SEANCE DU 17 DECEMBRE 2001
M. le président.
« Art. 38. - I. - Toute concession de transport de gaz en cours à la date de
publication de la présente loi est résiliée dans les conditions mentionnées aux
II et III.
« Le titulaire de la concession perçoit une indemnité au titre de cette
résiliation anticipée qui est égale à la valeur nette comptable des biens en
concession, diminuée du montant de la valeur des droits du concédant tels
qu'ils figurent à la clôture des comptes au 31 décembre 2001 et augmentée du
manque à gagner sur la durée restant à courir de la concession.
« II. - Les biens de la concession appartenant à l'Etat peuvent être
transférés au titulaire de la concession au moment de la résiliation de
celle-ci, moyennant le versement à l'Etat d'une somme égale au prix de cession
de ces biens déduction faite de l'indemnité due au titre de la résiliation
anticipée.
« Le titulaire de la concession doit en faire la demande auprès du ministre
chargé de l'énergie dans un délai de trois mois à compter de la date de
publication de la présente loi. Il accompagne sa demande du versement d'un
acompte égal au montant de la valeur des droits du concédant, tels que figurant
dans les comptes arrêtés au 31 décembre 2000.
« Le prix de cession des biens susceptibles d'être transférés au
concessionnaire et l'indemnité mentionnée au I sont déterminés par une
commission spéciale présidée par un magistrat de la Cour des comptes dont le
rôle et la composition sont précisés par arrêté conjoint du ministre chargé de
l'énergie et du ministre chargé de l'économie et des finances. Pour fixer le
prix de cession, la commission spéciale tient compte notamment de la valeur
nette comptable des biens à transférer. Les valeurs arrêtées par la commission
spéciale sont transmises par le ministre chargé de l'énergie au titulaire de la
concession de transport de gaz dans un délai de cinq mois à compter de la
publication de la présente loi.
« Le solde éventuel du prix de cession déduction faite de l'indemnité due au
titre de la résiliation anticipée est versé par le titulaire de la concession
dans le mois suivant la notification par le ministre chargé de l'énergie des
conclusions de la commission spéciale. Ce solde est versé au plus tard le 30
septembre 2002. Dans ce cas, la concession est résiliée le jour du paiement de
ce solde.
« A la date de la résiliation de la concession, les biens appartenant à l'Etat
qui étaient jusqu'alors concédés sont transférés après avoir été, le cas
échéant, déclassés.
« Le bénéficiaire du transfert est, à la même date, réputé autorisé au titre
du V jusqu'à ce qu'il lui soit délivré de nouvelles autorisations, dans un
délai qui ne peut excéder dix-huit mois à compter de la publication du décret
mentionné au V. Les dispositions du cahier des charges annexé à la concession
de transport en cours, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi,
demeurent applicables jusqu'à la date de délivrance aux bénéficiaires de ces
nouvelles autorisations.
« III. - Dans les cas autres que celui prévu au deuxième alinéa du II, la
concession est maintenue jusqu'à ce que l'autorisation mentionnée au V ait été
délivrée à un nouvel exploitant par le ministre chargé de l'énergie. La
concession est alors résiliée et l'ancien concessionnaire perçoit l'indemnité
due au titre de la résiliation anticipée mentionnée au dernier alinéa du I et
fixée en application du troisième alinéa du II. Les biens appartenant à l'Etat
sont cédés au nouvel exploitant au prix fixé en application du II après avoir
été, le cas échéant, déclassés.
« IV. - Les décisions prises en application des I, II et III peuvent faire
l'objet d'un recours de plein contentieux devant le Conseil d'Etat.
« V. - La construction et l'exploitation des canalisations de transport de gaz
naturel sont soumises à autorisation délivrée après enquête publique par
l'autorité administrative compétente.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles
l'autorisation précitée peut être délivrée ou refusée et les cas où, en raison
de la nature ou de l'importance limitée des travaux projetés, ces derniers
peuvent être réalisés sans enquête publique préalable.
« Cette autorisation est délivrée en fonction :
« - des capacités techniques, économiques et financières du demandeur ;
« - de la compatibilité de son projet avec les principes et les missions de
service public, notamment la protection de l'environnement ;
« - de la sécurité et de la sûreté des canalisations de transport de gaz
naturel, ainsi que des réseaux ou installations qui leur sont raccordés.
« L'autorisation est incessible et nominative. Elle confère à son titulaire le
droit d'occuper le domaine public. Les travaux d'installation des ouvrages de
transport de gaz naturel ont le caractère de travaux publics.
« Tout bénéficiaire d'une autorisation de transport de gaz naturel exerce ses
missions dans les conditions fixées par cette autorisation et le cahier des
charges qui y est annexé.
« Les servitudes énumérées à l'article 35 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946
sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et la servitude de passage
mentionnée à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions
d'énergie s'appliquent aux travaux déclarés d'utilité publique à la demande du
pétitionnaire de l'autorisation de transport. Dans les articles 10 et 12 de la
loi du 15 juin 1906 précitée et l'article L. 113-5 du code de la voirie
routière, après le mot : "concession", sont insérés les mots : "ou autorisation
de transport de gaz naturel" et, après les mots : "concessionnaire", sont
insérés les mots : "ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz
naturel". »
La parole est à M. Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
Commission européenne a récemment décidé d'accélérer le processus de
libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz engagé depuis les
directives de 1997 et 1998. Son ambition est, à terme, la réalisation d'un
vaste marché de l'énergie intégrant les marchés du gaz et de l'électricité.
