projets, au détriment des disciplines générales. Un ajustement des PPCP
s'impose, à l'évidence, pour adapter les projets aux attentes spécifiques des
élèves de BEP et de « bac pro ».
La rénovation de la voie technologique a fait l'objet, à la rentrée 2001, de
mesures ponctuelles, adaptées pour l'essentiel de la réforme du lycée général.
Les propositions du rapport Decomps sont autrement ambitieuses puisqu'elles
visent notamment à clarifier la lisibilité des séries industrielles, à
construire des parcours de réussite au-delà du baccalauréat, à moderniser le
contenu des formations de certaines séries, à faciliter les choix d'orientation
et de réorientation et, surtout, à installer le lycée des métiers.
Comme vous le savez, le lycée des métiers devrait permettre de réunir, sans
les confondre, les voies technologique et professionnelle, le CFA - centre de
formation d'apprentis - public, le centre de formation continue, le centre de
validation des acquis, les STS - sections de techniciens supérieurs - voire les
licences professionnelles : un tel objectif suppose un « peignage » de certains
diplômes qui présentent entre eux de fortes analogies, une procédure de
labellisation prenant en compte le dynamisme pédagogique des établissements, le
rôle de la région, la place du lycée dans la carte des formations, la capacité
d'accueil en internat, etc.
Alors que plus de 200 établissements susceptibles d'obtenir le label « lycée
des métiers » ont d'ores et déjà été repérés par les rectorats, pourriez-vous
nous fournir des indications complémentaires, monsieur le ministre, sur les
critères de labellisation retenus, afin que l'unité du service public de
l'éducation soit préservée et que les lycées non labellisés ne pâtissent pas
d'une image négative ?
En dépit des réserves exprimées par certains, je crois que cette formule est
de nature à renforcer l'attractivité de la filière professionnelle, à permettre
des réorientations, à offrir aux meilleurs élèves la possibilité de poursuivre
leurs études et, surtout, à faire sortir les lycéens professionnels d'une sorte
de ghetto culturel où certains se sentent enfermés.
Avant de conclure, j'évoquerai très rapidement la nécessité de rétribuer les
stages en entreprise des lycéens professionnels, faute de quoi les formations
sous statut scolaire seront pénalisées par rapport à l'apprentissage, ou encore
les sorties anticipées vers l'emploi des élèves d'origine modeste ou même
d'élèves chargés de famille seront encouragées.
Certes, ce dossier est difficile puisque les 400 000 lycéens professionnels
sont astreints à des stages obligatoires, alors que les entreprises ne sont pas
tenues de les accueillir. Je crois que l'éducation nationale a un rôle
essentiel à jouer pour mettre en place un système de rétribution, qui ne doit
cependant pas conduire à réduire le nombre de stages proposés par les
entreprises, ainsi que pour accélérer les négociations engagées avec les
branches professionnelles.
Sous réserve de ces observations, compte tenu de l'évolution positive des
moyens proposés, des réformes pédagogiques engagées et des perspectives de
revalorisation de la filière professionnelle, la commission des affaires
culturelles est favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement
technologique et professionnel pour 2002.
(Applaudissements.)
M. Ivan Renar.
Avec les félicitations du conseil de classe !
(Sourires.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 28 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
J'invite par ailleurs les intervenants à respecter scrupuleusement les temps
de parole qui leur sont impartis.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'enseignement scolaire est la première ligne du budget de la nation, M.
Philippe Richert vient de le dire - je salue, à cette occasion, la finesse de
son analyse ainsi que la qualité du rapport de notre collègue Mme David.
C'est la première ligne du budget de la nation, et nous ne consacrons que
trois heures et demie à sa discussion. C'est peu ! Je me réjouis néanmoins que
le débat ait lieu, cette année, un jeudi matin, et non plus, comme l'année
dernière, un vendredi soir ou, comme il y a deux ans, un dimanche
après-midi.
L'éducation nationale est, avec la sécurité, la première des préoccupations de
nos compatriotes. Je suis d'ailleurs frappé par l'analogie de comportement des
Français dans ces deux domaines.
En matière de sécurité, ils nous reprochent d'avoir un système judiciaire qui
accorde plus d'importance à l'agresseur qu'à la victime. De même, en ce qui
concerne l'éducation, il nous reprochent de nous soucier davantage, ou à tout
le moins autant, du statut des enseignants que de la réussite de l'enfant.
Ces deux sujets, bien que différents, sont intimement liés, car l'insécurité
commence souvent à l'école. Pour l'année scolaire 1999-2000, 225 000 «
incidents » ont été déclarés, chaque trimestre, dans les établissements
scolaires. Les faits graves sont en augmentation. Les signalements de port
d'armes blanches et de bombes lacrymogènes ont doublé. L'école primaire, à son
tour, est touchée.
La première chose à faire, c'est de remettre l'enfant au coeur du système
éducatif. C'est lui la finalité de l'éducation nationale, c'est à lui qu'il
faut donner toutes les possibilités d'acquérir le savoir, c'est à lui qu'il
faut donner les meilleures chances de réussir.
Pour cela, il faut tout d'abord concilier éthique et réalité : tous les
enfants sont égaux, mais aucun n'est pareil à l'autre. La confusion du droit et
du fait est à l'origine de bien des difficultés de l'enseignement scolaire.
Ainsi, au nom de l'éthique, vous vous cramponnez au collège unique. Monsieur
le ministre, la réalité, c'est 30 % des élèves qui ne maîtrisent pas les
disciplines de base et l'organisation actuelle du collège est bien incapable
d'y faire face.
Le deuxième remède, c'est de mobiliser tous les maillons du système éducatif,
c'est-à-dire les enseignants, bien sûr, mais aussi les personnels ATOS et
médico-sociaux.
Or force est de reconnaître que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Le nombre de
ces personnels augmente heureusement, mais cette croissance est sans commune
mesure avec celle du nombre des enseignants.
La commission d'enquête du Sénat sur la situation et la gestion des
personnels, dont j'étais l'un des rapporteurs, a montré qu'en vingt ans le
nombre des enseignants a augmenté de 40 %, alors que les effectifs d'élèves
n'ont progressé que de 17 %. Et il continue d'augmenter, alors que le nombre
d'élèves diminue aujourd'hui !
Nous avions également relevé que, en 1998, 30 000 enseignants - 80 000 selon
M. Claude Allègre - soit l'équivalent d'une trente et unième académie
virtuelle, n'étaient pas devant les élèves, ce qui représente environ 9
milliards de francs par an mal investis.
Dans le même temps, des élèves sont sans instituteur ou sans professeur. Nous
avions ainsi découvert que, chaque année, 5 % des heures d'enseignement dues
aux élèves n'étaient pas effectuées et ne faisaient l'objet d'aucun
remplacement. Résultat : en moyenne, les élèves du second degré perdent chaque
année trois semaines de cours et, de la sixième à la terminale, un élève perd
une demi-année d'enseignement.
Si les enseignants sont en surnombre, l'encadrement médico-social et les
personnels ATOS accusent, en revanche, de graves carences qui nécessiteraient
un effort volontariste.
Le cas des infirmières scolaires est exemplaire, à cet égard. Elles sont 6 000
pour toute la France ! Il en faudrait au moins le double. Dans mon département,
elles sont 81 seulement, et certaines ont 3 700 enfants à charge.
Le même constat s'impose pour les personnels ATOS. Les collectivités
territoriales construisent des établissements, mais l'Etat ne met pas en place
le personnel nécessaire à l'entretien et à la maintenance des bâtiments.
Or ces personnels infirmiers et de service ont une fonction éducative éminente
vis-à-vis des enfants. Les infirmières sont souvent des confidentes. Leur
mission dépasse la simple « bobologie ». Elles conseillent, rassurent les
enfants qui cumulent les handicaps sociaux, culturels. Elles évitent souvent
des drames en matière de drogue, de violence, de fugue, de problèmes liés à la
sexualité.
C'est pourquoi leur rôle est, d'une certaine façon, aussi important que celui
du professeur de mathématiques. Comment un enfant perturbé physiquement ou
psychologiquement peut-il être réceptif à l'algèbre ? « Bien dans son corps,
bien dans sa tête », dit le proverbe.
De même, un agent d'entretien qui surprend un élève en train de dégrader du
matériel contribue à l'apprentissage de la civilité.
Les enseignants sont essentiels, mais on ne peut avoir d'yeux que pour eux,
même si les corporatismes et les rapports de force sont plus importants chez
eux.
Il faut en prendre conscience : avec l'évolution actuelle de la société et la
crise de la famille, la vocation de l'école n'est plus seulement la
transmission du savoir.
L'école doit jouer un rôle plus large : elle doit non seulement transmettre le
savoir, mais aussi le savoir-être, le comportement et le savoir-faire qui
permettra au jeune de vivre plus tard de son savoir. C'est pourquoi il faut
ouvrir l'école sur le monde extérieur, que ce soit le monde associatif ou le
monde économique.
N'oublions pas que le système éducatif doit apporter une double réponse : une
réponse sociale en essayant de satisfaire au mieux le projet du jeune, le
souhait de la famille ; une réponse économique, en tenant compte du marché de
l'emploi pour permettre au jeune de s'insérer dans le monde du travail et lui
donner toutes les chances de réussir sa vie professionnelle.
Le système éducatif ne pourra apporter efficacement cette double réponse s'il
ne sort pas du préjugé culturel qui hiérarchise les différentes formes
d'intelligence.
Notre société privilégie encore trop l'intelligence abstraite. « Dis-moi le
nombre de tes années d'études après le bac, je te dirai qui tu es » : voilà qui
résume la conception de la réussite à la française !
Nous oublions l'autre forme d'intelligence, celle de la main, au sens le plus
large du terme, c'est-à-dire l'intelligence physique, manuelle, artistique.
C'est pourquoi les filières générales, professionnelles, technologiques ne
doivent plus être hiérarchisées, même si, bien sûr, chacune doit avoir ses
pôles d'excellence.
Les choses ne changeront que si l'on transforme le système actuel
d'orientation : il faut passer d'une orientation par échecs successifs à une
orientation positive.
Il est vrai que les choses évoluent. Mais reconnaissons que l'apprentissage,
les métiers du bâtiment et des travaux publics ou de la restauration, c'est
toujours pour les enfants des autres, ce n'est jamais pour les siens !
Il me semble qu'il y a trois principes simples, mais essentiels, à respecter
si nous voulons améliorer la situation.
Je suis convaincu, tout d'abord, que la réponse n'est pas dans l'inflation
budgétaire. Les résultats le prouvent, j'ai eu l'occasion de le dire à maintes
reprises.
