SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001


MUSÉES DE FRANCE

Adoption des conclusions modifiées
d'une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 58, 2001-2002) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux musées de France.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous mettons ce soir un terme au processus engagé voilà près de dix ans pour réformer l'ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts.
Je ne pourrai, madame la ministre, que vous féliciter d'avoir su faire aboutir un texte qui, maintes fois annoncé, fut longtemps repoussé. Vous avez souhaité compenser cette genèse administrative laborieuse en imposant aux assemblées des délais très courts pour l'examen de ce texte, recourant à la procédure d'urgence pour éviter les aléas d'une fin de législature chargée.
A cet égard, j'avouerai ma satisfaction que l'Assemblée nationale et le Sénat aient pu, dans ce calendrier contraint, à la fois enrichir le texte que vous aviez présenté intialement et parvenir à un accord en commission mixte paritaire.
En effet, au Palais-Bourbon comme au sein de cet hémicycle, nous avions fait le constat du manque d'ambitions du projet de loi. Notre déception était grande face à un texte qui n'ouvrait guère la voie à une modernisation de la gestion de nos musées, qui ignorait l'engagement des collectivités territoriales pour la mise en valeur de leur patrimoine muséographique comme la nécessité d'encourager le mécénat dans un domaine où il est encore insuffisamment développé.
A l'issue de nos travaux, sans prétendre avoir gommé la totalité des imperfections et comblé toutes les lacunes, le texte adopté par la commission mixte paritaire constitue un compromis qui me paraît très acceptable.
Le Sénat avait formulé trois critiques à l'encontre du projet de loi qui lui était soumis.
En premier lieu, le projet de loi substituait à l'ordonnance du 13 juillet 1945, texte qui avait, certes, vieilli, mais qui constituait un modèle assez souple d'organisation, un dispositif qui avait pour principale conséquence un renforcement des prérogatives des services de l'Etat.
Nous avions donc souhaité atténuer les effets de cette tentation centralisatrice, sans rapport, à vrai dire, avec les moyens dont dispose l'administration pour la réaliser. Les conclusions de la commission mixte paritaire répondent à cette préoccupation.
Le contrôle scientifique et technique exercé par l'Etat sur les musées territoriaux et les institutions privées ayant reçu l'appellation « musée de France » sera limité aux dispositions prévues par la loi, ce qui n'exclut pas le maintien des compétences de l'inspection générale des musées, dont les moyens devraient, au demeurant, être renforcés afin de permettre à l'Etat de remplir le rôle de conseil et d'expertise que lui assigne l'article 4.
Les acquisitions et les restaurations auxquelles procéderont ces musées seront soumises préalablement à leur réalisation, non pas aux services de l'Etat qui, à l'échelon déconcentré, ne disposent pas des compétences nécessaires, mais à des instances scientifiques. Cette procédure permettra d'éclairer les choix scientifiques de ces institutions, sans pour autant limiter leur liberté de gestion, dans la mesure où ces avis ne lieront pas leurs décisions.
Par ailleurs, le texte adopté par la commission mixte paritaire, tout en rappelant la nécessité pour les musées de développer leurs actions de diffusion culturelle, leur laisse la latitude nécessaire pour en organiser les modalités administratives.
Au-delà, le caractère contractuel du statut de « musée de France » prévu par le projet de loi a été renforcé.
La commission mixte paritaire, reprenant sur ce point le texte du Sénat, a précisé les conditions de sortie du dispositif afin que ce statut ne soit pas irrévocable. Cela correspond, au demeurant, à l'esprit de la réforme ; vous avez souligné à de nombreuses reprises, madame la ministre, que ce dispositif se voulait fondé sur la libre adhésion des institutions muséographiques. La rédaction de l'article 3 constitue un équilibre satisfaisant entre le souci de respecter ce principe et la nécessaire défense de l'intérêt public des collections, ainsi que la non moins nécessaire protection des deniers publics.