Cette précipitation se traduit, dans les faits, par la soumission du secteur
énergétique à une régulation de type boursier, génératrice de réduction
drastique des coûts et d'instabilité des prix préjudiciable à la programmation,
pourtant nécessaire, des investissements à long terme.
Après la catastrophe californienne, la faillite retentissante d'Enron devrait
nous inciter à faire preuve de plus de prudence. Elle rend compte, en tout cas,
des risques inhérents au développement du
trading,
aux opérations
d'achat et de vente qui ne sont pas fondées sur la possession d'actifs réels.
Elle témoigne aussi de l'insécurité qui peut en résulter en matière
d'approvisionnement. Il est nécessaire de ralentir le processus de
libéralisation plutôt que de l'accélérer, si nous voulons préserver les
missions de service public dévolues au secteur énergétique.
La précédente directive sur l'électricité offrait au moins l'opportunité de
mettre en oeuvre une véritable politique industrielle tournée vers le long
terme en considérant que « pour certains Etats membres, l'imposition
d'obligations de service public pouvait être nécessaire pour assurer la
sécurité d'approvisionnement, la protection du consommateur et la protection de
l'environnement que, selon eux, la libre concurrence, à elle seule, ne pouvait
pas nécessairement garantir » et que « la planification à long terme pouvait
être un des moyens de remplir lesdites obligations de service public ».
L'article 38, qui constitue une étape de plus dans le processus de
libéralisation du secteur gazier, peut, à terme, remettre en cause les missions
de service public. Nous y reviendrons lorsque nous défendrons les amendements
que nous avons déposés.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que les usagers ont récemment
témoigné leur attachement au service public à travers la consultation qu'a
engagée EDF auprès d'eux. Ils sont, entre autres, favorables à 76 % à la
préservation de la qualité du service public, à 59 % au maintien de tarifs
identiques quel que soit le lieu d'habitation, à 58 % à la garantie de
l'approvisionnement en électricité à qualité et à tarification égales sur
l'ensemble du territoire, à 62 % au droit à l'énergie pour tous avec un
développement durable et, enfin, à 66 % à l'information pour une meilleure
prévention des accidents domestiques.
De telles exigences - les faits en témoignent - ne sont pas compatibles avec
le mouvement de libéralisation actuelle. C'est donc, monsieur le secrétaire
d'Etat, contre la déréglementation en cours et contre les orientations
actuellement prises que les usagers se sont exprimés.
N'oublions pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que, à la suite du contrat de
groupe conclu il y a un an avec l'Etat, EDF s'est engagé à élaborer le « livre
bleu du service public » tenant compte de ces aspirations. Nous attendons que
cela se traduise par des engagements concrets.
Ces observations, qui méritaient d'être faites, éclairent le sens des
amendements que notre groupe a déposés. Elles soulignent la nécessité
d'inscrire à l'ordre du jour un projet de loi permettant qu'un réel débat
national ait lieu sur la transposition de la directive gaz.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'objet de l'article 38 est, d'une part, d'organiser les conditions de la vente
du réseau de transport de gaz naturel, qui appartient aujourd'hui à l'Etat, aux
opérateurs gaziers et, d'autre part, d'instituer un régime d'autorisation. Son
contenu est connu depuis un certain temps déjà puisque sa rédaction s'inspire
très largement de dispositions proposées dans le projet de loi relatif à la
modernisation du service public du gaz naturel et au dévelopement des
entreprises gazières qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en
mai 2000.
Le Gouvernement nous a expliqué les raisons de ce transfert de propriété. Il
s'agit de placer les concessionnaires actuels - et surtout Gaz de France, qui
détient plus de 90 % des concessions - dans une situation aussi favorable que
leurs concurrents européens, tous propriétaires de leur réseau. Il s'agit de
donner à Gaz de France les moyens d'être une entreprise non seulement française
et européenne, mais aussi internationale, en lui permettant de mieux maîtriser
l'amont du secteur gazier. Il s'agit tout simplement d'un enjeu industriel et
économique. Le groupe socialiste votera donc cet article.
Cela dit, je poserai trois questions au Gouvernement.
Le gaz est un service public de proximité. Pour beaucoup de communes, surtout
pour les communes rurales, le raccordement en gaz est un enjeu d'aménagement du
territoire. Notre groupe a bataillé ferme pour améliorer la desserte gazière du
territoire. La loi du 8 juillet 1998 a amélioré la situation en instituant un
plan triennal. Cette mesure a porté ses fruits, puisque 1 600 nouvelles
communes seront raccordées à l'issue de ce plan.
Ma première question est donc simple : le transfert de propriété instauré par
cet article et le passage du régime de concession au régime d'autorisation
auront-ils des incidences sur la desserte gazière ?
Toujours à propos des communes, mais appréhendées cette fois-ci en tant
qu'autorités concédantes du réseau de distribution, je tiens à vous faire part
d'une inquiétude. S'agissant de l'électricité, la mise en oeuvre de l'article 4
de la loi du 10 novembre 1997, qui a attribué à EDF la propriété du réseau
d'alimentation générale, n'a pas été sans difficultés d'application.
Pouvez-vous nous indiquer - ce sera ma deuxième question - comment se fera le
partage entre, d'une part, le réseau de transport, qui, pour l'heure,
appartient à l'Etat, et d'autre part, le réseau de distribution, qui appartient
aux collectivités locales ? Il importe que ce partage ait lieu dans la
transparence et avec impartialité.
Enfin, je m'attarderai un instant sur le passage du régime de la concession au
régime de l'autorisation. Le transport du gaz à haute pression n'est pas une
activité industrielle banale. Son bon fonctionnement conditionne la sécurité de
nos approvisionnements donc, notre indépendance énergétique.
