SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'emploi et
la solidarité : III. - Ville.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le budget de la ville pour 2002 est, si l'on en
juge aux chiffres, nettement moins dynamique que le précédent, puisqu'il croît
seulement de 1,3 %. Ce ralentissement s'explique par la croissance
exceptionnelle de 70 % constatée l'année dernière. Cette forte croissance
résultait du fait que ce budget intégrait pour la première fois en année pleine
certains dispositifs tels que les grands projets de ville, les opérations de
renouvellement urbain et le fonds pour la revitalisation économique.
Les montants soumis à notre vote restent très modestes au regard des défis à
relever compte tenu de l'échec des politiques structurelles. Ce budget se
situant dans le peloton de queue des budgets civils, je rappellerai que les
crédits pour la ville s'élèvent à un peu moins de 400 millions d'euros. Afin de
fixer les idées, et si l'on en croit le « jaune », je signale que l'ensemble
des dépenses de l'Etat relatives à la politique de la ville s'élèveraient à
plus de 4 milliards d'euros, et l'ensemble des dépenses publiques relatives à
la politique de la ville, à environ 7 milliards d'euros. Au total, le budget de
la ville ne correspondrait donc qu'à environ 6 % des dépenses concacrées à la
ville !
Depuis déjà plusieurs années, le Gouvernement s'évertue à démontrer le
caractère prioritaire de la politique de la ville. Il ne s'agit
malheureusement, selon moi, que d'une politique en trompe-l'oeil, d'un discours
qui tend à pallier les lacunes structurelles et budgétaires de cette
politique.
Les articles rattachés au présent budget me semblent illustrer deux des
principaux défauts de cette politique : le manque d'évaluation et l'absence de
traitement des problèmes à la base. Deux d'entre eux, les articles 71 et 71
bis,
tendent à instaurer, pour les exonérations de charges sociales, un
mécanisme de sortie progressive du dispositif des zones franches urbaines.
Les zones franches urbaines, permettez-moi de vous le rappeler, font partie
des zones de redynamisation urbaine, ou ZRU. Ces zones bénéficient
d'exonérations fiscales et sociales, plus favorables encore dans le cas des
zones franches urbaines.
Le Gouvernement propose de mettre fin au dispositif des zones franches
urbaines, pour le remplacer par un régime unique, correspondant à des zones de
redynamisation urbaine, à peine renforcées. Pour ma part, je m'interroge sur le
bien-fondé de cette décision.
Comme c'est fréquemment le cas pour les instruments de la politique de la
ville, l'évaluation disponible sur les zones franches urbaines est lacunaire.
La principale information publiée, conclurait à un doublement de l'emploi,
depuis 1997, dans les zones concernées, pour un coût annuel de 300 millions
d'euros, c'est-à-dire 2 milliards de francs. Quels sont les emplois que l'on
doit à ce dispositif ? Le rapport au Parlement ne l'indique pas, soulignant,
notamment, l'absence d'obligations déclaratives nouvelles pour les entreprises
bénéficiant du dispositif.
Ma première question, monsieur le ministre, est la suivante : disposez-vous
d'évaluations du nombre d'emplois créés du fait des zones franches urbaines,
tant parmi les résidents que parmi les non-résidents ? Si tel n'était pas le
cas, et bien que nous soyons parvenus au terme du dispositif, n'eût-il pas été
préférable de le proroger dans l'attente d'une évaluation fiable de son
efficacité ?
L'autre article rattaché au budget de la ville, l'article 72, est relatif à
l'extension du dispositif des adultes-relais.
Les adultes-relais, mes chers collègues, sont des ex-chômeurs, recrutés pour,
aux termes de l'article 72, « améliorer, dans les zones urbaines sensibles et
les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les relations entre
les habitants de ces quartiers et les services publics ainsi que les rapports
sociaux dans les espaces publics ou collectifs ». La politique de la ville est
donc amenée, en ce cas comme en d'autres, à traiter de manière purement
symptomatique, voire « cosmétique », un problème né de l'échec des politiques
menées par ailleurs.
Je suis donc conduit, monsieur le ministre, à vous poser deux nouvelles
questions. Ne craignez-vous pas qu'il soit difficile de concilier les deux
objectifs de ce dispositif : d'un côté, satisfaire des besoins non satisfaits
et, de l'autre, réduire les statistiques du chômage ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer ce qu'il va advenir de ces personnes
quand elles sortiront du dispositif, ces contrats n'étant prévus que pour une
durée de trois ans ?
J'en viens maintenant à mes observations générales sur le budget de la ville,
remarques, qui, je le concède, reviennent chaque année, et que faisait déjà mon
prédécesseur avant moi - je le salue ce soir dans notre hémicycle.
La question de la sortie du dispositif des zones franches urbaines me conduit
tout naturellement à évoquer la question de l'évaluation de la politique de la
ville. C'est peu de chose que de dire que celle-ci est lacunaire.
Si le ministère de la ville impose aux collectivités la réalisation de
nombreuses études, il ne remplit pas les obligations qui devraient être les
siennes concernant l'évaluation des actions qu'il engage. Il est donc
absolument nécessaire de mettre en oeuvre, d'une part, un suivi de la
consommation des crédits et, d'autre part, une évaluation qualitative des
résultats obtenus par les différentes politiques menées. Monsieur le ministre,
quels sont les efforts actuellement en cours, au ministère de la ville, pour
améliorer l'évaluation des politiques menées ?
Ensuite, je souhaiterais souligner les difficultés résultant de la complexité
des modes de financement de la politique de la ville. Ce n'est pas une
spécialité de la ville, d'ailleurs ; dans bien des politiques, les financements
sont, en général, complexes.
En dépit des réformes introduites au cours des deux dernières années, avec la
création du fonds d'intervention pour la ville, le FIV, notamment, la situation
demeure insatisfaisante.
D'une part, la complexité et la lenteur des procédures de demande de
subvention demeurent un obstacle, notamment pour les associations qui
participent à la réalisation des objectifs de la politique de la ville. La
délégation des crédits déconcentrés, souvent tardive, empêche toute visibilité
quant aux montants des crédits disponibles dans les départements.
D'autre part, le financement des opérations plus importantes demeure complexe,
compte tenu de la dispersion des sources de financement.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser une dernière série de
questions : le financement de la politique de la ville ne vous semblerait-il
pas devoir être simplifié ? En ce cas, quels sont les moyens qui devraient,
selon vous, être mis en oeuvre ?
Enfin, plus fondamentalement, je m'interroge sur la nature même de la
politique de la ville. On le voit dans le cas des adultes-relais, la politique
de la ville se développe en grande partie en raison des échecs des politiques
structurelles qui devraient être menées par ailleurs. Dans ces conditions, on
peut se demander s'il y a lieu de se réjouir de la multiplication par cinq des
crédits de la politique de la ville depuis 1998 !
Je me permets donc de souligner que la nécessité de développer un budget pour
la politique de la ville n'est que la traduction des échecs criants des
politiques de l'emploi, de la sécurité, de l'éducation et de la famille dans
certains quartiers.
Ne pas vouloir prendre les mesures nécessaires pour restaurer l'autorité,
qu'elle soit au sein de la famille ou de l'école, vis-à-vis de la police ou de
la justice, conduit et conduira toujours, hélas !, à voter plus de crédits pour
acheter la tranquillité des banlieues.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
les quelques observations qui m'ont été inspirées par ce budget. En raison,
notamment, de son manque de transparence, du fait de l'absence d'évaluation et
de l'opacité de ses financements, je vous proposerai, mes chers collègues, d'en
rejeter les crédits.
Monsieur le ministre, récemment, dans un département que je connais bien, le
préfet, qui avait reçu délégation de crédits du ministère de la ville, n'en a
pas informé la ville chef-lieu de canton, si bien que ces crédits sont
retombés, si j'ose dire, dans le giron du ministère sans que le maire en soit
même informé. L'incident n'a été découvert que quelque temps après. Cet exemple
montre bien le manque de transparence qui prévaut en la matière. Mais je me
permettrai de vous adresser une petite note sur ce dossier précis !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actualité
le montre chaque jour, nous vivons au quotidien une dégradation de la situation
générale dans nos villes et dans nos quartiers. Malheureusement, ce phénomène
fait tache d'huile dans les communes périurbaines et même dans nos petites
communes.
Au-delà des rapports, des chiffres, des conclusions d'experts, des
déclarations des uns et des autres, si la politique de la ville était une
réussite, nous le saurions !
La politique de la ville revêt, par nature, un caractère interministériel.
Elle est aussi directement liée à la politique économique et à celle de
l'emploi, qui ont une incidence directe sur les conditions de vie des habitants
des quartiers en difficulté.
Or, depuis plusieurs années, le Gouvernement ne cesse de négliger le volet
économique de la politique de la ville. J'en donnerai deux exemples avec les
zones franches urbaines, les ZFU, et l'établissement public d'aménagement et de
restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA.
Nous vous le disons de nouveau, monsieur le ministre, c'est la mixité
économique qui favorisera la mixité sociale dans nos villes et nos
quartiers.
Dans ce sens, votre budget ne répond pas aux attentes de nos villes,
c'est-à-dire de 75 % de la population de notre pays !
Les crédits budgétaires d'Etat s'élèvent à 3,57 milliards d'euros et sont en
stagnation en euros constants.
Dans le budget total de 7 milliards d'euros, nous trouvons des fonds
européens, des prêts de la Caisse des dépôts et consignations que les
collectivités locales auront à rembourser, puis 167 millions d'euros de fonds
provenant des caisses d'allocations familiales, alors que ce sont des
organismes privés qui ne reçoivent aucune subvention de l'Etat.
A tout cela s'ajoutent 1,1 milliard d'euros provenant des collectivités
territoriales.