Ainsi, un musée qui souhaite sortir de la famille des musées de France pourra obtenir le retrait de l'appellation à l'expiration d'un délai de quatre ans. Si cette institution a bénéficié de concours financiers de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, le retrait relèvera de la compétence discrétionnaire du ministre, et la propriété des biens ainsi acquis devra être transférée à un autre musée de France.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a prévu, à l'article 4, qu'à défaut de conclusion d'une convention entre l'Etat et le musée labellisé dans un délai de quatre ans après l'attribution de l'appellation, cette dernière pouvait être retirée, ce qui devrait généraliser la pratique de la contractualisation, qui constitue un progrès tant pour les musées, incités à cette occasion à préciser leur projet scientifique, que pour les services de l'Etat, contraints ainsi de formaliser leurs engagements.
Je soulignerai également que, sous réserve de modifications mineures, la commission mixte paritaire a retenu la composition et la dénomination proposées par le Sénat pour la nouvelle instance consultative - le Haut conseil des musées de France - chargée de se prononcer sur les demandes d'octroi et de retrait du label.
J'en viens maintenant à la question, très controversée, du statut des collections.
Le texte de la commission mixte paritaire n'a rien de révolutionnaire. La position adoptée à l'unanimité n'est pas le résultat du délire ultra-libéral d'iconoclastes avides de brader les richesses des collections publiques. Et je ne vais pas plus loin que les propos tenus par le rapporteur à l'Assemblée nationale. La caricature qui a été présentée, et par des autorités que l'on disait pourtant autorisées, est purement et simplement scandaleuse. Je m'étonne, madame la ministre, que vous n'ayez pas su ramener à la raison des personnels qui sont encore placés sous votre autorité hiérarchique.
Le procès d'intention que l'on a fait à la représentation m'a surpris et affligé, bien sûr parce que nous ne méritions pas tant d'indignité, mais, surtout, parce que j'ai découvert un gouffre d'ignorance de la part de certains, pourtant supposés être avertis. (Mme le ministre opine.)
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Philippe Richert, rapporteur. En effet, qu'allons-nous voter ce soir ?
Au bénéfice de l'affirmation d'un principe d'inaliénabilité absolue, qui, jusque-là, n'était posé par aucun texte et relevait donc du fantasme juridique, le projet de loi initial avait écarté une conception plus moderne et plus dynamique de la gestion des collections.
Même si l'Assemblée nationale a adopté un dispositif particulièrement inacceptable, elle a eu, sur ce point, le mérite d'ouvrir un débat qui avait été jusque-là escamoté, en prévoyant que les oeuvres d'artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de leur acquisition.
Si le Sénat a estimé nécessaire de préserver la possibilité de laisser des oeuvres sortir des collections publiques, il n'a pas retenu la disposition introduite par l'Assemblée nationale, à la fois inappropriée et imprudente, tout le monde, aujourd'hui, le reconnaît.
La solution alternative adoptée par le Sénat, qui, à l'issue d'un débat approfondi, a été retenue par la commission mixte paritaire, permet de ne pas clore le débat engagé en laissant en quelque sorte aux conservateurs le soin de le conduire. En effet, elle consiste à conserver le droit en vigueur tout en prévoyant des garanties nouvelles destinées à assurer la pérennité des collections, garanties qui ont été renforcées par la commission mixte paritaire.
Les collections resteront soumises aux règles de la domanialité publique, comme c'est le cas aujourd'hui. Cette situation avait, semble-t-il, échappé à nombre de professionnels des musées, ce qui ne laissera pas de nous inquiéter. A ce titre, elles sont donc inaliénables. Les conclusions de la commission mixte paritaire le rappellent.
Cette solution ménage toutefois une certaine souplesse car des déclassements restent possibles. Mais, afin d'éviter des cessions mal avisées, le projet de loi encadre ces déclassements par une procédure qui les soumet à l'avis conforme d'une commission scientifique, c'est-à-dire des conservateurs. Dans notre esprit, cette commission aura à élaborer les critères des déclassements de la même manière que la commission consultative des trésors nationaux, prévue par la loi de 1992, a défini la notion de « trésor national ». Par ailleurs - c'est une précaution supplémentaire - la commission mixte paritaire a institué, dans ce cas, un droit de préemption au profit de l'Etat.