Le transport du gaz à haute pression est aussi une activité industrielle à
risques. La population est à juste titre très sensible aux questions relatives
à la sécurité des activités à risques. L'explosion de l'usine AZF de Toulouse
nous l'a rappelé. S'agissant du réseau de transport de Gaz de France, quinze
sites sont classés Seveso 2. Un accident de gaz peut être dramatique. Alors que
le régime de la concession apportait des garanties fortes en termes de
sécurité, le régime de l'autorisation conduit parfois à alléger les obligations
et les contrôles. Certes, l'article 38 prévoit que l'autorisation de
construction et d'exploitation des ouvrages de transport est nominative,
qu'elle est accordée après enquête publique, qu'elle est délivrée en fonction
des capacités techniques, économiques et financières du demandeur, des
nécessités du service public et, surtout, de la sécurité et de la sûreté des
canalisations et réseaux ou installations qui leur sont raccordés. Toutes ces
dispositions sont donc autant de garanties.
Le texte renvoie à un cahier des charges les conditions dans lesquelles
l'opérateur exercera désormais ses missions. Le cahier des charges est un
document très important. Les opérateurs gaziers exerçant désormais leur
activité dans un environnement de plus en plus concurrentiel, où l'exigence de
profit immédiat peut parfois conduire à négliger les aspects de sécurité,
pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous assurer - ce sera ma troisième
question - que le Gouvernement imposera aux opérateurs des normes de sécurité
draconiennes au travers de leur cahier des charges ?
Voilà, mes chers collègues, les points que je souhaitais aborder, espérant,
monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourrez m'apporter quelques éléments de
réponse.
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Foucaud, Mme
Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 38. »
L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Pépin et Trucy, est ainsi
libellé :
« Après la première phrase du troisième alinéa du II de l'article 38, insérer
une phrase ainsi rédigée : "La commission spéciale contrôle que les biens à
transférer n'appartiennent pas à des collectivités locales autorités
organisatrices de la distribution du gaz." »
L'amendement n° 27, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du dernier alinéa du II de l'article 38,
remplacer les mots : "du décret mentionné au V" par les mots : "de la loi
mentionnée au V". »
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Foucaud, Mme
Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le V de l'article 38 :
« La construction et l'exploitation des canalisations de transport de gaz
naturel sont soumises à autorisation délivrée après enquête d'utilité publique
par l'autorité administrative compétente. L'autorisation est incessible et
nominative. Elle confère à son titulaire le droit d'occuper le domaine public.
Les travaux d'installation des ouvrages de transport de gaz naturel ont le
caractère de travaux publics.
« Une loi relative à la modernisation du service public du gaz naturel fixera
les conditions dans lesquelles l'autorisation précitée pourra être délivrée ou
refusée dans les cas ou en raison de la nature ou de l'importance limitée des
travaux projetés, ces derniers peuvent être réalisés sans enquête publique
préalable.
« Tout bénéficiaire d'une autorisation de transport de gaz naturel exerce ses
missions dans les conditions fixées par cette autorisation et le cahier des
charges qui est annexé.
« Les servitudes énumérées à l'article 35 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946
sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et la servitude de passage
mentionnées à l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions
d'énergie s'appliquent aux travaux déclarés d'utilisé publique, à la demande du
pétitionnaire de l'autorisation de transport. Les articles 10 et 12 de la loi
du 15 juin 1906 précitée et l'article L. 113-5 du code de la voirie routière
sont ainsi modifiés : après le mot : "concession" sont ajoutés les mots : "ou
autorisation de transport de gaz naturel" et après le mot "concessionnaire"
sont ajoutés les mots "ou titulaire d'une autorisation de transport de gaz
naturel". »
La parole est à M. Coquelle, pour présenter l'amendement n° 45 rectifié.
M. Yves Coquelle.
Nous avons déjà eu, au moment du débat sur le budget de l'industrie pour 2002,
l'occasion d'interpeller M. le secrétaire d'Etat à l'industrie au sujet de
l'article 38, introduit subrepticement dans la loi de finance rectificative, et
qui constitue une transposition par défaut de la directive gaz.
Cet article, qui consacre le transfert des droits de propriété des réseaux de
gaz naturel aux sociétés actuellement concessionnaires, n'a en effet nullement
sa place dans un collectif budgétaire.
Une fois de plus, comme pour d'autres secteurs d'activité assurant des
missions de service public, nous ne pouvons que dénoncer une méthode qui fait
fi des exigences démocratiques. Elle court-circuite un réel débat parlementaire
que seule l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi de modernisation du
service public du gaz naturel et de développement des entreprises gazières
aurait permis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne pouvez pas continuer à négliger ainsi
les réflexions et les aspirations des usagers et des salariés qui sont les
premiers concernés par la déréglementation impulsée par la Commission
européenne.
Ils ont entendu vos arguments, tandis que vous restez sourd à toute réflexion
et proposition issues de leurs rangs. Vous connaissez pourtant, monsieur le
secrétaire d'Etat, leur hostilité au contenu de la directive de 1998 visant à
la libéralisation du secteur du gaz. D'autres directives en préparation
devraient encore accroître le degré d'ouverture à la concurrence des secteurs
du gaz et de l'électricité en diminuant les seuils d'éligibilité.
Cette accélération de la réalisation du marché intérieur de l'énergie
souhaitée par la Commission européenne risque, si l'on n'y veille, de
compromettre notre indépendance énergétique et de remettre en cause les
missions de service public assumées jusqu'à maintenant par les opérateurs
historiques.
Ne soyons pas dupes ! Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que, par
cette opération de transfert des droits de propriété, vous êtes attentif à
l'ambition qu'a Gaz de France de quitter son coeur de métier pour devenir aussi
un producteur de gaz.
