SEANCE DU 13 DECEMBRE 2001
LIVRE FONCIER
EN ALSACE-MOSELLE
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 109,
2001-2002) de M. Daniel Hoeffel fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur la proposition de loi de MM. Hubert Haenel, André
Bohl, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Alain Hethener, Daniel Hoeffel,
Jean-Louis Lorrain, Joseph Ostermann, Jean-Marie Rausch et Philippe Richert
portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation
civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la
Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière (n° 421,
2000-2001).
Je rappelle au Sénat que cette discussion, comme celles qui suivront,
intervient dans le cadre de l'ordre du jour réservé.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les dispositions
figurant dans la proposition de loi présentée par notre excellent collègue
Hubert Haenel sont le résultat d'une démarche concertée et font l'objet d'un
large consensus.
Elles ont été élaborées par un groupe de travail réunissant des représentants
du GILFAM, le groupement d'intérêt public pour l'informatisation du livre
foncier d'Alsace et de Moselle, de l'Institut du droit local, du ministère de
la justice et du notariat, sous la présidence de M. Vallens, président du
GILFAM, qui s'était vu confier cette mission par le garde des sceaux au mois de
juillet 1999.
Exemple de survivance du droit local, le régime de la publicité foncière dans
les trois départements d'Alsace et de Moselle plonge ses racines dans
l'histoire et présente d'intéressantes spécificités en comparaison du régime
juridique général applicable en matière de publicité foncière.
Le droit local s'est constitué par strates successives. Quant au droit
français, il fut introduit sous réserve du maintien de certaines lois locales,
maintien qui devait en particulier concerner le régime de la publicité
foncière, caractérisé par une supériorité technique par rapport au droit
général applicable en la matière.
Tenu par des services dédiés des tribunaux d'instance ou des bureaux fonciers
rattachés à ces tribunaux dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin
et de la Moselle, le livre foncier s'appuie sur la structure judiciaire.
Il est tenu, sous la responsabilité de trente-sept juges du livre foncier, par
quelque cent cinquante greffiers et agents. Le nombre de requêtes traitées
chaque année est évalué à 200 000 et le nombre d'opérations d'inscription
effectuées à 750 000.
Du point de vue matériel, le livre foncier représente plus de dix kilomètres
linéaires d'archives.
Le livre foncier a en commun avec la conservation des hypothèques d'assurer la
publicité des droits réels immobiliers, mais il présente surtout d'importantes
différences avec celle-ci.
Première différence, l'institution du livre foncier, qui a des finalités
exclusivement juridiques comme rendre les droits opposables aux tiers et
informer sur la situation d'un propriétaire foncier ou d'un immeuble, est
placée sous l'autorité du ministère de la justice.
L'inscription d'un droit est soumis à la décision d'un magistrat du tribunal
d'instance. Les attributions du juge du livre foncier consistent dans la
vérification des droits réels dont l'inscription est demandée, du caractère
authentique des actes lorsque cette condition est exigée, de l'origine de
propriété et de l'inscription préalable du propriétaire précédent, de la
capacité et de la représentation des contractants.
L'autre différence principale avec la conservation des hypothèques réside dans
le large accès au livre foncier ménagé au public.
Victime de son succès du fait de ses nombreux avantages, le livre foncier doit
aujourd'hui relever le défi de sa modernisation pour garantir son efficacité et
sa pérennité.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi, qui, à la suite de la loi
du 29 avril 1994 relative à l'informatisation du livre foncier dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, organise le cadre
légal de cette informatisation.
L'autre objectif recherché est le toilettage d'un texte qui n'a guère été
modifié depuis 1924 et l'harmonisation de certaines règles locales avec le
droit général.
Examinons, tout d'abord, l'organisation du cadre légal de l'informatisation.
Elle répond à une nécessité urgente, car le calendrier de réalisation du projet
est défini et les marchés correspondants sont en cours.
Par ailleurs, l'informatisation implique une adaptation des règles d'accès au
livre foncier pour concilier l'objectif d'information du public, qui est la
raison d'être de la publicité foncière, et la nécessaire garantie du respect de
la vie privée.
