SEANCE DU 15 JANVIER 2002
M. le président.
« Art. 15
sexdecies
. - I. - L'article L. 2512-20 du code général des
collectivités territoriales est abrogé.
« II. - Le dernier alinéa de l'article L. 2512-5 du même code est supprimé.
« III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du
31 décembre 2001. »
Sur l'article, la parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
C'est un amendement bien singulier qui est à l'origine de cet article 15
sexdecies
- et je sollicite votre attention extrême, mes chers
collègues, à ce sujet - surtout si l'on met en parallèle, d'une part, les
explications données par son auteur à l'Assemblée nationale et, d'autre part,
les conséquences qui découlent de l'adoption du dispositif proposé.
Les auteurs de l'amendement - et notre commission des lois n'a pas pu faire
autrement que de se référer à cet objet proclamé - ont souhaité supprimer un
privilège que la municipalité de Paris « se serait elle-même arrogé », celui de
disposer d'une questure, à l'instar des assemblées parlementaires, ce qui
n'existe dans aucune autre ville. Il s'agirait, toujours selon les auteurs de
l'amendement, d'une sorte d'officine fonctionnant dans l'opacité, réservant à
une camarilla de quelques élus le soin de disposer du budget de fonctionnement
de l'assemblée municipale.
Sachant que l'organisation interne du Conseil de Paris paraît à tout le monde
un peu obscure et dérogatoire, sachant qu'à son sujet on entend trop souvent -
j'en conviens - invoquer les spécificités de la capitale, il est facile de
faire naître l'idée qu'après tout Paris n'a qu'à rentrer dans le rang. Quoi de
plus logique ?
Personnellement, je demande seulement que Paris soit mieux aligné sur le droit
commun, étant entendu - et tout le monde en est bien conscient - que cela ne
peut pas aller jusqu'à l'alignement total.
Toutefois, mes chers collègues, étudiez attentivement le dispositif qui nous
est ici proposé : vous constaterez qu'il a une portée toute différente que de
supprimer cette fameuse questure !
Il ne s'agit pas de cela, en effet, puisqu'on nous demande de réduire à néant
le système de contrôle
a priori
et a
posteriori
du budget de
fonctionnement de l'hôtel de ville, tel qu'il a été institué par la loi du 29
décembre 1986 avant de devenir l'article L. 2512-20 du code général des
collectivités territoriales, voté à l'époque par l'Assemblée nationale et, bien
sûr, par le Sénat.
Permettez-moi, une très rapide explication. Parler de « questeur », c'est une
une commodité de langage pour désigner, selon l'expression officielle, l'«
adjoint au maire chargé de la questure ». Celle-ci n'est nullement une
institution, mais constitue une délégation, comme peut en instituer n'importe
quel maire dans n'importe quelle commune, sur un sujet ou sur un autre.
Cette délégation est cependant très importante à Paris en raison du nombre
élevé des élus à administrer, du nombre considérable de délibérations à adopter
et à appliquer - 3 500 par an, sur des sujets parfois complexes - et des
obligations protocolaires lourdes de la ville. Paris est la première ville du
monde pour l'organisation des congrès. Il faut bien réserver un bon accueil aux
participants, comme le font nombre d'entre vous, mes chers collègues ! Ainsi,
comme congressiste, j'ai le souvenir de l'accueil chaleureux du maire de
Marseille, du maire, à l'époque, de Strasbourg, et d'autres encore.
Cet adjoint chargé de la questure, qui s'appelait « syndic » du temps où Paris
était sous tutelle - ce n'est pas une création récente : cette « turpitude »
existe depuis 1871 ! - dispose d'un budget et a longtemps bénéficié d'un régime
de contrôle plutôt souple, jusqu'à ce qu'une maladresse rédactionnelle de la
loi de 1975, qui a institué un maire élu à Paris, ait ouvert à ce sujet un vide
juridique.
Cela étant, ce vide juridique n'a empêché aucun gouvernement de dormir,
jusqu'à ce que le maire de Paris, devenu Premier ministre en 1986, entreprenne
lui-même, dans un souci de bonne administration, d'instituer un processus
budgétaire exigeant et transparent - vous le trouverez dans le comparatif, mes
chers collègues -, afin de dissiper toute éventuelle ambiguïté sur cette
particularité parisienne.
Ce processus fut voté par le Parlement, et donc par le Sénat, dans les termes
mêmes qui constituent l'article L. 2512-20 du code général des collectivités
territoriales.