Depuis quinze ans, le budget n'a cessé d'augmenter, mais les résultats ne
s'améliorent pas, au contraire : le nombre de jeunes qui sortent chaque année
du système éducatif sans aucune qualification augmente depuis 1996, le nombre
d'établissements minés par la violence et les incivilités croît de façon
préoccupante et de nombreuses inégalités persistent.
De leur côté, les enseignants ne sont pas satisfaits, alors que plus de 90 %
des 346 milliards de francs du budget 2002 leur sont destinés.
Arrêtons cette fuite en avant, pour le plus grand bien de tous. Nous ne
réformerons pas le système contre les enseignants. Ce n'est pas possible, ni
souhaitable d'ailleurs. Votre prédécesseur en a fait l'amère expérience. Et
pourtant, il posait de vraies questions.
Sa posture était provocatrice. Vous, vous avez adopté une autre attitude :
l'hypnose. Lui, il a braqué les enseignants ; vous, vous les hypnotisez !
(Rires.)
Et c'est efficace : le climat est moins agité, on le voit. Mais le danger de
l'hypnose, monsieur le ministre, vous le savez, c'est le réveil !
(Exclamations amusées.)
Et plus nous continuons dans cette voie du toujours plus, plus le réveil sera
difficile. Pour ma part, je préfère donc le toujours mieux, comme l'a très bien
dit M. Gouteyron.
Or, à budget constant, nous pouvons faire à l'évidence beaucoup mieux,
notamment en redéployant le budget vers les deux maillons essentiels du système
éducatif dont j'ai parlé précédemment : les personnels du secteur médico-social
et les personnels ATOS.
Les trois principes de réforme de l'éducation nationale sont le développement
du partenariat et de la proximité dans le cadre d'un Etat régalien recentré sur
ses missions éducatives essentielles.
L'éducation nationale reste encore trop fermée, trop cloisonnée. On parle
encore aujourd'hui de l'éducation nationale comme d'un objet abstrait, isolé
des autres institutions et des autres acteurs sociaux. Concrètement, cela se
traduit par un partenariat insuffisant et par une centralisation excessive. Le
partenariat doit s'établir avec tous ceux qui ont une responsabilité éducative
: les collectivités locales, les familles, les professions.
Quant à la proximité, elle consiste à raisonner au niveau du bassin de
formation et à responsabiliser davantage les établissements.
Enfin, ce partenariat, cette proximité doivent être envisagés dans le cadre
d'une Etat régalien.
Le ministère doit se recentrer sur sa mission essentielle : la pédagogie, la
réglementation des diplômes et la préservation de leur unicité et de l'équité
sur tout le territoire. Il doit oser laisser faire par d'autres des tâches
qu'il ne sait pas ou qu'il ne peut plus faire. Là n'est malheureusement pas
votre volonté.
Monsieur le ministre, autant vous étiez vif au ministère de la culture, autant
vous semblez inerte à l'éducation nationale.
(M. le ministre marque son
étonnement.)
M. Nicolas About.
Peut-être plus prudent !
M. Jean-Claude Carle.
Je le dis avec beaucoup de respect, tant pour l'homme que pour la fonction.
C'est dommage, monsieur le ministre, mais ce budget ne prépare pas
suffisamment l'avenir de nos enfants. Au mieux, il assure la paix sociale de
certaines catégories de fonctionnaires à l'approche des élections. Le groupe
des Républicains et Indépendants ne votera donc pas ce budget de l'enseignement
scolaire.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
On s'en serait douté !
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'était «
jadis et naguère » le secrétariat d'Etat à l'enseignement technique ; c'est
aujourd'hui le ministère de l'enseignement professionnel. Je m'en réjouis.
Cela dit, les chiffres sont effectivement difficiles à appréhender.
La formidable mutation de notre société, sous le coup des avancées
technologiques et les nouveaux défis lancés à notre économie se sont traduits
par une demande croissante de main-d'oeuvre. Malheureusement, nous avons
constaté un manque flagrant de main-d'oeuvre qualifiée.
A ces raisons générales s'ajoute le départ progressif en retraite de toute une
génération. On mesure dès lors à quel point s'impose une politique en faveur
d'un enseignement professionnel confirmé et solidement organisé.
Il faut donc revaloriser l'enseignement technique. Je le souhaite d'autant
plus que, lors de mes nombreuses années d'enseignement en collège technique et
en lycée professionnel, j'ai souvent déploré le processus d'orientation vers le
technique, c'était l'orientation par l'échec. Tous les participants étaient
fautifs, coupables : les enseignants du secondaire, les parents d'élèves.
C'était un véritable processus culturel : ici, on refusait d'orienter des
élèves qui avaient la moyenne ; là, des enseignants vivaient comme une défaite
personnelle l'orientation de leurs élèves vers le technique.
C'est certainement encore vrai aujourd'hui, même si c'est dans une moindre
mesure. « On préfère alimenter la machine à casser les élèves et les envoyer
ensuite à la fac par wagons, comme si les voies professionnelles et techniques
n'avaient pas, elles aussi, des débouchés », comme le dit si bien M.
Mélenchon.
Ajoutons à cela les sorties regrettables et fâcheuses du système sans
qualification, l'ambiance qui règne dans trop d'établissements, le rapport de
violence entre les élèves et les enseignants, même si ce n'est pas là la
caractéristique exclusive des établissements d'enseignement professionnel.
Il convient donc, pour le moins, de revaloriser encore l'enseignement
professionnel. Un effort a été engagé, et il a déjà eu des conséquences
positives.
Ce fut d'abord, la création des baccalauréats professionnels. Et, aujourd'hui,
c'est grâce à l'enseignement professionnel et technologique que 62 % d'une
classe d'âge décroche le baccalauréat. En fait, c'est un constat heureux, les
baccalauréats professionnels ont motivé tant les professeurs que les élèves, et
la désaffection à l'égard de l'enseignement professionnel diminue.
Cette revalorisation est due aussi à la rénovation des diplômes, à la création
de BTS, à la validation des acquis. C'est là un travail de fond, un travail de
motivation mené dans l'opinion. C'est bien.
J'ai eu l'occasion d'accompagner M. Mélenchon durant des heures sur le terrain
et de l'observer au contact tant des enseignants et des représentants des
parents que des élèves. J'ai constaté sa volonté, la conviction de ses propos
et son langage direct dans les nombreux échanges qu'il a eus avec les jeunes.
C'est à cette occasion que je l'ai entendu présenter avec précision le schéma
des lycées de métiers, projet susceptible, à mes yeux, de faire sortir
l'enseignement professionnel de son isolement.
Il est probablement nécessaire d'informer précisément, voire de convaincre,
les directeurs d'établissement et les enseignants, mais, pour ma part, je n'ai
perçu aucune réticence sur place.
Comment ne pas être favorable au regroupement des enseignements technologiques
et professionnels du second degré : formation continue, apprentissage,
validation des acquis, section de techniciens supérieurs, etc. ? Cela
faciliterait, me semble-t-il, les passerelles. La mise en place d'un tel
système ne se fera peut-être pas sans quelques difficultés. Il faut donc
établir une charte de qualité, une « labellisation », si vous me permettez
l'expression.
A ce stade de mon intervention, je souhaite vous poser une question : quelle
place sera réservée aux établissements qui ne répondront pas aux critères de
labellisation ?
Que dire des moyens humains, enseignants et non enseignants, mis en oeuvre
dans le cadre du présent budget ? On a rappelé tout à l'heure que 1 770
créations d'emplois de professeur de lycées professionnels permettront, entre
autres, la résorption de l'emploi précaire dans les postes de formation
continue et d'apprentissage en groupement d'établissements, GRETA, et en centre
de formation d'apprentis (CFA).
Sont également bienvenus les conseillers en formation continue, les
conseillers d'orientation psychologique, les services d'information et
d'orientation, appelés à jouer un rôle dans la programmation, le déroulement et
les suites de l'entretien « plan de carrière » ; c'est intéressant pour les
jeunes de quinze ans.
C'est leur donner plus d'autonomie dans le choix de leur orientation, en leur
permettant de bénéficier d'un accompagnement individualisé dans l'élaboration
de leurs parcours scolaire et professionnel. Cela va aussi dans le sens d'une
plus grande responsabilisation de ces jeunes.
Nous sommes au coeur de la raison d'être de tout enseignement. Le jeune élève
est un citoyen. L'enseignement professionnel doit prendre une part dans la
formation à la citoyenneté, à la responsabilité. J'ai noté avec grand intérêt,
à ce propos, la volonté d'innovation pédagogique comme l'éducation civique,
juridique et sociale.
La production n'est plus ce qu'elle était. Le taylorisme n'est plus et le
cheminement conduisant à la formation de l'homme passe, pour une part, par la
formation continue et par la nécessaire élévation du niveau de qualification.
Il passe aussi par le contact avec l'entreprise.
Certes, les entreprises ne sont pas tenues d'accueillir les stagiaires des
lycées professionnels, et se pose le problème de la rétribution des lycéens en
stage d'entreprise. Je souhaite qu'aboutissent les négociations, avec l'espoir
qu'une heureuse conclusion ouvrira plus aisément la porte de l'entreprise aux
jeunes. Une implication plus forte des chambres consulaires dans la démarche
d'ensemble pourrait peut-être y contribuer.
J'ai aussi le ferme espoir - cela va dans le même sens - que le système des
professeurs associés se développe dans l'enseignement professionnel secondaire.
L'intérêt évident pour les jeunes devrait lever les craintes des professeurs de
spécialité, craintes que je comprends aisément.
Ma dernière réflexion, monsieur le ministre, concerne la difficile et
importante question de l'intégration scolaire et du passage à l'insertion
professionnelle et sociale du jeune handicapé.
Une circulaire de mars dernier souligne « la nécessité de favoriser la
préparation de l'insertion professionnelle des jeunes présentant des
difficultés cognitives » et « de préparer ces jeunes à accéder après leur
passage en collège à des dispositifs de formation professionnelle adaptés aux
compétences qu'ils ont pu acquérir ». Le texte précise encore que « des
partenariats doivent être établis afin d'assurer, à la sortie de l'UPI, des
solutions diversifiées de formation professionnelle. »
Certes, le problème est plus facile à énoncer qu'à résoudre, mais j'ai cru
pouvoir en faire mention, monsieur le ministre, sachant que cet aspect ne
saurait laisser personne indifférent.
Il importe plus que jamais de conduire une véritable politique de
revalorisation des métiers. La politique menée en matière d'enseignement
professionnel, telle que je le perçois aujourd'hui, m'amène à me rallier aux
conclusions de la commission des affaires culturelles quant au vote de ce
budget.
(M. le rapporteur spécial applaudit.)