Le cadre législatif proposé établit des distinctions selon la nature des
informations et la qualité des consultants.
Concernant les données, il y aurait les données essentielles, non
attentatoires à la vie privée et susceptibles d'être connues de tous, et les
autres. Seules les données essentielles pourront être librement consultées,
sans qu'il y ait lieu désormais de faire valoir un intérêt quelconque.
Concernant les consultants, la proposition de loi distingue deux catégories :
les personnes publiques et certains professionnels, d'une part, toute autre
personne, d'autre part. Les premiers auront accès à l'ensemble des données de
publicité foncière. Les seconds devront, pour accéder à l'ensemble des données
inscrites relatives à un bien, justifier soit d'une autorisation délivrée par
le propriétaire ou le juge, soit d'un titre exécutoire.
Le deuxième objectif de la proposition de loi est la réactualisation du régime
de la publicité foncière en vigueur en Alsace-Moselle, laquelle passe par le «
toilettage » de la loi du 1er juin 1924 et l'harmonisation du droit local avec
le droit général.
Les principales modifications sont les suivantes : le juge du livre foncier se
voit attribuer un nouveau pouvoir puisqu'il pourra désormais inscrire un droit
de propriété acquis par usucapion ; les anciennes servitudes, antérieures à
1900, qui sont opposables malgré leur non-inscription au livre foncier, devront
être reportées au livre foncier dans un délai de cinq ans à peine d'extinction
; les effets juridiques de l'inscription sont précisés ; enfin, une
harmonisation du droit local des incapacités est proposée.
La commission des lois a par ailleurs apporté quelques modifications qui lui
ont paru nécessaires et qui tendent principalement : à extraire les
dispositions de nature transitoire pour les faire figurer dans des articles
distincts de la proposition de loi ; à supprimer les mentions devenues inutiles
; à uniformiser les formulations juridiques avec celles qui sont dans les
textes de loi en vigueur afin d'éviter, à l'avenir, les divergences
d'interprétation et les contentieux inutiles ; à préciser la portée de
certaines expressions pour éviter la survenance de difficultés d'interprétation
; enfin, à mieux délimiter le cadre légal de la consultation du livre foncier
pour une plus grande sécurisation de l'accès et une meilleure garantie du
respect de la vie privée.
La commission des lois vous propose en outre une refonte du dispositif relatif
à l'entrée en vigueur des dispositions concernant l'informatisation du livre
foncier.
Telles sont donc, mes chers collègues, les grandes lignes de la proposition de
loi qui vous est présentée.
Le droit local alsacien-mosellan est ancien, il est le fruit de notre histoire
tourmentée ; mais ce droit local auquel nous sommes profondément attachés est
loin d'être dépassé.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il reste même souvent d'avant-garde. Pour conserver cette
qualité, il doit savoir évoluer et s'adapter, et non pas rester figé.
La réforme du livre foncier est un exemple de sa capacité à suivre les
évolutions de son temps, et c'est la raison pour laquelle je vous recommande
avec conviction l'adoption de la présente proposition de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le rapporteur, votre
présentation de la proposition de loi, précise et complète, me dispense d'un
long discours.
Je voudrais simplement rappeler que ce texte est le fruit d'une étroite
concertation entre, d'une part, les personnalités et organismes des trois
départements d'Alsace et de Moselle intéressés par la publicité foncière et,
d'autre part, la Chancellerie.
Après qu'eut été créé un groupement d'intérêt public, le GILFAM, chargé de
procéder à l'informatisation du livre foncier, un groupe de travail composé de
représentants de la Chancellerie, de l'Institut du droit local et du notariat a
en effet élaboré des propositions afin de rénover et d'adapter, comme vous
venez de l'exposer excellemment, monsieur le rapporteur, les dispositions de
droit local relatives à la publicité foncière.
Ces propositions ont été soumises à la commission du droit privé
alsacien-mosellan, qui, sous la présidence de M. le sénateur Hubert Haenel, en
a approuvé les principales orientations.