Ce dispositif est, on le voit, inspiré par une prudence extrême. Il constitue donc une voie de « respiration » très encadrée des collections. Par ailleurs, il ne s'appliquera que dans les rares cas où les conservateurs estimeront nécessaire de déclasser un bien. Je fais confiance à leur attachement à l'intégrité des collections pour que ces demandes ne se multiplient pas sous l'effet d'une folie de dispersion.
Je note cependant que la violence des réactions suscitées par ce dispositif contraste avec le laxisme que l'on constate parfois dans la gestion des collections.
A cet égard, je me félicite que la commission mixte paritaire ait retenu la disposition introduite par le Sénat visant à imposer aux musées un récolement, tous les dix ans, de leurs inventaires. Nous sommes aujourd'hui dans la situation où l'on accepte qu'une oeuvre soit détériorée, perdue, voire volée, mais où l'on crie au scandale lorsque l'on parle de cession ! Il y a là un paradoxe qu'il me semble utile de corriger.
La commission des affaires culturelles propose au Sénat la constitution d'une mission d'information portant sur la gestion des collections des musées, qui sera l'occasion d'examiner, entre autres sujets, les conditions de conservation des réserves des musées ou le sort des oeuvres déposées : elle a pris, à cet égard, une initiative pertinente.
Enfin, pour les collections des musées privés, j'indiquerai que la commission mixte paritaire a retenu le texte du Sénat, qui limitait leur affectation irrévocable aux musées de France aux seules oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale, tout en précisant le caractère inaliénable des dons et legs. Là encore, il s'agit d'un sage compromis : il permet d'éviter de perdre notre dernière chance de voir se développer en France de telles institutions qui, comme le montrent les exemples étrangers, peuvent contribuer de manière déterminante à l'enrichissement du patrimoine.
La troisième et dernière préoccupation du Sénat avait été de renforcer l'efficacité du volet fiscal et financier introduit par l'Assemblée nationale qui, je le rappelle, avait, notamment, adopté une disposition instituant un prélèvement supplémentaire sur le produit brut des jeux dans les casinos, prélèvement destiné à accroître les crédits destinés à l'acquisition des trésors nationaux.
Ce volet était nécessaire, et le Gouvernement en avait pris conscience, lui qui avait confié à l'inspection générale des finances une mission d'analyse et de proposition sur les moyens d'acquisition d'oeuvres d'art par l'Etat. La solution retenue par l'Assemblée nationale, pour audacieuse et utile qu'elle fût, présentait un inconvénient : elle ne permettait pas l'affectation du prélèvement aux dépenses d'acquisition, en raison des règles posées par l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui réservent au Gouvernement l'initiative de l'affectation de recettes à certaines dépenses.
Le Sénat avait donc préféré adopter deux mesures fiscales destinées, par le biais de réductions d'impôts, non seulement à inciter les entreprises à aider l'Etat à acquérir des trésors nationaux dans le cadre d'un dispositif proposé par le Gouvernement, quoique amendé, afin de ne pas en limiter l'intérêt, mais également à les encourager à acheter de telles oeuvres pour leur compte, cas où l'avantage fiscal est moindre.
Ces dispositions ont été adoptées par la commission mixte paritaire, qui a, par ailleurs, souhaité maintenir dans sa rédaction actuelle, mais un peu assouplie, l'article 238 bis OA, qui prévoit une déductibilité pour les achats, par les entreprises, d'oeuvres d'art dont l'offre de donation a été acceptée par l'Etat.
Il s'agit là d'avancées substantielles dont je me félicite, car ces dispositions, très originales, constituent un levier efficace permettant de mobiliser rapidement les fonds nécessaires et, donc, d'améliorer le fonctionnement du dispositif de protection du patrimoine national prévu par la loi du 31 décembre 1992.