L'abrogation de cet article, proposée par l'Assemblée nationale, n'a donc pour
objet que de supprimer un système de contrôle tant
a priori
qu'
a
posteriori
, faisant ainsi bon marché de la Cour des comptes et du droit de
regard de l'opposition municipale.
En défendant l'amendement que j'ai déposé pour écarter cette supercherie, je
vous démontrerai dans un instant, sans aucune ambiguïté, ce que je viens
d'avancer.
M. le président.
L'amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Caldaguès, Larcher et les
membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés, est ainsi
libellé :
« Supprimer l'article 15
sexdecies
. »
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Permettez-moi de vous rappeler le texte de l'article L. 2512-20 du code
général des collectivités territoriales, que je viens d'évoquer et qui date de
1986.
« Les crédits mis à la disposition du Conseil de Paris pour son fonctionnement
» - ils s'élèvent à 120 millions de francs par an, ce qui n'est pas négligeable
! - « font l'objet de propositions préparées par le questeur » - c'est-à-dire
l'adjoint au maire chargé de la questure, mais il aime bien être appelé
questeur, et c'est devenu un usage - « et arrêtées par une commission présidée
par un président de chambre à la Cour des comptes, désigné par le premier
président de cette juridiction, et composée, outre le questeur, de membres
désignés par le conseil en son sein de manière que chacun des groupes
politiques soit représenté. » Je précise que, du temps du maire précédent,
l'opposition y était plus que proportionnellement représentée, ce qui n'est
plus vrai aujourd'hui.
« Les propositions ainsi arrêtées sont inscrites dans le projet de budget
soumis au conseil de Paris. » Celui-ci est alors débattu article par article et
non en bloc, comme cela a été dit.
« Par dérogation à l'article L. 211-1 du code des juridictions financières » -
ce point également très important - « l'apurement et le contrôle des comptes
visés à l'alinéa précédent sont assurés par une commission de vérification
désignée par le conseil en son sein de manière que chacun des groupes
politiques soit réprésenté. Le questeur ne peut faire partie de cette
commission. Le pouvoir de la commission s'exerce sous le contrôle de la Cour
des comptes et sous réserve de ses droits d'évocation et de réformation. »
On comprend alors clairement, mes chers collègues, ce que signifierait la
suppression de ces dispositions, qui semblent gêner l'actuelle municipalité de
Paris !
Cette suppression écarterait le contrôle
a priori
du budget de
fonctionnement de l'Hôtel de ville, lequel s'effectue depuis 1986, comme je
viens de le dire, sous la présidence d'un représentant éminent de la Cour des
comptes et avec la participation active de l'opposition, qui dispose aussi d'un
droit de regard.
Elle écarterait également le contrôle
a posteriori
de ce budget, lequel
s'effectue aussi avec la participation active de l'opposition au sein de la
commission d'apurement et de contrôle, commission dont je connais les
mécanismes, monsieur le ministre, puisque je l'ai présidée.
Cette suppression présenterait même l'avantage, pour ses auteurs, d'éliminer
du même coup la référence expresse, qui figure dans le texte, au droit
d'évocation et de réformation dont dispose la Cour des comptes.
Et l'on invoque la transparence pour dissimuler de telles intentions
sous-jacentes à la suppression d'une prétendue officine ténébreuse que l'on dit
opaque ! Je précise d'ailleurs à ce propos que le budget dit « de la questure
», ainsi contrôlé
a priori,
n'échappe nullement à l'ensemble des
conseillers de Paris, contrairement à ce que l'on a dit.
Dans ces conditions, il est évident que l'article 15
sexdecies
tend à
déjouer la perspicacité du Parlement et, tout particulièrement, celle de la
Haute Assemblée, dont on a d'ailleurs tenté - faudra-t-il que j'expose de
quelle façon ? - d'anticiper le vote par des artifices tout à fait choquants
qui semblent avoir bénéficié d'une certaine complaisance ministérielle...
Le Sénat est désormais informé des manoeuvres que recèle cet article, et le
groupe du RPR a déposé une demande de scrutin public sur l'amendement qui tend
à sa suppression afin de permettre à chacun de prendre ses responsabilités en
connaissance de cause.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission constate que la questure de la Ville de Paris
suscite deux positions très nettement différentes.
D'une part, les auteurs de l'article qui nous est soumis estiment qu'il y a
lieu d'aller vers la généralisation d'un même système applicable à toutes les
villes, et donc vers la suppression d'une questure qui n'existe ni à Marseille
ni à Lyon.