M. Pierre Laffitte.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Martin.
M. Pierre Martin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que
les effectifs d'élèves ont continué de diminuer entre la rentrée 1996-1997 et
la rentrée 2001-2002, à concurrence de 2,7 % dans l'enseignement primaire et de
2,2 % dans l'enseignement secondaire, soit tout de même 309 000 enfants sur
cinq ans, le budget de l'enseignement scolaire aura, pour sa part, augmenté de
19 % sur la même période.
Avec 4,11 % d'augmentation, vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, en
présentant votre projet de budget, d'avoir bénéficié pour l'année 2002 de « la
plus forte progression en valeur absolue depuis le budget que vous aviez fait
adopter en 1993 ».
M. René-Pierre Signé.
C'est vrai !
M. Pierre Martin.
Vous seriez donc, monsieur le ministre, celui qui fait augmenter le plus les
dépenses. Serez-vous le ministre qui fera le plus progresser l'éducation et la
réussite de nos enfants ?
A priori
, je serais disposé à partager votre satisfaction si je ne
m'inquiétais pas de l'utilisation qui sera faite de cette véritable manne et
des résultats tangibles qu'elle devrait engendrer.
Autrefois directeur d'école, je me pose maintenant la question de savoir si
l'élève, qui doit être placé au coeur de nos préoccupations, bénéficie
raisonnablement des retombées de cet effort national important, auquel il ne
faut pas oublier d'ajouter celui des collectivités locales, qui atteint 25 % du
budget national.
Alors que vous nous annoncez la création de milliers d'emplois, pourquoi les
directeurs et les directrices d'école, en grève administrative depuis de longs
mois, continuent-ils de contrarier la gestion des effectifs ? Ils n'obtiennent
pas, disent-ils, le temps de décharge qui leur permettrait d'assurer le rôle
administratif, pédagogique et social qui leur revient. Je vous avais déjà
alerté en septembre 2000 sur ce point.
L'appoint des jeunes appelés aides-éducateurs - « éducateurs », est-ce là que
le bât blesse ? - a-t-il, au-delà de la création d'emplois, apporté le « plus »
attendu ? Peut-on aujourd'hui en faire le bilan et donner des précisions sur la
formation qu'ils ont suivie et sur leur future orientation ?
Le malaise des jeunes et le mal-vivre des enseignants tendent à nous démontrer
que notre école traverse une crise profonde. A des enseignants sans pouvoirs
répondent des enfants sans devoirs. Un laxisme nuisible s'installe, qui est
générateur de violence, conduit à l'échec et ne fait que renforcer l'inégalité
des chances de réussite et d'insertion sociale.
Savoir lire, écrire et compter avant l'entrée en sixième demeure une exigence.
Est-elle atteinte ? Les statistiques ne le prouvent pas. D'après une étude
récente de l'OCDE, 18 % des jeunes de quinze ans d'un pays développé ont du mal
à lire correctement. Dans cette enquête, la France occupe la treizième position
sur les trente-deux pays de référence. L'apprentissage de la langue française
est-il plus difficile à l'école aujourd'hui qu'à l'époque de Jules Ferry, où
des petits ruraux, patoisants parfois, de condition modeste, turbulents
peut-être, mais respectueux de la discipline, offraient à la République les
citoyens dont elle avait besoin ? Dans les esprits d'alors, la gratuité de
l'enseignement constituait une chance à saisir pour profiter du formidable
tremplin de promotion socioprofessionnelle qu'offrait l'éducation. De nos
jours, est-ce encore le cas ? Cette chance existe toujours. Sait-on le
reconnaître et en tirer profit ?
La réalité, c'est aussi la violence. Les enseignants, désemparés,
culpabilisés, inquiets face aux questions de discipline, ont souvent le
sentiment de ne pas savoir faire, de ne plus savoir faire ou d'être trop
rigides.
La durée des études en institut universitaire de formation des maîtres s'est
allongée. Le poids de la culture disciplinaire l'emporte, mais faute de
formation pratique, d'encadrement sur le terrain, les jeunes professeurs
connaissent peu la réalité de la gestion d'une classe, de la psychologie de
l'enfant violent, des relations à tenir avec les parents. De quels moyens - et,
bien entendu, je ne parle pas de moyens financiers - disposent-ils pour se
faire respecter, écouter et entendre ? Comment, dans ces conditions,
peuvent-ils espérer transmettre leur savoir, le savoir ? Quel exemple ces
enseignants doivent-ils donner dans notre société où les repères disparaissent
les uns après les autres, où les valeurs sont mises en cause les unes après les
autres ?
La découverte et l'apprentissage de la vie en commun, l'intégration dans la
société ne se font pas d'une façon anarchique. Les jeunes doivent apprendre à
connaître et à accepter les règles du football s'ils veulent pratiquer ce
sport, sinon ils sont exclus du groupe.
Cette comparaison est de circonstance, car, hier soir, monsieur le ministre,
vous étiez au stade de Nantes, et vous demandiez aux jeunes, lors de
l'interview, de s'inscrire sur les listes électorales avant le 31 décembre.
A quel titre les règles de l'école devraient-elles échapper aux jeunes ?
Comment espérer, dans une classe, favoriser une atmosphère à la fois confiante
et studieuse si l'on se contente de limiter le territoire de l'élève aux murs
de son école, de son collège ou de son lycée, alors qu'il évolue simultanément
dans un environnement familial, rural ou urbain, quelquefois associatif, voire,
pour certains, policier ou judiciaire ? Ce n'est qu'en associant tous les
acteurs de son environnement, soucieux de poursuivre le même objectif, que l'on
redéfinira les bases de l'autorité, élément indispensable à l'épanouissement du
jeune.
Comment redonner confiance à un élève déstabilisé, souvent issu d'une famille
éclatée, tant que votre administration centrale continuera d'affecter dans des
établissements sensibles de la région parisienne - et ce n'est qu'un exemple -
40 % d'une promotion annuelle de nouveaux professeurs ? Vous-même le
reconnaissez, monsieur le ministre, aucune politique contre la violence
n'aboutira tant que certaines équipes enseignantes seront renouvelées chaque
année.
Vous avez pris, il est vrai, des mesures incitatives en offrant un bonus de
carrière exceptionnel aux professeurs qui s'engagent à rester cinq ans dans un
des 101 établissements sensibles d'Ile-de-France. Peut-on déjà en mesurer les
effets ? Espérons, monsieur le ministre, que le souci de ces volontaires sera
de se préoccuper davantage des élèves que de l'évolution de leur carrière !
Enfin, pourquoi ne pas donner aux chefs d'établissement une certaine
autonomie, qui leur permettrait de constituer une équipe cohérente dont les
membres, fût-ce de façon relative, se seraient choisis ou manifesteraient leur
volonté de travailler ensemble ? C'est à ces conditions que l'on peut espérer
voir le respect à l'école prendre le pas sur l'indiscipline, l'absentéisme et
la violence de ceux qui, ayant connu l'échec scolaire, font un véritable rejet
du système en dépit de la compétence et du courage constant du monde
enseignant. Restaurer l'autorité, c'est aussi restaurer l'égalité des
chances.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Martin.
J'en viens donc à ma conclusion.
Il est temps de rétablir l'autorité des enseignants, de redéfinir un cadre de
règles vis-à-vis tant des adultes que des élèves pour restaurer la confiance de
notre système éducatif, de rendre les établissements plus autonomes et plus
responsables, et de constituer un front commun pour la réussite de l'enfant.
C'est une réforme en profondeur, bien plus que des mesures aux retombées
politiques immédiates, qu'il faut engager. Mais la mise en chantier d'une telle
action ne sera rentable qu'à long terme. Etes-vous prêt à le faire, monsieur le
ministre ? Il s'agit d'une question non pas d'argent mais de volonté politique.
Celle-ci existe-t-elle vraiment ? Je n'en suis pas sûr. Aussi voterai-je, comme
mon groupe, contre votre projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est
toujours bon de rappeler que l'éducation nationale publique a le devoir de
permettre à tous les jeunes, indépendamment de leur origine sociale, d'acquérir
non seulement des connaissances mais aussi les moyens de s'approprier leur
indépendance et d'entrer dans la vie active par des voies gratifiantes
choisies. L'enseignement scolaire joue un rôle essentiel dans ce processus
d'acquisition et d'appropriation.
A ce titre, des enseignants plus nombreux, plus disponibles et des classes
moins chargées sont, bien sûr, l'une des clés de l'amélioration du système
éducatif.
Dès lors, pour l'essentiel, le titre III du projet de budget qui nous est
soumis nous apporte des éléments de satisfaction.
La création de près de 10 000 emplois budgétaires est une bonne nouvelle. Pour
les postes d'enseignant, les créations d'emplois permettront de compenser les
départs à la retraite et d'aller au-delà, alors même que les effectifs des
élèves sont en diminution. On peut ainsi espérer une baisse du nombre d'élèves
par classe et des enseignants un peu plus à l'aise dans leur travail
pédagogique.
Les revalorisations nombreuses, la poursuite de l'évolution des instituteurs
et des directeurs vers le statut de professeur et directeur des écoles, la
poursuite de l'effort pour la résorption des emplois précaires et pour la
réduction des heures supplémentaires sont également des éléments satisfaisants,
qui permettront de rendre plus attractifs les emplois de l'éducation nationale
et les possibilités d'évolution en son sein, à un moment où les recrutements
s'avèrent véritablement nécessaires. De même, l'effort porté sur les personnels
non enseignants est louable.
Cependant, des questions importantes se posent. Par exemple, la violence à
l'école est devenue une source d'inquiétude réelle et prégnante pour tous nos
concitoyens. Les moyens accordés aux établissements situés en zones d'éducation
prioritaires permettent, on a pu le constater, des avancées importantes vers la
pacification et, partant, l'amélioration de la qualité de l'enseignement.
Mais de nombreux établissements se trouvent dans des situations semblables ou
équivalentes à celles des établissements classés en ZEP et ils en sont même
parfois très proches géographiquement : ils accueillent les mêmes catégories
sociales et connaissent les mêmes problèmes. Beaucoup attendent avec impatience
un classement en ZEP et un supplément de moyens pour remédier à des situations
qui se dégradent. Aussi serait-il souhaitable, monsieur le ministre, de pouvoir
reconsidérer, quelquefois en urgence, les critères de classement en ZEP de
certains établissements.
Par ailleurs, il faut noter que les conseillers principaux d'éducation et les
conseillers d'orientation psychologue ont un rôle essentiel à jouer dans le
renforcement du respect de l'école, respect qui fait l'objet d'une importante
campagne de communication, mais qui, malgré la sollicitation de vedettes, ne
pourra s'imposer que si les moyens nécessaires y sont consacrés sur le
terrain.
