SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001
MUSÉES DE FRANCE
Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 58,
2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux musées de
France.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous mettons ce soir un
terme au processus engagé voilà près de dix ans pour réformer l'ordonnance du
13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts.
Je ne pourrai, madame la ministre, que vous féliciter d'avoir su faire aboutir
un texte qui, maintes fois annoncé, fut longtemps repoussé. Vous avez souhaité
compenser cette genèse administrative laborieuse en imposant aux assemblées des
délais très courts pour l'examen de ce texte, recourant à la procédure
d'urgence pour éviter les aléas d'une fin de législature chargée.
A cet égard, j'avouerai ma satisfaction que l'Assemblée nationale et le Sénat
aient pu, dans ce calendrier contraint, à la fois enrichir le texte que vous
aviez présenté intialement et parvenir à un accord en commission mixte
paritaire.
En effet, au Palais-Bourbon comme au sein de cet hémicycle, nous avions fait
le constat du manque d'ambitions du projet de loi. Notre déception était grande
face à un texte qui n'ouvrait guère la voie à une modernisation de la gestion
de nos musées, qui ignorait l'engagement des collectivités territoriales pour
la mise en valeur de leur patrimoine muséographique comme la nécessité
d'encourager le mécénat dans un domaine où il est encore insuffisamment
développé.
A l'issue de nos travaux, sans prétendre avoir gommé la totalité des
imperfections et comblé toutes les lacunes, le texte adopté par la commission
mixte paritaire constitue un compromis qui me paraît très acceptable.
Le Sénat avait formulé trois critiques à l'encontre du projet de loi qui lui
était soumis.
En premier lieu, le projet de loi substituait à l'ordonnance du 13 juillet
1945, texte qui avait, certes, vieilli, mais qui constituait un modèle assez
souple d'organisation, un dispositif qui avait pour principale conséquence un
renforcement des prérogatives des services de l'Etat.
Nous avions donc souhaité atténuer les effets de cette tentation
centralisatrice, sans rapport, à vrai dire, avec les moyens dont dispose
l'administration pour la réaliser. Les conclusions de la commission mixte
paritaire répondent à cette préoccupation.
Le contrôle scientifique et technique exercé par l'Etat sur les musées
territoriaux et les institutions privées ayant reçu l'appellation « musée de
France » sera limité aux dispositions prévues par la loi, ce qui n'exclut pas
le maintien des compétences de l'inspection générale des musées, dont les
moyens devraient, au demeurant, être renforcés afin de permettre à l'Etat de
remplir le rôle de conseil et d'expertise que lui assigne l'article 4.
Les acquisitions et les restaurations auxquelles procéderont ces musées seront
soumises préalablement à leur réalisation, non pas aux services de l'Etat qui,
à l'échelon déconcentré, ne disposent pas des compétences nécessaires, mais à
des instances scientifiques. Cette procédure permettra d'éclairer les choix
scientifiques de ces institutions, sans pour autant limiter leur liberté de
gestion, dans la mesure où ces avis ne lieront pas leurs décisions.
Par ailleurs, le texte adopté par la commission mixte paritaire, tout en
rappelant la nécessité pour les musées de développer leurs actions de diffusion
culturelle, leur laisse la latitude nécessaire pour en organiser les modalités
administratives.
Au-delà, le caractère contractuel du statut de « musée de France » prévu par
le projet de loi a été renforcé.
La commission mixte paritaire, reprenant sur ce point le texte du Sénat, a
précisé les conditions de sortie du dispositif afin que ce statut ne soit pas
irrévocable. Cela correspond, au demeurant, à l'esprit de la réforme ; vous
avez souligné à de nombreuses reprises, madame la ministre, que ce dispositif
se voulait fondé sur la libre adhésion des institutions muséographiques. La
rédaction de l'article 3 constitue un équilibre satisfaisant entre le souci de
respecter ce principe et la nécessaire défense de l'intérêt public des
collections, ainsi que la non moins nécessaire protection des deniers
publics.