D'autre part, notre collègue, M. Caldaguès nous a rappelé avec conviction
l'histoire de la questure et son rôle, selon lui irremplaçable compte tenu de
sa vocation particulière, adapté aux missions exceptionnelles de la ville de
Paris.
La commission, placée entre ces deux points de vue, a estimé préférable de
s'en remettre à la sagesse du Sénat, en espérant que cette sagesse permettra de
clarifier la situation.
Mme Nicole Borvo.
C'est logique !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Avant d'aborder l'argumentation juridique et
politique fondant l'avis du Gouvernement, qui sera, vous l'imaginez bien,
défavorable à l'amendement visant à rétablir la questure de la Ville de Paris,
permettez-moi de dire - sans esprit polémique - que j'ai trouvé la
démonstration de M. Caldaguès un peu dure, voire injuste à l'égard des maires
de Marseille et de Lyon ici présents.
Laisser imaginer qu'à Lyon et à Marseille, où il n'y a pas de questure, les
choses seraient moins transparentes qu'à Paris et que cela soulèverait des
difficultés, c'est là un argument qu'à mon avis M. Caldaguès ne voulait pas
développer.
M. Michel Caldaguès.
Sûrement pas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je pense là encore que le droit commun va dans
le sens de la transparence.
La questure de la Ville de Paris est un mode de gestion dérogatoire des
crédits de fonctionnement du Conseil de Paris, par rapport à celui qui est
prévu par le code général des collectivités territoriales. Contrairement à ce
qu'affirme l'auteur de l'amendement, le mécanisme déroge totalement aux droits
budgétaire et comptable.
D'une part, les crédits sont arrêtés par une commission présidée par un
président de chambre de la Cour des comptes qui doit comprendre un questeur et
des membres du Conseil de Paris de sorte que chacun des groupes politiques soit
représenté. Ensuite, ces propositions sont insérées dans le projet de budget de
la ville qui est soumis au Conseil de Paris. Toutefois, les crédits concernés
sont ventilés entre les chapitres correspondant sans
qu'a priori
le
conseil puisse précisément les identifier, ce qui rend difficile tout contrôle.
(Rires ironiques sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
D'autre part, ces crédits sont mis à la disposition du vice-président chargé
de la questure par le comptable de la Ville.
L'usage qui est fait de ces crédits déroge par conséquent aux règles de droit
commun en vertu desquelles l'utilisation des crédits fait l'objet d'un contrôle
du comptable public qui vérifie les pièces justificatives et le service
fait.
Par ailleurs, l'apurement des comptes déroge également aux règles communes,
notamment celles qui sont prévues au code des juridictions financières. En
effet, cet apurement est effectué non par un juge des comptes, mais par une
commission de vérification désignée par le conseil en son sein en respectant la
représentation de chaque groupe.
M. Michel Caldaguès.
Sous réserve du contrôle de la Cour des comptes !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
La suppression de l'article L. 2512-20 du code
général des collectivités territoriales permet de réintégrer dans le droit
commun les crédits de fonctionnement du Conseil de Paris et constitue une
avancée vers une plus grande transparence.
J'ajoute que le recours au mécanisme de droit commun n'empêchera en rien
l'organisation fréquente de manifestations importantes par la municipalité,
comme le suppose l'auteur de l'amendement dans son argumentation.
M. Caresche, qui a en charge ce secteur au Conseil de Paris depuis le mois de
mars dernier, s'est exprimé clairement sur ce point à l'Assemblée nationale. Il
a estimé que la questure de la Ville de Paris pouvait apparaître comme une
particularité, voire un privilège et qu'il n'est pas sain de maintenir dans une
seule collectivité une disposition qui n'existe pas ailleurs.
De plus, il a regretté que ce mode de fonctionnement soit empreint d'une
certaine opacité, dans la mesure où il revient à confier à une partie de
l'assemblée municipale, pour ne pas dire à quelques élus d'établir le budget et
de présider au fonctionnement de la ville.
Il a enfin jugé le contrôle plutôt formel. Venant d'un homme qui occupe ces
fonctions, monsieur le rapporteur, la sagesse serait de ne pas rétablir une
questure dérogeant au droit commun.
Cette suppression n'empêchera d'ailleurs pas la Ville de faire son travail, de
recevoir, de fonctionner normalement. J'en veux pour preuve que, depuis le 31
décembre 2001, il n'y a plus de questure et que les choses se font dans la
transparence et dans le respect du fonctionnement et du prestige de la capitale
de la France.