Les demandes et les attentes qui s'expriment auprès de ces personnels leur
font fréquemment jouer un rôle d'assistants sociaux, ce qui ne leur permet
guère - par exemple, lorsqu'il n'y a qu'un seul conseiller d'éducation pour un
collège - d'assumer les tâches qui devraient être les leurs. Nous doutons que
la création de 80 postes de CPE au titre de la violence et de l'exclusion et de
25 au titre du développement scolaire soit suffisante. La même remarque vaut
pour ce qui est des conseillers d'orientation psychologues.
Par ailleurs, en ce qui concerne la violence en milieu scolaire, se pose
également la question du contenu des enseignements dispensés. N'est-il pas
envisageable, par exemple, de commencer l'éducation civique, juridique et
sociale dès le collège et de sensibiliser très en amont les élèves aux
questions de la vie en commun et des valeurs et des règles démocratiques ?
Autre sujet de préoccupation : la véritable faiblesse des créations d'emplois
de personnels médico-sociaux, avec seulement 25 médecins et 149 infirmiers et
infirmières. Il est évident que cette catégorie de personnels joue un rôle
essentiel dans la vie du système scolaire. Le manque en ce domaine n'est pas
nouveau, mais le combat reste toujours indispensable.
Le manque de temps se traduit ici par une insuffisance d'écoute, de conseil et
de prévention. J'insiste sur le fait que le taux de suicide des adolescents en
France est parmi les plus élevés du monde, que les maladies sexuellement
transmissibles sont de nouveau en forte progression et que le nombre de
contaminations par le virus du sida est reparti sur une courbe ascendante,
particulièrement chez les jeunes. Ces questions appellent un programme
audacieux qui pourrait s'articuler autour des personnels médico-sociaux.
Pour ce qui est du sida, au lendemain de la journée du 1er décembre, la
question de l'outre-mer est particulièrement aiguë. La zone Caraïbes est la
deuxième au monde pour la prévalence du sida eu égard au nombre d'habitants,
après l'Afrique subsaharienne. Les départements français de cette région
doivent donc faire l'objet d'une attention toute particulière. L'éducation
nationale se doit de jouer pleinement son rôle en termes non seulement de
formation des enseignants et de contenus pédagogiques mais aussi de mise à
disposition de moyens d'information et de prévention.
Enfin, monsieur le ministre, j'aimerais savoir où nous en sommes de
l'application du plan de cinq ans sur la généralisation des services éducatifs
et d'action culturelle, lancé à la fin de l'année 2000. Nous pensons, en effet,
qu'après un an un bilan s'impose.
Culture et art sont plus que jamais de formidables barrages contre
l'obscurantisme. Le contact avec les arts et les artistes dans toutes les
disciplines, avec la culture scientifique, ainsi que la découverte qu'il n'y a
pas de talent sans une gigantesque quantité de travail sont devenus plus que
jamais des enjeux de civilisation.
L'enseignement technique et professionnel a, pour sa part, toujours été un peu
le parent pauvre de l'éducation nationale, ne serait-ce que pour sa
déconsidération dans l'esprit majoritaire de la population.
Or, de plus en plus, les besoins de professionnels qualifiés deviennent une
réalité cruciale : nous l'avons constaté à Toulouse à la suite de la
catastrophe, nous le constatons ailleurs quand il s'agit de trouver un
plombier. L'enseignement professionnel constitue pour nous tout autre chose
qu'une voie de garage. Il est une voie diversifiée d'acquisition des savoirs,
qui doit autant qu'une autre permettre l'épanouissement et l'évolution de
l'individu dans la société. Revaloriser l'enseignement professionnel est donc
capital.
Le projet de budget qui nous est proposé présente, dans ce domaine, des
aspects tout à fait positifs.
La création de 1 770 emplois de PLP, dont 350 emplois nets, va dans ce sens,
de même que la revalorisation, bien qu'insuffisante, des chefs de travaux ou la
création d'une échelle de rémunérations de PLP bi-admissibles à l'agrégation.
Les innovations pédagogiques telles que les projets pluridisciplinaires à
caractère professionnel ou le projet de « lycée des métiers » visent de bons
objectifs.
Cependant, la revalorisation de l'enseignement professionnel passera
immanquablement par la création de passerelles entre les diplômes, CAP, BEP,
BTS et enseignement supérieur. Ces passages possibles, couplés à la
valorisation des acquis professionnels, ouvriront la voie de la mobilité dans
le plan de carrière ; ils permettront de recréer un ascenseur social toujours
en panne, tout en rendant l'enseignement professionnel plus attractif. Pour
l'instant, ces passerelles nous semblent encore en nombre trop restreint.
Les entretiens « plan de carrière » nous paraissent aller dans le sens d'une
meilleure orientation des élèves, une orientation choisie plutôt que subie.
Toutefois, monsieur le ministre, un bilan précis de l'action menée sur ce
terrain serait nécessaire pour savoir si les résultats sont à la mesure des
espoirs et si l'expérience doit se poursuivre et s'étendre.
Les plans pluridisciplinaires à caractère professionnel sont, quant à eux, des
éléments gratifiants pour les élèves, avec des objectifs de projets concrets et
la mise en évidence de l'intérêt de disciplines différentes et de leur
articulation dans la réalité. Mais force est de constater qu'ils ne sont pas
encore tout à fait entrés dans les moeurs des différents partenaires. Nous
pensons, pour notre part, qu'ils constituent une innovation intéressante et à
généraliser.
Enfin, je voudrais dire un mot du « lycée des métiers », une belle idée, mais
qui n'est pas sans susciter quelques inquiétudes.
Le regroupement des filières d'un même métier présente un intérêt certain : il
permet en effet de rendre plus visibles et concrètes les passerelles que j'ai
évoquées, offrant ainsi une meilleure mobilité des élèves dans leur orientation
et une diversité accrue de leurs possibilités d'évolution grâce à la rencontre
synergique entre enseignants et élèves.
En même temps, cette concentration ne risque-t-elle pas d'évoluer vers une
diminution de l'offre de la formation ? Sur quels critères sera décidée
l'implantation géographique de ces lycées des métiers : les seules activités
présentes dans un bassin d'emploi ou des critères de long terme basés sur
l'évaluation des besoins du pays ? Autant de questions auxquelles, nous en
sommes certains, monsieur le ministre, vous nous apporterez des réponses.
L'idée de labelliser ces établissements est par ailleurs une source non
négligeable d'inquiétude. Des précisions à cet égard nous semblent
nécessaires.
En tout état de cause, monsieur le ministre, nous suivrons de près l'évolution
de ce projet. Mais, pour l'heure, nous voterons votre budget, qui, je le
répète, présente de nombreux éléments positifs et va dans le bons sens.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il semble
bien loin le temps où l'on supprimait des postes dans l'éducation nationale en
prétextant l'évolution démographique.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
Un sénateur du RPR.
Ça commence bien !
M. Jean Chérioux.
Il faut écouter religieusement M. Signé ! Ne faisons pas comme lui !
M. René-Pierre Signé.
Il y a des vérités qui dérangent !
M. Jean Chérioux.
Non !
M. René-Pierre Signé.
Votre démarche, monsieur le ministre, est exactement contraire, et ce budget
le démontre avec éclat. L'augmentation des crédits est de 15 milliards de
francs, soit la moitié de l'augmentation des dépenses de l'Etat. Avec un total
de 403 milliards de francs, il représente 23 % des dépenses, soit 4,11 % de
plus que le précédent, alors que le budget de l'Etat lui-même n'augmente que de
2 %. Ces crédits débouchent notamment sur la création de postes : plus de 10
000 emplois, 8 800 d'entre eux relevant de l'application du plan
pluriannuel.
L'adoption de ce plan pluriannuel de recrutement constitue un premier motif de
contentement. Il s'agit de rien de moins que de la formation de celles et ceux
qui deviendront les maîtres de demain.
Le 27 février 2001, monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan de
rénovation de la formation des enseignants, à savoir le recrutement, d'ici à
2005, de 185 000 enseignants de la maternelle au lycée.
Votre volonté de réforme se traduit notamment par la rénovation de la seconde
année d'IUFM, qui va permettre aux futurs enseignants de mieux prendre en
compte la réalité de la classe.
La société a changé et les élèves aussi, nécessitant une reconsidération des
objectifs et des modalités de l'enseignement dans notre pays. Il ne s'agit plus
aujourd'hui de posséder un savoir pour le transmettre, il faut également
apprendre à le transmettre ; l'égalité des chances, si souvent évoquée, en
dépend. Pour les enseignants, c'est la certitude de travailler pour l'école
avec la reconnaissance légitime de leurs concitoyens.
Par ailleurs, on peut insister sur le renforcement de l'apprentissage de deux
savoirs fondamentaux, lire et écrire, et même trois en ajoutant compter, pour
revenir au trépied de Jules Ferry qui a été évoqué tout à l'heure. Tout part de
là : le succès comme l'échec.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Vous ne négligez pas pour autant l'éducation artistique, culturelle et
sportive. L'élève doit être appréhendé dans sa globalité, ce qui présuppose un
enseignement complet.
Quant au développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, 80 millions de francs y sont affectés. Leur maîtrise est
indispensable, à voir la place qui leur est faite en tout domaine, et aux
savoirs fondamentaux s'en ajoute donc un quatrième qui a trait au numérique.
L'apprentissage des langues vivantes à l'école mérite d'être soutenu, comme
c'est le cas. Votre politique est volontariste et les moyens sont là : 100
millions de francs supplémentaires. Au moment de l'introduction de l'euro,
premier pas vers l'Europe citoyenne, il peut être pertinent de construire un
vivier culturel européen qui passe notamment par l'apprentissage des autres
langues européennes. Mais il ne faudrait pas que les enfants soient obligés de
choisir leur langue en fonction des possibiités offertes. Les professeurs
d'espagnol ou d'italien n'existent pas toujours dans certains collèges,
notamment dans les collèges ruraux.
Cela est à verser au chapitre de l'inégalité des chances et de sa version
rurale. Le risque d'accumuler un retard scolaire reste trois fois plus élevé
pour les enfants issus des familles les plus modestes. Mais l'appartenance à
une zone rurale pénalise aussi les élèves et les deux facteurs se conjuguent
parfois. L'éducation nationale, premier des services publics, au-delà de
l'éducation, doit s'impliquer aussi dans l'aménagement du territoire, car la
fermeture d'une école est une épreuve redoutable pour une commune et un élu. On
doit l'éviter autant qu'il est possible par divers moyens, car les écoles
clairsemées ont un coût qui n'est pas seulement fonctionnel.
Ne pourrait-on pas planifier sur cinq ans cette gestion des classes et des
écoles compte tenu de l'évolution démographique scolaire que l'on connaît et
pour éviter ces décisions couperets ?
S'agissant des sections d'enseignement général professionnel adapté, les
SEGPA, c'est une question à laquelle je porte intérêt, avec mon collègue et ami
Louis Le Pensec. A l'Assemblée nationale, vous avez fait une proposition et dit
votre disposition au dialogue, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous dire où
nous en sommes ?