Une telle stratégie d'intégration le long de la filière, pour rivaliser avec
les grandes compagnies pétrolières, est-elle bien appropriée ? En a-t-on
correctement mesuré les conséquences en termes de coût ? Comment Gaz de France
se procurera-t-il les moyens financiers à la hauteur d'un telle ambition ? A
terme, cela ne signifie-t-il pas une ouverture partielle du capital de GDF ?
Avons-nous la garantie que les actifs acquis aujourd'hui ne seront pas
échangés demain contre des actifs de sociétés présentés dans la production de
gaz ?
Cette ambition ne se réalisera-t-elle pas au détriment des missions de service
public ? Je pense, notamment, au plan de desserte des communes, qui a déjà pris
tant de retard et qui suppose des efforts supplémentaires d'investissement.
Le raccordement au gaz naturel sur la majorité du territoire doit pourtant
figurer, en tant qu'obligation de service public, au rang des priorités de Gaz
de France. De nombreux usagers n'ont pas encore accès à cette source d'énergie
qui devrait pourtant leur être fournie dans les meilleurs délais.
Signalons, à cet égard, que le budget pour 2002 de l'entreprise prévoit déjà,
comme par anticipation, une nette inflexion des investissements en France. Les
seuils de rentabilité en matière de distribution semblent également avoir été
relevés, ce qui expliquerait les actuelles lenteurs du processus de
raccordement.
L'exemple récent de la ville de Tusson, dans la région limousine, confirme en
tout cas cette impression. Contrairement à ce qui avait été prévu, la moitié
seulement des foyers de la ville ont été desservis. La fourniture de gaz
naturel prévu par le plan de desserte semble bien être passée au second rang
des priorités.
Si la France est l'un des pays européens le plus éloigné des ressources
gazières, elle n'en dispose pas moins, en matière énergétique, d'une situation
particulièrement confortable lui garantissant une quasi-indépendance fondée,
pour 75 %, sur l'énergie nucléaire et, pour près de 20 %, sur des énergies
renouvelables. Ce mode de production a aussi l'avantage de ne contribuer que
très faiblement à l'émission de gaz à effet de serre.
Nous ne pouvons donc que nous interroger sur la nécessité pour Gaz de France
de devenir un producteur de gaz, compte tenu des risques que comporte une telle
orientation.
Nous avons
a priori
de bonnes raisons de penser qu'un renforcement de
la coopération avec les pays producteurs de gaz sous la forme de contrats à
long terme contribuerait amplement à garantir la sécurité de nos
approvisionnements, comme il pourrait contribuer à la diversification des
sources d'énergie pour répondre aux nouveaux besoins.
Voilà qui mérite en tout cas une réflexion approfondie, s'appuyant sur une
large concertation des salariés et des organisations syndicales. Elle ne peut
s'effectuer que dans le cadre d'un projet de loi. Tel est l'objet de notre
amendement de suppression.
M. le président.
La parole est à M. Trucy, pour défendre l'amendement n° 50 rectifié.
M. François Trucy.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement a une petite histoire : en 1997,
lors du transfert des propriétés par l'Etat du réseau de transport
d'électricité à EDF, il est apparu que la répartition des lignes électriques
entre ce réseau et les réseaux de distribution qui appartenaient encore aux
collectivités locales faisait l'objet d'erreurs et d'incertitudes.
Ainsi, le présent amendement a pour seul objet d'éviter que ne se produisent,
pour le gaz, les difficultés que nous avons bien connues pour l'électricité.
M. le président.
La parole est à M. Coquelle, pour défendre les amendements n°s 27 et 29
rectifié.
M. Yves Coquelle.
Les amendements n°s 27 et 29 témoignent de notre volonté de voir une loi et
non un décret fixer les conditions de l'autorisation définie au paragraphe V de
l'article 38.
L'accélération de la libéralisation du secteur énergétique permettra, demain,
à n'importe quel opérateur d'avoir accès aux réseaux de transport de gaz, d'en
construire et d'en exploiter de nouveaux.
Je tiens à attirer votre attention sur les risques que comporte, dans le
contexte actuel, la procédure d'autorisation de construction et d'exploitation
si elle n'est pas encadrée par une loi fixant les exigences en matière de
sécurisation des réseaux de transport.
Dans le régime précédent de concession d'Etat, les obligations d'entretien et
de maintenance, comme les exigences en matière d'effectifs et de qualification
du personnel auxquelles était soumis tout concessionnaire, figuraient dans le
cahier des charges. C'est grâce à cet outil qu'un contrôle public de respect
des normes de sécurité pouvait avoir lieu.
Il faut s'assurer, par la loi, que l'Etat pourra continuer à exercer ce
contrôle sur des installations dont les risques sont reconnus par l'actuelle
réglementation.
L'article 38 concerne en effet des ouvrages de transport de très haute
pression comportant des installations de recompression, des terminaux
méthaniers et des stockages souterrains.
Ainsi, GDF possède quinze sites classés Seveso 2. De plus, quarante-six
stations de recompression sont susceptibles, à terme, d'être également classées
Seveso 2.
Par ailleurs, plus de 4 000 postes de gaz à très haute pression sont situés à
proximité de lieux d'habitation. Et 30 000 kilomètres de canalisation
transportant du gaz à très haute pression sont enfouis sous nos routes et voies
de chemins de fer. Leur maintenance et leur entretien nécessitent un personnel
qualifié, formé aux risques que présentent de tels ouvrages.