Ainsi, un musée qui souhaite sortir de la famille des musées de France pourra
obtenir le retrait de l'appellation à l'expiration d'un délai de quatre ans. Si
cette institution a bénéficié de concours financiers de l'Etat ou d'une
collectivité territoriale, le retrait relèvera de la compétence discrétionnaire
du ministre, et la propriété des biens ainsi acquis devra être transférée à un
autre musée de France.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a prévu, à l'article 4, qu'à
défaut de conclusion d'une convention entre l'Etat et le musée labellisé dans
un délai de quatre ans après l'attribution de l'appellation, cette dernière
pouvait être retirée, ce qui devrait généraliser la pratique de la
contractualisation, qui constitue un progrès tant pour les musées, incités à
cette occasion à préciser leur projet scientifique, que pour les services de
l'Etat, contraints ainsi de formaliser leurs engagements.
Je soulignerai également que, sous réserve de modifications mineures, la
commission mixte paritaire a retenu la composition et la dénomination proposées
par le Sénat pour la nouvelle instance consultative - le Haut conseil des
musées de France - chargée de se prononcer sur les demandes d'octroi et de
retrait du label.
J'en viens maintenant à la question, très controversée, du statut des
collections.
Le texte de la commission mixte paritaire n'a rien de révolutionnaire. La
position adoptée à l'unanimité n'est pas le résultat du délire ultra-libéral
d'iconoclastes avides de brader les richesses des collections publiques. Et je
ne vais pas plus loin que les propos tenus par le rapporteur à l'Assemblée
nationale. La caricature qui a été présentée, et par des autorités que l'on
disait pourtant autorisées, est purement et simplement scandaleuse. Je
m'étonne, madame la ministre, que vous n'ayez pas su ramener à la raison des
personnels qui sont encore placés sous votre autorité hiérarchique.
Le procès d'intention que l'on a fait à la représentation m'a surpris et
affligé, bien sûr parce que nous ne méritions pas tant d'indignité, mais,
surtout, parce que j'ai découvert un gouffre d'ignorance de la part de
certains, pourtant supposés être avertis.
(Mme le ministre opine.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien !
M. Philippe Richert,
rapporteur.
En effet, qu'allons-nous voter ce soir ?
Au bénéfice de l'affirmation d'un principe d'inaliénabilité absolue, qui,
jusque-là, n'était posé par aucun texte et relevait donc du fantasme juridique,
le projet de loi initial avait écarté une conception plus moderne et plus
dynamique de la gestion des collections.
Même si l'Assemblée nationale a adopté un dispositif particulièrement
inacceptable, elle a eu, sur ce point, le mérite d'ouvrir un débat qui avait
été jusque-là escamoté, en prévoyant que les oeuvres d'artistes vivants ne
deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de leur
acquisition.
Si le Sénat a estimé nécessaire de préserver la possibilité de laisser des
oeuvres sortir des collections publiques, il n'a pas retenu la disposition
introduite par l'Assemblée nationale, à la fois inappropriée et imprudente,
tout le monde, aujourd'hui, le reconnaît.
La solution alternative adoptée par le Sénat, qui, à l'issue d'un débat
approfondi, a été retenue par la commission mixte paritaire, permet de ne pas
clore le débat engagé en laissant en quelque sorte aux conservateurs le soin de
le conduire. En effet, elle consiste à conserver le droit en vigueur tout en
prévoyant des garanties nouvelles destinées à assurer la pérennité des
collections, garanties qui ont été renforcées par la commission mixte
paritaire.
Les collections resteront soumises aux règles de la domanialité publique,
comme c'est le cas aujourd'hui. Cette situation avait, semble-t-il, échappé à
nombre de professionnels des musées, ce qui ne laissera pas de nous inquiéter.
A ce titre, elles sont donc inaliénables. Les conclusions de la commission
mixte paritaire le rappellent.
Cette solution ménage toutefois une certaine souplesse car des déclassements
restent possibles. Mais, afin d'éviter des cessions mal avisées, le projet de
loi encadre ces déclassements par une procédure qui les soumet à l'avis
conforme d'une commission scientifique, c'est-à-dire des conservateurs. Dans
notre esprit, cette commission aura à élaborer les critères des déclassements
de la même manière que la commission consultative des trésors nationaux, prévue
par la loi de 1992, a défini la notion de « trésor national ». Par ailleurs -
c'est une précaution supplémentaire - la commission mixte paritaire a institué,
dans ce cas, un droit de préemption au profit de l'Etat.