M. Haenel a souhaité accélérer le processus en déposant la proposition de loi
qui est aujourd'hui en discussion. Le Gouvernement s'associe pleinement à cette
démarche, d'autant que le projet d'informatisation qui la sous-tend entrera
très prochainement dans sa phase de réalisation et que les marchés publics y
afférents vont être conclus. Il est, par conséquent, nécessaire d'adopter
rapidement ce texte.
Aussi me féliciterai-je de constater que la réforme du droit local de la
publicité foncière dont le Sénat va délibérer aujourd'hui recueille un large
consensus. En témoigne, au demeurant, le dépôt à l'Assemblée nationale par M.
Armand Jung, député, d'une proposition de loi tendant au même objectif.
Ce consensus relatif au droit local montre, s'il en était besoin, que certains
particularismes peuvent se concilier avec l'unité de la République.
M. Jean-Pierre Masseret.
C'est vrai !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
La proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale
comporte quelques dispositions qui ne figurent pas dans le texte examiné par la
commission des lois du Sénat, mais qu'il me paraît utile de retenir. Aussi vous
proposerai-je de nous en inspirer en adoptant des amendements sur deux points,
qui permettront une accélération globale de l'examen du texte.
M. Hubert Haenel.
C'est bien !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le premier point concerne les actes authentiquement
légalisés.
Il s'agit d'actes sous seing privé dont la signature est authentifiée par un
notaire. Actuellement, cette pratique est prévue par le décret d'application de
la loi de 1924. L'insertion de ces dispositions dans la nouvelle rédaction de
la loi de 1924 permettra de leur conférer valeur législative, leur fondement
réglementaire paraissant juridiquement fragile. Cette disposition est
d'ailleurs proche du droit général de la publicité foncière, qui admet la
publication, à la conservation des hypothèques, du dépôt au rang des minutes
d'un notaire d'actes sous seing privé dont l'écriture et la signature ont été
reconnues.
Cette proposition fait l'objet d'un amendement qui complétera, si le Sénat y
consent, l'article 24 de la loi du 1er juin 1924.
Les autres amendements du Gouvernement portent sur la création d'un
établissement public.
En effet, le Gouvernement souhaite confier à un établissement public
administratif, placé sous la tutelle du garde des sceaux, la mission de
contrôle et de maintenance permanents des supports informatisés du livre
foncier. Le système mis en place par le biais du présent texte doit pouvoir
fonctionner de façon pérenne ; or les groupements d'intérêt public tels que le
GILFAM ont, par définition, une durée d'existence limitée.
La structure de l'établissement public qu'il est proposé de créer ne devrait
pas être très différente de celle de l'actuel groupement d'intérêt public dont
il prendra la suite, puisqu'il est prévu que siégeront à son conseil
d'administration, à parité avec des représentants de l'Etat, des représentants
des trois départements concernés, de la région Alsace, du conseil interrégional
des notaires et de l'Institut du droit local.
Il est également prévu que l'établissement reprenne tous les droits et
obligations du GILFAM, notamment les contrats des personnels actuellement
employés par ce dernier.
S'agissant de son financement, celui-ci sera assuré non seulement par les
ressources habituelles des établissements publics, à savoir les subventions de
l'Etat et des personnes publiques parties prenantes, mais aussi par une
redevance qui sera affectée à l'entretien et à la maintenance du système.
Cette redevance est justifiée, ainsi que vous l'indiquez, monsieur Hoeffel,
dans votre rapport, par l'amélioration du service rendu et la possibilité
d'accéder à distance au livre foncier. L'ensemble de ces dispositions font
l'objet d'amendements visant à insérer quatre nouveaux articles dans la
proposition de loi.
Il reste à préciser quelle sera la date d'entrée en vigueur des dispositions
relatives à l'établissement public. Le Gouvernement a choisi de la faire
coïncider avec celle de l'entrée en application des dispositions de la
proposition de loi qui concernent plus particulièrement le livre foncier
informatisé.
En effet, l'établissement ne pourra pleinement remplir la mission que le Sénat
va lui confier qu'à partir du moment où l'informatisation sera achevée,
c'est-à-dire, selon les études prévisionnelles qui ont été réalisées, à compter
du 1er janvier 2006.