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner combien la logique actuelle de
réduction des coûts, de diminution des emplois, de développement de la
sous-traitance, de recours à des formes précaires d'emploi et à des emplois peu
qualifiés remettait directement en cause la sécurité sur les sites classés. Les
actuelles sociétés concessionnaires, au rang desquelles figure - cela mérite
d'être souligné - TotalFinaElf, n'échappent malheureusement pas à cette
logique.
L'organisation d'une table ronde sur la sécurité et les risques industriels,
organisée à la suite de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, a permis de
prendre en compte les risques industriels liés à l'exploitation des réseaux de
transport de gaz.
La nécessité de renforcer les normes de sécurité sur tous les sites présentant
des risques industriels majeurs et d'éviter le recours à la sous-traitance et à
une main-d'oeuvre peu qualifiée pour effectuer les travaux de maintenance et
d'entretien ont, en outre, été mis en évidence. Nous savons que l'emploi, d'un
point de vue tant quantitatif que qualitatif, est au coeur des préoccupations
de sécurité.
Si nous nous félicitons qu'une telle initiative ait pu avoir lieu, l'adoption
de nos amendements serait le signe tangible d'une réelle volonté politique de
prendre en compte les problématiques abordées au cours de cette table ronde.
Elle traduirait aussi la volonté de respecter, en les concrétisant, les
engagements qui ont été pris pour réduire le degré de probabilité des accidents
sur les sites à risques.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 45 rectifié, 50
rectifié, 27 et 29 rectifié ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout d'abord, sur le fond, la commission estime que
le dispositif qui nous est proposé, bien qu'incomplet, mérite cependant d'être
adopté.
Le dispositif est incomplet, car nous pensons qu'il faut aller plus loin dans
la transposition de la directive de 1998 et jouer franchement le jeu de
l'ouverture à la concurrence de ce secteur économique.
La commission estime que Gaz de France aurait tout à gagner à une telle
évolution. L'entreprise, pour se développer, pour diversifier ses activités,
pour s'imposer sur les différents marchés qui conditionnent son
approvisionnement et son développement, doit effectivement bénéficier d'un vrai
statut de société industrielle et commerciale, ouvrir son capital et conclure
des alliances.
Si la société Gaz de France était dotée de ce type d'instruments et de
capacités, elle pourrait sans doute prendre position plus largement en amont de
ses activités et contrôler une fraction plus significative de ses sources
d'approvisionnement.
Nous considérons que ces évolutions sont souhaitables, mais elles sont par
ailleurs - nous insistons sur ce point - parfaitement compatibles avec le
respect des règles et des exigences du service public, notamment sur le plan de
la sécurité et de l'approvisionnement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il nous serait agréable que vous puissiez,
s'agissant du dispositif que vous nous soumettez, nous répondre sur un point
spécifique. Nous aurions en effet besoin d'éclairages complémentaires de votre
part en ce qui concerne la détermination du manque à gagner sur la durée
restant à courir de la concession et sur les critères autres que comptables qui
pourraient intervenir dans la fixation du prix de cession.
Cela dit, chacun comprendra aisément que la commission soit défavorable aux
amendements n°s 45 rectifié, 27 et 29 rectifié du groupe communiste républicain
et citoyen.
Par ailleurs, s'agissant de l'amendement n° 50 rectifié, présenté par notre
collègue François Trucy, nous souhaiterions connaître l'avis du Gouvernement
s'agissant des incertitudes juridiques susceptibles de subsister quant à la
détention de certains éléments de réseau par des collectivités
territoriales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 45 rectifié, 50
rectifié, 27 et 29 rectifié ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai, en
donnant l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements, de répondre
aux questions en une seule intervention, ce qui aura peut-être l'avantage de la
cohérence, et donc de la clarté.
Je dois d'abord indiquer au Sénat qu'il ne s'agit en aucune manière de changer
le « mix énergétique » du pays, comme l'orateur du groupe communiste
républicain et citoyen en a exprimé la crainte.
La place relative du gaz dans l'ensemble de la politique énergétique est
importante. Elle est d'ailleurs appelée à se renforcer, ce qui mettra d'autant
mieux en lumière - j'en conviens et je le concède bien volontiers au groupe
communiste républicain et citoyen - la pertinence, la justesse et la force des
interventions de Gaz de France.
Cette entreprise dont nous sommes fiers est une entreprise qui réussit, une
entreprise performante, une entreprise qui s'internationalise, j'y viendrai
dans un instant.
Je dois dire aussi qu'avec cet article il ne s'agit pas non plus, monsieur le
rapporteur général, mesdames et messieurs les membres du groupe communiste
républicain et citoyen, d'une transposition de la directive de 1998. Je peux
l'affirmer d'autant mieux que j'ai été le négociateur, au nom du Gouvernement,
de cette directive, en octobre 1997.
L'article 38 ne comporte pas les dispositions essentielles qui seraient
nécessaires pour transposer la directive dans notre droit ; mais la
transposition est aujourd'hui appliquée dans les faits : d'une part, le marché
français du gaz est objectivement ouvert ; d'autre part, les consommateurs
éligibles peuvent effectivement, avec des tarifs publiés, transparents,
s'adresser aux fournisseurs de leur choix au sein de l'Union européenne. Par
ailleurs, une quinzaine de terawatts-heure sont aujourd'hui soumis à la
concurrence.
J'apporte cette information pour que le
Journal officiel
puisse
propager la vérité à l'extérieur de cette enceinte, notamment pour répondre aux
critiques qui émanent d'autres pays :
de facto
, le marché gazier est
ouvert à la concurrence ; cet article n'est donc pas, je le répète, un texte de
transposition.
