SEANCE DU 10 JANVIER 2002
M. le président.
« Art. 4. - I. - Après l'article L. 2122-2 du code général des collectivités
territoriales, il est inséré un article L. 2122-2-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2122-2-1
. - Dans les communes de 50 000 habitants et plus, la
limite fixée à l'article L. 2122-2 peut donner lieu à dépassement en vue de la
création de postes d'adjoints chargés principalement d'un ou plusieurs
quartiers, sans toutefois que le nombre de ceux-ci puisse excéder 10 % de
l'effectif légal du conseil municipal. »
« II. - Après l'article L. 2122-18 du même code, il est inséré un article L.
2122-18-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2122-18-1
. - L'adjoint chargé de quartier connaît de toute
question intéressant à titre principal le ou les quartiers dont il a la charge.
Il veille à l'information des habitants et favorise leur participation à la vie
du quartier. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 8, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois,
est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 4. »
L'amendement n° 425, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres
du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de l'article 4 pour l'article L. 2122-2-1 du
code général des collectivités territoriales, remplacer les mots : "50 000
habitants" par les mots : "3 500 habitants". »
L'amendement n° 364, présenté par MM. Peyronnet et Bel, Mme Blandin, MM.
Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM.
Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Picheral, Raoul, Sueur, Teston et
les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de l'article 4 pour l'article L. 2122-2-1 du
code général des collectivités territoriales, substituer au nombre : "50 000"
le nombre : "20 000". »
L'amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. Lecerf et Karoutchi, est ainsi
libellé :
« I. - Dans le texte proposé par le I de l'article 4 pour l'article L.
2122-2-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : "50
000 habitants et plus", insérer les mots : "ainsi que dans les communes de plus
de 20 000 habitants ayant mis en place des conseils de quartier".
« II. - Afin de compenser les pertes de ressources résultant du I ci-dessus,
compléter l'article 4 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... - L'accroissement de charges résultant pour les communes de la
suppression du seuil de 50 000 habitants mentionné à l'article L. 2122-2-1 du
code général des collectivités territoriales est compensé à due concurrence par
une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du II sont compensées à
due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Pourquoi la commission propose-t-elle cet amendement n° 8
?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La commission de la hache !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'expression « commission de la
hache » a une connotation qui ne correspond pas du tout à l'esprit constructif
qui ne cesse d'animer, vous le savez, le travail de la commission des lois.
L'article 4 prévoit la création de postes d'adjoints au maire chargés des
quartiers. Dans la rédaction initiale du projet de loi, ces adjoints,
exclusivement chargés des quartiers, assuraient de droit la présidence de leur
conseil. Cette disposition avait pour inconvénient majeur de favoriser une
émancipation des conseils de quartier et de leurs présidents par rapport au
conseil municipal.
L'Assemblée nationale, consciente de ce risque, a déjà essayé de le réduire en
votant une disposition qui vise à retirer aux élus locaux la présidence de
droit des conseils de quartier et à supprimer l'obligation faite aux adjoints
supplémentaires d'être exclusivement chargés des quartiers.
Dès lors, le texte adopté par l'Assemblée nationale a pour effet de porter le
nombre maximum des adjoints à 40 % des effectifs du conseil municipal. Avec ce
taux, on peut se demander si l'autorité des adjoints au maire y gagne quelque
chose. Je crains que non. Cette augmentation semble excessive.
En effet, le nombre des vice-présidents d'un conseil régional ne peut excéder
30 % des effectifs du conseil. On observera en outre que l'article 11
bis
introduit par l'Assemblée nationale ouvre au maire des possibilités
supplémentaires de déléguer une partie de ses fonctions à des conseillers
municipaux.
Je crois donc qu'un maire a diverses possibilités de déléguer soit à des
adjoints, soit à des conseillers municipaux. A chaque maire d'apprécier
l'opportunité de le faire en fonction de la situation propre à sa commune. Il
importe de lui laisser, là encore, un maximum de souplesse.
Tel est l'objet de l'amendement n° 8.
M. le président.
La parole est à Mme Mathon pour défendre l'amendement n° 425.
Mme Josiane Mathon.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 425 est retiré.
La parole est à M. Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 364.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je le retire également, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 364 est retiré.
La parole est à M. Lecerf, pour présenter l'amendement n° 346 rectifié.
M. Jean-René Lecerf.
Cet amendement qui, j'en suis bien conscient, n'est pas conforme à l'esprit de
l'amendement que vient d'évoquer M. le rapporteur, avait pour objet de donner
une souplesse supplémentaire aux communes de plus de 20 000 habitants qui
avaient décidé d'implanter des comités de quartier ou qui les avaient déjà
implantés depuis très longtemps.