Afin d'assurer la continuité entre le groupement et l'établissement public, il
est donc nécessaire de proroger de quelques mois le GILFAM dont, en l'état, la
convention constitutive prévoit la dissolution en mars 2005. Un arrêté
approuvant cette prorogation devra être très rapidement signé par M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et par moi-même.
Rejoignant les propos, plus chaleureux que les miens, que M. le rapporteur a
tenus sur cette belle région - il est vrai que, pour ma part, je n'en suis pas
originaire
(Sourires)
-, je demande à la Haute Assemblée de bien vouloir
adopter cette proposition de loi, tant attendue dans les départements du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Je tiens à vous remercier, mesdames,
messieurs les sénateurs, pour l'excellence du travail accompli en liaison
étroite avec les services de la Chancellerie, et j'espère que l'Assemblée
nationale pourra adopter rapidement ce texte.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi que nous examinons aujourd'hui est, on peut le dire, une « coproduction
» d'Alsace-Moselle, revue, corrigée et amendée par la commission des lois du
Sénat. Si nous adoptons tout à l'heure les amendements du Gouvernement, nous
serons allés jusqu'au bout de notre logique.
La réforme que nous proposons était nécessaire et urgente. Je ne reviendrai
pas sur le rôle de la publicité foncière, qu'a rappelé brillamment et avec
pertinence le grand juriste qu'est M. Daniel Hoeffel, mais je soulignerai que
l'adaptation de la législation la concernant était indispensable à la
réalisation de l'informatisation du livre foncier d'Alsace-Moselle.
Comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, un groupe de travail a été mis
en place, dont les propositions ont été approuvées par la commission
d'harmonisation du droit local, que je préside. Les principales dispositions de
cette proposition de loi ont trait à la mise en place d'un régime juridique de
l'accès à la publication des mentions légales destinées à l'information du
public, à la normalisation des requêtes et à la faculté donnée au juge du livre
foncier de pouvoir constater la prescription acquisitive d'une parcelle.
Outre les modifications législatives strictement liées à l'informatisation, un
« toilettage » du régime de la publicité foncière en vigueur en Alsace-Moselle
était nécessaire. Ce travail a porté sur la loi du 1er juin 1924, qui n'avait
encore jamais été modifiée, comme l'a rappelé M. le rapporteur voilà quelques
instants, et, pour partie, sur une harmonisation du droit local avec le droit
général.
Dans ses conclusions, la commission des lois a choisi de réécrire le chapitre
III du titre II de la loi du 1er juin 1924, consacré au livre foncier et à la
publicité foncière. Cette approche présente le mérite d'offrir au législateur
et surtout aux futurs usagers de la loi une meilleure lisibilité. Elle permet
une vue d'ensemble d'autant plus appréciable que la loi du 1er juin 1924 est
largement méconnue. Par conséquent, la méthode choisie par M. le rapporteur et
par la commission des lois est particulièrement bienvenue.
Je souscris aussi aux modifications apportées à la proposition de loi
s'agissant de l'extraction des dispositions de nature transitoire pour les
faire figurer dans des articles distincts de la proposition de loi ; de la
suppression de mentions devenues inutiles, telles que celle selon laquelle le
livre foncier désigne le livre foncier définitif, le livre foncier provisoire
et le livre foncier de propriété ; de l'uniformisation des formulaires
juridiques avec celles qui sont utilisées par des textes de loi en vigueur,
afin d'éviter à l'avenir les divergences d'interprétation et les contentieux
inutiles ; des précisions données sur la portée de certaines expressions pour
prévenir la survenance de difficultés d'interprétation ; enfin de la meilleure
délimitation du cadre légal de la consultation du livre foncier par une plus
grande sécurisation de l'accès et une meilleure garantie du respect de la vie
privée.
La réforme devenait urgente : c'est ce qui explique notre initiative commune
et notre détermination. Comme l'a souligné M. le rapporteur, le calendrier de
réalisation du projet est défini et les marchés correspondants sont en cours de
passation.
