SEANCE DU 13 DECEMBRE 2001


M. le président. La parole est à M. Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le ministre, la chute imminente de Tora Bora confirmera l'effondrement total du régime taliban, vaincu par les forces de la coalition antiterroriste. Personne ne regrettera réellement ce régime obscurantiste qui a instrumentalisé l'islam pour terroriser la population afghane et diaboliser l'Occident.
Cependant, bien des inconnues demeurent pour ce pays, en particulier sur l'organisation du pouvoir politique, sur la sécurité intérieure, mais également sur la condition des femmes. En effet, les conflits ethniques ont resurgi, et un certain nombre d'affrontements ont déjà eu lieu. Quant aux femmes, on se souvient du peu d'attention qui leur a été porté durant cette sombre période, et l'attitude des chefs de l'Alliance du Nord ne présage pas, en tout cas pour l'instant, une véritable amélioration de leur sort.
Dans ces conditions, l'envoi d'une force de sécurité mandatée par l'ONU est souhaitable. Monsieur le ministre, disposez-vous d'informations complémentaires qui permettraient à la représentation nationale de mesurer la place et d'apprécier le rôle de la France au sein de cette force ? Pouvons-nous également connaître la position du Gouvernement face aux rumeurs d'extension du conflit ?
Les propos du secrétaire d'Etat américain à la défense, Donald Rumsfeld, sur le projet de démantèlement des cellules d'Al-Qaida partout où elles se trouvent sous-entendent bien entendu de prochaines étapes militaires. L'envoi de conseillers américains, qui sont déjà sur place, notamment en Somalie et en Irak, alimentent ces rumeurs d'escalade.
Monsieur le ministre, depuis les attentats du 11 septembre, nous pouvons nous montrer satisfaits de l'engagement de la France en Afghanistan et, plus généralement, sur le front de la lutte antiterroriste. Mais notre pays, fort de son attachement aux droits de l'homme et au respect du droit international, ne saurait cautionner de futures actions qui contribueraient à un embrasement généralisé plutôt qu'à l'apaisement et à la paix. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole et à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez posé deux questions. A propos de la première, qui concerne la force de sécurité, le Premier ministre a été amené hier à apporter des précisions que je vais reprendre devant vous.
Le secrétaire général des Nations unies a sollicité la France pour participer à une force multinationale de sécurité selon les modalités prévues dans une annexe aux récents accords intervenus au centre de conférence de Petersberg, à Bonn. Une nouvelle résolution du Conseil de sécurité devra fixer le mandat exact de cette force, ce qui supposera l'accord des autorités afghanes qui se mettront en place à partir du 22 décembre aux termes de ce même accord, lequel est contesté, mais c'est inévitable compte tenu de la situation ; cela ne lui ôte rien.
La force aura pour mission d'assurer à Kaboul la sécurité des nouvelles structures politiques et administratives ainsi que celle des représentants des organisations internationales, notamment de l'ONU.
Cette mission, qui devrait être de courte durée - le Premier ministre a parlé de quelques mois -, serait sous mandat de l'ONU. Elle serait commandée par une structure ad hoc , en coordination évidemment avec les structures de commandement américaines dans le cadre de l'opération contre Al-Qaida, mais distincte de ces dernières.
La France et prête, nous l'avons dit hier, à assumer ses responsabilités, comme le souhaitent les Nations unies et comme l'ont demandé les Afghans à Bonn.
Cela ne s'arrête pas là : pour renforcer la sécurité de ce nouvel Afghanistan, nous sommes également prêts à contribuer, d'une part, à la protection de la force avec les avions que nous avons envoyés dans la région, d'autre part, à aider les Afghans à former des spécialistes du déminage et à mettre sur pied la véritable armée qui leur fait défaut, l'objectif étant bien sûr que les Afghans prennent à terme le relais.
Nous allons par ailleurs développer le volet de l'aide à la reconstruction. Charles Josselin est sur place, à ma demande, pour prendre contact avec les responsables déjà en fonction.
Dans tous les autres domaines - et j'englobe là la question de la place des femmes dans la société afghane - nous apporterons, programme par programme, toute l'aide possible, en coopération, là encore, avec les autres Européens.
J'en viens à votre seconde question : il y a quelques jours, comme nombre de responsables européens, y compris britanniques, j'ai dit que, si les Etats-Unis voulaient aller plus loin, ils devraient apporter des preuves très convaincantes - actuellement, on peut considérer que la lutte contre l'organisation Al-Qaida relève encore de la résolution 1368.
En revanche, en ce qui concerne l'Irak, je l'ai déjà précisé voilà quelques jours, une action de ce type ne recevrait évidemment ni notre approbation ni notre soutien.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. D'autres Européens l'ont dit aussi, et ils ont été très clairs.
J'ajoute d'ailleurs que, lors de son passage à Paris mardi dernier, M. Powell a clairement indiqué - il l'a dit au Président de la République, à moi-même et en public - qu'il n'existait aucune décision de quelque sorte que ce soit des autorités américaines en la matière ; ceux qui, aux Etat-Unis, en parlent sont des commentateurs...
M. Henri de Raincourt. Autorisés ?...
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. ... ou des journalistes, et si la question peut être évoquée au Congrès, il n'y a pas eu de décision. C'est très important.
De toute façon, depuis le 11 septembre, il a été dit à plusieurs reprises, y compris par le président Bush et par Colin Powell, que la lutte contre le terrorisme n'était pas principalement militaire, même si, à certains moments, elle l'est inévitablement. (Applaudissements.)

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