Ce dispositif est, on le voit, inspiré par une prudence extrême. Il constitue
donc une voie de « respiration » très encadrée des collections. Par ailleurs,
il ne s'appliquera que dans les rares cas où les conservateurs estimeront
nécessaire de déclasser un bien. Je fais confiance à leur attachement à
l'intégrité des collections pour que ces demandes ne se multiplient pas sous
l'effet d'une folie de dispersion.
Je note cependant que la violence des réactions suscitées par ce dispositif
contraste avec le laxisme que l'on constate parfois dans la gestion des
collections.
A cet égard, je me félicite que la commission mixte paritaire ait retenu la
disposition introduite par le Sénat visant à imposer aux musées un récolement,
tous les dix ans, de leurs inventaires. Nous sommes aujourd'hui dans la
situation où l'on accepte qu'une oeuvre soit détériorée, perdue, voire volée,
mais où l'on crie au scandale lorsque l'on parle de cession ! Il y a là un
paradoxe qu'il me semble utile de corriger.
La commission des affaires culturelles propose au Sénat la constitution d'une
mission d'information portant sur la gestion des collections des musées, qui
sera l'occasion d'examiner, entre autres sujets, les conditions de conservation
des réserves des musées ou le sort des oeuvres déposées : elle a pris, à cet
égard, une initiative pertinente.
Enfin, pour les collections des musées privés, j'indiquerai que la commission
mixte paritaire a retenu le texte du Sénat, qui limitait leur affectation
irrévocable aux musées de France aux seules oeuvres acquises avec le concours
de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, tout en précisant le caractère
inaliénable des dons et legs. Là encore, il s'agit d'un sage compromis : il
permet d'éviter de perdre notre dernière chance de voir se développer en France
de telles institutions qui, comme le montrent les exemples étrangers, peuvent
contribuer de manière déterminante à l'enrichissement du patrimoine.
La troisième et dernière préoccupation du Sénat avait été de renforcer
l'efficacité du volet fiscal et financier introduit par l'Assemblée nationale
qui, je le rappelle, avait, notamment, adopté une disposition instituant un
prélèvement supplémentaire sur le produit brut des jeux dans les casinos,
prélèvement destiné à accroître les crédits destinés à l'acquisition des
trésors nationaux.
Ce volet était nécessaire, et le Gouvernement en avait pris conscience, lui
qui avait confié à l'inspection générale des finances une mission d'analyse et
de proposition sur les moyens d'acquisition d'oeuvres d'art par l'Etat. La
solution retenue par l'Assemblée nationale, pour audacieuse et utile qu'elle
fût, présentait un inconvénient : elle ne permettait pas l'affectation du
prélèvement aux dépenses d'acquisition, en raison des règles posées par
l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui réservent au Gouvernement l'initiative de
l'affectation de recettes à certaines dépenses.
Le Sénat avait donc préféré adopter deux mesures fiscales destinées, par le
biais de réductions d'impôts, non seulement à inciter les entreprises à aider
l'Etat à acquérir des trésors nationaux dans le cadre d'un dispositif proposé
par le Gouvernement, quoique amendé, afin de ne pas en limiter l'intérêt, mais
également à les encourager à acheter de telles oeuvres pour leur compte, cas où
l'avantage fiscal est moindre.
Ces dispositions ont été adoptées par la commission mixte paritaire, qui a,
par ailleurs, souhaité maintenir dans sa rédaction actuelle, mais un peu
assouplie, l'article 238
bis
OA, qui prévoit une déductibilité pour les
achats, par les entreprises, d'oeuvres d'art dont l'offre de donation a été
acceptée par l'Etat.
Il s'agit là d'avancées substantielles dont je me félicite, car ces
dispositions, très originales, constituent un levier efficace permettant de
mobiliser rapidement les fonds nécessaires et, donc, d'améliorer le
fonctionnement du dispositif de protection du patrimoine national prévu par la
loi du 31 décembre 1992.