Les deux amendements déposés par le Gouvernement sur les conclusions de la commission mixte paritaire ne remettent pas en cause l'accord intervenu entre les deux assemblées. L'amendement n° 1 est d'ordre rédactionnel ; l'amendement n° 2 vise à revenir à l'article 15 quinquies , tel qu'il avait été adopté par le Sénat, dans une rédaction qui permettait de toiletter le code général des impôts. Ainsi, l'actuel article 238 bis OA, qui prévoit la déductibilité pour les achats, par les entreprises, d'oeuvres d'art dont l'offre de donation a été acceptée par l'Etat, n'ayant pas fait la preuve de son efficacité, est remplacé par le mécanisme de réduction d'impôt adopté par le Sénat sur proposition du Gouvernement.
En guise de conclusion, je me féliciterai du caractère constructif des débats. Ils ont permis de dégager un texte qui, quoi qu'en disent certains, est un bon texte. Il prend en compte, en effet, les évolutions récentes qu'ont connues les musées et permet d'ouvrir des voies d'évolution. Cependant, toutes les difficultés auxquelles sont confrontés nos musées ne peuvent être résolues par la loi. Je pense ici à l'amélioration des procédures administratives ou budgétaires d'acquisition, ou encore au statut des musées nationaux qui, en dépit des exhortations émanant de toutes parts, n'évolue pas. Sur ces sujets, l'initiative vous revient, madame la ministre.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, modifiées. (Applaudissements).
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que vient devant vous, en dernière lecture, le projet de loi relatif aux musées de France, je tiens, tout d'abord, à rendre hommage à la qualité des travaux menés dans le cadre de la commission mixte paritaire, qui ont permis de faire aboutir ce texte important, satisfaisant et équilibré, à mes yeux.
Les conclusions de la commission mixte paritaire ont recueilli l'accord du Gouvernement et l'Assemblée nationale les a, pour sa part, approuvées le 29 novembre dernier.
La commission mixte paritaire a essentiellement débattu du statut des collections et des mesures fiscales d'incitation à l'achat de trésors nationaux, deux questions qui avaient fait l'objet d'un débat approfondi devant vous, lors de la première lecture.
En ce qui concerne le statut des collections, je suis convaincue comme vous, monsieur le rapporteur, que le texte actuel renforce la protection du patrimoine en affirmant explicitement le principe d'inaliénabilité des collections, auquel je suis, vous le savez, très fermement attachée.
Je me réjouis particulièrement que cette inaliénabilité présente un caractère irrévocable dans le cas des dons, des legs et des biens acquis avec l'aide de l'Etat, qu'il s'agisse d'une aide financière ou juridique, comme l'exercice du droit de préemption.
La procédure dérogatoire, qui mentionne la possibilité d'un déclassement par décret, à l'instar de ce que prévoit la loi de 1913 sur les monuments historiques, est conçue de manière précise et rigoureuse, car elle suppose l'avis conforme d'une commission nationale à caractère exclusivement scientifique dont la composition sera précisée par décret. Je veillerai à ce que le haut niveau de qualification de cette commission garantisse l'autorité de ses avis.
Ce dispositif constitue un progrès incontestable dans la protection juridique des collections par rapport à ce qui résulte de l'application actuelle du droit domanial qui, pour les musées publics, paraissait imprécis et donc insuffisamment protecteur. Contrairement à ce que l'on a pu lire ou entendre à ce sujet, ce projet vise réellement à conforter la pérennité et l'enrichissement des collections des musées de France dans un cadre juridique précis.
C'est bien un texte plus protecteur des collections que ce que permet l'état actuel du droit qui est soumis à la Haute Assemblée aujourd'hui.
Le projet de loi crée le Haut conseil des Musées de France, enceinte d'un débat collégial et démocratique entre l'Etat et ses différents partenaires. Ce conseil renforcera la capacité des musées à s'insérer dans le cadre d'une politique culturelle équilibrée sur le territoire. Présidé par le ministre de la culture, il devra formuler des recommandations d'ensemble sur la politique des musées et émettre un avis conforme préalablement au retrait de l'appellation « Musée de France ». Dans un souci de protection des collections, notamment en cas de transfert de propriété, il veillera à ce que les oeuvres demeurent dans la famille des Musées de France.