J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche plurielle, que
l'entreprise Gaz de France reste une entreprise publique, que le Gouvernement
est fondamentalement attaché au fait qu'il s'agisse d'une entreprise publique
tout entière dédiée au service public et à ses valeurs.
A cet égard, j'indique à M. Demerliat et aux membres du groupe socialiste que
la présence territoriale de Gaz de France est réaffirmée et qu'en ce qui
concerne les incidences éventuelles du transfert de propriété sur la desserte
gazière le Gouvernement est très attaché à poursuivre la politique volontaire
qu'il a engagée. Cette politique s'est traduite par le dépôt d'un projet de loi
en 1998, avec une programmation triennale de la desserte gazière. A cette
occasion, 1 200 communes supplémentaires ont été ajoutées à la liste de la
distribution du gaz.
La mise en oeuvre de ce plan, qui incombe à Gaz de France et aux distributeurs
non nationalisés, se poursuivra, mesdames, messieurs les sénateurs. J'assure
les membres du groupe socialiste que cette action sera conduite avec
volontarisme de la part du Gouvernement, avec ambition de la part de
l'entreprise et indépendamment de ce qui est prévu à l'article 38.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je dirai aussi aux orateurs de la gauche plurielle que
Gaz de France ne craint pas la concurrence.
Comme d'autres entreprises publiques du secteur énergétique, Gaz de France est
finalement très « confortable », si je puis dire, dans sa confrontation aux
autres entreprises du secteur en Europe. C'est en effet une entreprise
performante, une entreprise rentable, une entreprise compétitive qui ne craint
pas la concurrence.
Monsieur le rapporteur général, je pense que Gaz de France sera appelée dans
le futur à devenir plus présente dans l'amont gazier et que le moment viendra
où il faudra adapter la situation de cette entreprise à la concurrence que lui
livrent des entreprises italiennes, hollandaises, anglaises, allemandes qui,
elles, sont présentes dans l'amont gazier et qui se sont données les moyens
financiers de réaliser les investissements qui leur permettent d'être
présentes.
Aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche plurielle, Gaz de
France, ne produit malheureusement que 4 % du gaz que l'entreprise distribue.
C'est un élément de faiblesse par rapport à ses concurrents qui peuvent, eux,
puisque le marché est ouvert suivant la directive, être les fournisseurs
d'autres entreprises alors que Gaz de France ne maîtrise pas suffisamment
l'ensemble des maillons de la chaîne gazière. Il faudra un jour lui donner les
moyens d'être présente dans l'amont gazier.
Le groupe socialiste a posé la question du partage entre réseau de transport
et réseau de distribution. Cette question est fondamentale et je le remercie de
me l'avoir posée. Elle fera l'objet du travail de la commission spéciale prévue
par le texte et chargée d'évaluer le patrimoine concerné par cette cession.
Je rassure pleinement mes amis socialistes : le régime juridique des
concessions de transport identifie parfaitement les canalisations considérées,
fait le départ entre transport et distribution, et les éventuels litiges
résultant d'une déclassification seront aisément identifiables.
Au demeurant, la Fédération nationale des collectivités concédantes et des
régies, la FNCCR - dont on sait que nous y sommes très attachés et les
sénateurs aussi, puisqu'elle est présidée par un ancien sénateur -, m'a
interrogé sur ce sujet et je me suis engagé auprès d'elle, au nom du
Gouvernement, à ce que la commission spéciale apporte une réponse claire et
incontestable à cette question.
J'espère que cette réponse vous convaincra, monsieur Trucy, et qu'ainsi vous
pourrez retirer l'amendement que vous avez déposé, puisque vous avez, à cet
égard, toutes les garanties formelles, écrites. J'ajoute, pour le cas où vous
ne seriez pas tenté de croire le Gouvernement, que la FNCCR, dans son rapport
public, s'est estimée satisfaite par l'engagement que j'ai pris.
S'agissant de la question du groupe socialiste relative aux normes de sécurité
draconniennes...
M. Michel Charasse.
Ah !
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
... au travers du cahier des charges, vous avez mille
fois raison, monsieur Demerliat : la sécurité n'est pas négociable ; c'est un
paramètre essentiel, fondamental, prioritaire du cahier des charges. Je
veillerai personnellement, au nom du Gouvernement, à ce que cette question soit
traitée sans aucune faiblesse, pour assurer de manière pérenne, stable,
évidente, publique, la sécurité de nos réseaux, c'est-à-dire la sécurité de nos
concitoyens.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Michel Charasse.
Qui cela empêchera-t-il de saisir le procureur de la République ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur général a posé une question
fondamentale sur le manque à gagner, sur la durée restant à courir de la
concession.
La jurisprudence du Conseil d'Etat en matière de ruptures de concession est
claire depuis l'arrêt du 5 juillet 1967 « commune de Donville-les-Bains », qui
précise les éléments - ils sont au nombre de deux - en fonction desquels va
être déterminée l'indemnité due au titre de la résiliation anticipée d'une
concession.
Le premier élément est l'importance des capitaux investis par l'opérateur et
non encore amortis à la date de la rupture de la concession. Dans les comptes
des opérateurs, cet élément correspond à la valeur nette comptable des biens en
concession, diminuée du montant des droits du concédant. Au 31 décembre 2000,
pour Gaz de France, cela correspond à 10 milliards de francs.
Le second élément est l'indemnisation du manque à gagner consécutif à la
rupture de la concession. Le montant exact de l'indemnité, et par conséquent
les modalités de calcul de ce que nous appelons ensemble « le manque à gagner
sur la durée restant à courir de la concession », sera donc déterminé par la
commission spéciale, dont je viens d'évoquer la création à l'instant.