Les deux amendements déposés par le Gouvernement sur les conclusions de la
commission mixte paritaire ne remettent pas en cause l'accord intervenu entre
les deux assemblées. L'amendement n° 1 est d'ordre rédactionnel ; l'amendement
n° 2 vise à revenir à l'article 15
quinquies
, tel qu'il avait été adopté
par le Sénat, dans une rédaction qui permettait de toiletter le code général
des impôts. Ainsi, l'actuel article 238
bis
OA, qui prévoit la
déductibilité pour les achats, par les entreprises, d'oeuvres d'art dont
l'offre de donation a été acceptée par l'Etat, n'ayant pas fait la preuve de
son efficacité, est remplacé par le mécanisme de réduction d'impôt adopté par
le Sénat sur proposition du Gouvernement.
En guise de conclusion, je me féliciterai du caractère constructif des débats.
Ils ont permis de dégager un texte qui, quoi qu'en disent certains, est un bon
texte. Il prend en compte, en effet, les évolutions récentes qu'ont connues les
musées et permet d'ouvrir des voies d'évolution. Cependant, toutes les
difficultés auxquelles sont confrontés nos musées ne peuvent être résolues par
la loi. Je pense ici à l'amélioration des procédures administratives ou
budgétaires d'acquisition, ou encore au statut des musées nationaux qui, en
dépit des exhortations émanant de toutes parts, n'évolue pas. Sur ces sujets,
l'initiative vous revient, madame la ministre.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les
conclusions de la commission mixte paritaire, modifiées.
(Applaudissements).
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que vient
devant vous, en dernière lecture, le projet de loi relatif aux musées de
France, je tiens, tout d'abord, à rendre hommage à la qualité des travaux menés
dans le cadre de la commission mixte paritaire, qui ont permis de faire aboutir
ce texte important, satisfaisant et équilibré, à mes yeux.
Les conclusions de la commission mixte paritaire ont recueilli l'accord du
Gouvernement et l'Assemblée nationale les a, pour sa part, approuvées le 29
novembre dernier.
La commission mixte paritaire a essentiellement débattu du statut des
collections et des mesures fiscales d'incitation à l'achat de trésors
nationaux, deux questions qui avaient fait l'objet d'un débat approfondi devant
vous, lors de la première lecture.
En ce qui concerne le statut des collections, je suis convaincue comme vous,
monsieur le rapporteur, que le texte actuel renforce la protection du
patrimoine en affirmant explicitement le principe d'inaliénabilité des
collections, auquel je suis, vous le savez, très fermement attachée.
Je me réjouis particulièrement que cette inaliénabilité présente un caractère
irrévocable dans le cas des dons, des legs et des biens acquis avec l'aide de
l'Etat, qu'il s'agisse d'une aide financière ou juridique, comme l'exercice du
droit de préemption.
La procédure dérogatoire, qui mentionne la possibilité d'un déclassement par
décret, à l'instar de ce que prévoit la loi de 1913 sur les monuments
historiques, est conçue de manière précise et rigoureuse, car elle suppose
l'avis conforme d'une commission nationale à caractère exclusivement
scientifique dont la composition sera précisée par décret. Je veillerai à ce
que le haut niveau de qualification de cette commission garantisse l'autorité
de ses avis.
Ce dispositif constitue un progrès incontestable dans la protection juridique
des collections par rapport à ce qui résulte de l'application actuelle du droit
domanial qui, pour les musées publics, paraissait imprécis et donc
insuffisamment protecteur. Contrairement à ce que l'on a pu lire ou entendre à
ce sujet, ce projet vise réellement à conforter la pérennité et
l'enrichissement des collections des musées de France dans un cadre juridique
précis.
C'est bien un texte plus protecteur des collections que ce que permet l'état
actuel du droit qui est soumis à la Haute Assemblée aujourd'hui.
Le projet de loi crée le Haut conseil des Musées de France, enceinte d'un
débat collégial et démocratique entre l'Etat et ses différents partenaires. Ce
conseil renforcera la capacité des musées à s'insérer dans le cadre d'une
politique culturelle équilibrée sur le territoire. Présidé par le ministre de
la culture, il devra formuler des recommandations d'ensemble sur la politique
des musées et émettre un avis conforme préalablement au retrait de
l'appellation « Musée de France ». Dans un souci de protection des collections,
notamment en cas de transfert de propriété, il veillera à ce que les oeuvres
demeurent dans la famille des Musées de France.