M. Louis Le Pensec.
Très bonne question !
M. René-Pierre Signé.
Je dirai maintenant un mot sur la modernisation d'une voie professionnelle
rénovée, qui a acquis ses lettres de noblesse ; elle est non plus ce qu'elle
fut trop longtemps, la voie de repli de ceux qui avaient échoué dans
l'enseignement général, mais bien la voie des métiers parmi les plus nobles.
Près de 700 000 élèves, près de 400 000 en sections technologie de second
cycle, 1 700 lycées professionnels, 236 000 bacheliers, etc., tous ces chiffres
montrent l'importance de cet enseignement professionnel nécessaire à notre
économie, qui a besoin de professionnels performants. Il nous permet surtout
d'avoir la main-d'oeuvre la mieux formée du monde. Alors que, depuis près de
vingt ans, l'enseignement professionnel connaissait une baisse réelle de ses
effectifs, la tendance vient d'être inversée. Un travail de fond a été réalisé
qui a permis, à la rentrée de 2001, de marquer un renversement de cette
évolution négative pour notre pays.
M. Philippe Marini.
Quelle incroyable autosatisfaction !
M. René-Pierre Signé.
Nous avons ainsi enregistré dix mille entrées supplémentaires en seconde
professionnelle et en première année de CAP.
Ce renversement de tendance procède, en fait, de la reconnaissance accordée
aux enseignants, qui ont bénéficié du statut de professeur de lycée
professionnel,...
M. Philippe Marini.
Voilà !
M. René-Pierre Signé.
... de l'aide au recrutement et de la création de postes. C'était votre
volonté, monsieur le ministre. Il convient de souligner la grande part que vous
y avez prise. Depuis 1997, les enseignants professionnels ont en effet
bénéficié de 6 280 créations de postes. Ces chiffres résument assez bien la
différence entre deux politiques de l'enseignement professionnel.
Ce budget, particulièrement bon, allie le renforcement des possibilités de
recrutement à la revalorisation de la situation des enseignants, ce qui donne
une vertu attractive supplémentaire à l'enseignement professionnel. Il sera, il
est déjà un élément déterminant dans notre démarche de formation tout au long
de la vie.
Un parcours éducatif valorisé, un bon niveau de formation initiale et une
formation continue structurent une « voie des métiers », avec un projet
pluridisciplinaire à caractère professionnel, fondé sur le travail en équipe et
sur le triptyque « école, entreprise, mobilité », c'est-à-dire sur une
évolution permanente des conditions de travail. Voilà résumée cette option
professionnelle de plus en plus attractive !
Au final, on ne peut que constater la continuité de l'effort consenti depuis
1997.
M. Philippe Marini.
Cocorico !
(Rires sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
Vous travaillez, monsieur le ministre, à l'amélioration des conditions de
travail des personnels et des élèves. Vous donnez les moyens d'un enseignement
de qualité, d'un enseignement capable d'accepter l'hétérogénéité croissante des
élèves. Vous assurez, enfin et surtout, la démocratisation de notre système
éducatif. On sait aujourd'hui que la main qui dirige l'école est la main qui
construit l'avenir.
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
La formule est digne du musée !
M. René-Pierre Signé.
Je voterai donc, avec l'ensemble de mes collègues du groupe socialiste, cet
excellent budget, qui réconcilie quantitatif et qualitatif.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Encore ! sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini.
Quel thuriféraire ! Quel flatteur !
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ancien
enseignant moi-même et élu du département de l'Orne depuis trente ans, j'ai pu
suivre avec une particulière attention l'évolution de l'école en milieu rural.
J'ai d'ailleurs été à l'origine des regroupements pédagogiques, et mon
département avait été pilote en la matière.
Nous étions, je crois, en 1975, et Suzanne Ploux siégeait au banc du
Gouvernement.
(M. le rapporteur spécial opine.)
Ce rappel n'est pas inutile, car je veux vous dire aujourd'hui, monsieur le
ministre, l'inquiétude du monde rural, dont l'avenir dépend aussi de vous, tant
il est vrai qu'un territoire sans école est, à terme, un territoire condamné,
un territoire virtuellement mort.
Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, ce n'est pas d'argent que je vais
vous parler. Non, je vais vous parler d'avenir et des espoirs que je fonde sur
le monde rural. Nos communes rurales tiennent par-dessus tout à leurs écoles et
se battent en permanence. Je pense, par exemple, à la commune de Valframbert,
dont le maire s'est démené avec acharnement pour conserver toutes ses classes,
à l'école de Larré, la commune ayant, dans ce cas, assuré gratuitement une
garderie, alors que cette charge était bien au-dessus de ses moyens. Je pense
encore aux équipements remarquables de l'école de Lonlay-l'Abbaye, à l'école de
Saint-Clair de Halouze où les parents gèrent une cantine « bio », et à tant
d'autres communes encore où l'on rivalise d'efforts et d'imagination pour
sauvegarder le bien le plus précieux : l'école.
Chaque année, au mois de septembre, monsieur le ministre, revient l'angoisse
des effectifs, qui conditionnent le maintien de l'école, de la classe ou du
RPI, le regroupement pédagogique intercommunal. Les statistiques, les
quotients, les ratios, les arbitrages administratifs parisiens sont autant
d'épées de Damoclès au-dessus de nos têtes, sans qu'il soit tenu compte de la
réalité et des spécificités du terrain - j'allais dire du terroir - qui
provoquent bien des conflits dont on pourrait faire l'économie.
Chaque année, en effet, avec une régularité de métronome, vous rallumez, sans
le savoir, sans doute, des conflits entre parents, enseignants, élus, et les
inspecteurs d'académie qui tentent de les éviter doivent cependant, selon
l'expression consacrée, « rendre des postes ».
La situation de nos campagnes, monsieur le ministre, est difficile, vraiment
difficile, alors, que signifie l'expression « rendre des postes » ? En milieu
rural, c'est synonyme de fermetures de classes, avec leur cortège de
conséquences dommageables sur la vie quotidienne.
Vous savez que des budgets très importants doivent être consacrés aux
équipements informatiques, à la mise aux normes des cantines, au transport
scolaire ou à la scolarité de ces enfants de communes sans école qui sont
scolarisés, à leurs frais, dans d'autres communes.
Certains maires me disent leur crainte, au regard de leur maigre budget
communal, de voir s'installer, dans leur commune, de nouvelles familles avec
des enfants d'âge scolaire. Savez-vous que les coûts de scolarité s'élèvent à
plus de 5 000 francs, par élève et par an, pour un enfant de classe maternelle,
non compris les frais d'accompagnement dans les transports ?
Nous aboutissons, alors, à une aberration puisque, d'un côté, nous cherchons à
revitaliser le tissu rural et que, d'un autre côté, nous décourageons les élus
par des contraintes financières et techniques démesurées qu'ils ne peuvent plus
supporter.
J'ajouterai quelques mots sur les cantines scolaires.
Dans l'Orne, en Normandie, pays de production de viande normande de qualité,
nous arrivons, par l'effet d'une réglementation européenne que je n'ose
qualifier et de son application drastique, à voir les cantines fournies en
viande surgelée plutôt qu'en viande provenant de la boucherie située à moins de
trois cents mètres de l'école, au motif qu'il faut un camion réfrigéré pour
transporter les produits alimentaires. Le résultat est simple : soit la cantine
ferme, soit les repas sont assurés par la cantine centrale de l'hôpital de la
commune voisine, distante d'une dizaine de kilomètres.
Les parents, souvent eux-mêmes producteurs de viande bovine, refusent, et on
les comprend, que leurs enfants mangent de la viande surgelée ou que leur
soient servis des repas préparés à l'hôpital.
Non, monsieur le ministre, c'est franchement inacceptable !
Il faut souvent 250 000 francs à 300 000 francs pour mettre une cantine aux
normes, des normes, d'ailleurs, évolutives. Et qui paie ? La commune, toujours
la commune, les dotations globales d'équipement ne suivant que très rarement
les augmentations des investissements nécessaires. Surtout, les exigences
techniques et sanitaires sont de plus en plus contraignantes.
Un mot aussi de la médecine scolaire, si vous le voulez bien.
Les zones rurales connaissent toutes le même phénomène de dévitalisation et de
faiblesse de la carte sanitaire. L'Orne, hélas ! ne fait pas exception. Là
encore, je ne vous parlerai pas d'argent, mais je vous livrerai des réflexions
que m'inspirent ces quelques chiffres : pour 42 000 élèves de l'enseignement
public répartis sur 6 123 kilomètres carrés, on ne compte que cinq médecins
scolaires en activité ! C'est un constat. Si les postes supplémentaires
existent au plan budgétaire, les candidats, eux, font défaut, ce qui implique
que les enfants sont privés de la surveillance médicale que l'Etat procure à
leurs petits camarades des villes.
Monsieur le ministre, il faut engager une véritable réflexion de fond sur
l'avenir de l'école en milieu rural car, comme je l'ai déjà dit à votre
collègue ministre de l'agriculture, et comme je le dirai au ministre de la
santé, le monde rural est un ensemble cohérent qui attend une politique globale
pour assurer son avenir et celui de ses enfants, et ce dans tous les domaines.
Pourquoi aider des jeunes agriculteurs à s'installer - et nous savons ce qu'il
en coûte, plus de 76 millions d'euros ! - dans un secteur où ils n'auront pas
d'école pour leurs enfants, pas ou peu de loisirs accessibles, pas de médecin
pour venir les soigner, des services publics défaillants et un commerce de
proximité inexistant ?
Je dois enfin attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un autre
aspect de la situation. A l'heure où nos journaux télévisés se font l'écho de
l'incivilité et de la violence en milieu scolaire, vous disposez, dans nos
campagnes, d'un environnement encore relativement protégé qui est prêt à
accueillir des enfants plus défavorisés pour leur donner un enseignement de
qualité et, surtout, ce qui est très précieux, dans un contexte social
différent.
Ne pourrions-nous pas, là encore, réfléchir ensemble sur la manière d'utiliser
l'outil social qu'est l'école pour aider à pallier les difficultés résultant de
la surcharge des classes en zones urbaines et périurbaines ? Nombreuses
seraient les écoles, nombreux seraient les maires et les familles de mon
département prêts à accueillir des enfants. Pourquoi ne pas tenter quelques
expériences ? C'est cela aussi, la solidarité et la solidité du couple
ville-campagne.