Pour ma part, j'ai été maire d'une ville de près de 40 000 habitants qui
compte onze comités de quartier et où les choses se passent très bien. Cet
amendement vise à ouvrir la possibilité au conseil municipal d'une commune de
plus de 20 000 habitants de désigner, s'il le souhaite, des adjoints
supplémentaires dans la limite des 10 % prévus dans le projet de loi. Cette
proposition permettrait - je connais des élus pilotes de quartiers qui
consacrent un temps considérable à l'exercice de cette responsabilité - de
rémunérer ces adjoints supplémentaires sans puiser dans l'enveloppe globale du
maire et des adjoints.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 346 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je pense que l'auteur de cet amendement, partageant la
philosophie et les préoccupations de la commission, acceptera de retirer son
amendement au profit de celui de la commission.
M. le président.
Monsieur Lecerf, votre amendement est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 346 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8 ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Au préalable, je voudrais répondre à mon ancien
collègue Jean Chérioux au conseil de Paris : sans vouloir entretenir de
polémique ici, je sais très bien que les membres des conseils d'arrondissement
sont élus au suffrage universel, ce qui les distingue de ceux des conseils de
quartier.
M. Philippe de Gaulle.
C'est une nuance !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Permettez-moi de vous dire que l'expérience
passée montre à quel point on a interprété de manière restrictive cette
différence du côté de l'Hôtel de Ville.
M. Jean Chérioux.
Pas suffisamment !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
De toutes petites sommes ont été affectées aux
conseils d'arrondissement alors qu'en revanche des associations à caractère
paramunicipal étaient beaucoup mieux dotées.
Mme Nicole Borvo.
De beaucoup d'argent !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne vois pas, par ailleurs, de quelle
légitimité pouvaient se prévaloir ceux qui les dirigaient. Je ferme la
parenthèse, mais je pourrais vous donner des exemples très précis.
J'en viens à l'amendement n° 8 de la commission.
Supprimer la mesure prévue à l'article 4 irait à l'encontre de la démocratie
de proximité que le Gouvernement entend promouvoir. De surcroît, l'article 4
n'impose aucune obligation : il ouvre une faculté pour certains quartiers dont
la situation le nécessite.
Cet article répond également au souhait de certains maires de voir augmenter
le nombre de membres du conseil municipal bénéficiant d'une reconnaissance
particulière, notamment de la qualité d'adjoint. Actuellement, la limite légale
du nombre des adjoints permet de couvrir les grands thèmes de l'action
municipale, mais non de prendre en compte la diversité territoriale, en
particulier dans les grandes communes. Le Gouvernement est attaché au maintien
de cette possibilité, qui accroît la souplesse que, théoriquement, tous
revendiquent.
M. Michel Charasse.
Quand tous les conseillers municipaux seront adjoints,...
M. Michel Mercier.
... on les nommera pompiers !
M. Michel Charasse.
... ils voudront tous devenir maires !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
J'émets donc un avis défavorable sur
l'amendement n° 8 de la commission.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je suis toujours étonné d'entendre un ministre de la République opposer la
démocratie de proximité à la démocratie tout court : la démocratie, c'est la
démocratie ! monsieur le ministre, notre système - nous ne sommes pas en Suisse
- repose sur la représentativité, c'est-à-dire sur le pouvoir conféré à l'élu
de se décider en toute conscience - et je vous renvoie à cet égard à certaines
paroles de Condorcet - bien sûr après s'être concerté avec un certain nombre de
personnalités représentatives.
Mme Nicole Borvo.
Et la transparence !
M. Jean Chérioux.
C'est le cas de la concertation que vous voulez mener, mais ne parlez pas
d'ajout à la démocratie, car ce n'en est pas un ! Pour la démocratie,
l'essentiel, c'est la légitimité de l'élection.
M. Michel Charasse.
M. Chérioux croit encore à la République !
M. Jean Chérioux.
J'ai été étonné de ce que vous avez dit tout à l'heure, Monsieur le ministre,
à propos des conseils d'arrondissement. Déjà, ils sont en eux-mêmes un
problème. Mais oser comparer un conseiller d'arrondissement, qui, lui, a été
élu, avec tel ou tel représentant de telle ou telle association, c'est
inacceptable !
Il faut que les choses soient claires. Dans les grandes villes comme Paris,
les problèmes sont sans doute décuplés, mais ce qui se passe à Paris est très
révélateur : à l'évidence, les gens n'y comprennent plus rien !
Mme Nicole Borvo.
Les Parisiens ont compris qu'il n'y avait pas de transparence à Paris !
M. Jean Chérioux.
Je sais suffisamment ce qui s'est passé à Paris pour pouvoir en parler. Quand
vous aurez siégé aussi longtemps que moi à l'Hôtel de Ville, vous aurez le
droit de me contredire !
