SEANCE DU 17 DECEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° 75, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le dernier alinéa de l'article 777 du code général des impôts, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la succession comprend des biens mobiliers et immobiliers situés à
la fois en Corse et sur le continent le tarif applicable, dont il est fait
mention aux tableaux I, II, et III du présent article, est augmenté pour la
part des biens situés sur le continent de 10 % en ce qui concerne les taux
égaux ou inférieurs à 20 % et de 30 % en ce qui concerne les autres taux. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Cet amendement personnel, qui, contrairement à l'amendement n° 70 rectifié que
j'ai eu l'honneur de présenter il y a un instant, ne fera certainement pas
l'unanimité, concerne le régime des droits de succession des Corses.
Puisque les Corses seront exonérés de tous droits pendant dix ans et qu'ils ne
paieront qu'à « demi-tarif » pendant les cinq années suivantes, il en résultera
une inégalité entre contribuables s'agissant d'un impôt d'Etat ; nous l'avons
encore vu mercredi dernier lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de
loi relatif à la Corse.
Mais, à cette première inégalité, s'en ajoute une autre.
En effet, dans la mesure où le tarif des droits de succession est progressif
et fonction de l'actif total, soustraire à cet actif total les actifs non
imposables parce que situés en Corse revient, à situation et à valeur égales, à
taxer moins les biens situés sur le continent lorsque les successions sont
liquidées en Corse que lorsqu'elles sont liquidées sur le continent.
Je voulais appeler l'attention sur cette inégalité de traitement et je
propose, pour y remédier en partie, qu'une majoration particulière s'applique,
dans le cas des successions réglées en Corse, sur la valeur des biens situés
sur le continent.
Je ne me fais pas trop d'illusions quant à l'avenir de cet amendement, mais je
tenais à le présenter parce que le Conseil constitutionnel lit avec attention
nos débats...
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Selon un vieil adage juridique et la sagesse la plus
traditionnelle, « donner et retenir ne vaut ».
Mes chers collègues, faut-il, après avoir, pour différentes raisons, voté une
loi qui conforte la spécificité fiscale de la Corse, immédiatement vider
celle-ci d'une partie de sa substance ? Pour ma part, j'en doute, et la
commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a fait, sur ce sujet difficile, une
proposition, et le Parlement, après un débat exceptionnellement nourri, a
trouvé un équilibre que je ne suggère pas de remettre en cause.
Je m'inscris par ailleurs en faux contre les propos de M. le rapporteur
général : le projet de loi relatif à la Corse ne « conforte » pas les
spécificités fiscales de la Corse. Au contraire, il vise à accompagner le
retour de la Corse vers le droit commun fiscal.
M. Michel Charasse.
A la Saint-Glinglin !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine
!
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je donne cependant acte à M. Charasse de sa constance
!
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 75.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne voudrais pas qu'il y ait une confusion dans l'esprit de M. le rapporteur
général, qui est suffisamment subtil pour comprendre que je ne vide absolument
pas la loi d'une quelconque partie de sa substance ! Selon celle-ci, d'une
part, les biens du Corse en Corse sont exonérés, d'autre part, les biens du
Corse sur le continent ne le sont pas. Je ne reviens sur aucun de ces deux
points. Je dis seulement que le tarif applicable aux biens d'un Corse situés
sur le continent sera, par la simple voie de la mathématique, inférieur au
tarif applicable aux biens analogues, situés sur ce même continent, d'un
continental.
On peut ne pas en être choqué, mais, pour ma part, je trouve que beaucoup,
c'est beaucoup, et que trop, c'est trop !
Pour le reste, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement a une position ;
vous la maintenez contre vents et marées, c'est votre devoir de solidarité.
Vous me permettrez de ne pas la partager et de considérer qu'il n'y a aucun
inconvénient à appliquer normalement les droits de succession en Corse :
l'exonération ne profite en rien à l'économie locale et bénéficie à des
fortunes qui ont été constituées dans des conditions sur lesquelles il y aurait
souvent beaucoup à dire...
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
A titre strictement personnel, je voterai l'amendement n° 75.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 75, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 18 bis