Compte tenu de ce qui précède, la commission des affaires économiques
s'interroge sur l'équilibre entre les transferts de compétences et les
transferts de charges opérés par l'Etat.
Une de nos craintes, monsieur le ministre, est qu'au nom de « l'effet levier »
de vos crédits, comme vous le déclarez régulièrement et comme on aime dire à la
FIV, vous ne favorisiez les communes les plus riches au détriment des plus
défavorisées, c'est-à-dire celles qui rencontrent le plus de difficultés.
Le 31 décembre 2001, le dispositif « zones franches urbaines » aura vécu.
Rarement un gouvernement aura mis un tel acharnement à critiquer un outil
particulièrement efficace, mais qui semblait vraiment le gêner.
L'objectif fixé en 1996 par les auteurs du dispositif était de créer en cinq
ans 5 000 emplois et 10 000 entreprises et obtenir que les quartiers
bénéficient de 20 % de ces emplois.
Votre ministère annonce la création de 23 000 à 26 000 emplois et de 7 000
entreprises. L'Association nationale des zones franches urbaines, de son côté,
tire le bilan suivant : 50 000 emplois ont été créés, c'est-à-dire dix fois
plus que ce qui était prévu ; entre 20 000 et 25 000 entreprises ont été
créées, 50 % à 55 % d'entre elles étant des créations pures ; le taux
d'embauche dans les quartiers varie entre 30 % et 35 %. Cela montre bien que
les premiers bénéficiaires sont bel et bien ceux qui vivent dans ces zones.
La réussite des zones franches urbaines s'explique par leur simplicité : un
territoire, des exonérations d'impôts.
En revanche, le système de remplacement des zones de redynamisation urbaine,
les ZRU, que vous nous proposez, est voué à l'échec, car il est trop complexe.
Il mélange subventions et défiscalisation dans des conditions confuses et peu
attractives pour les entreprises.
Mais, en marge de la réussite des zones franches urbaines, nous tirons
quelques enseignements.
Il est inadmissible qu'en 2001 aucune administration française ne soit en
mesure de nous communiquer deux chiffres simples portant sur une période de
cinq ans : le nombre d'emplois et le nombre d'entreprises créés.
Il serait souhaitable, cela a déjà été dit, que le Gouvernement mette en place
une procédure d'évaluation de toutes ses politiques qui soit aussi rigoureuse
que celle qu'il applique aux zones franches urbaines.
Monsieur le ministre, il est également inadmissible que certaines
administrations ou certains organismes, par exemple l'URSSAF, refusent
d'appliquer la loi, les réglementations ou les directives du Gouvernement.
Permettez-moi de vous demander quelles sanctions vous prendrez à l'encontre
des organismes qui entravent ou ont entravé sciemment l'application de la loi
relative aux exonérations fiscales et sociales.
(M. Larcher
approuve.)
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Très bien
!
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Il ne se passe pas un jour sans qu'un maire soit
menacé ou traduit devant les tribunaux civils ou administratifs,...
M. Gérard Larcher.
C'est exact !
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
... alors que certains, eux, restent à l'abri.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
C'est du vécu !
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
Pour la politique de restructuration des quartiers
en difficulté, une enveloppe de 500 millions de francs est ouverte pour la
démolition de 150 000 logements. La commission des affaires économiques
souhaiterait que le Gouvernement rende public un échéancier des démolitions
envisagées dans les années à venir, ainsi qu'une évaluation du coût des
opérations.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre André,
rapporteur pour avis.
A propos du commerce en restructuration dans les
quartiers en difficulté, nous nous interrogeons sur l'efficacité de l'EPARECA.
Nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles cet établissement
n'est pas en mesure de remplir les missions qui lui ont été confiées.
La seule qualité de votre budget, monsieur le ministre, est d'être le reflet
de votre politique. Ce budget n'est pas clair, il ne dégage pas de ligne de
force capable d'apporter une ébauche de solution à la situation actuelle de nos
villes.
Par conséquent, la commission des affaires économiques demande au Sénat de
rejeter les crédits consacrés à la ville.
(Applaudissements sur les travées
du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin, rapporteur pour avis.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le temps qui m'est
imparti pour présenter ce soir l'avis de la commission des affaires sociales,
je m'attacherai à formuler trois préoccupations, car je crois faire partie des
maires qui parlent de la politique de la ville parce qu'ils la conjuguent au
quotidien.
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
En 2001, le Gouvernement a conforté les
orientations prises en faveur du renouvellement urbain par le comité
interministériel des villes du 14 décembre 1999. Je reviendrai d'ailleurs sur
le Conseil national des villes et du développement urbain, le CNV, où je
souhaiterais que l'on travaille en amont plutôt qu'en aval.
Le comité interministériel avait annoncé la mise en place de deux outils : les
grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain.
Le comité interministériel des villes du 1er octobre dernier propose un
programme en quatre points pour, selon le Gouvernement, « tourner la page des
cités-dortoirs » : l'accélération du programme des démolitions-reconstructions
d'immeubles, la sélection de nouveaux quartiers pour des opérations de
renouvellement urbain, des grands travaux de ville pour le désenclavement des
quartiers, enfin, un programme de rénovation des copropriétés dégradées, qui
répond à un besoin réel.
Des moyens sont annoncés, budgétaires pour une petite part, extrabudgétaires
pour une large part, grâce tant à des prêts qu'à l'intervention du 1 %
logement.
La commission des affaires sociales juge intéressantes les propositions du
Gouvernement, mais elle assortit son jugement de deux réserves fortes.
La volonté politique de consacrer des moyens financiers à ces programmes devra
être soutenue avec constance. La stabilité des crédits consacrés aux grands
projets de ville en 2002, soit deux ans après la création de cet outil
important, augure mal d'une mobilisation à long terme en faveur du
renouvellement urbain. Telle est ma première réserve.
Par ailleurs, la commission estime qu'il n'est possible de mettre fin aux
cités-dortoirs qu'en brisant la logique qui s'est installée depuis plusieurs
décennies, celle de la ségrégation entre les zones d'habitat et les zones
d'emploi. Cet objectif ne sera atteint que si l'on implante l'activité
économique dans les quartiers défavorisés : la zone franche en est une preuve
concrète.
Or, et c'est ma seconde réserve, le développement économique de ces quartiers
reste incertain.
Le pacte de relance pour la ville avait proposé un instrument qui a, depuis,
prouvé son efficacité : les zones franches urbaines.
Vous savez, monsieur le ministre - nous en avons souvent discuté ensemble -,
combien j'y suis attachée. Je les ai largement défendues, et je reconnais avoir
été, dans une certaine mesure au moins, écoutée.
Les entreprises ont été incitées à s'installer dans des quartiers sinistrés
et, cinq ans plus tard, le bilan de ces zones est plus que positif.
Dans le dernier rapport qu'il a remis au Parlement, en juillet dernier, le
Gouvernement admet, tardivement peut-être, la réussite de cette politique.
Après les conclusions aussi assassines qu'infondées d'un rapport rédigé en 1998
par l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, je me félicite que le
Gouvernement ait trouvé son chemin de Damas.
Le dispositif des zones franches arrive à échéance ; sans doute ne pouvait-il
pas être reconduit éternellement. Les acquis en termes d'activité et d'emploi
devraient être préservés grâce au mécanisme de sortie graduelle contenu dans le
projet de loi de finances.
En remplacement, le Gouvernement propose trois outils, dont les deux premiers
n'ont pas encore rempli leurs promesses.
Le fonds de revitalisation économique, d'abord, reste inopérant en raison de
sa complexité, dissuasive pour les petits entrepreneurs. Les annulations de
crédits dont il est victime - près de 15 millions d'euros en 2001 en moyens de
paiement - témoignent de cette inefficacité. Il est temps de revoir ce
mécanisme.
Le dispositif des adultes-relais, pour sa part, reste une mesure de traitement
social du chômage que le Gouvernement élargit aujourd'hui, puisqu'en 2001 les
recrutements n'atteignaient pas un tiers des objectifs annoncés.
Sans doute le nouveau régime unique d'exonération permettra-t-il d'atteindre
de meilleurs résultats s'il évite l'écueil d'une dispersion des moyens entre
les zones ciblées.
Le dernier point de mon intervention sera consacré à la montée de la violence.
Chaque élu - et vous êtes comme moi, monsieur le ministre, l'élu d'une ville
qui n'est guère facile - est conscient de ce phénomène alarmant.
A titre d'exemple, je rappellerai que les dégradations et les destructions de
biens, qui constituaient une part modeste des délits et des crimes dans les
années quatre-vingt, en représentent aujourd'hui 14 %.
Les professionnels de santé, que ce soit dans les cabinets médicaux, en visite
à domicile ou à l'hôpital, sont de plus en plus souvent victimes de ces
agressions.
Certes, le Gouvernement a proposé de sécuriser les cabinets médicaux en
rassemblant les médecins dans des « maisons médicales », d'élargir la vocation
initiale du fonds de revitalisation économique pour permettre aux officines de
s'équiper en rideaux de fer, vidéosurveillance ou sas de sécurité, et de
favoriser le recrutement de « médiateurs de santé » pour accompagner les
médecins. C'est une solution, mais nous ne devons pas reculer devant la
violence.
Sans doute était-ce là une première réponse nécessaire, mais elle augure d'une
démission assumée face au phénomène de la violence. Le plan anti-violence mis
en oeuvre par certains services publics, notamment par les caisses
d'allocations familiales, témoigne de cette évolution préoccupante, qui voit
des îlots de sécurité se créer en même temps que la violence s'installe
autour.
Assurément, le budget consacré à la politique de la ville n'est pas celui du
ministère de l'intérieur ; mais les efforts menés au nom de cette politique ne
peuvent qu'être vains si, par ailleurs, la sécurité n'est pas restaurée.
Monsieur le ministre, je crois avoir toujours été très claire et très franche.
En tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, je m'en
remettrai à la sagesse du Sénat pour le vote des crédits de la ville. Mais
cette position n'est pas, loin de là, un blanc-seing donné au Gouvernement ;
elle traduit simplement le fait que nous prenons acte de vos propositions, et
elle s'assortit d'une mise en garde solennelle : il ne peut y avoir de
politique de la ville si la violence dans les quartiers n'est pas jugulée et si
la politique de la ville, au travers de ses financements, n'est pas davantage
simplifiée. (
Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
- Mme Printz applaudit également.
)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion des dispositions du projet de loi de finances concernant la
politique de la ville pour 2002 nous place en face de plusieurs questions
essentielles du débat public ; il s'agit des problèmes de logement, de
sécurité, de scolarisation, d'emploi ou encore d'environnement.
Aujourd'hui, 80 % des Français vivent en milieu urbain, soit 44 millions de
personnes, dont un grand nombre est quotidiennement confronté aux difficultés
engendrées par la délinquance, la dégradation de l'habitat ou les problèmes de
transport.
Or, face à cette masse de difficultés à gérer, les crédits inscrits en faveur
du ministère de la ville marquent un piétinement certain dans le projet de loi
de finances pour 2002.
Avec 372 millions d'euros, soit une croissance de 1,3 %, ce budget n'est pas à
la hauteur des défis qu'il a la prétention de relever.
La vérité, c'est que, comme dans plusieurs autres domaines essentiels de la
vie des Français - la sécurité ou l'emploi, par exemple - le gouvernement
Jospin a engagé vis-à-vis de la ville une politique en totale inadéquation avec
les réalités du terrain.
La plupart des mesures de solidarité urbaine n'ont pas été suffisantes pour
permettre une réelle émergence des zones dites sensibles. Les situations
sociales se sont même souvent détériorées.
Le pourcentage de diplômés supérieurs reste deux fois inférieur à la moyenne
nationale. Le nombre de titulaires d'un baccalauréat représente à peine 24 %,
contre 37 % ailleurs. Le taux d'activité dans ces quartiers a régressé, passant
de 69,5 % en 1990 à 68 % en 1999, soit cinq points en dessous de la moyenne
nationale. Le taux de chômage, quant à lui, est resté en 1999 deux fois plus
élevé que la moyenne nationale, soit 25,4 % contre 12,8 %.
Ce que le Gouvernement nous a présenté comme sa grande réforme pour la ville,
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui devait, entre
autres choses, réformer le code de l'urbanisme et les règles applicables à la
copropriété, s'est réduit à un cortège de taxations supplémentaires et de
mesures coercitives imposées aux collectivités locales sans aucune
concertation.
De même, en matière de lutte contre l'insécurité, les débats qui ont eu lieu
dans notre assemblée ont déjà mis en évidence les graves lacunes de la
politique gouvernementale depuis 1997, lacunes qui se traduisent par une
augmentation galopante de la délinquance au cours des dernières années : hausse
inquiétante de 5,72 % au cours de la seule année 2000 et de près de 10 % pour
le premier semestre 2001 ; augmentation sensible des vols avec violence et des
dégradations de biens publics et privés ; surtout, explosion des violences
contre les personnes.
A quoi sert de concevoir une politique ambitieuse dès lors que le sentiment
d'insécurité devient largement dominant dans les catégories de la population
française les plus directement concernées, catégories qui sont bien souvent
aussi les plus fragiles ?
Comment espérer que de vagues mesures d'accompagnement, comme les contrats
locaux de sécurité - les recrutements se sont avérés difficiles et les
formations incomplètes - puissent constituer une réponse adéquate aux problèmes
endémiques d'insécurité urbaine ?
Les excellents rapports de nos collègues Eric Doligé, Pierre André et Nelly
Olin ont clairement mis en évidence les nouvelles dérives dans les zones
sensibles, où même les médecins sont empêchés d'accomplir leur devoir
d'assistance médicale tant les menaces qui s'exercent sur eux sont fortes.
Comme pour les contrats locaux de sécurité, il est peu probable que la
création conjointe par les caisses nationales d'assurance maladie et le
ministère de la ville de « maisons médicales » dans les quartiers difficiles
puisse apporter une solution durable, et rapide, à ce qu'il faut bien qualifier
d'actes antirépublicains.
A chaque fois qu'une zone sensible est qualifiée ou ressentie par ses
habitants comme une zone de « non-droit », c'est tout un pan de la politique de
la ville qui s'effondre, et je vous rappelle que le nombre de ces quartiers qui
font honte à notre démocratie est passé en cinq ans de 145 à 750.
Nous ne saurions, bien entendu, monsieur le ministre, vous en tenir pour seul
responsable. Dans ce dramatique délabrement de l'ensemble de la politique de
sécurité du Gouvernement, les responsabilités sont partagées entre plusieurs
ministères.
Le ministère de la justice d'abord, dont l'ambition réformatrice en matière de
présomption d'innocence n'a finalement conduit qu'à compliquer inutilement les
procédures et les missions des forces de l'ordre et des tribunaux.
M. Roland Muzeau.
Vous avez voté la loi !
M. Christian Demuynck.
Je n'insisterai pas ici sur l'incidence que peut avoir sur la vie de ces
quartiers la présence de délinquants connus de tous et arrêtés à de nombreuses
reprises, mais qui continuent, malgré tout, à sévir en toute impunité.
Le ministère de l'intérieur, ensuite, a prouvé qu'il n'avait pas pris la
mesure réelle de l'enjeu représenté par la sécurité en réduisant la part
relative à l'agrégat de la politique nationale de 55,5 % à 52,02 %. La forte
mobilisation syndicale de ces dernières semaines révèle pourtant le cruel
manque de moyens et d'effectifs auquel sont confrontées les forces de police et
de gendarmerie.
Daniel Vaillant n'est cependant pas le seul qui doive être incriminé. Il a dû
assumer le lourd passif laissé par son prédécesseur, M. Jean-Pierre Chevènement
: manque de formation des agents de police de proximité, faiblesses de la
politique d'affectation des forces de l'ordre sur le territoire, absence de
prise en compte des demandes formulées par les syndicats de police ainsi que
par les élus locaux, etc.
Votre ministère enfin : les crédits en faveur des grands projets de ville,
pourtant directement voués à prévenir la délinquance stagnent à 10,6 millions
d'euros, soit 210 000 euros par projet. Cette dotation insuffisante contraste
avec les annonces du Gouvernement et n'apporte pas de réponse satisfaisante aux
problèmes soulevés.
De même, les crédits du fonds d'intervention pour la ville concernant la
prévention de la délinquance, de la récidive et les aides aux victimes
d'infractions pénales n'étaient que de 3,31 millions d'euros en septembre 2001,
alors qu'ils avaient atteint 15,23 millions d'euros en 2000. Une telle
dégradation est incompréhensible dans le contexte actuel.
Ainsi, la politique de la ville que nous propose le Gouvernement n'a pas les
moyens de ses ambitions et elle pâtit des importantes erreurs de gestion
commises depuis 1997, erreurs dont la collectivité continue à payer le prix.
Enfin, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la discordance
de la politique gouvernementale : le Gouvernement prétend à la fois développer
la politique d'intégration urbaine, à grand renfort d'effets d'annonce
d'ailleurs, mais, dans le même temps, il se désengage progressivement du
financement de ces mesures.
Alors que la part des financements de l'Etat reste constante, les
collectivités territoriales, par le biais des contrats de ville et des contrats
Etat-régions, ont en effet dû quadrupler leurs contributions depuis 1998,
passant de 357 millions d'euros à 1,11 milliard d'euros : savante opération de
passe-passe qui permet à l'Etat de se décharger à bon compte sur des
collectivités de plus en plus exsangues !
On voit mal comment, dans de telles conditions, le Gouvernement pourrait
encore justifier ses réticences à accorder aux maires des moyens suffisants
pour traiter au plus près les problèmes de sécurité, d'urbanisme et
d'environnement.
Ce projet de loi de finances est, en fait, le révélateur des incohérences de
la politique socialiste depuis 1997 : le Gouvernement a conçu la politique de
la ville comme une politique de traitement de la crise des quartiers, de la
même façon qu'il a conçu la politique de réduction du temps de travail comme
une politique de traitement de la crise du chômage, c'est-à-dire sans réelle
vision d'avenir, sans consultation, et au mépris de l'intérêt de la
collectivité à long terme.
Les Français, monsieur le ministre, sauront s'en souvenir lorsque viendra,
bientôt, le temps de faire les comptes.
Bien sûr, je ne voterai pas ce projet de budget.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Létard.
Mme Valérie Létard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l'on
examine tant les crédits de la ville dans le projet de loi de finances pour
2002 que les conclusions du comité interministériel de la ville du 1er octobre
dernier, les moyens et outils proposés tant en matière d'habitat et de
requalification urbaine que d'accompagnement des populations en difficulté
paraissent, à première vue - et malgré le ralentissement de l'effort budgétaire
consenti depuis 1998 - intéressants.
Par ailleurs, l'excellente analyse faite par le rapporteur pour avis de la
commission des affaires sociales, Mme Olin, a parfaitement mis en évidence non
seulement les atouts, mais aussi les lacunes et les faiblesses de ce projet de
budget.
Pour ma part, je me permettrai d'émettre quelques réserves, voire des
craintes, sur la mise en oeuvre de la politique de la ville sur le terrain,
laquelle ne transparaît pas directement dans le document budgétaire.
Deux exemples me semblent particulièrement significatifs de la difficulté de
passer de la théorie à la pratique.
Le premier est celui de l'accompagnement des populations en difficulté assuré
par les associations dans le cadre des contrats de ville. Bien que leur mission
soit largement reconnue et que des financements leur soient en principe
alloués, l'accès à ces crédits relève pour bien des associations d'un véritable
défi. Elles doivent d'abord comprendre les mécanismes de financement et définir
les financeurs susceptibles de retenir leur dossier. Or les services
instructeurs eux-mêmes ne sont pas toujours en mesure de leur indiquer si une
action relève de la politique de la ville ou du droit commun, voire des
deux.