Quant au sort des collections dans le cas du retrait de l'appellation prévu au quatrième alinéa de l'article 3, qui fait l'objet d'un amendement rédactionnel du Gouvernement, les mesures qu'il est envisagé de prendre pour élargir la protection à l'ensemble des collections me paraissent évidemment très souhaitables.
En ce qui concerne les collections des Musées de France appartenant à des personnes morales de droit privé, la commission mixte paritaire a souhaité limiter le principe d'affectation irrévocable des oeuvres à un Musée de France au seul cas des dons, des legs et des biens acquis avec le concours de l'Etat ou des collectivités territoriales. Les personnes morales de droit privé pourront naturellement, comme elles le font souvent, inscrire dans leurs statuts des clauses d'inaliénabilité allant au-delà des obligations légales.
Quant aux instances scientifiques compétentes pour se prononcer sur les projets d'acquisitions ou de restaurations, j'approuve le texte de la commission mixte paritaire, sous réserve, comme votre rapporteur l'avait souhaité en première lecture, que ces instances siègent dans des formations distinctes selon qu'elles traitent des acquisitions ou des restaurations, les compétences requises dans l'un ou l'autre cas n'étant pas les mêmes.
Le Gouvernement est également favorable à la nouvelle rédaction des articles 5 et 6, relatifs aux qualifications des professionnels des musées, dès lors que les activités scientifiques mentionnées à l'article 5 englobent les activités culturelles et que les qualifications exigées des personnels mentionnés à l'article 6 seront précisées par la voie réglementaire.
Le second point débattu par la commission mixte paritaire concernait le dispositif fiscal destiné à favoriser l'acquisition de trésors nationaux : je me réjouis que l'Assemblée nationale ait bien voulu voter l'amendement du Gouvernement visant à rendre ce dispositif plus lisible et, je crois, plus incitatif.
Je tiens à saluer le souci de défense du patrimoine national manifesté par les parlementaires dans les deux assemblées, qui a permis d'aboutir à ce texte novateur qui contribuera de manière significative à l'enrichissement des collections.
Je suis convaincue que ces nouvelles dispositions fiscales susciteront l'intérêt attentif de nombreuses entreprises et qu'ainsi elles pourront participer, aux côtés de l'Etat, à la protection des trésors nationaux. Je remercie le Parlement d'avoir inscrit cette question au premier rang des préoccupations de l'Etat.
Au moment de conclure, permettez-moi de rendre hommage encore une fois à l'ampleur et à la qualité du travail accompli au sein des deux assemblées depuis la mission d'information d'Alfred Recours.
Le Gouvernement et le Parlement ont souhaité répondre à l'intérêt croissant de nos concitoyens pour la riche diversité du patrimoine muséal. Après l'acte créant le Museum central des arts en 1793, l'arrêté Chaptal du 1er septembre 1801, par lequel ont été constituées, grâce à l'Etat, les collections de quinze grands musées à travers la France, et après l'ordonnance du 13 juillet 1945 relative à l'organisation des musées de beaux-arts, cette loi marquera une étape majeure dans le droit des musées et du patrimoine en France.
Je suis convaincue qu'elle offrira à nos musées et à leurs personnels, notamment scientifiques - auxquels je tiens à rendre hommage -, un cadre juridique solide, leur donnant ainsi les moyens indispensables au développement de leur activité à l'entrée du troisième millénaire.
Permettez-moi d'ajouter que, au terme d'une très longue gestation, je suis fière et heureuse d'avoir pu, constamment appuyée par l'initiative parlementaire, contribuer à faire aboutir ce soir, en plein accord avec les deux assemblées, un texte qui constitue un outil véritablement moderne et utile pour nos musées. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus à l'issue de l'élaboration d'une réforme fort attendue, celle de l'ordonnance de 1945 portant organisation, en principe provisoire, des musées de beaux-arts.
Le texte, définitivement adopté par la commission mixte paritaire le 29 novembre dernier et légèrement modifié par le Gouvernement lors des lectures de ses conclusions par le Parlement, apporte une réponse satisfaisante aux exigences actuelles des musées, qui connaissent des statuts multiples et des vocations extrêmement variées.
