SEANCE DU 15 JANVIER 2002
M. le président.
« Art. 15
novodecies
. - Le deuxième alinéa de l'article L. 3122-4 du
code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« La commission permanente est composée du président du conseil départemental,
de quatre à quinze vice-présidents, sous réserve que le nombre de ceux-ci ne
soit pas supérieur à 30 % de l'effectif du conseil, et éventuellement d'un ou
plusieurs autres membres. »
L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Lardeux, Bailly et Vasselle est
ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux.
L'article 15
novodecies
vise à modifier la composition des commissions
permanentes et le nombre de vice-présidents dans les « conseils généraux »,
pour reprendre l'appellation que le Sénat a décidé de maintenir.
Sans contester le bien-fondé du principe d'harmonisation des règles entre les
conseils généraux et les conseils régionaux, il me semble légitime de demander
la suppression de cet article dans la mesure où les départements et les régions
ne possèdent pas des élus en même proportion : le plus petit conseil général
compte vingt-cinq élus, le plus petit conseil régional en compte quarante-trois
; le plus grand conseil général compte soixante-dix-neuf élus alors que le plus
grand conseil régional en compte deux cent neuf. Rien ne justifie donc une
harmonisation du nombre des vice-présidents entre ces deux types de
collectivité, et je pense qu'il serait préférable d'en rester à la
réglementation existante.
Cette disposition n'aurait d'ailleurs pour conséquence que d'alourdir le
fonctionnement des conseils généraux et d'inciter à la constitution de
commissions permanentes pléthoriques ; je sais bien que la distribution de
prébendes est ce qu'il y a de plus facile à faire, mais ce n'est pas le rôle
des conseils généraux et nos concitoyens ne sont pas particulièrement
favorables à leur multiplication.
Par ailleurs, multiplier le nombre des élus dévalorise la fonction, c'est
évident, de la même manière que la multiplication des bacheliers a dévalorisé
le baccalauréat.
Nos concitoyens estiment que les élus sont en nombre suffisant, même s'il
faudrait peut-être simplifier l'exercice de leurs fonctions. Il m'apparaît donc
sage, je le répète, de s'en tenir aux dispositions existantes et de supprimer
l'article.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission a évoqué ce problème lors de l'audition des
représentants de l'Assemblée des départements de France, à laquelle vous avez
d'ailleurs assisté, mon cher collègue.
Nous nous sommes rangés à l'avis de l'assemblée, selon lequel, dans la mesure
où le nombre des vice-présidents serait plafonné à 30 % de l'effectif total
d'un conseil général - et il ne faut surtout pas dépasser ce plafond si l'on
veut qu'une commission permanente conserve toute sa signification par rapport à
l'assemblée plénière - aucune objection autre que financière ne pourrait être
opposée à une harmonisation des règles de composition des conseils généraux et
des conseils régionaux.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Lardeux, tout en comprenant votre
argumentation, je vous demande si la solution à laquelle adhère la commission
des lois ne vous paraît pas constituer une solution valable pour les
commissions permanentes dans les années à venir. Ayant longtemps siégé au sein
d'un conseil général, je sais que toute inflation des membres d'un groupement
rend plus difficile le travail qu'on y effectue. Mais, en l'occurrence, la
règle des 30 % me semble la limite à ne pas franchir.
M. le président.
La commission est donc défavorable à l'amendement ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
J'invitais M. Lardeux à retirer son amendement pour ne pas
prononcer certaine sanction : je préfère la prévention !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Le nombre de vice-présidents est limité par deux
butoirs : d'une part, ils ne peuvent être plus de quinze ; d'autre part, leur
proportion ne peut excéder 30 % du nombre des « conseillers départementaux »,
pour adopter la terminologie du Gouvernement.
La combinaison de ces deux règles permet de limiter le nombre de
vice-présidents à moins de quinze lorsque le nombre de conseillers
départementaux est restreint, du fait de la démographie du département.
L'article introduit par l'Assemblée nationale ne crée donc pas un risque de
voir un nombre de vice-présidents trop important par rapport à l'effectif total
des élus d'une assemblée départementale. Je suis, sur ce point, l'avis de
l'Assemblée des départements de France et j'émets donc un avis défavorable sur
cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 295 rectifié est-il maintenu, monsieur Lardeux ?
M. André Lardeux.
Je reconnais bien la sagesse de M. le rapporteur.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je sais bien que, pour l'ADF, cette
disposition ne présente pas d'inconvénient. Mais permettez-moi de prendre
l'exemple de mon département.
Le conseil général de Maine-et-Loire compte déjà dix vice-présidents. Leur
nombre passera à douze si l'article est adopté. Ainsi, la commission permanente
sera composée quasiment de la moitié des membres du conseil général et nous
risquons de dériver vers la situation que connaisent déjà certains conseils
généraux, où il n'y a plus véritablement de commission permanente puisque c'est
l'ensemble du conseil général qui se réunit en fait en lieu et place de la
commission permanente. Or cela ne me paraît pas souhaitable.
Par ailleurs, je ne vois pas quelles missions confier à ces vice-présidents
supplémentaires. Ils auront certes un titre qui leur fera plaisir, qui leur
donnera peut-être du prestige, mais auquel ne s'attachera aucune mission
particulière.
J'ai bien senti qu'un certain consensus se dessinait contre ma proposition. Je
le regrette mais, par sagesse, je m'incline et retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 295 rectifié est retiré.
M. Philippe Marini.
Je le reprends !
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 295 rectifié
bis
.
La parole est à M. Marini, pour le défendre.
M. Philippe Marini.
J'avoue ne pas comprendre à quel besoin répond cet article. Car enfin, les
conseils généraux fonctionnent ! Qui donc demande le changement de leurs règles
de fonctionnement ? Les règles en vigueur ne permettent-elles pas aux
assemblées départementales de remplir leur rôle ?
Le texte dont nous débattons n'est-il pas destiné à favoriser la démocratie de
proximité ? Monsieur le ministre, si l'on en croit l'exposé des motifs, il
s'agit bien, du moins en principe, d'apporter un certain nombre
d'améliorations, de rationaliser certaines procédures, de manière que la
démocratie fonctionne mieux.
Créer des postes de vice-président permet-il vraiment d'améliorer le
fonctionnement de la démocratie de proximité ?
J'ai écouté avec le plus grand respect les explications du rapporteur et
celles du ministre mais, franchement, que reproche-t-on au
statu quo
?
Pourquoi devrait-on imposer au conseil général de Maine-et-Loire de compter
plusieurs vice-présidents supplémentaires ? On le sait bien, dès lors qu'on
institue la possibilité de créer des postes supplémentaires de vice-président -
même si l'on est libre de ne pas les créer - on suscite des aspirations, on
provoque un « appel d'air ». Est-ce absolument indispensable ?
C'est simplement pour que ce débat puisse se poursuivre quelques instants que
je me suis permis de reprendre l'amendement présenté par M. Lardeux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 295 rectifié
bis
.
M. Jean-Louis Masson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Jean-Louis Masson
Je m'associe tout à fait à la démarche de M. Marini.
En fait, augmenter le nombre des vice-présidents, ce n'est rien de moins que
de la démagogie, de la distribution de prébendes ! Tout ce qu'on cherche, c'est
distribuer des indemnités de vice-président pour faire plaisir à droite, pour
faire plaisir à gauche ! Mais il est bien clair que la démocratie n'a rien à y
gagner.
Les conseils généraux peuvent parfaitement fonctionner, comme ils fonctionnent
depuis des années, sans avoir à secréter des postes de vice-président, d'autant
que, bien souvent, les intéressés sont essentiellement attirés par les
indemnités de vice-présidence.
(Murmures sur diverses travées.)
Mais si ! Il faut dire la vérité ! Il faut voir comment les choses se passent
dans les conseils généraux !
Or nos concitoyens sont aussi des contribuables. Eh bien, moi, je ne suis pas
du tout persuadé qu'il soit judicieux de gonfler encore le budget des
indemnités dans les conseils généraux. C'est pourquoi je soutiendrai sans
réserve l'amendement qui nous est présenté.
M. François Fortassin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fortassin.
M. François Fortassin.
Pour ma part, je m'en remets à la sagesse à la fois de M. le ministre et de la
commission, qui, ayant entendu l'Assemblée des départements de France, a
considéré qu'une proportion maximale de 30 % des membres d'une assemblée pour
le nombre de vice-présidents n'était pas excessive, étant rappelé que
l'assemblée est libre de se contenter de six vice-présidents si elle estime ce
nombre suffisant.
Après vingt ans d'exercice d'un mandat de conseiller général, je crois pouvoir
estimer, cher collègue Masson, que pour parler comme vous l'avez fait des
indemnités, comme disait mon grand-père, « vous ne manquez pas d'estomac » !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je rappelle que cette disposition ne figurait
pas dans le projet initial du Gouvernement. Lors de la discussion à l'Assemblée
nationale, le Gouvernement a toutefois voulu entendre le point de vue de
l'Assemblée des départements de France. J'étais d'ailleurs à Rodez, au congrès
de l'ADF, avant que le Président de la République ne s'y rende, le lendemain,
dans les conditions que vous savez.
(Exclamations sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
MM. Philippe Marini, Jean-Pierre Schosteck et Jacques Blanc.
D'excellentes conditions !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est vrai que, à partir du moment où les
conseils municipaux et les conseils régionaux peuvent avoir un nombre
d'adjoints pour les uns et de vice-présidents pour les autres égal à 30 %, je
ne vois pas au nom de quoi le Gouvernement s'opposerait à ce que les assemblées
départementales, en vertu d'une certaine forme d'égalité, aient exactement la
même faculté, puisque, comme l'a dit M. Fortassin, il s'agit d'une simple
faculté.
C'est donc une liberté qui est donnée aux départements, et je suis surpris que
ce soit du côté droit de l'hémicycle que l'on s'oppose à cette possibilité.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je me permettrai simplement de faire observer que ce problème
n'est probablement pas l'un des plus importants auquel nous soyons confrontés
dans cette discussion.
(Sourires.)
Il était bon que M. Lardeux soulève le problème et que M. Mariani exprime son
avis. Mais je rappelle que c'est une proposition de l'ADF qui a été ainsi
formulée.
(M. Frécon applaudit.)
M. Robert Bret.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Sans doute est-ce une habitude fâcheuse que nous avons de
consulter ceux qui sont directement concernés, car c'est ainsi que nous en
sommes arrivés là !
Je rappellerai enfin que ce plafond de 30 % permettrait d'aligner les
départements de France sur ce qui prévaut dans les communes et les régions de
France.
En tout cas, ce n'est pas un vote sur un tel sujet qui permettra de rendre le
mieux compte, à l'extérieur, de la manière dont le Sénat reflète différents
courants d'opinion.
M. Jacques Blanc.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Je voudrais poser une question.
L'article 15
novodecies
prévoit que le nombre des vice-présidents ne
peut dépasser 30 % des effectifs du conseil. Or l'assemblée départementale de
la Lozère compte vingt-cinq conseillers généraux, dont dix sont
vice-présidents, conformément à ce qui était jusqu'à présent la règle. Nous
faudra-t-il donc supprimer trois postes de vice-président pour être en
conformité avec la nouvelle règle ?
Plusieurs sénateurs du RPR.
Eh oui !
M. Jacques Blanc.
Mais je vois assez mal le président du conseil général de la Lozère demander à
trois vice-présidents de disparaître !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il faut créer des cantons !
M. Jacques Blanc.
Ne conviendrait-il donc pas de prévoir un minimum de dix vice-présidents ?
Sinon, on risque de créer quelques situations complexes, car il est toujours
difficile de diminuer le nombre de vice-présidents, quelle que soit la qualité
du conseil général, et elle est grande en Lozère !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je relis, pour M. Jacques Blanc, le deuxième
alinéa de l'article L. 3122-4 du code général des collectivités territoriales
tel que le rédige l'article 15
novodecies
:
« La commission permanente est composée du président du conseil départemental,
de quatre à quinze vice-présidents, sous réserve que le nombre de ceux-ci ne
soit pas supérieur à 30 % de l'effectif du conseil, et éventuellement d'un ou
plusieurs autres membres. »
Vous le voyez, monsieur Blanc, vos craintes ne sont pas justifiées.
M. Jacques Blanc.
Tant mieux !
M. Philippe Marini.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Monsieur le président, compte tenu du débat qui vient d'avoir lieu et des
explications de M. le rapporteur, par fidélité vis-à-vis de la commission, je
retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 295 rectifié
bis
est retiré.
Je mets aux voix l'article 15
novodecies
.
(L'article 15
novodecies
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 15 novodecies