Je pense donc qu'il n'est pas raisonnable de rétablir la questure quand les
élus du Conseil de Paris, dans leur majorité, ne souhaitent pas la voir
rétablie.
Mme Nicole Borvo.
Absolument, la majorité des élus du Conseil de Paris s'y opposent formellement
!
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 291 rectifié.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le ministre, vous venez de dire que la majorité des élus du Conseil
de Paris étaient favorables à la suppression de la questure. Voire ! En tout
cas, ce qui est vrai, c'est qu'il y a eu un débat au sein du Conseil de
Paris.
Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi, pour étayer mon
argumentation, de vous donner lecture d'un extrait de ce débat.
« Par ailleurs, monsieur le maire, vous voulez supprimer la questure, très
bien ! Je dois dire quand même qu'à mes yeux c'est un outil qui a été utile à
l'assemblée, aux élus, et aux travaux de notre assemblée. Je crois aussi que,
quand il est question de transparence, je ne suis pas sûr que ce soit tellement
pertinent. En effet, par la loi du 29 décembre 1986, les crédits de
fonctionnement sont proposés par le questeur et arrêtés par une commission du
budget présidée par un président de chambre de la Cour des comptes ; il existe
en outre une commission des comptes dans laquelle siègent des élus de toutes
les sensibilités de notre conseil et qui a toujours donné quitus.
« Je rappelle que les comptes de la questure sont visés par un magistrat de la
Cour des comptes alors que les comptes de la ville sont vérifés par la chambre
régionale des comptes. »
Il s'agit là d'une intervention de M. Georges Sarre, qui sait de quoi il
parle. C'est sans doute l'un des élus de la majorité actuelle de l'Hôtel de
ville qui a la plus longue et la plus grande expérience du fonctionnement de
cette maison. Il apporte ainsi la caution de ceux qui étaient dans l'opposition
avant le changement de majorité à Paris.
En tout état de cause, il convient d'être mesuré. Ces propos apportent une
caution totale à la position de M. Caldaguès.
M. Jean-Yves Mano.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mano.
M. Jean-Yves Mano.
A écouter MM. Caldaguès et Chérioux, le fonctionnement de la questure de la
Ville de Paris était
a priori
transparente.
M. Michel Caldaguès.
Absolument !
M. Jean-Yves Mano.
Je m'interroge donc sur la précipitation de leurs amis à détruire, voilà
quelques mois, toutes les archives de la questure pour supprimer toute trace de
son fonctionnement !
M. Michel Caldaguès.
Vous savez que c'est faux !
M. Jean Chérioux.
C'est de la diffamation !
M. Michel Caldaguès.
Absolument !
M. Jean-Yves Mano.
Ce n'est pas de la diffamation. Personne ne conteste le fait que des archives
ont été détruites. Certains justifient cette destruction par l'interprétation
d'un texte. Mais, monsieur Chérioux, monsieur Caldaguès, si le fonctionnement
de la questure était vraiment transparent, pourquoi cette précipitation ?
Il me semble nécessaire que Paris entre dans le droit commun. Certains de vos
amis ou de vos ex-amis politiques partagent d'ailleurs cet avis, puisque MM.
Séguin et Goasguen ont voté, à l'Assemblée nationale, en première lecture, la
suppression de la questure de la Ville de Paris.
Mme Danièle Pourtaud.
Très bien !
M. Jean Chérioux.
Ils n'ont pas la même expérience que M. Georges Sarre !
M. Robert Bret.
Chacun ses références !
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je veux tout de suite réfuter les affirmations de M. Mano. Des articles
concernant la destruction des archives ont en effet été publiées dans une
certaine presse, mais ils ont fait l'objet d'une mise au point du maire de
Paris lui-même qui a clairement dit que, comme partout, les archives détruites
ont été celles que la loi permet de détruire, donc les plus anciennes, mais que
celles qui doivent demeurer disponibles le sont toujours.
Je veux par ailleurs apporter une précision. M. le rapporteur a exposé avec
son objectivité coutumière les positions en présence. Il a notamment évoqué mon
prétendu attachement à l'institution de la questure. Je répète donc que la
questure n'est pas une institution, c'est une délégation confiée à un adjoint
au maire de Paris.
On vous demande donc, mes chers collègues, de supprimer une prétendue
institution qui ne figure dans aucun texte de loi, dans aucun règlement. C'est
pour le moins curieux.
Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, sous couvert de supprimer une
institution, on vous demande de supprimer un système de contrôle. En vérité, on
vous propose de supprimer un système de contrôle rigoureux en invoquant des
arguments fallacieux, dirais-je, car je suis modéré dans mes appréciations.
M. le ministre de l'intérieur nous a dit que le Conseil de Paris ne peut pas
identifier les crédits dont il s'agit. En fait, il peut parfaitement en
discuter article par article après qu'ils ont fait l'objet d'un contrôle
a
priori
par une commission comprenant des représentants de l'opposition. Ces
derniers peuvent parfaitement informer leurs collègues. Ce n'est donc pas un
bon argument, monsieur le ministre.
Je récuse aussi l'idée selon laquelle ce budget serait confié à quelques
conseillers. Ce n'est pas du tout le cas. Les conseillers en question sont en
effet désignés de façon publique et ils rendent un rapport.
Mes chers collègues, voilà un système rigoureux : les propositions du questeur
sont arrêtées par une commission placée sous la présidence d'un président de
chambre de la Cour des comptes. Je vous demande de le conserver.
Il semble que le Gouvernement soit très pressé de supprimer ce contrôle. Une
lettre que vous avez adressée à un adjoint au maire de Paris en témoigne,
monsieur le ministre. Il s'agit d'une lettre quasiment publique. Je ne l'ai pas
détournée !
Je me demande d'ailleurs pourquoi un ministre de l'intérieur s'adresse à un
adjoint au maire de Paris et non au maire de Paris directement. C'est là un
détail. Il doit être le reflet de quelque chose, mais peu importe !
Dans cette lettre, vous évoquez le régime de contrôle que je défends et vous
écrivez : « Toutefois, et pour répondre plus précisément à votre interrogation,
il peut être mis fin à ce régime sans attendre la promulgation de la loi. » On
pourrait donc prendre cette décision sans que ce texte ait été discuté par le
Sénat, ce que nous sommes en train de faire en ce moment. Qu'en serait-il dès
lors du bicamérisme, mes chers collègues ? Et c'est le ministre de l'intérieur
qui se fait l'avocat d'une manoeuvre tendant à contourner la loi !
Personnellement, je le regrette.
Vous poursuivez, pour que cela soit encore plus clair, qu'« il apparaît donc
possible, en modifiant le règlement intérieur précité « - c'est-à-dire en
modifiant le règlement d'une assemblée territoriale - » de supprimer sans
attendre la promulgation de la loi et en tout ou partie le régime de la
questure ». Je viens pourtant, mes chers collègues, de vous rappeler qu'il a
été institué par une loi que je vous ai lue tout à l'heure.
Mes chers collègues, ça n'est pas admissible ! Il faut quand même que chacun
prenne ses responsabilités dans une pareille affaire. On cherche en effet à
écarter, pour des raisons que j'ignore, un moyen de contrôle budgétaire qui a
été institué par le législateur.
Quant à moi, je vous propose de conserver ce moyen de contrôle budgétaire. A
l'appui, je demande un scrutin public.
Mme Nicole Borvo.
Je ne comprends pas cet acharnement.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Les provinciaux qui sont ici trouvent que la discussion sur la questure de
Paris est quelque peu longue, voire lassante.
(Exclamations sur les travées
du RPR.)
Que Paris entre dans le droit commun ne nous gêne pas outre mesure.
Je tiens cependant à dire à M. Caldaguès que la suspicion qu'il semble
introduire sur la position des élus de gauche est tout à fait infondée.
J'ai été député avant d'être sénateur - personne n'est parfait ! - et, en
1988, par un amendement déposé sur un petit texte de loi, les députés
socialistes de Paris demandaient déjà la suppression de la questure de
Paris.
A l'époque, ils n'étaient pas au pouvoir à Paris et ils n'avaient pas l'espoir
de l'être dans l'immédiat. Il s'agit donc d'une position constante et qui ne
doit faire naître aucune suspicion.
A l'inverse, une grande suspicion règne - à tort ou à raison, je ne veux pas
entrer dans ce débat - sur le fonctionnement passé de la questure de Paris. Et
le Sénat ne s'honorerait pas en rétablissant cette questure qui a été supprimée
par un amendement émanant certes de la gauche, mais soutenu par MM. Goasguen et
Séguin.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je veux simplement donner quelques précisions à
M. Caldaguès.
Quand j'écris, je le fais publiquement, ce qui a au moins le mérite de la
clarté.