A ce titre, je me réjouis que la navette parlementaire ait permis de préciser de nombreux points et de procéder à des améliorations substantielles.
Je pense tout particulièrement aux précisions apportées grâce à l'amendement adopté en première lecture par le Sénat, sur l'initiative du groupe socialiste, qui permettra aux meilleurs spécialistes dans le secteur de la restauration des oeuvres d'art de faire valider leurs acquis professionnels pour pouvoir procéder à la restauration des collections des Musées de France.
Je m'attarderai un instant sur le principal point d'achoppement du texte : l'inaliénabilité des collections. Une solution médiane a finalement pu être trouvée. Les sénateurs socialistes étaient pour leur part partisans d'une solution radicale, l'amendement qu'ils ont déposé en première lecture en constitue la meilleure preuve. Préconiser l'inaliénabilité sans possibilité d'aménager ce principe nous apparaissait en effet comme la meilleure garantie que les collections ne seraient pas dispersées et, dans le cas de l'art contemporain, comme une façon de mieux forger la renommée d'un artiste ou de faire monter sa cote.
Par ailleurs, comme je le disais dès la première lecture, l'inaliénabilité des collections constitue le meilleur rempart contre les dérives mercantiles des musées, dont le rôle n'est pas de spéculer sur le marché de l'art.
J'espère donc que la possibilité de déclassement prévue dans le texte adopté par la CMP ne sera utilisée qu'à titre tout à fait exceptionnel ; j'ai pris bonne note du fait qu'elle était accompagnée de garanties, que je rappellerai.
Pour les biens de collections appartenant à une personne publique est requis l'avis conforme d'une commission scientifique pour les musées de l'Etat, dont j'espère que la composition, fixée ultérieurement par voie réglementaire, permettra une représentation satisfaisante de l'ensemble des parties concernées, notamment des artistes. Pareillement, l'accord de l'autorité administrative est indispensable pour les biens des collections des musées des collectivités territoriales, tandis que l'inaliénabilité est totale pour les biens provenant de dons et legs.
Pour les biens de collections appartenant à une personne morale de droit privé et acquis par dons ou legs, ou grâce à des fonds publics, les cessions seront encore plus strictement encadrées puisqu'elles ne seront possibles qu'au profit d'un Musée de France et que le ministre de la culture et le Haut Conseil des Musées de France seront appelés à se prononcer préalablement.
Je me réjouis donc que la loi à venir offre aux collections un régime bien plus protecteur que celui qui a actuellement cours, puisque, aujourd'hui, seules les oeuvres des collections publiques sont inaliénables, en vertu du principe de domanialité publique.
En dehors de ces remarques, je pense que la nouvelle loi améliorera la communication des Musées de France en direction des différents publics et permettra une meilleure circulation des oeuvres entre les établissements concernés ; elle constituera également un cadre plus adapté aux réalités économiques des musées du xxie siècle.
Sur la fiscalité, je note avec satisfaction que, grâce au Gouvernement, nous échapperons au financement des collections publiques par l'argent des casinos. La faculté ouverte aux entreprises de cofinancer l'achat de trésors nationaux pour le compte de l'Etat, en échange d'une réduction de leur impôt sur les sociétés, représente une importante avancée en faveur de l'incitation au mécénat d'entreprise et constitue un rempart contre la fuite de nombreux biens culturels vers l'étranger.
Enfin, pour conclure, je pense que la mission qui est en train de se créer au sein de la commission des affaires culturelles du Sénat pour étudier comment sont gérées les collections des Musées de France apportera un éclairage nécessaire sur les pratiques des musées. Je trouve seulement regrettable qu'elle n'ait pas vu le jour plus en amont de l'examen du projet de loi, afin qu'il soit tenu compte de ses conclusions dans la loi. C'est la vie !
Ces quelques remarques exprimées, je voterai néanmoins avec enthousiasme, au nom du groupe socialiste, que je représente, le texte adopté par la commission mixte paritaire. (M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :