SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre de la défense, les gendarmes sont en colère. Pour la
première fois, le corps le plus aimé et le plus respecté de la nation manifeste
au grand jour son mécontentement.
Les gendarmes expriment avant tout leur mécontentement devant l'insuffisance
de leurs moyens et les mauvaises conditions dans lesquelles ils doivent remplir
leur mission. De la vie familiale perturbée à l'ordinateur personnel que
certains d'entre eux sont contraints d'acheter à leurs frais pour pouvoir
travailler, les exemples ne manquent pas, à cet égard.
(Mme Pourtaud
proteste.)
Ils expriment ensuite leur mécontentement devant l'obligation qui leur est
faite d'assumer des tâches que d'autres ne peuvent plus ou ne veulent plus
accomplir. Alors que la sécurité est la première préoccupation des Français,
est-ce bien le rôle des gendarmes de contrôler l'emplacement des panneaux
publicitaires ou la conformité aux règles d'urbanisme ? Il existe des
administrations dont c'est la mission, mais ces administrations, il est vrai,
sont passées aux 35 heures, elles !
Ils expriment enfin leur mécontentement devant le manque de reconnaissance
d'une société qui accorde plus d'attention aux droits du délinquant qu'à ceux
de la victime. Qu'un gendarme ait recours à la force pour faire respecter la
loi, il est aussitôt suspecté, tout comme l'est d'ailleurs le policier en
mission dans un quartier ou l'enseignant qui tente de faire observer la
discipline dans sa classe. Ce n'est pas acceptable !
Dès lors, ne nous étonnons pas du malaise qui ronge en profondeur la
gendarmerie depuis des mois.
Les gendarmes sont attachés à leur statut militaire : c'est le coeur même de
leur engagement, ils en sont fiers et ne le remettent pas en cause. Ils ne
réclament ni droit de grève ni mise en place de structures syndicales, ils
veulent simplement être écoutés et mieux considérés.
S'ils se réjouissent des avancées obtenues par les policiers, ils ont
cependant le sentiment de ne pas être traités avec équité. Les déclarations
décevantes du Premier ministre, hier soir, ne les ont pas rassurés. Une réunion
de travail sera organisée samedi prochain : et après ?
Voilà deux ans que le dialogue avec le Gouvernement est ouvert. Les besoins
sont connus. Ce que les gendarmes attendent aujourd'hui, ce sont des
décisions.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle double.
A court terme, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour
améliorer la situation matérielle et financière des gendarmes ? Je parle ici de
mesures durables et non pas de mesures de circonstance comme celles que vous
avez annoncées hier soir au Sénat.
Aujourd'hui, vous puisez dans les crédits d'équipement militaire pour financer
l'augmentation des indemnités des gendarmes. Demain, comme l'a très bien dit
hier notre collègue Alain Lambert, vous désarmerez les gendarmes pour financer
le passage aux 35 heures.
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Claude Estier.
Ça suffit ! Et les deux minutes trente ?
M. Jacques Mahéas.
Il essaie de justifier l'injustifiable !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Respectez le règlement !
M. Jean-Claude Carle.
Par ailleurs, à moyen et à long terme, qu'entendez-vous faire pour permettre à
la gendarmerie d'assumer sa mission avec efficacité et restaurer ainsi, au
travers de ce corps, l'autorité de l'Etat aujourd'hui contestée ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le Gouvernement mène depuis des mois un dialogue approfondi avec les
représentants statutaires des gendarmes, ainsi qu'avec les élus des unités,
puisque nous avons mis en place un système de représentation élective dans la
gendarmerie.
M. Hilaire Flandre.
Ça n'a pas l'air de marcher !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Le Gouvernement estime que ces représentants ont
exprimé et expriment fidèlement les sentiments et les aspirations de leurs
collègues.
Nous avons déjà pris des décisions importantes, d'une portée qui n'avait pas
été telle depuis des années, en matière de rémunérations, mais des problèmes
demeurent, et le Gouvernement prend en compte la volonté loyale des militaires
de la gendarmerie nationale d'obtenir les moyens de mieux remplir leur mission
de sécurité au service des Français.
Le Gouvernement, comme le Premier ministre l'a souligné hier soir, souhaite
reprendre la concertation qui s'est déjà engagée dans le cadre du statut
militaire, que veulent en effet conserver les gendarmes. Ces derniers désirent
également demeurer au sein du ministère de la défense, même si cela ne
correspond pas à l'opinion de tout le monde. Nous pensons que cette
concertation doit concerner tous les éléments utiles au bon accomplissement de
la mission et porter à la fois sur le problème de l'harmonie des traitements
entre les deux grandes forces de police et, plus largement, sur le nouveau
projet d'avenir pour la gendarmerie nationale devant les nouveaux risques et le
nouveau contexte d'insécurité auxquels elle doit s'adapter.
C'est donc sur ces points que je travaillerai avec les représentants légitimes
de la gendarmerie. M. le Premier ministre m'en a donné mandat, et je pense que
nous trouverons des solutions bien acceptées par tous.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. le président.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir respecté rigoureusement le
temps de parole qui vous était imparti.
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