A priori,
la commission spéciale pourrait évaluer le manque à gagner en
valorisant les
cash flows
actualisés que génère la concession sur la
base du temps restant à courir avant l'expiration de cette dernière, sachant
que la durée moyenne de ces concessions était de trente ans et que, pour la
plupart d'entre elles, ces contrats allaient jusqu'en 2015 et 2020. Mais c'est
la commission spéciale qui décidera.
Sa composition est extrêmement objective : des hauts fonctionnaires, des
magistrats, qui nous assurent d'une très grande sûreté de jugement dans ces
matières difficiles en fonction du droit public positif actuel.
(M. Charasse
s'exclame.)
M. le rapporteur général s'est inquiété de la présence, dans l'article 38, de
l'usage de l'adverbe « notamment », s'agissant de la prise en compte de la
valeur nette comptable des biens transférés pour en calculer le prix de
cession. Il m'a également demandé quel autre critère pourrait être pris en
compte.
L'adverbe « notamment » ne limite pas les pouvoirs de la commission spéciale
compétente, puisque, aux termes de la jurisprudence établie par le Conseil
constitutionnel, elle seule sera habilitée à déterminer la méthode d'évaluation
et à évaluer les biens à transférer et les indemnités correspondantes.
En ce qui concerne la valeur nette comptable, c'est une notion commode, connue
des opérateurs gaziers, puisqu'elle figure à l'actif du bilan et correspond à
la valeur comptable du réseau de transport. Il n'y a donc pas de difficulté.
D'autres considérations peuvent être retenues : la valeur économique, le prix
du marché, la valorisation boursière du réseau, comme dans le cas italien.
C'est l'exemple qui a été évoqué dans l'exposé des motifs du texte. C'est à la
commission spéciale, là encore, de retenir une méthode d'évaluation dans le cas
présent.
Je crois avoir répondu à l'ensemble des questions.
Si l'amendement de M. Trucy est retiré,...
M. François Trucy.
Le souhaitez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Oui, parce que je crois vous avoir donné satisfaction,
monsieur le sénateur.
M. François Trucy.
Alors, j'accepte de retirer mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 50 rectifié est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je vous remercie infiniment de ce retrait, monsieur
Trucy.
Le Gouvernement est hostile, pour les raisons que je viens d'évoquer, aux
autres amendements qui ont été présentés par le groupe communiste républicain
et citoyen. Je le regrette, mais je crois, monsieur Coquelle, vous avoir donné
suffisamment d'assurance - puisque Gaz de France reste une entreprise publique
dédiée fondamentalement au service public - pour que vous acceptiez peut-être
de les retirer.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 30 |
Contre | 284 |
Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais évoquer un sujet préoccupant, celui de l'avenir du groupe Bull.
Nous avons, tout à l'heure, voté un amendement qui permet à l'Etat, bien qu'actionnaire minoritaire, de contribuer à une remise à niveau des fonds propres de ce groupe. Mais cela nécessite, après que ce dispositif technique a été adopté, de recevoir quelques informations sur la situation économique et les perspectives de cette entreprise.
Nous savons, mes chers collègues, que, depuis 1993, l'actionnariat de Bull est très éclaté. Il n'y a pas un actionnaire dominant : l'Etat, 16,3 % ; France Télécom, 16,9 % ; Motorola, 16,9 % ; NEC, 16,9 %, et Dai Nippon Printing, 5 %. Ces actionnaires se sont sans doute plutôt neutralisés les uns les autres ces dernières années, et force est de constater qu'ils n'ont pas fait collectivement le choix du développement du groupe.
Le déclin de Bull n'a cessé de se prononcer. Rappelons simplement qu'en 1990 ses salariés étaient au nombre de 43 000. Aujourd'hui, après la cession d'Integris Europe, ils ne seront plus, en France, que 8 000.
Par ailleurs, entre 1997 et 2000, le groupe est passé d'un résultat net de 92 millions d'euros, résultat positif - l'un des rares résultats positifs de l'histoire récente de la compagnie -, à une perte de 243 millions d'euros. Son capital a fondu de 557 millions d'euros en 1998 à 86 millions d'euros en 2000. La dette nette a, elle, bondi de 148 millions d'euros à 301 millions d'euros en 2000. Les investissements ont dû être considérablement réduits. Tous les indicateurs - et je ne parle pas du cours de l'action Bull par rapport au CAC 40 - n'ont cessé de s'inscrire de manière très défavorable.
On envisage actuellement d'accorder un sursis, et nous voudrions bien comprendre quel avenir se cache derrière ces mouvements peut-être momentanés.
Chacun a pu observer que la nomination d'un nouveau président-directeur général de l'entreprise ayant une forte légitimité professionnelle dans le secteur de l'informatique est un signal tout à fait favorable. C'est un P-DG qui a le profil d'un « développeur », et non pas celui d'un administrateur des affaires courantes pour le compte d'une entreprise en difficulté.
J'en viens à mes questions, monsieur le secrétaire d'Etat.
Bull recevrait une avance d'actionnaire de l'Etat de 100 millions d'euros grâce aux modalités juridiques que nous avons adoptées tout à l'heure. Dans quel cadre cette avance va-t-elle s'inscrire ? Les autres actionnaires vont-ils participer à l'effort ? La Commission de Bruxelles ne créera-t-elle pas de difficultés pour ces renforcements des fonds propres du groupe Bull ? Plus largement, quel avenir peut-on imaginer pour ce goupe ? Un journal économique titrait, il n'y a pas longtemps : « Bull n'est plus qu'une grosse PME sur le marché des serveurs. » Il est vrai que les cessions d'actifs se sont précipitées en un an : CP8, l'activité de cartes à puce vendue à Schlumberger, les activités de services Intégris, etc.
Le périmètre de l'entreprise ne recouvre plus que la distribution de PC Intel et de serveurs Unix, la fabrication de grands serveurs propriétaires et la maintenance associée, soit un chiffre d'affaires de l'ordre de 500 millions d'euros.
Beaucoup d'analystes considèrent que la taille actuelle de Bull est clairement insuffisante à l'échelle européenne et, a fortiori , mondiale. Dès lors, quelle stratégie choisir après un président, Jean-Marie Descarpentries, qui a misé sur le développement, et un président, Guy de Panafieu, qui a beaucoup élagué ?
Le nouveau président devrait, semble-t-il, à nouveau s'inscrire dans une optique de développement, mais la compagnie en aura-t-elle les moyens ? Un plan d'avenir représente un coût nécessairement élevé. Les actionnaires voudront-ils l'assumer ? Ce plan de développement est-il encore possible ? Monsieur le secrétaire d'Etat, une politique de développement de Bull est-elle encore crédible ?
Telles sont les quelques questions que je tenais à poser au moment où nous avons adopté un dispositif technique qui, en soi, n'est pas l'essentiel. L'essentiel est en effet de savoir si Bull a un avenir et si cet avenir est à notre portée, en d'autres termes si l'on se borne à figer, en quelque sorte, la situation dans une période un peu critique au vu du calendrier, ou bien si, véritablement, on joue l'avenir. Et cet avenir est-il à la portée du groupe tel qu'il est devenu aujourd'hui ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je remercie M. le rapporteur général de ses importantes questions sur l'entreprise Bull. Cela nous éloigne un peu du sujet de ce soir, mais je saisis l'opportunité que m'offre M. le rapporteur général pour donner, sans doute de manière trop lapidaire - il voudra bien m'en excuser - l'avis du Gouvernement sur cette entreprise.
A l'image de nombreuses autres entreprises du secteur, Bull est en difficulté ; vous avez égréné les chiffres la concernant voilà un instant. La situation est grave, et l'impasse de trésorerie pour l'année qui vient est importante du fait du décalage dans le temps entre les dépenses de l'exercice 2002 et les recettes attendues par l'entreprise, notamment celles qui résulteront - c'est une illustration parmi quelques autres - de la vente du siège social de l'entreprise ou celles qui sont liées à la négociation avec Steria entreprise voilà quelques mois, dont les recettes ne viendront à échéance que dans quelques mois également.
Aujourd'hui, monsieur le rapporteur général, seul l'Etat, parmi les actionnaires importants que vous avez cités - Motorola, NEC, France Télécom, Dai Nippon Printing -, a fait son devoir en acceptant d'effectuer une avance d'actionnaire permise par la réforme du compte d'affectation spéciale, qui a été présentée par ma collègue Florence Parly. Cette avance d'actionnaire sera adaptée à la situation de l'entreprise. Elle s'effectuera, je vous rassure, dans un cadre européen, c'est-à-dire que l'opération sera notifiée conformément à l'indispensable transparence des aides au sauvetage de cette entreprise, transparence qui est exigée par la Commission.
Cette nouvelle donne met, hélas ! en évidence l'échec des stratégies précédentes, la dernière en date ayant été celle qui a été menée avec courage, mais qui s'est avérée insuffisante, par l'ancien président-directeur général de l'entreprise : développement des cartes à puce, développement des services informatiques, développement des gros serveurs. Cette longue stratégie, qui devait a priori assurer la sortie de crise de l'entreprise, s'est terminée par un recentrage sur les gros serveurs, lui-même ayant échoué au cours des derniers mois.
Mais, s'il y a échec de la stratégie, il n'y a pas mise en cause des qualités techniques, des remarquables compétences des salariés du groupe, ni de ses capacités de recherche, d'innovation et d'adaptation de la plupart de ses produits et services aux demandes qui s'expriment sur le marché. Toutefois, globalement, la stratégie a échoué.
Les actionnaires ont donc nommé - et vous avez eu la gentillesse de le reconnaître, monsieur le rapporteur général - un homme remarquable, un professionnel, M. Bonelli, qui est reconnu dans le secteur de l'informatique, pour faire des propositions qui doivent restaurer la marge de manoeuvre de Bull.
Il est trop tôt pour pouvoir dire vers quelle solution concrète s'orientera le nouveau président et quelles lignes directrices il proposera au conseil d'administration. Je souhaite que ses propositions soient de nature à reconstituer un pôle d'actionnaires stables, porteur d'une stratégie industrielle solide qui assure l'avenir de Bull. Je ne peux pas en dire plus ce soir. Laissons M. Bonelli et ses équipes travailler, laissons-le présenter, vraisemblablement dans les prochains mois, voire dans les prochaines semaines - le plus vite possible sera le mieux, disons dans les meilleurs délais - une stratégie crédible, une stratégie adaptée et une stratégie qui permette d'assurer la longévité de l'entreprise. C'est le voeu que forme l'Etat actionnaire, c'est le voeu que forme le Gouvernement.
Il est certain qu'une fois encore, avec le gouvernement de Lionel Jospin, nous montrons avec quelle conscience, quelle volonté, quel volontarisme même, nous souhaitons assurer un avenir à un secteur où la France figure parmi les leaders mondiaux. Il s'agit d'une entreprise emblématique d'une aventure de plusieurs dizaines d'années. Celle-ci ne doit pas se terminer par un échec. Elle doit exprimer la confiance dans les équipes d'une grande entreprise et déboucher sur un renouveau de cette entreprise dans les toutes prochaines semaines.
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