C'est cette solidarité et cette égalité dans le traitement que nous, élus
ruraux, attendons. Nous espérons enfin être entendus. La France à deux vitesses
que j'ai dénoncée tant de fois à cette tribune n'est pas la France. Ce constat
est encore plus intolérable s'agissant de l'éducation nationale, la clé de
voûte de l'égalité entre les citoyens et, sans doute, la plus grande et la plus
belle conquête de la République. Si tel n'était pas le cas, il faudrait alors
rayer ce mot des frontons des mairies de nos villages et de nos villes rurales,
monsieur le ministre !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en
prolongement des excellentes interventions de mes amis Ivan Renar, au nom du
groupe communiste républicain et citoyen, et Annie David, rapporteur pour avis
de la commission des affaires culturelles, que je félicite pour son rapport,
enrichi par rapport à l'année dernière, je souhaite aborder la question,
cruciale, du recrutement et de la formation des enseignants, question à
laquelle notre pays doit faire face dans les années à venir.
Deux dimensions doivent être prises en considération, la dimension
quantitative du renouvellement de près de la moitié du corps enseignant sur la
prochaine décennie et la dimension qualitative de la préparation à un métier
délicat, en incessante mutation, qui doit bénéficier d'une recherche
permanente, à l'image du reste de la société.
A ce propos, monsieur le ministre, quelles seront les conséquences du
transfert à Lyon de l'INRP, l'Institut national de recherche pédagogique ?
Les orientations prises dès maintenant seront décisives pour satisfaire les
besoins considérables de recrutement, pour réussir les adaptations et les
transformations nécessaires dans la formation des enseignants, gages de la
réussite des nouvelles générations d'élèves, donc de la réussite future de la
France dans le monde.
C'est pourquoi les engagements du Gouvernement doivent être forts, précis et
programmés. Nous avons avancé dans ce sens.
Certains d'entre eux le sont déjà, à l'instar du plan pluriannuel de
recrutement que nous avons adopté l'année dernière, 165 000 postes devant être
mis aux concours des cinq prochaines années. Il en est de même des dispositions
complémentaires portant sur l'information, le calendrier des concours et les
mesures d'accompagnement des stagiaires.
Cependant, une crainte importante subsiste, confortée par les données
relatives aux inscriptions aux concours qui nous parviennent de plusieurs
académies. On redoute, en effet, que la réalisation du plan pluriannuel ne soit
compromise ou tout au moins affectée par une possible « crise des vocations »,
selon la formule usitée.
L'existence d'un vivier de candidats est un enjeu fondamental et appelle, de
notre point de vue, l'extension d'une disposition qui vient d'être mise en
oeuvre, notamment pour l'enseignement professionnel, je veux parler du
rétablissement des prérecrutements sur le modèle des anciens IPES.
Cette mesure stimulerait, à l'évidence, l'émergence d'un vivier nouveau de
postulants et, autre aspect que je tiens à mettre en avant, permettrait, en
favorisant la démocratisation des études supérieures, de diversifier plus et
mieux les origines, les profils, les expériences des futurs enseignants, et
d'enrichir, par le fait, les apports à l'ensemble du système éducatif et de ses
acteurs, élèves, parents et personnels.
La création des IUFM, voilà dix ans, a marqué une étape importante dans la
formation des enseignants. Je peux en témoigner pour m'y être impliquée comme
parlementaire ayant participé à l'élaboration de la loi d'orientation de 1989
et en tant qu'actrice, sur le terrain, pour l'IUFM de Créteil, avec l'exécutif
du conseil général du Val-de-Marne.
Ainsi, monsieur le ministre, notre conseil d'administration a entamé une série
de concertations s'étalant sur plusieurs jours pour débattre de la formation
des enseignants. Il faudrait, pensons-nous, que nous arrivions à maintenir,
dans l'académie de Créteil, les élèves professeurs qui y auront été formés.
Mais, aujourd'hui, il nous faut envisager des développements nouveaux dans les
contenus de formation, pour faire des enseignants de véritables professionnels
aptes à permettre aux enfants de développer leurs potentialités de manière
optimale, aptes à traiter les difficultés scolaires, à mesurer tous les enjeux
de l'intégration et de la citoyenneté, à oeuvrer toujours mieux au sein d'une
équipe plurielle par ses missions et par ses compétences, à travailler en
réseau et à maîtriser les nouvelles technologies et leurs continuelles
évolutions.
C'est dire si l'environnement du métier d'enseignant deviendra de plus en plus
complexe et riche d'exigences nouvelles en termes de connaissances à maîtriser,
de recherches à mener sur l'enseignement, recherches qui devraient connaître
des développements nouveaux, et en termes d'anticipation constante des
problèmes à surmonter, tant pour la classe que pour l'enfant.
La pratique du métier devra donc nécessairement se modifier pour permettre à
l'école de tous d'être vraiment l'école de chacun, une école de haute qualité,
ouverte sur la vie, sur le monde, sur toutes les formes de la connaissance, sur
la personne, dans son individualité tout comme dans sa relation à l'autre et à
la société. Moins que jamais l'enseignement sera un travail solitaire ; au
contraire, il sera plus que jamais un travail solidaire.
Le temps de la réflexion et de l'action, monsieur le ministre, s'impose donc
pour que les instituts de formation puissent remplir leur mission de la manière
la plus efficace et la plus accomplie qui soit - et je sais que c'est une de
vos préoccupations - au service de ce métier d'enseignant qui doit pouvoir
demeurer attractif et gratifiant, tant il est précieux et décisif pour
construire l'avenir de toute une nation.
Dans l'académie de Créteil, nous avons décidé, en liaison avec le recteur,
d'expérimenter le « lycée des métiers » dans quatre établissements.
Aussi, monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen souhaitent que vous nous fassiez part de vos intentions, notamment sur
la question du rétablissement des pré-recrutements.
Monsieur le ministre, le 11 septembre dernier, nous étions ensemble à
Choisy-le-Roi, avec Marie-George Buffet, pour soutenir les élèves du collège
Matisse, qui avaient élaboré une charte contre la violence. Avant-hier soir, à
Créteil, nous avons entendu plus de 300 collégiens, représentant les 101
collèges du Val-de-Marne, confronter leurs points de vue. C'était très
intéressant !
Enfin, je me réjouis que vous ayez décidé de confier à Mme Martine Storti,
inspectrice générale de l'éducation nationale, une mission en vue de la
reconstruction du lycée français de Kaboul.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
Mme Hélène Luc.
Jeudi dernier, déjà, lors de la discussion du budget de la coopération, j'avis
suggéré à M. Védrine que la France participe à cette tâche.
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Je suis prête à m'investir dans cette mission.
Ce sera l'honneur de la France, qui reconnaîtra ainsi l'importance du français
à l'étranger, puisque de nombreux professeurs français enseignent dans ce grand
lycée de Kaboul. Ce sera aussi un hommage rendu aux femmes afghanes qui ont
continué d'enseigner dans des conditions épouvantables, parfois même dehors ou
dans des caves, en bravant l'interdiction des talibans.
Votre décision est une très bonne chose, et je vous remercie de l'avoir prise
rapidement.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes. - M. le rapporteur spécial applaudit
également.)
M. Adrien Gouteyron,
rapporteur spécial.
J'applaudis la fin de votre intervention, chère
collègue !
M. le président.
La parole est à M. Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon
collègue et ami René-Pierre Signé l'a souligné, le projet de budget qui nous
est présenté aujourd'hui est reconnu comme l'un des meilleurs que l'éducation
nationale ait connus.
M. Hilaire Flandre.
Le plus coûteux !
M. Jean-Marc Todeschini.
Son montant le place de loin en tête du budget de l'Etat, avec une remarquable
progression de 4,1 % des crédits de l'enseignement scolaire.
Notre école a besoin de moyens ; ce budget les lui donne. Elle a aussi besoin
de sérénité et de confiance ; les voies tracées depuis plusieurs années,
notamment par vous-même, monsieur le ministre, les lui apportent.
L'amélioration des moyens a permis de restaurer la confiance dans les
relations entre parents, élèves et personnels. Sachant que les effectifs
d'élèves diminuent de 0,5 % par an, l'augmentation des crédits permettra de
créer des postes destinés à corriger les inégalités et à améliorer les
conditions de travail de tous.
En effet, je viens de le dire, les crédits de l'enseignement scolaire
augmentent de 4,11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001, quand
le budget global de l'Etat ne progresse que de 2 %. Cela représente la plus
forte croissance des crédits de l'enseignement scolaire depuis six ans.
M. Hilaire Flandre.
On achète la paix sociale !
M. Jean-Marc Todeschini.
Plus de 10 000 emplois seront créés, dont 8 800 en application du plan
pluriannuel de recrutement, qui devient aujourd'hui une réalité. De même sera
poursuivi le rattrapage en faveur des ATOSS.
Ce budget apportera donc une amélioration à la situation des personnels, même
si, monsieur le ministre, certaines catégories méritent encore une attention
particulière, - j'y reviendrai.
Le budget de l'enseignement scolaire pour 2002 permet également de tenir les
engagements pris sur la maîtrise des savoirs fondamentaux dès l'école primaire,
plus particulièrement du français, ainsi que sur l'initiation à une langue
vivante dès le CE2, et plus tard en grande section de maternelle. Pour cette
initiation aux langues vivantes, 110 millions de francs sont prévus ; la France
pourra ainsi rattraper son retard sur d'autres pays européens.
Je relève avec intérêt la relance des internats, qui offrent un cadre apaisé à
des enfants en difficulté et qui peuvent devenir pour eux une clé pour la
réussite.
Des mesures nouvelles sont également prises en faveur des élèves socialement
défavorisés, grâce à la création de 10 000 nouvelles bourses des collèges,
auxquelles s'ajoutent 80 millions de francs destinés à aider les familles des
élèves boursiers internes.
Je soulignerai enfin les efforts qui portent sur le plan « Handiscol » pour
l'intégration des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire, la
pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire et le doublement de la prime
d'équipement versée en première année de lycée professionnel.
Toutes ces mesures recueillent l'approbation du groupe socialiste.
Je salue encore la fin du déclin de l'enseignement professionnel, positive
pour notre pays.
Je veux maintenant insister sur l'importance de la validation des acquis
professionnels, qui m'apparaît comme une responsabilité essentielle de
l'éducation nationale, en liaison avec les partenaires sociaux. Elle seule
garantit l'homogénéité et le niveau des qualifications acquises dans l'ensemble
du pays.
La validation des acquis professionnels est une révolution culturelle,
bénéfique à la fois pour la gestion des ressources humaines dans les
entreprises et pour l'enrichissement des enseignements.
Il est important de maintenir le concept de « professionnalisation durable »
enchaînant formation initiale, formation continue et validation des acquis
professionnels, chaque étape étant sanctionnée par un diplôme reconnu au niveau
national. Malheureusement, cette validation des acquis professionnels reste
insuffisamment pratiquée dans les entreprises et dans certaines universités.
Le budget pour 2002 prépare également l'avenir en renforçant les recrutements
et en accordant une place particulière à la formation des futurs enseignants.
Ainsi, monsieur le ministre, vous avez annoncé, le 27 février 2001, un plan de
rénovation concernant notamment la deuxième année d'IUFM, plan qui permettra
aux futurs enseignants de mieux prendre en compte la réalité des classes.
J'en viens aux critiques formulées par le rapporteur pour avis de la
commission des affaires culturelles, qui a estimé que ce budget traduisait un
emballement de la dépense publique d'éducation.
Bien sûr, la qualité d'un budget ne s'apprécie pas seulement à ses éléments
financiers, même si ceux-ci sont indispensables. Néanmoins, je préfère un
budget qui prévoit des créations de postes et une augmentation des moyens à un
budget qui les réduit.
Je rappellerai pour l'exemple qu'en 1996 le budget de l'enseignement scolaire
a été réduit de 1,47 % et que 5 212 postes d'enseignants ont été purement et
simplement supprimés en 1997.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Jean-Marc Todeschini.
Il est facile de critiquer l'augmentation des dépenses publiques
d'enseignement scolaire, mais c'est ce même enseignement public et laïque qui
garantit l'unité de la République et offre à chacun de nos enfants les mêmes
outils de promotion sociale et de liberté.
M. Philippe Marini.
Il faudrait accroître l'efficacité de l'enseignement et non le seul nombre
d'enseignants !
M. Jean-Marc Todeschini.
A cet égard, je tiens à souligner l'incohérence de certains élus - élus de
l'opposition, il est vrai - qui n'hésitent pas à qualifier votre ministère de «
budgétivore » et, dans le même temps, se félicitent, par exemple, du plan de
relance de l'internat et regrettent que l'on n'y ait pas affecté davantage de
moyens ! Ce sont les mêmes élus qui, à la moindre prévision de fermeture de
classe, n'hésitent pas à s'insurger et à protester.
J'aborderai maintenant la réforme du statut des directeurs d'école.
Aujourd'hui, en Moselle, par exemple, 139 écoles restent sans directeur et
doivent recourir à un instituteur ou à un professeur des écoles faisant
fonction ».
Certes, la revalorisation, programmée sur deux ans, de l'indemnité de sujétion
spéciale apporte une première réponse, mais des problèmes persistent, et la
grève administrative décidée par les directeurs se poursuit. Nombreux sont ceux
qui dénoncent le fait que les décisions relatives aux décharges horaires,
laissées au libre choix des départements, entraînent des disparités importantes
à travers la France.
Vous avez eu raison, monsieur le ministre, d'affirmer à l'Assemblée nationale
que la question des directeurs d'école n'avait jamais été traitée sérieusement,
et certainement pas par les gouvernements précédents.
M. René-Pierre Signé.
Ils n'ont rien fait !
M. Jean-Marc Todeschini.
Peut-on espérer s'acheminer vers une prochaine solution du problème et rendre
attractives ces tâches de directeur d'école, dont on connaît l'importance ?
Je ne m'étendrai pas sur la situation des professeurs des écoles dans les
sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, mais leur
revendication se poursuit, et je sais que vous êtes disponible pour l'examiner,
monsieur le ministre.
J'en viens à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.
La signature d'un accord-cadre par quatorze syndicats représentant l'ensemble
des catégories de personnels et 75 % des agents témoigne de la qualité du
dialogue social que mène votre ministère et du pilotage exemplaire de ce
dossier.
Cependant, il semblerait que l'application de cet accord se heurte à des
difficultés au rectorat de Nancy, où une grève administrative est organisée,
grève qui concerne également toutes les inspections académiques lorraines.
Ce mouvement spécifiquement régional échappe aux syndicats et, si le
déclencheur en a été la réduction du temps de travail, il porte aussi, bien
entendu, sur d'autres points, par exemple sur les conditions de travail.
Connaissant les efforts que vous déployez, monsieur le ministre, pour engager
le dialogue nécessaire au sein de votre ministère, nous souhaiterions entendre
votre sentiment sur ce conflit ?
Pour terminer, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur une
situation locale et vous livrer quelques remarques.
J'évoquerai d'abord le cas de l'école maternelle de Luppy, dans le département
de la Moselle, qui a dû attendre jusqu'à cette semaine - c'est-à-dire trois
mois après la rentrée ! - pour que prenne fin une grève des parents d'élèves
avec occupation des locaux et que s'achève un conflit qui durait depuis février
2001.
M. Philippe Marini.
Ce n'est pas si extraordinaire que cela, alors ! Il y a des problèmes ! Tout
n'est pas parfait !
M. Jean-Marc Todeschini.
Je sais, monsieur le ministre, que vous connaissez ce dossier, dont plusieurs
parlementaires vous ont saisi ; vous leur avez répondu. Il semble aujourd'hui
réglé, mais je tenais à vous dire qu'il est inhabituel de voir, en Moselle, un
tel mécontentement lors d'une rentrée scolaire.
M. Philippe Marini.
C'est bien ! Ils commencent à se poser des questions !
M. Jean-Marc Todeschini.
Comme les parents d'élèves sont largement satisfaits du ministre de
l'éducation nationale et de cette rentrée, il était anormal que ce ne soit pas
le cas dans mon département.
Pour que l'administration soit crédible, elle se doit de respecter ses propres
règles. Ses décisions doivent découler de normes connues, respectées et
réellement appliquées, et ne pas être prises au mépris de toute concertation
avec les parents d'élèves.
M. Philippe Marini.
Quelle différence entre le début et la fin de l'intervention !
M. le président.
Monsieur Marini, vous qui êtes rapporteur général, je vous en prie, donnez
l'exemple ! Laissez parler l'orateur !
M. Philippe Marini.
C'est la présence de M. Signé qui me fait réagir !
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Serge Lagauche.
Il n'a rien dit !
M. Philippe Marini.
Mais je ne le ferai plus, je vous le promets, monsieur le président.
M. Jean-Marc Todeschini.
Les critères présidant à l'élaboration de la carte scolaire doivent être aussi
objectifs que possible, et la procédure doit associer réellement les élus. Le
dialogue et l'écoute mutuelle doivent être de mise.
A votre niveau, monsieur le ministre, la volonté de transparence qui a présidé
à l'établissement de la carte scolaire sur la base de critères aussi objectifs
que possible est révélatrice de la concertation mise en place, avec, en
particulier, un réel partenariat entre les parents et les professeurs. Je
souhaite que ce soit aussi le cas à l'échelle des départements - dont le mien,
bien entendu.
Pour terminer, monsieur le ministre, je soulignerai à quel point nous avons
conscience que le contenu de ce budget pour l'éducation nationale n'a jamais
été aussi favorable, au moment où « l'ardente obligation » - selon vos propres
termes - de notre système éducatif d'assurer la réussite de tous les élèves
doit plus que jamais être réaffirmée. C'est un enjeu majeur pour l'avenir de
notre société il y va de l'épanouissement personnel des enfants et, plus
encore, de leur intégration citoyenne.
Le projet de budget, qui confirme la priorité accordée à l'éducation, vient
après une rentrée sereine. On ne peut donc que se féliciter de voir se
poursuivre la rénovation de notre système éducatif.
Ce budget, le plus important du pays, progresse plus qu'il ne l'a jamais fait
depuis 1993 et augmente plus, en pourcentage, que l'ensemble du budget de
l'Etat. Cela prouve l'attention que porte le gouvernement de Lionel Jospin à
l'éducation et à la formation.
Votre budget, monsieur le ministre, est un excellent budget qui permet de
préparer l'avenir. Les membres du groupe socialiste lui apporteront leur
soutien.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini.
Tout va bien, sauf en Moselle !
M. le président.
La parole est à M. Guerry.
M. Michel Guerry.
Monsieur le ministre, mon propos portera sur l'enseignement scolaire dispensé
à l'étranger à travers le réseau d'établissements de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.
Sous l'égide du ministère des affaires étrangères, l'agence remplit une
mission d'éducation des enfants français vivant à l'étranger qui est sans
pareille. Son réseau d'enseignement scolaire national est le premier dans le
monde.
Cette mission, l'agence la remplit dans des conditions financières qui,
aujourd'hui, ont atteint leurs limites.
Les rémunérations des enseignants titulaires de l'éducation nationale,
recrutés localement, viennent d'être réajustées par l'agence. Ce réajustement
n'a pu être réalisé qu'en supprimant des postes d'expatrié et en asséchant les
réserves financières de l'agence.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'un minimum de sang neuf venant
régulièrement de métropole est indispensable pour garantir un niveau
pédagogique convenable dans nos établissements à l'étranger. Malheureusement,
ce ne sera vraisemblablement plus possible.
Depuis plusieurs années, nous assistons également à la paupérisation de nos
compatriotes vivant hors de France.
A l'étranger, nos établissements sont privés et payants.
L'agence dispense des bourses aux familles très modestes, mais l'augmentation
incessante des frais d'écolage et des seuils trop élevés de revenus pour
l'obtention des bourses excluent progressivement les familles à revenus
intermédiaires de nos établissements.
A titre d'exemple, monsieur le ministre, je citerai quelques chiffres qui
permettent de mieux comprendre les difficultés que rencontrent les familles
françaises à l'étranger pour scolariser leurs enfants dans les établissements
du réseau de l'agence : mis en parallèle, le coût annuel d'écolage par élève et
le revenu mensuel minimum retenu par l'agence pour accorder une bourse en 2001
à un couple avec un enfant sont, à cet égard, particulièrement
significatifs.
A New York, au lycée français, les frais annuels d'écolage varient entre 50
120 et 75 180 francs suivant les classes, et le revenu minimum retenu est de 10
200 francs par mois. A Tokyo, au lycée franco-japonais, les frais annuel
d'écolage varient entre 29 000 et 35 000 francs, et le revenu minimum retenu
par l'agence est de 13 200 francs par mois. A Athènes, au lycée
franco-hellénique, les frais annuels s'établissent entre 14 700 et 18 000
francs, et le revenu minimum est de 5 833 francs par mois. A Rio de Janeiro, au
lycée Molière, les frais annuels sont de 27 160 francs et le revenu minimum est
de 5 318 francs par mois.
Les coûts d'écolage sont donc de trois à sept fois supérieurs aux revenus
minima mensuels.
Les ministres des affaires étrangères successifs, de gauche ou de droite, ont
toujours déclaré qu'aucun enfant français ne devait être exclu de notre système
d'éducation pour des raisons financières.
M. Hubert Védrine déclarait en septembre dernier devant les sénateurs et les
élus des Français de l'étranger, lors de l'ouverture de la cinquante-quatrième
session de l'assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de
l'étranger, que des relations de collaboration plus étroites devraient voir le
jour entre le ministère des affaires étrangères et votre ministère, monsieur le
ministre.