(Protestations et brouhaha sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, monsieur Chérioux, faites preuve de calme !
Mme Nicole Borvo.
Les Parisiens ont tranché : l'absence de transparence, ce n'est pas la
démocratie !
M. Jean Chérioux.
Mais qu'on me laisse parler !
M. le président.
Madame Borvo, si vous voulez vous expliquez, vous le ferez ensuite.
M. Michel Charasse.
M. Chérioux tient des propos républicains qui sont insupportables !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je donnerai la parole à qui souhaite la prendre mais à condition qu'il me la
demande.
Veuillez poursuivre, monsieur Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je parle d'expérience : Paris est une ville énorme. Certes, le relais des
arrondissements est nécessaire, mais il ne faut pas entretenir la confusion ;
il faut que l'on sache qui est réellement responsable et qui ne l'est pas.
Il existe des difficultés en ce qui concerne les maires et les conseils
d'arrondissement. En effet, certaines personnes croient qu'en s'adressant au
maire elles obtiendront toutes les subventions qu'elles désirent, alors que le
maire n'a pas la faculté de les leur octroyer.
Si, de surcroît, vous affectez une enveloppe à des conseils de quartier, où
irons-nous ? La démocratie, c'est la clarté, c'est la légitimité par
l'élection. Si l'on déroge à ce principe, on ne rend pas service à la
République et à la démocratie.
M. Michel Charasse.
C'est cela qui est insupportable !
M. Jean-Yves Mano.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mano.
M. Jean-Yves Mano.
J'ai écouté avec intérêt M. Chérioux. Je suis, comme lui, un élu parisien : en
ce qui me concerne, je n'ai pas peur de la démocratie directe et du dialogue
direct avec les associations,...
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas la démocratie directe !
M. Jean-Yves Mano.
... et il n'y a pas de confusion des genres, car les conseillers
d'arrondissement sont élus.
Vous avez dit très justement, monsieur Chérioux, que Paris est une ville
énorme. De ce fait, établir un dialogue direct avec les habitants correspond à
un véritable besoin. Vous-même et vos amis vous en êtes d'ailleurs aperçus
dernièrement, et nous décentralisons au maximum le dialogue avec les citoyens.
Nous leur donnons la possibilité, par l'intermédiaire des comités de quartier,
de s'exprimer et même de disposer de quelques moyens financiers pour prendre
des initiatives. Cela ne remet en cause le pouvoir de quiconque : on
décentralise. Vous êtes bien favorable à une décentralisation maximale,
monsieur Chérioux ? Nous allons au-delà de ce que vous souhaitez, sans aucun
doute,...
M. Jean Chérioux.
Pas pour tout !
M. Jean-Yves Mano.
... mais nous sommes pour la démocratie directe, au plus près des habitants.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Quel curieux débat que le nôtre ! Dans cette discussion, la liberté, la
démocratie, la souplesse sont à géométrie variable. On évoque la démocratie
tantôt pour, prétendument, en faire davantage, tantôt pour en faire moins. Il
faut revenir à des idées simples : quelle curieuse manie que de vouloir
toujours tout régenter dans le détail !
Les uns et les autres se jettent leurs expériences respectives à la figure :
cela montre bien que des initiatives sont prises sur le terrain et qu'il n'est
pas forcément nécessaire que la loi encadre tout. Si des communes veulent créer
des comités de quartier, elles le font ; si elles veulent leur donner des
moyens, elles le font. Le très judicieux amendement n° 4 de la commission ouvre
toutes ces possibilités.
Le général de Gaulle disait : « Vers l'Orient compliqué, je m'envolais avec
des idées simples. » Dans ces débats compliqués, partons d'idées simples. Ces
idées simples, nous ne les inventons pas : elles sont inscrites dans la
Constitution et inspirent notamment l'article L. 1111-1 du code général des
collectivités territoriales, selon lequel les communes s'administrent librement
par des conseils élus. Qu'y a-t-il de plus simple, de plus démocratique, de
plus évident ?
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Quand on voit les réticences, pour ne pas dire plus, de l'opposition
parisienne devant la démocratie participative, on comprend que l'intervention
de la loi soit nécessaire.
Je dirai à M. Chérioux que ce qui est élémentaire, en matière de démocratie,
c'est la transparence.
M. Jean Chérioux.
Quelle transparence ? La vôtre ?
Mme Nicole Borvo.
Absolument ! Nous sommes bien placés pour savoir que la transparence
n'existait pas à Paris. Par conséquent, assurer cette transparence pour les
citoyens à l'échelon des arrondissements et aussi des quartiers, si limités que
soient les budgets concernés, représente un grand pas en avant en matière de
démocratie.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5