Depuis le transfert des crédits de l'ancien fonds interministériel pour la
ville au fonds d'intervention pour la ville, le FIV, les nouvelles règles de
financement peuvent poser quelques problèmes aux associations dont le
rayonnement est intercommunal. En effet, contrairement à l'ancien FIV, le
contrat de ville impose une contrepartie locale en complément des financements
de l'Etat et de la région. Lorsqu'une association intervient sur un territoire
important, il lui est donc désormais nécessaire d'obtenir l'accord de toutes
les collectivités concernées, ce qui, dans la réalité, se révèle souvent
difficile.
La précarité de fonctionnement des associations induite par la reconduction
annuelle et toujours hypothétique des projets limite encore davantage la
possibilité de conduire une action qualitative inscrite dans la durée. La
pluriannualité des financements peut permettre une amélioration de la
qualification des intervenants et du contenu des actions. Pourtant, à ce jour,
selon l'enquête réalisée dans le cadre du rapport « Associations et politique
de la ville », seules 17 % des préfectures interrogées recourent à la procédure
des conventions pluriannuelles. Or n'oublions jamais que les associations sont
pratiquement nos seuls intervenants de proximité. Ce sont elles qui, au
quotidien, sont « envoyées au feu » dans les quartiers en difficulté, mais
elles interviennent dans des conditions bien trop précaires pour que leur
efficacité auprès des habitants soit optimale.
Deuxième sujet très important que je souhaite évoquer : les programmes de
requalification urbaine dans lesquels se sont engagées les communes et
agglomérations éligibles aux grands projets de ville, les GPV, pour la période
2000-2006.
Là encore, on se heurte à la lourdeur excessive des procédures, chaque échelon
des services déconcentrés de l'Etat ajoutant des contraintes à celles de
l'échelon précédent.
Dans le Valenciennois, par exemple, deux années de négociations avec les
différents partenaires signataires des conventions « contrat ville » auront été
nécessaires pour parvenir à un accord.
Depuis le mois de septembre 2001, le GPV est entré dans sa phase
opérationnelle. A ce stade, l'Etat a demandé des études sociales et urbaines
complémentaires avant d'envisager le début de l'instruction des dossiers. Les
études ont été lancées à l'automne 2001. Leurs résultats seront connus à la fin
de 2002. Les premiers projets verront donc le jour à la fin de 2003 ou au début
de 2004 puisque l'on estime à vingt-trois mois au minimum la phase
d'instruction d'un dossier d'investissement pour un GPV. Cela signifie que les
opérations lourdes, qui sont par là même les plus importantes pour changer la
physionomie des quartiers et surtout des logements, seront concentrées sur
2004-2006, soit une période très brève.
Le risque est réel que les communes et l'intercommunalité ne puissent assumer
financièrement un grand nombre d'opérations dans un délai aussi court. Comment
réaliser en trois ans ce qui aurait dû être fait en six ans ? Comment ne pas
comprendre l'impatience et l'incompréhension des habitants des quartiers qui
voudraient enfin « voir les choses bouger » ?
A la lenteur des opérations, il convient d'ajouter le manque de lisibilité des
modalités de mise en oeuvre des GPV. A l'origine, leur objet était de
subventionner des opérations de requalification urbaine à un taux largement
supérieur au droit commun - 80 %, voire 90 % - afin de permettre à des communes
à faible potentiel fiscal de lancer des opérations qu'elles n'auraient jamais
pu financer seules. En pratique, dans mon département, les premières notes
communiquées aux élus par les services de l'Etat sur la marche à suivre
énuméraient les dépenses subventionnables de manière très restrictive, ce qui
en réduisait d'autant l'impact. Cette pratique a soulevé un vif
mécontentement.
Aujourd'hui, on nous annonce, lors des réunions techniques entre services de
l'Etat et collectivités, que les voiries et réseaux divers ne seront
probablement financés qu'à hauteur de 20 % de la dépense subventionnable, alors
que les élus pensaient obtenir une aide équivalente à 80 % ou à 90 % du montant
de l'opération. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, à l'heure
d'élaborer des budgets communaux déjà difficiles à équilibrer, de telles
incertitudes accentuent les appréhensions des élus, qui, dès lors, hésitent à
s'engager dans une démarche aussi lourde.
Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant que les crédits disponibles
pour les investissements au titre des GPV soient sous-consommés. Ne serait-il
pas plus logique, une fois le cadre du contrat établi, de laisser un peu plus
de souplesse et d'autonomie aux élus dans l'élaboration des programmations
annuelles ?
Permettez-moi de reprendre les propos d'un de mes collègues, maire de la ville
de Hem, qui rappelait que l'objectif n'est pas d'avoir une procédure « carrée,
mais des quartiers rénovés, des populations intégrées, des commerces et des
entreprises installées et des emplois créés ».
Telle doit être en effet notre ambition. Or, actuellement, on semble perdre de
vue cet objectif très simple. Aussi je voudrais conclure, monsieur le ministre,
en vous alertant sur la façon dont la politique de la ville est vécue dans nos
territoires. Si l'approche technocratique qui prévaut aujourd'hui n'est pas
rapidement corrigée, je crains que les efforts entrepris ne soient toujours en
décalage par rapport aux attentes des populations en difficulté.
(Applaudisements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps qui
m'est imparti étant particulièrement bref, j'irai directement à l'essentiel.
Les chiffres sont clairs : plus 15,6 % par rapport au budget 2001, qui avait
lui-même déjà augmenté de 47 % ; 538,16 millions d'euros pour les crédits
spécifiques « ville » en 2002, somme comprenant les dépenses ordinaires et les
autorisations de paiement, contre 144 millions d'euros en 1997, soit une
progression de 274 %.
L'effort public total, qui comprend l'effort des collectivités locales,
s'élève à 6,2 milliards d'euros pour la politique de la ville, auxquels
s'ajoutent 1,1 milliard d'euros de prêts de la Caisse des dépôts et
consignations.
Du strict point de vue budgétaire, l'effort est notable et la cécité qui
frappe la droite - hormis Mme Olin - est étonnante.
Mme Nelly Olin.
Un peu de décence, mon cher collègue !
M. Roland Muzeau.
J'ai dit : « hormis Mme Olin » !
Ce projet de budget marque - comme la loi SRU et l'accélération des programmes
de démolition-reconstruction - la volonté du Gouvernement de changer d'échelle.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'en félicite.
Les problèmes de la ville concernent 43 millions de nos concitoyens, près de
huit personnes sur dix. Pour faire face à cet enjeu de société, aux mutations
considérables des activités humaines concentrées dans les secteurs urbains, aux
exigences de la population des villes, c'est l'ensemble de la politique de la
nation qui doit être mis en mouvement.
Dans cet esprit, à titre d'exemple, nous désapprouvons la volonté des services
de l'Etat qui, comme dans le département des Hauts-de-Seine, veulent transférer
la charge des antennes de justice dans les GPV, les grands projets de ville
donc aussi à la charge des communes, alors que cela dépend exclusivement du
ministère concerné.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Nous sommes d'accord !
M. Roland Muzeau.
Nous vivrons encore longtemps les conséquences d'une planification urbaine en
crise profonde, comme de la politique de zonage affectant des territoires selon
leurs fonctions - activité, habitat, loisirs, chalandise - et entraînant un
perpétuel allongement des temps de transports.
Dans les évolutions lourdes des vingt dernières années, la montée d'un chômage
massif et d'une précarisation des populations les plus démunies s'est
concentrée dans certaines villes, dans certains quartiers, au sein de zones
déjà fragilisées par la conception même de l'organisation urbaine dominante.
M. Hilaire Flandre.
C'est votre fonds de commerce !
M. Roland Muzeau.
Il faut bien l'admettre, les différentes politiques de la ville menées n'ont
pas réglé au fond les problèmes, ni même eu tous les effets attendus : les
exclus de la croissance sont massivement restés des exclus.
Le renouvellement urbain ne prendra véritablement son essor que si l'on
s'attaque aux conditions économiques de revitalisation des villes. Or le volet
de l'emploi, qui ne dépend pas de votre budget, monsieur le ministre, repose
encore essentiellement sur une logique de traitement social du chômage.
Force est de constater que ce sont toujours les mêmes qui souffrent. Certains
cèdent au découragement. D'autres fuient les zones urbaines, dès qu'ils le
peuvent.
Force est aussi de constater que ce sont toujours les communes les plus en
difficulté qui supportent les charges les plus lourdes, et les solidarités
entre collectivités restent encore à construire.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Il répète tout ce que l'on a dit !
M. Roland Muzeau.
Lorsque nous le disions, vous ne l'entendiez pas !
Ce sont ces communes qui courent après l'ouverture d'un guichet de poste dans
les quartiers dits sensibles, qui s'opposent à la décision insensée,
incompréhensible et brutale d'un chef d'entreprise de fermer un site - vous ne
le dites pas ! - qui cherchent les moyens d'exercice du droit pour chacun de
vivre en sécurité dans les lieux de son choix, les moyens d'une éducation qui
ne laisse personne sur le bas-côté.
M. Christian Demuynck.
Pourtant, ils soutiennent le Gouvernement !
M. Roland Muzeau.
Par ailleurs, travailler et bénéficier d'un habitat digne de ce nom sont les
deux grandes questions qu'il convient de résoudre.
Selon certaines sociétés anonymes d'HLM, la politique de la ville signe vingt
ans d'échec.
« Nous avons trop longtemps été négligés dans l'élaboration de la politique de
la ville », estime pour sa part M. Michel Ceyrac, président du groupe 3F,
premier groupe d'habitat social en France.
Peut-être, mais nombre de bailleurs n'ont-ils pas depuis longtemps négligé la
ville et leur propre implication dans la mise en oeuvre du renouvellement ? La
réponse me semble aller de soi.
Il importe également que l'Etat se fasse entendre auprès des sociétés anonymes
d'HLM, les SA HLM, et notamment les plus puissantes d'entre elles, et auprès de
grands collecteurs comme l'Office central interprofessionnel du logement,
l'OCIL, qui utilisent trop souvent les actions de la politique de la ville pour
améliorer leurs comptes et leurs bilans financiers.
Il ne s'agit plus seulement de parer au plus pressé, il s'agit de changer de
mode de vie pour bien vivre ensemble en ville. Il faut donc aider fortement les
différents acteurs, collectivités locales, associations qui, avec les services
de l'Etat, rejettent ghettos et zonages, et recherchent le moyen de retisser du
lien, de récréer de la solidarité.
Enfin, préoccupation lancinante, les collectivités locales et les associations
se heurtent toujours à l'excessive complexité des circuits, au manque de
souplesse des procédures,...
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Voilà !
M. Hilaire Flandre.
On est tous d'accord !
M. Roland Muzeau.
Cela m'étonnerait !
Elles se heurtent toujours, disais-je, à l'insuffisante coordination des
sources de financement et à la lenteur des mécanismes de délégation des
crédits.
Arriverons-nous un jour à simplifier cela ? Nous l'espérons vivement !
Je note avec intérêt que le rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales a émis un avis de sagesse sur les crédits de la ville pour 2002.
Compte tenu de ces observations constructives, le groupe communiste
républicain et citoyen votera donc ce budget, tel qu'il nous vient de
l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Hilaire Flandre.
La solidarité gouvernementale !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Je pensais que vous émettriez un avis de sagesse
!
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
M. Eric Doligé,
rapporteur spécial.
Pas trop de louanges !
(Sourires.)
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Un peu tout de même !
(Nouveaux sourires.)
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année
encore, l'honneur me revient de défendre le budget de la ville au nom du groupe
socialiste et, comme je le fais depuis quatre ans, je me félicite de
l'augmentation de ses crédits. Il s'agit non pas d'un manque d'originalité de
ma part ou d'un manque de volonté de varier le contenu de mes interventions,
mais du constat de l'augmentation d'un budget qui traduit la volonté d'un
gouvernement de faire de la politique de la ville une priorité et d'inscrire
celle-ci dans la durée.
Depuis quatre ans, le Gouvernement a en effet entrepris une importante
revalorisation des moyens destinés à la politique de la ville. Cette
mobilisation s'est concrétisée dès la loi de finances pour 1999, qui a augmenté
de plus d'un quart les crédits concourant au développement social urbain. Le
budget pour 2000 a poursuivi cette évolution de l'effort public en faveur de la
ville, de même que le budget pour 2001, soit une augmentation de 65 % en
seulement trois ans.
Les crédits pour 2002 poursuivent cette progression puisque le budget de la
ville, qui ne s'élevait qu'à 944 millions de francs en 1997, mobilisera 2,5
milliards de francs. Il permettra de financer la montée en puissance des
dispositifs de renouvellement urbain et de revitalisation économique mis en
place depuis trois ans. Sachant qu'un franc investi par le ministère de la
ville suscite au moins sept francs d'autres crédits ministériels, l'estimation
de l'effort public en faveur de la ville dépasse ainsi 40 milliards de
francs.
Aucun gouvernement n'a jamais mobilisé des moyens aussi importants pour la
ville.
Au-delà de l'aspect financier, c'est toute une façon de penser et
d'appréhender la ville qui a changé, et nous savons, monsieur le ministre, que
vous n'êtes pas étranger à cette nouvelle approche. Depuis votre nomination,
vous n'avez pas hésité à vous rendre sur le terrain, dans les villes et les
banlieues de tout le pays...
M. Hilaire Flandre.
C'est la moindre des choses !
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Même à Garges-lès-Gonesse !
Mme Gisèle Printz.
... afin de vous rendre compte au plus près d'une réalité que vivent six
millions de nos concitoyens. En outre, vous êtes en permanence à l'écoute des
acteurs qui appliquent et font la politique de la ville au quotidien.
M. Alain Joyandet.
C'est la brosse à reluire !
Mme Gisèle Printz.
Vous avez su mobiliser les énergies au coeur des quartiers et réussi à faire
de la politique de la ville une réalité ancrée dans la durée.
Elle s'affiche désormais comme un véritable outil de développement social et
d'intégration des quartiers à la ville. Les cinquante grands projets de ville
et les soixante opérations de renouvellement urbain se fondent tout à fait sur
cette logique. L'entrée en application des 247 contrats de ville 2000-2006,
sous la responsabilité des sous-préfets à la ville, a également consacré ce
changement d'échelle puisqu'ils constituent une réponse adaptée à la lutte
contre les processus de ségrégation urbaine et sociale.
En 2002, 90 % des crédits seront toujours consacrés au financement de ces
contrats, avec des priorités d'intervention correspondant aux attentes des
habitants en matière d'éducation, de prévention et de sécurité,
d'environnement, de culture et d'accès à l'emploi et aux services publics.
Je souhaite insister sur ces deux derniers points, qui me semblent
particulièrement importants.
Les problèmes d'accès à l'emploi doivent être mieux pris en considération ; le
renforcement du programme « adulte relais » est en cela très important. Il faut
cependant aller plus loin, car les discriminations raciales à l'embauche sont
bien réelles et elles nuisent depuis des années à l'intégration des populations
issues de l'immigration. En outre, elles nourrissent un sentiment d'injustice
de plus en plus mal ressenti par des jeunes souvent réduits à des caricatures,
assimilés aux agissements répréhensibles d'une minorité.
Trois sites pilotes, dont celui de Thionville, en Moselle, ont été choisis
dans le pays pour mettre en oeuvre un diagnostic et des formations dans ce
cadre. J'ai ainsi pu me rendre compte de la motivation de l'ensemble des
partenaires qui se sont tous engagés à faire du contrat de ville le lieu
privilégié de construction d'une politique publique d'intégration.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce problème et, le mois dernier
dans la presse, vous avez fort justement déclaré : « Les jeunes issus de
l'immigration doivent avoir d'autres choix que d'être voyous, être intégristes
ou être Zidane. C'est à nous, les politiques, de rendre ces choix enfin
accessibles. »
Nous soutenons donc cette excellente initiative, qui devra être généralisée à
l'ensemble des contrats de ville, pour favoriser l'embauche et l'insertion
professionnelle de ces jeunes qui font beaucoup d'efforts et qui méritent de
s'en sortir.
Pour ce qui est de l'accès aux services publics, il est essentiel, pour
atteindre pleinement l'objectif, d'intégrer les quartiers à la ville. La
présence de services publics au sein des quartiers se développe. C'est une très
bonne chose. Toutefois, attention ! Nous connaissons les réticences de
certaines professions à se délocaliser - je pense, par exemple, à la justice ou
même aux personnels des préfectures et sous-préfectures. Les intentions sont
là, mais je crains que nous ne nous heurtions encore à des mentalités qui
doivent évoluer pour que soit mis fin au sentiment d'exclusion omniprésent dans
les quartiers.
Le comité interministériel de la ville qui a eu lieu le 1er octobre dernier a
démontré une volonté commune d'enrichir et d'amplifier les actions menées, pour
favoriser le développement d'une ville équilibrée et solidaire. Les efforts
seront ainsi intensifiés dans trois directions.
Tout d'abord, il faut tourner définitivement la page des cités-dortoirs, en
redonnant vie aux quartiers les plus en difficulté, en élargissant à trente
sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement urbain, en
accélérant les démolitions de logements obsolètes ou encore en améliorant
l'accessibilité de ces quartiers. Sur ce point, le programme d'accession à la
propriété lancé dans les quartiers populaires est une très bonne chose, car il
attirera des personnes extérieures qui n'auraient jamais souhaité être
locataires, permettant ainsi une mixité très importante. Un programme similaire
mené dans mon département a abouti à ce qu'un collège qui était classé en zone
sensible depuis dix ans ne le soit plus aujourd'hui.
Ensuite, les efforts seront intensifiés pour favoriser la réussite scolaire et
sociale des jeunes, afin qu'ils trouvent une place dans notre société.
Enfin, les efforts seront intensifiés pour améliorer le cadre de vie et
sécuriser la ville, notamment par un renforcement de la présence humaine. La
sécurité est en effet la première des libertés, et une présence humaine massive
y contribue efficacement. Toutefois, il convient de donner un vrai statut à ces
personnels. Si l'on prend l'exemple des agents locaux de médiation sociale, il
s'agit d'un travail à temps partiel, mal rémunéré, souvent perçu comme un job
d'appoint, alors que c'est un vrai travail à fortes responsabilités. Il ne faut
pas hésiter à former et à rémunérer les personnes à proportion du travail
demandé. Ce point pourrait faire l'objet d'une réflexion.
Je souhaite maintenant vous alerter, monsieur le ministre, sur le dispositif
du fonds de revitalisation économique, le FRE, destiné à stimuler les activités
économiques dans les quartiers sensibles.
Ainsi, depuis juin dernier, les entreprises de moins de onze salariés se
voient proposer des avantages financiers si elles souhaitent se développer ou
s'installer en zone urbaine sensible. Malheureusement, à ce jour, cette mesure
n'a pas obtenu le succès escompté.
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Voilà un point sur lequel nous sommes d'accord !
Mme Gisèle Printz.
Il s'agit pourtant d'une initiative très intéressante, et nous pensons qu'elle
doit être maintenue en y apportant des améliorations.
Je souhaiterais à présent dire quelques mots sur les associations, et plus
particulièrement sur leur financement. Comme vous le savez, monsieur le
ministre, les associations occupent une place fondamentale dans la mise en
oeuvre de la politique de la ville. L'augmentation des moyens budgétaires doit
aller de pair avec les subventions attribuées au monde associatif. Aussi, nous
ne pouvons que saluer l'effort réalisé dans ce budget en leur faveur. Le
dossier et le guichet unique ont été de réelles avancées. Mais, attention ! ces
réformes doivent être correctement appliquées par les administrations. Il n'est
en effet pas rare de voir des associations contraintes de remplir leur dossier
de demande de subventions en plusieurs exemplaires.
Il convient donc de veiller à l'application des règles de simplification.
Pourquoi ne pas aller encore plus loin dans ce sens ? Je pense notamment à
l'avance de fonds, pour les petites structures de quartiers et les associations
communales, qui n'ont ni les moyens ni la logistique des grands réseaux
associatifs nationaux. Les premiers versements sont parfois tardifs. Ne
serait-il pas possible, par exemple, de créer un groupement d'intérêt public
qui permettrait cette avance de fonds ?
Monsieur le ministre, ces quelques réflexions m'ont été suggérées par les
acteurs de terrain que j'ai rencontrés, qui croient en votre détermination et
veulent la réussite de votre politique.
Avant de conclure, je souhaite rendre hommage aux animateurs des équipes
intervenant dans le cadre des maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales. Ces
chargés de mission accomplissent un travail considérable et leur implication
dans la politique de la ville contribue à sa réussite. Au-delà des mots, je
pense qu'il faut se pencher sur la question de leur statut, car ces personnes
restent confinées dans la précarité de leur poste.
En conclusion, monsieur le ministre, je ne serai pas plus originale que
l'année dernière ou les années précédentes en déclarant que votre budget est un
bon budget et que vos orientations sont excellentes. Nous vous faisons
confiance, ainsi qu'au gouvernement de Lionel Jospin, pour poursuivre et
coordonner cette politique ambitieuse. Le groupe socialiste votera ce budget
sans hésiter.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Nelly Olin,
rapporteur pour avis.
Ça c'est un scoop, monsieur le ministre !
M. le président.
La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique
de la ville, c'est d'abord une grande ambition, une grande exigence, mais elle
implique de la modestie, de l'impartialité et surtout de la persévérance.
Je serai bref, car les excellents rapports de MM. Doligé, André et de Mme Olin
m'amèneront à me concentrer essentiellement sur le volet économique.
Votre budget, monsieur le ministre, a atteint un volume jamais atteint
auparavant, je vous en donne acte. De même, je vous donne acte du fait que vous
avez su écouter le terrain. A l'occasion d'un certain nombre de colloques,
notamment à Nantes, Montpellier, Vaulx-en-Velin, des orientations concrètes ont
pu être dégagées. Elles ont immédiatement été traduites dans les faits à
travers des contrats de ville, des grands projets de ville ou des ORU, les
opérations de renouvellement urbain.
Je vous donne acte également de ce que la loi Chevènement a donné une
impulsion à l'intercommunalité. Elle a permis de doter le territoire de
communautés urbaines, de communautés d'agglomérations ayant la compétence
politique de la ville, mais favorisant une vision plus globale, et donc une
action plus concrète dans le domaine de la politique de la ville.
Cela étant, monsieur le ministre, vous me permettrez d'être déjà beaucoup plus
critique à propos de la loi relative à la solidarité et au renouvellement
urbains, qui, à mon avis, aura des effets exactement contraires à son exposé
des motifs. Elle gèle les terrains, elle crée la rente foncière et favorise
donc la ségrégation sociale.
Permettez-moi également d'émettre un avis très critique - c'est aussi de la
politique de la ville qu'il s'agit - sur la loi, pour l'aménagement et le
développement du territoire, qui, normalement, aurait du accélérer la mise en
oeuvre des fameux contrats d'agglomération, lesquels devaient mettre en
mouvement les contrats de ville. Ces derniers sont, en quelque sorte, le volet
lutte contre l'exclusion, lutte pour l'intégration sociale desdits contrats
d'agglomération, qui en fait se déclinent au futur incertain.
Je ne parlerai pas des contrats locaux de sécurité, car cela prendrait
beaucoup de temps.
Mme Nelly Olin,
rapporteur spécial.
Alors là, c'est la peau de chagrin !
M. Jean-Paul Alduy.
Je dirai simplement qu'il n'ont rien à voir avec un contrat et qu'ils
provoquent souvent un véritable désespoir chez celles et ceux qui avaient cru
en une démarche partenariale.
Je n'aborderai pas la sécurité, je n'aborderai pas le cadre de vie, je
n'aborderai pas non plus les dimensions nouvelles de démolition ou de
remodelage de nos cités. Je concentrerai mon propos, comme je l'ai dit, sur le
volet économique.
Lors de la réunion du comité interministériel des villes et du développement
social urbain, le CIV, qui s'est tenue au mois de décembre 1999, vous avez
annoncé un certain nombre de mesures, qui ont été évoquées tout à l'heure.
Force est de constater - et cela a déjà été dit par les orateurs précédents -
que le Fonds de revitalisation économique n'a pas donné les résultats
escomptés. L'information sur le terrain reste totalement insuffisante. La
mobilisation n'est pas au rendez-vous. Quant aux 150 équipes emploi-insertion
qu'ont-elle donné ? Quelle a été leur mobilisation ? On aurait aussi bien pu
prendre appui sur un certain nombre d'expériences qui avaient déjà porté leurs
fruits ; je pense notamment aux régies de quartiers, qui mobilisaient
l'ensemble des acteurs sociaux des quartiers en difficulté.
S'agissant des 10 000 adultes-relais, vous serez obligé, si cela n'a pas déjà
été fait, de faire appel aux collectivités locales si vous voulez atteindre vos
objectifs.
Le dispositif qui va démarrer le 1er janvier 2002 est ambigu. Il se répartit
sur l'ensemble des zones de redynamisation urbaine, les ZRU, une partie des
mesures portant sur l'artisanat et le commerce correspondant à peu près à
celles qui existaient dans les zones franches urbaines.
Quant aux autres mesures, qui prévoient des choses très compliquées, à mon
avis, elles ne porteront pas leurs fruits.
Je pense que vous me voyez venir avec les zones franches urbaines ! Je sais
que, peu à peu, vous avez évolué sur ce sujet, mais j'ai envie de vous inciter
à faire encore un petit effort.
De toute façon, si l'on avait procédé à une évaluation honnête, à la fois
quantitative et qualitative, en allant au contact des équipes de terrain et des
maires, on aurait compris que c'est l'exclusion économique qui engendre
l'exclusion sociale, et non l'inverse. Tant que l'on ne s'attaquera pas au
problème de l'exclusion économique de ces territoires, l'ensemble des autres
mesures ne donneront que des résultats précaires et très fragiles. Il faut
donc, prioritairement, mettre l'accent sur ce que l'on a appelé la
discrimination positive d'un certain nombre de territoires pour leur donner une
rente économique et, à partir de là, mettre en mouvement une dynamique de
l'emploi dans ces quartiers.
Venez dans ces zones franches, discutez avec leurs habitants ! Ils ont revu
des commerces, ils ont revu des gens cravatés, venant au bureau dans leur
quartier. Ils ont revu des services publics, ils ont revu des entreprises
citoyennes devant recruter sur place et se posant le problème des trajectoires
professionnelles de ces jeunes en difficulté ou de ces chômeurs de longue durée
qui allaient de guichet en guichet, de prime en prime.
Une voie est tracée. Certes, elle l'a été par le Gouvernement précédent et
donc, immédiatement, elle suscite la réticence. Mais je crois que si l'on
s'intéresse vraiment à la politique de la ville, on n'a pas le droit d'avoir un
regard partisan sur les politiques menées. Je ne l'ai pas pour la vôtre. Je
vous demande de ne pas l'avoir pour celle de vos prédécesseurs et de prendre
appui sur les orientations qui existent déjà pour aller plus loin et redonner à
cette politique de la ville les bases dont elle a besoin, à savoir une
politique du développement économique des quartiers concernés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, j'ai le plaisir de vous présenter pour la quatrième année le
budget de mon ministère.
Permettez-moi d'insister brièvement, en introduction, sur la continuité et la
cohérence des orientations de la politique de la ville menée par le
Gouvernement.
Il est très important en effet que cette politique mobilise dans la continuité
les efforts des gouvernements successifs si l'on veut qu'elle produise tous ses
effets sur le moyen terme. Nous sommes nombreux à partager cette vision si j'en
juge par l'avis de sagesse qu'a émis la commission des affaires sociales, sur
proposition de son rapporteur, et par le ton constructif du rapport général et
du rapport de la commission des affaires économiques.
Reconnaissons ensemble que, sans la croissance et tant que ses moyens étaient
limités, cette politique innovante ne pouvait qu'amortir les effets les plus
dramatiques de la crise dans nos quartiers populaires.
Les rapporteurs ont pu constater, malgré leurs réserves sur certaines
modalités, que la politique de la ville a radicalement changé de dimension
depuis 1998.
Dans le contexte nouveau de croissance, le CIV du 30 juin 1998 a recentré
cette politique sur les priorités que sont l'emploi, la sécurité et
l'éducation. Le CIV du 2 décembre 1998 lui a conféré une dimension
intercommunale et lui a permis de rallier de nouveaux partenaires, en
particulier les départements. Ce CIV s'est également attaché à simplifier des
procédures de financement trop lourdes pour les collectivités locales et les
associations de quartier.
Les 247 nouveaux contrats de ville 2000-2006 ont été dotés par l'Etat de 2,4
milliards d'euros, alors que le XIe plan n'avait engagé l'Etat que pour 1,8
milliard d'euros. Le budget de mon ministère est ainsi passé de 115,10 millions
d'euros, en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, en 1998, à 372,20
millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2002, soit 223 %
d'augmentation, plus qu'un triplement.
Au-delà du seul budget du ministère de la ville, l'effort public global en
faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé chaque année de
manière plus rigoureuse dans le « jaune », dépassera 6 milliards d'euros en
2002, soit un doublement par rapport à 1998.
Mon budget a tout d'abord donné priorité à une remise à niveau des moyens des
contrats de ville dans les budgets 1999 et 2000. La quasi-totalité des
contributions éparpillées des différents ministères a également été regroupée
sur mon budget ; la nomenclature budgétaire a été simplifiée et la mise à
disposition des crédits au niveau local accélérée.
Le CIV du 14 décembre 1999 a permis de franchir un nouveau palier important,
au-delà des interventions traditionnelles de la politique de la ville désormais
confortées. Il a, en particulier, engagé un vaste programme de renouvellement
urbain centré autour de cinquante grands projets de ville et trente opérations
de renouvellement urbain.
Ce programme a été doté de 763 millions d'euros - soit 5 milliards de francs -
de crédits budgétaires sur la période 2001-2006 et de prêts de la Caisse des
dépôts dont la bonification permet de bénéficier de taux à 3 %. Il a été
complété par la création d'un Fonds de renouvellement urbain doté de 458
millions d'euros, soit 3 milliards de francs, alimenté par les fonds propres de
la Caisse des dépôts et consignations.
Le CIV de 1999 donne également une priorité nouvelle à la revitalisation
économique des quartiers, et je sais que ce sujet vous paraît, à juste titre,
déterminant pour la réussite de la politique de la ville.
Le Gouvernement a statué sur le devenir de l'expérience de quarante-quatre
zones franches urbaines, dont le coût important et l'absence de dispositif
d'évaluation suscitaient l'interrogation.
Sur la base de plusieurs rapports d'inspection et d'évaluation, qui en
soulignaient les résultats mitigés, et selon les atouts naturels des zones
d'activités concernées et le dynamisme des politiques locales, j'ai tranché en
faveur d'un maintien et d'une moralisation du dispositif pour qu'il profite
encore davantage aux habitants des quartiers. J'observe au passage que d'autres
grands observateurs, comme François Bayrou, mettent l'accent sur la nécessité
de renforcer les incitations à l'emploi dans les zones franches. J'ai pu
constater, dans un journal du soir, qu'il avait une approche pour le moins
critique du dispositif que je viens d'évoquer.
En outre, j'ai souhaité prolonger les exonérations de manière dégressive
pendant trois ans, pour éviter une fuite des entreprises au moment de la fin
programmée des zones franches. L'effort budgétaire supplémentaire que cela va
occasionner est important et me paraît devoir être souligné. C'est la raison
pour laquelle le Gouvernement ne souhaite pas renforcer la dégressivité, comme
la commission des affaires économiques l'a proposé.
Il souhaite d'autant moins la renforcer que je propose d'étendre à d'autres
quartiers des exonérations plus ciblées, de manière à rendre les 416 zones de
redynamisation plus attractives pour l'activité économique. Ces mesures font
l'objet de l'article 71 du présent projet de loi de finances, et je suis
heureux de constater qu'elles vous paraissent aller dans le bon sens.
Pour répondre à une interrogation de Mme le rapporteur pour avis et d'autres
élus sur l'interprétation de la loi en ce qui concerne la période d'embauche
qui ouvre droit aux exonérations dans les zones franches urbaines, je vous
propose d'apporter les précisions nécessaires dans cet article 71.
Il ne sert à rien d'entretenir des illusions sur le dispositif des zones
franches. Il est tout de même paradoxal que les tenants de l'économie libérale
veuillent maintenir sous perfusion, pour des périodes très longues, plusieurs
centaines d'entreprises, de commerçants ou d'artisans ! En outre, vous savez
tous très bien que nous devons respecter la réglementation européenne, qui ne
nous autorise ni à prolonger indéfiniment ce dispositif ni à l'étendre à
d'autres quartiers ou bassins de population.
C'est d'ailleurs un problème que j'ai découvert lors de ma prise de fonctions
dans ce ministère, car des engagements précis avaient été pris par le prédécent
gouvernement s'agissant du nombre d'habitants et de la superficie des
territoires concernés par ce dispositif. Heureusement, la Commission européenne
n'a pas été trop regardante sur ce dispositif-là - elle en avait critiqué
d'autres très sévèrement - et je m'en félicite. Je n'en dirai pas plus sur ce
point.
M. Alain Joyandet.
Nous sommes des libéraux interventionnistes !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
C'est aussi en pensant à ces autres quartiers que le
Gouvernement a prévu l'intervention, dans toute la géographie de la politique
de la ville, d'un Fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU et
doté de 500 millions de francs, qui permettra de soutenir le tissu commercial
existant et d'inciter à la création ou à l'installation de nouvelles
activités.
Cette priorité donnée à la revitalisation économique se veut aussi un signal
de retour à la société du travail, que viendront relayer les efforts des 150
équipes emploi-insertion en cours d'installation dans les quartiers pour
favoriser le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés.
Les décisions du CIV de 1999, dont la mise en oeuvre a été amorcée en 2000, se
sont traduites pleinement dans la loi de finances pour 2001, qui a connu une
augmentation sans précédent de 70 %, dépenses ordinaires et crédits de paiement
confondus ; cette augmentation a concerné l'ensemble des lignes budgétaires
d'intervention - fonctionnement et investissement - de mon ministère.
Ces nouveaux outils et les moyens supplémentaires de la politique de la ville
répondaient à une attente forte des acteurs, celle de « changer de braquet ».
De nombreuses réussites commencent à se faire jour, ce qui constitue un
encouragement à continuer.
Le comité interministériel des villes du 1er octobre dernier constituait donc
logiquement une nouvelle étape pour prolonger les efforts entrepris dans trois
directions.
Première direction : en finir avec les cités-dortoirs. Il s'agit d'élargir à
quarante sites supplémentaires les crédits exceptionnels de renouvellement
urbain, d'accélérer le rythme de démolition de logements sociaux obsolètes,
jusqu'à 30 000 par an, d'intensifier les efforts de remise à niveau du bâti et
de construction d'une nouvelle offre de logements sociaux dans le cadre de la
loi SRU ; il s'agit aussi d'apporter des aides au traitement des copropriétés
en difficulté ou encore de lancer de grands travaux de desserte de certains
quartiers et de réduction des coupures urbaines qui les maintiennent en marge
des agglomérations.
Deuxième direction : améliorer la qualité de vie dans des villes apaisées. Les
organismes d'HLM bénéficieront d'une augmentation de crédits de 150 millions
d'euros pour améliorer l'environnement des quartiers, tandis que la présence
humaine sera renforcée - avec des gardiens d'immeuble ainsi qu'avec des
adultes-relais dont les salaires seront financés à 80 % par le ministère de la
ville - dans les lieux publics, les écoles et les HLM. Les professionnels de
santé seront également aidés dans leurs projets de sécurisation ou de
regroupement.
Je ne sais pas si cela donnera des résultats à long terme, mais, à court
terme, il fallait que ces professionnels se sentent soutenus pour rester auprès
de cette population qui a tant besoin d'eux.
Troisième direction : donner toute leur chance aux jeunes. Le Gouvernement
renouvellera ses aides pour la réfection des écoles dans les communes pauvres
et aidera à l'émergence de projets éducatifs impliquant école, parents,
associations et ville, pour favoriser la réussite scolaire et sociale des
enfants. Le Gouvernement accordera également des aides à la création de
nouveaux lieux d'accueil des jeunes, notamment en soirée. Les initiatives des
jeunes seront encouragées, par exemple lorsqu'ils veulent créer des entreprises
ou mettre en oeuvre des projets culturels. Leur mobilité sera stimulée, afin
qu'ils découvrent d'autres villes ou d'autres pays. Enfin, des plans locaux de
lutte contre les discriminations seront mis en oeuvre, comme le souhaite Gisèle
Printz.
Ces différentes mesures du dernier CIV mobiliseront de nouveaux moyens
financiers, inscrits, pour ce qui concerne l'Etat, principalement sur les
budgets du ministère de la ville et du ministère du logement, de l'équipement
et des transports, et cela pour partie dès 2002, je le souligne.
Je me permets de corriger à cette occasion l'affirmation de Gilles Carrez,
reprise dans le rapport de la commission des affaires sociales, selon laquelle
l'engagement des partenaires du 1 % dans la politique de renouvellement urbain
viendrait en lieu et place du budget de l'Etat. Il viendra bien en sus des 10
milliards de francs de crédits budgétaires que le Gouvernement consacrera à ces
nouvelles mesures.
Le projet de budget de la ville pour 2002 connaît donc à nouveau une
progression, pour consolider et accompagner la montée en puissance de ces
différents programmes.
Ainsi, par rapport à l'année 2001, le budget pour 2002 qui vous est soumis est
en augmentation globale de 15 % en dépenses ordinaires et autorisations de
programme ou de 1,5 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement. En volume,
le budget du ministère dépasse 530 millions d'euros. Au total, le budget
augmentera de près de 21 millions d'euros en dépenses ordinaires et de près de
52 millions d'euros en autorisations de programme.
Vous aurez noté que, dans un souci d'économie, les moyens de fonctionnement
propres à la délégation interministérielle à la ville et au développement
social urbain - nouvel article 37-60-10 - qui étaient restés stables depuis
trois ans, sont en légère réduction pour 2002.
La quasi-totalité des crédits est donc destinée à des actions de terrain, et
déléguée à plus de 90 % aux préfets.
L'augmentation des subventions de fonctionnement pour 2002 permettra
d'intensifier les actions menées dans le cadre des grands projets de ville et
de prendre en compte le démarrage des nouvelles actions issues du CIV du 1er
octobre, comme le renforcement des contrats éducatifs locaux ou les bourses de
mobilité pour les jeunes, par exemple. Ces efforts viendront compléter
l'abondement, décidé en 2001, des contrats locaux de sécurité.
Je précise à l'attention de Mme Nelly Olin que le programme «
ville-vie-vacances » a également bénéficié d'une rallonge budgétaire de 8
millions d'euros en cours d'année.
Pour l'investissement, l'augmentation significative, de 30 %, des moyens
d'engagement permettra de répondre à la montée en puissance du programme
national de renouvellement urbain et à son extension récente.
En réponse à vos interrogations sur la baisse des moyens de paiement, qui sont
effectivement en légère diminution pour l'exercice 2002, je vous précise que
leur montant permettra de répondre largement aux besoins compte tenu des
crédits dont disposent déjà les préfets ainsi que de la budgétisation du fonds
d'aménagement de la région Ile-de-France - le FARIF - et du transfert sur mon
budget des crédits correspondants. Les informations dont je dispose à ce jour
témoignent d'un niveau raisonnable de consommation des crédits d'investissement
et même d'un rattrapage des reports accumulés.
Je voudrais ici souligner que les communes concernées par la politique de la
ville sont souvent les plus pauvres. Elles rencontrent parfois des difficultés
pour mobiliser les contreparties nécessaires ou pour assumer le coût de
fonctionnement induit par de grands travaux. Mon budget prévoit une aide
spécifique pour ces communes - article 46-60-40 - et la dotation de solidarité
urbaine, la DSU, a été augmentée.
Je crois toutefois qu'il faudra, à l'avenir, se résoudre à réformer en
profondeur les finances locales pour permettre aux communes pauvres confrontées
à ces enjeux urbains de disposer des moyens nécessaires pour offrir à leurs
habitants l'égalité devant le service public et le cadre de vie qu'ils
méritent. Je sais que M. Fourcade y est sensible.
La consommation des crédits reste très importante sur les lignes
d'intervention en fonctionnement des contrats de ville. Les reports que vous
pouvez observer concernent donc essentiellement deux dispositifs nouveaux, les
adultes-relais - article 46-60-80 - et le Fonds de revitalisation économique -
article 46-60-60 - dont l'application a pris plus de temps que prévu ; ils sont
aujourd'hui pleinement opérationnels.
La mise en oeuvre de ce budget sera encore facilitée, cette année, par une
simplification et un resserrement de la nomenclature, qui feront de mon
ministère l'un de ceux présentant le plus de souplesse et la meilleure
adaptation à la mise en oeuvre de l'interministérialité et de partenariats
locaux.
Ces partenariats sont nécessaires à la réussite de cette politique, même s'ils
restent difficiles à mobiliser sur le terrain et occasionnent souvent des
délais trop longs dans la mise en oeuvre des actions ; Valérie Létard l'a
souligné pour les grands projets de ville. Je m'attache donc à poursuivre la
simplification des procédures engagée depuis mon arrivée, notamment par la
mutualisation des fonds et la généralisation des avances ou des conventions
pluriannuelles.
Cela étant, cette complexité est aussi peut-être le fruit d'une réussite.
Depuis deux ans, les conseils généraux, en particulier, sont pleinement devenus
des acteurs de cette politique de la ville, alors qu'ils l'étaient d'une
manière très modeste au cours du contrat de plan précédent, et les conseils
régionaux ont considérablement augmenté les moyens consacrés à cette politique.
Ils sont en train d'apprendre à travailler en partenariat avec les
collectivités locales concernées, et je suis sûr que, année après année, la
confiance venue, une certaine volonté de conserver le mérite de l'annonce ou de
l'inauguration s'estompera.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Bravo
!
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je suis également sensible à vos observations sur le
nécessaire renforcement des services déconcentrés de l'Etat, qui passe
notamment par la création de délégations inter-services, comme en
Seine-Saint-Denis, par exemple, et la mise en place de délégués de l'Etat dans
les quartiers. Tout cela est en cours.
J'ai par ailleurs demandé un renforcement des procédures de contrôle de
gestion et d'évaluation, dont vous avez souligné la nécessité. L'évaluation de
la politique de la ville sera coordonnée par le travail du nouveau Comité
national d'évaluation de la politique de la ville, que j'ai installé le 3
juillet dernier et qui réunit des élus et des experts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart des élus locaux sont aujourd'hui
convaincus de la nécessité de s'impliquer dans cette politique, et la loi SRU
achèvera de convaincre les plus réticents de la nécessité de participer à
l'effort de mixité sociale nécessaire à la sauvegarde du pacte républicain dans
nos villes et nos agglomérations.
Permettez-moi de finir par quelques observations concernant les réponses
nouvelles que nous pouvons apporter à la violence.
Je crois que ces réponses seront d'autant plus efficaces qu'elles sauront
mobiliser l'ensemble du corps social, pour lutter contre les peurs et les
injustices dont notre société urbaine est le théâtre. Chacun y a sa part :
voisin, parent, bénévole, élève, éducateur, élu ou policier.
C'est pourquoi j'ai la conviction que le développement de la médiation sociale
constitue une véritable « troisième voie » pour lutter contre l'insécurité,
entre la prévention et la répression. Elle permet en effet à la fois
d'intervenir très tôt, pour éviter que les conflits ne s'enveniment, et
d'intervenir de manière systématique, pour éviter que les premiers actes de
délinquance ne restent sans réponse. Des résultats encourageants valident cette
approche nouvelle, comme à Vénissieux, avec la création de l'office de la
tranquillité publique.
J'ai donc souhaité développer et conforter ces formes nouvelles
d'intervention. C'est l'objet principal du programme de recrutement en trois
ans de 10 000 adultes-relais qui doivent renforcer le travail de lien social et
la médiation des conflits de la vie quotidienne.
Le lancement tardif, en fin d'année, de ce projet n'a pas permis de l'engager
dès le début de l'année 2000, les crédits nécessaires ayant été votés en loi de
finances rectificatives en juillet 2000. La mise en oeuvre de ce programme n'a
donc concerné que les derniers mois de l'année 2000 et, surtout, l'année 2001.
A ce jour, 1 100 recrutements sont effectifs et la montée en puissance du
programme s'effectue désormais rapidement.
Il vous est proposé, dans l'article 72 de la présente loi de finances, de
lever l'obstacle important que constitue, pour les collectivités locales et
leurs établissements publics, l'impossibilité de créer de tels emplois.
L'ouverture de cette possibilité donnera toute sa dimension aux décisions
prises lors du Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001, c'est-à-dire
le recrutement de 4 000 adultes-relais pour les contrats locaux de sécurité,
ainsi que la décision, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale, de
créer 1 000 postes dans le cadre de la lutte contre la violence à l'école, ou
encore, avec le ministère du logement, le recrutement de 1 500 adultes-relais
dans les HLM.
Au-delà de ce seul programme, j'ai encouragé d'autres formes de médiation
grâce, par exemple, aux 300 nouveaux délégués du Médiateur de la République,
dont la création a été décidée lors de ce comité interministériel des villes et
qui sont en cours d'installation dans les quartiers.
Le déploiement de 15 000 emplois-jeunes dans les quartiers a largement
contribué à l'émergence de la médiation sociale, ce qui justifie l'aide
particulière que nous accorderons à leur formation et à leur pérennisation.
Cette priorité nouvelle m'a également conduit à renforcer la présence et
l'accessibilité des services publics. A cet effet, j'ai ouvert le recrutement
et fait évoluer les modes d'intervention pour éviter que ce nouveau dispositif
n'engendre de véritables violences institutionnelles. Il faudra continuer dans
cette voie, en encourageant, par exemple, les prérecrutements dans la fonction
publique et, pourquoi pas, dans l'éducation nationale.
J'ai également décidé d'encourager toutes les villes à mettre en place des
cellules de veille éducative pour prévenir les phénomènes de décrochage
scolaire et, partant, le gâchis énorme que représente pour un pays le sacrifice
d'une partie de sa jeunesse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est une entreprise
de longue haleine. Elle a maintenant les moyens de son ambition. Aux hommes et
aux femmes de bonne volonté de la faire vivre sur le terrain, pour que nos
villes ne ressemblent pas demain à des villes de l'
apartheid
social et
pour qu'on y retrouve le goût de vivre ensemble !
Mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d'entre vous ont insisté
sur le rôle des associations dans cette action collective. Pour rendre hommage
à tous ces bénévoles, à ces femmes et à ces hommes qui travaillent et militent
dans le secteur associatif, j'ai voulu réserver pour la fin quelques
informations sur ce sujet.
Tout d'abord, puisque M. le rapporteur spécial, en particulier, a évoqué ce
problème, j'insisterai sur le renforcement massif du soutien public aux
initiatives associatives.
En 1997, 301 millions de francs de crédits spécifiques pour la ville ont été
consacrés aux associations.
En 2000, les crédits de mon ministère affectés aux associations ont été
triplés pour atteindre 920 millions de francs.
Pour ce qui est de la simplification de la vie des associations, je rappelle,
d'abord, les décisions prises au cours du comité interministériel du 2 décembre
1998. Nous avons généralisé le dossier unique et institué l'engagement
simplifié, utilisé par 70 % des préfectures, pour les subventions inférieures à
50 000 francs.
Je rappelle ensuite la décision prise au cours du comité interministériel du
1er octobre 2001 de créer des centres locaux de soutien à la vie associative
et, en particulier, d'octroyer des aides à l'équipement informatique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous apporter ces informations
sur la vie des associations parce que vous savez comme moi que peu de choses
seraient possibles aujourd'hui pour rendre au quotidien l'espoir aux habitants
des quartiers populaires sans l'intervention de ces associations. Je voulais à
la fois les en remercier et leur rendre hommage.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Alduy applaudit
également.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'emploi et la solidarité : III. - Ville.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 7 041 620 euros. »