Au Conseil supérieur des Français de l'étranger, nous ne voyons d'autre
solution pour sortir de l'impasse dans laquelle nous sommes qu'une implication
réelle du ministère de l'éducation nationale.
Nous n'y verrions que des avantages si votre ministère prenait en charge
l'envoi de davantage de professeurs dans nos établissements à l'étranger et
accordait un budget supplémentaire pour les bourses.
Est-il si difficile d'obtenir une collaboration interministérielle, entre le
ministère des affaires étrangères et le vôtre, dans un domaine qui est
traditionnellement celui de l'éducation nationale ?
M. Védrine nous a dit, il y a quelques jours, que la question était à l'étude.
Sans vouloir être désobligeant, je ne peux m'empêcher de m'interroger. Depuis
plusieurs années, on en parle, mais rien de concret ne vient !
Monsieur le ministre, comment concevez-vous la collaboration entre l'AEFE et
votre ministère ?
Envisagez-vous d'allouer une partie des crédits de l'exercice 2002 au
financement de bourses pour les enfants français scolarisés à l'étranger ?
Pouvez-vous vous engager par ailleurs à étudier la possibilité d'accorder aux
enfants français de l'étranger la prime de rentrée dans les mêmes conditions
qu'aux écoliers de France ?
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1997,
le gouvernement de Lionel Jospin a fait de l'éducation nationale une priorité
constante, en optant pour une augmentation continue des moyens mis au service
de la modernisation de notre système éducatif et de l'école pour tous.
Le projet de budget pour 2002 respecte les engagements pris, en particulier
ceux qui l'ont été dans le cadre du plan pluriannuel de recrutement, et prépare
l'avenir dans la continuité des réformes engagées, lesquelles ne se limitent
pas à « quelques initiatives pédagogiques », malgré ce qu'en dit M. le
rapporteur pour avis.
Pour réduire les inégalités et l'échec scolaire, il faut d'abord mettre
l'accent sur les acquis fondamentaux, à savoir la maîtrise de l'oral et
l'apprentissage de la lecture.
Cet objectif est au coeur de la réforme de l'enseignement primaire, parce que
ne pas savoir lire ou mal maîtriser la lecture, comme 15 % des enfants qui
entrent en classe de sixième,...
M. Hilaire Flandre.
Ça, c'est un « acquis » de la gauche !
M. Serge Lagauche.
... c'est être voué à l'échec.
A la maternelle, priorité est donnée à l'expression orale pour mieux préparer
l'accès à la lecture et à l'écriture.
Dès la dernière rentrée, deux dispositifs contre l'échec scolaire ont été mis
en place : un repérage systématique des compétences et des difficultés est
réalisé au début de la grande section de maternelle, un autre a lieu au début
du cours préparatoire. En parallèle, sont développés des dispositifs relais et
de remédiation.
Ces mesures sont renforcées dans le plan interministériel d'aide aux élèves
atteints de troubles du langage, qui est entré en application cette année.
L'école maternelle est, en outre, une étape essentielle dans la socialisation
des enfants, et la scolarisation dès l'âge de deux ans peut à cet égard être un
atout. Je souhaiterais d'ailleurs connaître, monsieur le ministre, l'évolution
du taux de scolarisation des enfants de deux ans au cours des dernières
années.
L'apprentissage des langues vivantes à l'école se voit consacrer 100 millions
de francs. L'éducation artistique, avec la mise en place, dès la rentrée
prochaine, de 20 000 classes à projet artistique et culturel dans les écoles
primaires, mais aussi le développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication bénéficient d'un important effort
financier.
Les nouvelles technologies ne doivent pas devenir un autre facteur
d'exclusion. Or une « fracture numérique » existe déjà puisque seuls 15 % des
foyers français sont connectés à internet, pourcentage qui recouvre en fait de
fortes inégalités géographiques et sociales. Heureusement, toutes les écoles
primaires, soit 60 000 établissements, seront connectées à internet avant l'été
2002. Sachant que 65 % de ces écoles n'y avaient pas accès à la rentrée 2000,
il faut reconnaître que c'est un effort considérable d'accélération de
l'équipement.
Réduire les inégalités passe aussi par la création de 10 000 bourses au mérite
supplémentaires et le développement de l'internat scolaire public. Nous le
savons, le contexte familial et social est un lourd facteur dans la réussite
scolaire. L'internat scolaire peut s'avérer être un cadre éducatif
stimulant.
Un fonds d'aide à la création d'internats est donc prévu : dans les cinq ans à
venir, chaque département devra posséder au moins un internat en collège, en
lycée et en lycée professionnel. Afin que son coût pour les familles ne soit
pas un facteur discriminant, une prime à l'internat sera attribuée
automatiquement à tout boursier interne à compter du 1er janvier 2002.
Le plan de scolarisation des enfants et adolescents handicapés, « handiscol »,
lancé en 1999, est poursuivi, avec notamment une enveloppe de 170 millions de
francs destinée, entre 2001 et 2003, à l'équipement, essentiellement en
matériel informatique, des élèves déficients sensoriels ou moteurs. Une
formation expérimentale de personnes ressources auprès de leurs collègues
travaillant avec de jeunes déficients visuels ou auditifs a été mise en
place.
A la rentrée de 1999, le nombre d'unités pédagogiques d'intégration destinées
aux jeunes présentant un handicap mental en collège avait doublé. Pouvez-vous
nous préciser, monsieur le ministre, quel a été le développement de ces unités
depuis 1999 et quel est leur nombre à ce jour ?
L'autre axe majeur de la réforme de l'enseignement réside dans la
transformation et la diversification de la pédagogie. Il concerne tous les
niveaux de notre système scolaire, de la maternelle au lycée. La pédagogie doit
favoriser le développement de toutes les formes d'intelligence, de l'esprit
d'initiative, du sens critique, de l'imagination, de la sensibilité et de la
capacité à travailler en équipe.
Les itinéraires de découverte au collège, les travaux personnels encadrés au
lycée ou les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel dans
l'enseignement professionnel participent de cette dynamique.
Il est important également de développer l'interdisciplinarité : au lycée,
l'éducation civique, juridique et sociale, conçue comme une nouvelle activité
pédagogique et non comme une discipline supplémentaire, constitue de ce point
de vue un bon cadre. Le cloisonnement des disciplines se révèle en effet de
plus en plus artificiel et il peut même ôter tout sens aux apprentissages en «
décontextualisant » les savoirs. Ne craignons pas de nous interroger sur le
sens, et parfois le non-sens, que peuvent recouvrir les savoirs scolaires pour
les élèves.
Parallèlement, de nouvelles demandes liées à l'évolution de notre société, par
exemple l'exigence de savoirs plus opérationnels, davantage en prise avec le
monde réel, et d'une plus grande ouverture sur le monde, doivent être mieux
prises en compte.
L'Europe est notre avenir, et les enfants d'aujourd'hui sont les futurs
porteurs de l'identité culturelle européenne. Or les enseignements sur l'Europe
restent sous-développés, même si le passage à l'euro donne lieu à une forte
communication sur ce thème.
Dans son rapport annuel, l'inspection générale de l'éducation nationale,
l'IGEN, relève que « l'école, le collège et le lycée français campent sur leurs
positions nationalement acquises et n'enseignent l'Europe sous toutes ses
formes qu'à la marge, sans conviction particulière et dans la dispersion ». La
plupart des disciplines, y compris l'histoire et la géographie, n'insistent pas
assez sur la dimension européenne et, malgré des efforts pédagogiques, on « en
reste, pour beaucoup, à l'esprit des anciens programmes, centrés plus sur
l'étude des Etats que sur la présentation d'une Europe en gestation ».
C'est en tout cas le point de vue de l'IGEN, monsieur le ministre, mais je
connais votre attachement à la dimension européenne, et je ne doute donc pas
que des initiatives seront prises prochainement.
Le renouvellement de la pédagogie passe forcément par une refonte de la
formation des personnels. Vous avez donc annoncé, au début de l'année, un plan
de rénovation de la formation des enseignants.
En matière de formation initiale, il s'agit d'améliorer à la fois leur
préparation au métier et leur accompagement, au cours des deux premières années
de titularisation, vers plus de professionnalisation. Les futurs enseignants
seront également initiés aux nouvelles méthodes pédagogiques, comme l'aide
individualisée aux élèves ou les travaux personnels encadrés.
Leur formation intégrera des aspects très pratiques : préparation des conseils
de classe, rôle du professeur principal, rapports avec les parents.
La formation continue, qui vise principalement l'actualisation ou
l'approfondissement des connaissances, est renforcée. De nombreuses actions ont
été menées au cours de l'année scolaire 2000-2001 pour accompagner les
priorités et nouvelles orientations des premier et second cycles.
Notons aussi que la formation à distance, l'interactivité et l'accès à des
outils de référence au sein même des établissements se développent grâce à
Internet.
Je note avec satisfaction que M. le rapporteur pour avis a approuvé le
développement de l'internat scolaire, la programmation des recrutements et la
réduction des emplois précaires. Je ne peux cependant m'abstenir de relever les
fortes contradictions qui sous-tendent tout son rapport.
On ne peut ainsi à la fois critiquer une augmentation des crédits
principalement destinée au personnel et demander dans le même temps plus
d'emplois médico-sociaux et ATOS.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
Mais si !
M. Serge Lagauche.
On ne peut pas non plus déplorer « une conception sans doute exagérément
sélective de notre enseignement, qui tend à privilégier dès l'école primaire un
apprentissage disciplinaire trop théorique au détriment des facultés créatives
des élèves » pour ensuite remettre en cause l'enseignement artistique et
culturel au motif qu'il éloigne les élèves des apprentissages fondamentaux ou
regretter que, dans le deuxième cycle, les enseignements soient organisés en
grands domaines d'activités plutôt qu'en champs disciplinaires.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
On fera une relecture ensemble, monsieur Lagauche
!
M. Serge Lagauche.
La position de la commission des affaires culturelles manque de cohérence,
tout comme la position de la majorité sénatoriale sur l'ensemble du projet de
loi de finances. Alors que dans son analyse générale celle-ci dénonçait la
dérive budgétaire, lors de l'examen de chaque projet de budget, elle plaide en
faveur de plus d'emplois - ici, en personnels ATOS - ou de plus de moyens - par
exemple pour la recherche.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour avis.
Nous relirons ensemble mon rapport !
M. Serge Lagauche.
A l'inverse, le groupe socialiste, comme le Gouvernement, a une position
claire : il apporte son plein et entier soutien au projet de budget que vous
nous présentez, monsieur le ministre, car il se situe dans la continuité de
l'important effort budgétaire et réformateur engagé depuis le début de la
législature.
(Applaudissements sur les travées socialistes et du celle
groupe communiste républicain et citoyen.)
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