Quant au sort des collections dans le cas du retrait de l'appellation prévu au
quatrième alinéa de l'article 3, qui fait l'objet d'un amendement rédactionnel
du Gouvernement, les mesures qu'il est envisagé de prendre pour élargir la
protection à l'ensemble des collections me paraissent évidemment très
souhaitables.
En ce qui concerne les collections des Musées de France appartenant à des
personnes morales de droit privé, la commission mixte paritaire a souhaité
limiter le principe d'affectation irrévocable des oeuvres à un Musée de France
au seul cas des dons, des legs et des biens acquis avec le concours de l'Etat
ou des collectivités territoriales. Les personnes morales de droit privé
pourront naturellement, comme elles le font souvent, inscrire dans leurs
statuts des clauses d'inaliénabilité allant au-delà des obligations légales.
Quant aux instances scientifiques compétentes pour se prononcer sur les
projets d'acquisitions ou de restaurations, j'approuve le texte de la
commission mixte paritaire, sous réserve, comme votre rapporteur l'avait
souhaité en première lecture, que ces instances siègent dans des formations
distinctes selon qu'elles traitent des acquisitions ou des restaurations, les
compétences requises dans l'un ou l'autre cas n'étant pas les mêmes.
Le Gouvernement est également favorable à la nouvelle rédaction des articles 5
et 6, relatifs aux qualifications des professionnels des musées, dès lors que
les activités scientifiques mentionnées à l'article 5 englobent les activités
culturelles et que les qualifications exigées des personnels mentionnés à
l'article 6 seront précisées par la voie réglementaire.
Le second point débattu par la commission mixte paritaire concernait le
dispositif fiscal destiné à favoriser l'acquisition de trésors nationaux : je
me réjouis que l'Assemblée nationale ait bien voulu voter l'amendement du
Gouvernement visant à rendre ce dispositif plus lisible et, je crois, plus
incitatif.
Je tiens à saluer le souci de défense du patrimoine national manifesté par les
parlementaires dans les deux assemblées, qui a permis d'aboutir à ce texte
novateur qui contribuera de manière significative à l'enrichissement des
collections.
Je suis convaincue que ces nouvelles dispositions fiscales susciteront
l'intérêt attentif de nombreuses entreprises et qu'ainsi elles pourront
participer, aux côtés de l'Etat, à la protection des trésors nationaux. Je
remercie le Parlement d'avoir inscrit cette question au premier rang des
préoccupations de l'Etat.
Au moment de conclure, permettez-moi de rendre hommage encore une fois à
l'ampleur et à la qualité du travail accompli au sein des deux assemblées
depuis la mission d'information d'Alfred Recours.
Le Gouvernement et le Parlement ont souhaité répondre à l'intérêt croissant de
nos concitoyens pour la riche diversité du patrimoine muséal. Après l'acte
créant le Museum central des arts en 1793, l'arrêté Chaptal du 1er septembre
1801, par lequel ont été constituées, grâce à l'Etat, les collections de quinze
grands musées à travers la France, et après l'ordonnance du 13 juillet 1945
relative à l'organisation des musées de beaux-arts, cette loi marquera une
étape majeure dans le droit des musées et du patrimoine en France.
Je suis convaincue qu'elle offrira à nos musées et à leurs personnels,
notamment scientifiques - auxquels je tiens à rendre hommage -, un cadre
juridique solide, leur donnant ainsi les moyens indispensables au développement
de leur activité à l'entrée du troisième millénaire.
Permettez-moi d'ajouter que, au terme d'une très longue gestation, je suis
fière et heureuse d'avoir pu, constamment appuyée par l'initiative
parlementaire, contribuer à faire aboutir ce soir, en plein accord avec les
deux assemblées, un texte qui constitue un outil véritablement moderne et utile
pour nos musées.
(Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes
parvenus à l'issue de l'élaboration d'une réforme fort attendue, celle de
l'ordonnance de 1945 portant organisation, en principe provisoire, des musées
de beaux-arts.
Le texte, définitivement adopté par la commission mixte paritaire le 29
novembre dernier et légèrement modifié par le Gouvernement lors des lectures de
ses conclusions par le Parlement, apporte une réponse satisfaisante aux
exigences actuelles des musées, qui connaissent des statuts multiples et des
vocations extrêmement variées.