Soulignons également que l'informatisation implique une adaptation des règles
d'accès au livre foncier, pour concilier l'objectif d'information du public,
qui est la raison d'être de la publicité foncière, et la nécessaire garantie du
respect de la vie privée. A cet égard, si un texte n'était pas adopté dans de
brefs délais, des problèmes pourraient se poser.
Tant sur le fond que sur la forme, le texte issu des travaux de la commission
des lois permet d'atteindre les objectifs visés, s'agissant de la lisibilité et
de l'harmonisation du dispositif, ainsi que de l'urgence qu'il y avait à
procéder à la réforme et de répondre aux attentes fortes des professionnels et
des usagers du livre foncier.
En ce que concerne la méthode, le projet de réforme, arrêté d'un commun accord
- c'est pourquoi j'ai parlé de « coproduction », madame la ministre, à laquelle
vous êtes maintenant vous aussi associée, avec vos services - piétinait, pour
toutes sortes de raisons sur lesquelles il n'est pas nécessaire d'insister. Le
temps pressait, et j'ai donc proposé à mes collègues de prendre l'initiative,
avec le ferme espoir que, une fois adoptée par le Sénat, cette proposition de
loi, revue, corrigée et amendée, serait examinée par l'Assemblée nationale
avant la fin du mois de février pour adoption définitive. Il devrait d'ailleurs
en être ainsi, puisque nos collègues députés d'Alsace-Moselle ont promis de
tout faire pour que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour réservé. Si cela
n'était pas possible, on pourrait peut-être envisager de l'inscrire à l'ordre
du jour prioritaire ; son examen ne prendrait guère de temps, il suffirait de
l'adopter conforme !
(Sourires.)
.
A cet égard, madame la ministre, vous avez donné en quelque sorte votre
imprimatur
au texte, comme l'on dit en d'autres lieux
(Nouveaux
sourires),
ce dont nous ne pouvons que vous remercier. Les amendements que
vous avez déposés permettent, à la suite de ceux de la commission des lois,
d'aller jusqu'au bout de la logique retenue, ce qui évitera que l'on ait à y
revenir un jour.
Voilà donc, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le
résultat d'un travail de fond, pluridisciplinaire et consensuel, qui est
l'illustration de la méthode efficace que nous avons mise au point entre
Alsaciens et Mosellans.
Une étape décisive va être franchie aujourd'hui au Sénat. Cela mérite d'être
souligné, de même que la qualité des travaux du GILFAM, dont je salue le
président, présent au banc du Gouvernement. Le hasard veut d'ailleurs que le
nouveau directeur des affaires civiles et du sceau s'occupait de ces questions
quand il était substitut général à Colmar. Nous sommes donc entre Alsaciens !
Le personnel de la commission des lois est lui-même presque alsacien, pour
avoir longuement élaboré et « mâchonné » ce texte !
(Sourires.)
Je voudrais également saluer le travail de l'Institut du droit local et celui
des services du ministère, ainsi que la bonne volonté que vous avez manifestée,
madame la ministre. Par ailleurs, je voudrais remercier les membres de la
conférence des présidents pour l'accueil positif qu'ils ont réservé à cette
proposition de loi.
Enfin, j'adresse mes remerciements à la commission des lois, à son président,
M. René Garrec, et, à tout seigneur tout honneur ! à M. le rapporteur Daniel
Hoeffel, dont le travail personnel et de très grande valeur a permis de «
transformer l'essai ». Toutefois, le processus n'est pas encore parvenu à son
terme, aussi restons vigilants et déterminés, afin de boucler la boucle avant
que nous ne suspendions nos travaux en février. La bonne solution serait sans
doute d'adopter le texte conforme, qu'on se le dise !
(Applaudissements.)
M. le président.
Tout se présente apparemment sous les meilleures auspices ! Je voudrais saluer
la participation à ce débat de sénateurs ne représentant pas les trois
départements d'Alsace et de Moselle.
M. Hubert Haenel.
Sous la présidence de M. Fischer !
(Sourires.)
M. le président.
C'était calculé, monsieur Haenel !
(Nouveaux sourires).
La parole est à M. Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite du
traité de Francfort du 10 mai 1871 officialisant l'annexion des provinces
d'Alsace et de Moselle au IIe Reich, les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin
et de la Moselle continuèrent à être régis par le code civil et la loi du 23
mars 1855 relative à la transcription en matière hypothécaire. Ce système de
publicité foncière faisant l'objet de nombreuses critiques, le Gouvernement et
l'administration impériale envisagèrent d'entreprendre une grande réforme en
introduisant la technique du livre foncier en Alsace et en Moselle.
Ainsi, le livre foncier fut introduit par la loi du 22 juin 1891 dans les
communes dotées d'un cadastre rénové et qui fut maintenu jusqu'au 1er janvier
1900, date d'entrée en vigueur du code civil allemand qui modifia en profondeur
le rôle de la publicité foncière.
A la suite du recouvrement de la souveraineté française sur les départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, et après de nombreuses
tergiversations, la République française admit l'existence d'un droit
spécifique à l'Alsace-Moselle. Ainsi, contrairement à ce qui se fit en matière
d'incapacités où il maintint purement et simplement les textes du droit
allemand, le législateur élabora, en matière de publicité foncière, une
législation originale en empruntant et en combinant harmonieusement les
meilleurs éléments du droit français et du droit allemand pour former un
nouveau droit alsacien-mosellan dénommé « troisième législation ».
Par cette méthode normative originale, le législateur a fait du livre foncier
une véritable institution du droit français.
Le service du livre foncier dépend du ministère de la justice ; il remplit la
mission dévolue dans les autres départements français aux conservations des
hypothèques qui relèvent du ministère des finances et, au sein de cette
administration, de la direction de l'enregistrement et du timbre.
Le livre foncier, composé de trois livres, est tenu au tribunal d'instance de
la situation des biens par des magistrats et des fonctionnaires des greffes.
Depuis plus de dix ans, afin de répondre aux besoins de l'économie locale et
au développement des échanges et des crédits hypothécaires transfrontaliers, la
question de la modernisation du livre foncier par son informatisation s'est
trouvée au coeur des préoccupations des forces vives d'Alsace-Moselle.
En effet, l'augmentation des volumes et des échanges, la mobilité des
personnes, le développement des réseaux d'information ainsi que la
multiplication des mentions destinées aux usagers, en matière de construction
et d'environnement par exemple, ont conduit à un encombrement progressif des
services tenant le livre foncier. Il est apparu également des différences de
contenu entre le livre foncier et le conservatoire des hypothèques, d'où un
besoin d'harmonisation entre les deux systèmes de publicité foncière.
Le projet d'informatisation s'appuie sur les expériences similaires menées en
Allemagne et en Suisse, où il existe un système comparable.
C'est le groupement d'intérêt public pour l'informatisation du livre foncier
d'Alsace et de Moselle - GILFAM - créé par la loi du 29 avril 1994 et
regroupant l'Etat, les trois départements, la région Alsace, l'Institut de
droit local et le conseil interrégional des notaires, qui a été chargé de
l'informatisation.
L'informatisation doit permettre de faciliter et d'accélérer le traitement des
requêtes, d'automatiser les échanges d'informations entre le cadastre et le
livre foncier, d'optimiser le stockage des données et d'organiser la
consultation à distance par un réseau de communication spécifique.
La procédure d'informatisation est en cours depuis 1994 et nécessite, pour sa
mise en oeuvre, un cadre légal. C'est l'objet de la proposition de loi que nous
examinons aujourd'hui et dont, comme élu d'un des départements concernés, je me
félicite.
La proposition de loi telle que modifiée par la commission des lois précise le
cadre légal dont l'objectif doit concilier information du public ainsi que
garantie du respect de la vie privée et procède à un toilettage de la loi de
1924 ainsi qu'à une harmonisation de certaines règles locales avec le droit
général.
Le livre foncier informatisé constitue une chance pour la France, qui
disposera, à côté de la conservation des hypothèques, d'un système de publicité
foncière donnant, par une information immédiate, une sécurité juridique aux
propriétaires fonciers et aux tiers, tout en étant compatible avec les
principes du droit français.
Sous réserve du sort qui sera réservé aux amendements du Gouvernement, le
groupe socialiste votera bien entendu cette proposition de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er