Par politesse, je réponds à ceux qui m'écrivent et la lettre que vous avez
citée, monsieur Caldaguès, était une réponse à un adjoint au maire de Paris qui
m'avait interrogé sur le sujet que vous avez évoqué. Personne n'était obligé, à
travers la préparation du budget de la Ville de Paris, d'alimenter la ligne «
questure ». Il n'y a pas eu, de ce point de vue, d'anticipation sur
l'abrogation de la loi.
Il n'était pas fait obligation au Conseil de Paris, sur la base de la
proposition du maire de Paris, d'alimenter cette ligne budgétaire « questure
».
Voilà ce que j'ai répondu au maire adjoint de Paris, qui me questionnait sur
ce sujet, et ce qui m'a conduit tout à l'heure à dire que, depuis le 31
décembre, effectivement, la ligne de crédits destinés à la questure de la Ville
de Paris n'est plus abondée.
Monsieur Caldaguès, je ne peux pas laisser dire qu'une telle suppression
serait un élément d'opacité. Il va de soi que les contrôles s'effectuent et
s'effectueront dans le cadre du droit commun. Par conséquent, il n'y a pas lieu
de suspecter ceux qui veulent supprimer la questure de la Ville de Paris,
suppression qui, comme l'a dit M. Peyronnet, a souvent fait l'objet de
discussions.
Je connais la sensibilité des élus de province. Tout à l'heure, je ne
sollicitais pas le maire de Marseille ou celui de Lyon. Néanmoins, je sais à
quel point on s'est souvent interrogé dans le passé sur la raison d'être d'une
questure à Paris. Cette dernière avait sans doute un côté pratique, je n'en
disconviens pas. Mais, entre le côté pratique et des contrôles effectués en
toute transparence dans le cadre du droit commun, comme c'est le cas pour
toutes les collectivités locales, la décision prise par le Conseil de Paris
m'apparaît plus raisonnable et plus saine.
Je le dis, monsieur Caldaguès, sans pour autant anticiper sur le législateur,
à qui revient, bien évidemment, le dernier mot, à savoir si l'on maintient ou
non la questure de la Ville de Paris.
M. Michel Caldaguès.
C'est son rôle !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Si votre amendement était adopté, et même si le
rétablissement de la questure de la Ville de Paris figurait dans ce projet de
loi, monsieur Caldaguès, personne ne pourrait obliger le Conseil de Paris, en
raison de la libre administration d'une collectivité locale, à abonder
budgétairement une ligne qu'il déciderait de ne pas abonder.
Je vous retourne, par conséquent, l'argument et je confirme l'avis défavorable
du Gouvernement sur l'amendement de rétablissement de la questure de la Ville
de Paris, qui a, peut-être, fait couler trop d'encre à ce stade du débat !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Trop d'encre, en effet !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous permettrez à un élu non
parisien - voisin, certes, mais non parisien ! - d'exprimer son étonnement.
Alors que nous débattons de cette question, sans doute importante, depuis près
d'une demi-heure...
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Davantage !
M. Jean-Pierre Schosteck.
... j'entends M. le ministre dire lui-même que l'on pourrait très bien se
passer de légiférer, le maire de Paris pouvant très légitimement proposer à sa
majorité de ne pas utiliser une telle disposition. Vous nous faites donc perdre
du temps !
En vérité, ce n'est pas un hasard ! J'y vois une preuve supplémentaire de ce
que je disais la semaine dernière, à savoir que la plupart des dispositions de
ce texte traduisent, en réalité, le désir du Gouvernement d'écrire, par le
biais de ce texte, les règlements intérieurs des collectivités locales et des
mairies ! Si cette disposition ne vous gênait pas, vous pouviez la laisser et
ne pas l'utiliser !
M. Charles Revet.
C'est de la démocratie directe ! Bientôt, on n'aura plus besoin des conseils
municipaux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Schosteck, nous n'allons pas nous
lancer dans une argutie de cette nature.
Dans le texte dont le Sénat est saisi, et qui résulte des travaux de
l'Assemblée nationale, la disposition relative à la questure de la Ville de
Paris a disparu. Qui la rétablit par le biais de cet amendement de M. Caldaguès
? C'est votre groupe ! C'est donc bien sur votre initiative que le débat a été
relancé et non pas sur celle du Gouvernement !
(Exclamations sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet.
Monsieur le ministre, le Sénat sert-il ou non à quelque chose ? Avons-nous ou
non un rôle à jouer ? C'est scandaleux !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 291 rectifié, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions règlementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages | 148 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 106 |
En conséquence, l'article 15 sexdecies est supprimé.
Article 15 septdecies