A ce titre, je me réjouis que la navette parlementaire ait permis de préciser
de nombreux points et de procéder à des améliorations substantielles.
Je pense tout particulièrement aux précisions apportées grâce à l'amendement
adopté en première lecture par le Sénat, sur l'initiative du groupe socialiste,
qui permettra aux meilleurs spécialistes dans le secteur de la restauration des
oeuvres d'art de faire valider leurs acquis professionnels pour pouvoir
procéder à la restauration des collections des Musées de France.
Je m'attarderai un instant sur le principal point d'achoppement du texte :
l'inaliénabilité des collections. Une solution médiane a finalement pu être
trouvée. Les sénateurs socialistes étaient pour leur part partisans d'une
solution radicale, l'amendement qu'ils ont déposé en première lecture en
constitue la meilleure preuve. Préconiser l'inaliénabilité sans possibilité
d'aménager ce principe nous apparaissait en effet comme la meilleure garantie
que les collections ne seraient pas dispersées et, dans le cas de l'art
contemporain, comme une façon de mieux forger la renommée d'un artiste ou de
faire monter sa cote.
Par ailleurs, comme je le disais dès la première lecture, l'inaliénabilité des
collections constitue le meilleur rempart contre les dérives mercantiles des
musées, dont le rôle n'est pas de spéculer sur le marché de l'art.
J'espère donc que la possibilité de déclassement prévue dans le texte adopté
par la CMP ne sera utilisée qu'à titre tout à fait exceptionnel ; j'ai pris
bonne note du fait qu'elle était accompagnée de garanties, que je
rappellerai.
Pour les biens de collections appartenant à une personne publique est requis
l'avis conforme d'une commission scientifique pour les musées de l'Etat, dont
j'espère que la composition, fixée ultérieurement par voie réglementaire,
permettra une représentation satisfaisante de l'ensemble des parties
concernées, notamment des artistes. Pareillement, l'accord de l'autorité
administrative est indispensable pour les biens des collections des musées des
collectivités territoriales, tandis que l'inaliénabilité est totale pour les
biens provenant de dons et legs.
Pour les biens de collections appartenant à une personne morale de droit privé
et acquis par dons ou legs, ou grâce à des fonds publics, les cessions seront
encore plus strictement encadrées puisqu'elles ne seront possibles qu'au profit
d'un Musée de France et que le ministre de la culture et le Haut Conseil des
Musées de France seront appelés à se prononcer préalablement.
Je me réjouis donc que la loi à venir offre aux collections un régime bien
plus protecteur que celui qui a actuellement cours, puisque, aujourd'hui,
seules les oeuvres des collections publiques sont inaliénables, en vertu du
principe de domanialité publique.
En dehors de ces remarques, je pense que la nouvelle loi améliorera la
communication des Musées de France en direction des différents publics et
permettra une meilleure circulation des oeuvres entre les établissements
concernés ; elle constituera également un cadre plus adapté aux réalités
économiques des musées du xxie siècle.
Sur la fiscalité, je note avec satisfaction que, grâce au Gouvernement, nous
échapperons au financement des collections publiques par l'argent des casinos.
La faculté ouverte aux entreprises de cofinancer l'achat de trésors nationaux
pour le compte de l'Etat, en échange d'une réduction de leur impôt sur les
sociétés, représente une importante avancée en faveur de l'incitation au
mécénat d'entreprise et constitue un rempart contre la fuite de nombreux biens
culturels vers l'étranger.
Enfin, pour conclure, je pense que la mission qui est en train de se créer au
sein de la commission des affaires culturelles du Sénat pour étudier comment
sont gérées les collections des Musées de France apportera un éclairage
nécessaire sur les pratiques des musées. Je trouve seulement regrettable
qu'elle n'ait pas vu le jour plus en amont de l'examen du projet de loi, afin
qu'il soit tenu compte de ses conclusions dans la loi. C'est la vie !
Ces quelques remarques exprimées, je voterai néanmoins avec enthousiasme, au
nom du groupe socialiste, que je représente, le texte adopté par la commission
mixte paritaire.
(M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :