SEANCE DU 16 JANVIER 2002


M. le président. « Art. 16. - I. - L'intitulé de la section 4-1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du travail est complété par les mots : "ainsi qu'aux salariés candidats aux élections municipales, cantonales et régionales".
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 122-24-1 du même code est ainsi rédigé :
« Les employeurs sont tenus de laisser à leurs salariés, candidats à l'Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen ou aux élections municipales, cantonales, régionales et à l'assemblée de Corse, le temps nécessaire pour participer à la campagne électorale dans la limite totale de vingt jours ouvrables par an. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. »
Sur l'article, la parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet article engage le débat portant sur les conditions d'exercice des mandats électifs et porte plus spécifiquement sur la question de la possibilité laissée aux candidats aux élections locales de bénéficier d'une autorisation d'absence dans le cadre de la campagne électorale.
Nous ne pouvons évidemment que souscrire pour l'essentiel à la philosophie générale du texte, compte tenu d'un simple examen de la réalité.
Tous les candidats aux élections locales ne sont pas, en effet, membres d'une profession libérale, retraités ou ne bénéficient pas, parce que le statut de la fonction publique est le fruit de la longue mobilisation des agents concernés, des garanties offertes aux salariés de l'Etat et des administrations, monsieur Vasselle !
Tous les candidats aux élections locales n'ont pas non plus été « formés » dans le doux cocon des chambres de commerce et d'industrie ou des groupements patronaux qui, on le sait, fournissent allégrement depuis plusieurs années des cadres aux partis de la majorité sénatoriale ( Rires sur les travées du RPR), cadres d'ailleurs, généreusement rémunérés sur le produit des cotisations des entreprises ou sur celui de la taxe annexe à la taxe professionnelle.
Dans ce contexte, la simple application du principe d'égalité des candidats appelle effectivement des mesures fortes et originales. L'article 16 les prend en compte.
Que l'on ne s'y trompe pas : le fait de s'engager dans une campagne électorale est, pour beaucoup de candidats, un risque pris quant à leur propre parcours professionnel, car la bienveillance des employeurs a souvent quelques limites, pour peu que lesdits candidats soient aussi les opposants à ce même employeur.
Il importe donc que tout soit aujourd'hui mis en oeuvre pour que la démocratie vivante, dont nous souhaitons l'émergence, puisse permettre à chacun d'assumer pleinement son rôle de citoyen actif ou de citoyenne active (M. Schosteck s'exclame), notamment lorsqu'il ou elle se décide à solliciter le suffrage de ses concitoyens.
Nous ne suivrons donc évidemment pas la commission des lois dans sa volonté de réduire la portée de l'application des dispositions du présent article, préférant nous en tenir à ce qui a été voté par l'Assemblée nationale.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je tiens, avant que nous abordions l'examen du titre II, à rendre hommage aux travaux des uns et des autres, sur cette question qui, depuis longtemps, fait l'objet de discussions, de voeux pour que des avancées soient opérées : je veux ainsi rendre hommage aux travaux non seulement de l'Assemblée nationale, et notamment à la proposition de loi déposée par le groupe communiste, mais aussi du Sénat, où a été discutée, le 18 janvier 2001, la proposition de loi de M. Vasselle, qui a conduit au rapport de M. Delevoye.
Je veux aussi indiquer que l'engagement que j'avais pris, au nom du Gouvernement, est tenu puisque, à la suite des discussions qui sont intervenues tant ici qu'à l'Assemblée nationale, ce projet de loi relatif à la démocratie de proximité, qui constitue un tout, reprend effectivement cette dimension, qui mériterait d'être rappelée. C'est, à mon avis, une avancée très positive qui doit être adoptée d'urgence par le Sénat pour ne pas perdre plus de temps.
Voilà pourquoi je souhaite vivement que le présent texte dont nous débattons depuis un certain nombre d'heures et de jours (M. Vasselle rit.) puisse déboucher positivement. Il répond sûrement à l'attente des élus locaux, et donc de la démocratie de proximité. Mais j'arrête là mon propos, soucieux de ne pas faire perdre de temps au Sénat. Il y a en effet urgence ! (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Cela, on l'avait remarqué !
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 16 :
« I. - L'intitulé de la section IV-1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code du travail est ainsi rédigé ;
« Règles particulières aux salariés candidats ou élus à un mandat parlementaire ou local. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 122-24-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le même droit est accordé, sur leur demande, aux salariés candidats au Parlement européen, au conseil municipal dans une commune d'au moins 3 500 habitants, au conseil général, au conseil régional et à l'Assemblée de Corse, dans la limite de dix jours ouvrables. »
« III. - L'article L. 122-24-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-24-3. - Les dispositions de la présente section sont applicables aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi qu'aux personnels des entreprises publiques, pour autant qu'ils ne bénéficient pas déjà de dispositions plus favorables. »
Le sous-amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. de Broissia, Karoutchi, Leroy et de Richemont, et le sous-amendement n° 635, présenté par M. Mercier, sont identiques.
Tous deux sont ainsi libellés :
« A la fin du texte proposé par le II de l'amendement n° 56 pour compléter le premier alinéa de l'article L. 122-24-1 du code du travail, remplacer les mots : "dix jours ouvrables" par les mots : "douze jours ouvrables". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 56.
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Dans l'esprit des dispositions que nous avons adoptées voilà un an, la commission des lois propose au Sénat de ramener le droit à congé non rémunéré des candidats aux élections locales à dix jours et de ne pas inclure dans le dispositif les candidats aux élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants.
M. le président. Les sous-amendements n°s 243 rectifié et 635 ne sont pas soutenus.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 56 ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Fixé initialement par le Gouvernement à dix jours par an, le nombre de jours d'absence a été porté par l'Assemblée nationale, après adoption d'un amendement de la commission des lois, à vingt jours toutes candidatures confondues.
Le Gouvernement avait émis un avis de sagesse sur cet amendement.
L'amendement n° 56 tend à revenir à dix jours pour les candidats aux élections locales ainsi qu'à l'élection au Parlement européen. De plus, il limite ce congé pour les élections municipales aux candidats dans les communes de plus de 3 500 habitants. Enfin, il améliore dans sa rédaction la transposition de la mesure aux fonctionnaires et aux agents publics.
Si le Gouvernement est attaché au principe de ce congé, il n'est pas opposé pour autant à ce que sa durée et son champ d'application soient adaptés. Pour ce faire, il souhaite laisser le soin au Sénat de définir, en relation avec l'Assemblée nationale, la durée qui leur paraîtra la plus appropriée. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur ce texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 56.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole et à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Au moins nous n'avons jamais été contre le Gouvernement quant à la philosophie qui l'anime en l'occurrence, pas plus M. le rapporteur, que Jean-Paul Delevoye dans son dernier rapport, que moi-même dans ma proposition de loi sur le statut de l'élu. Mais on ne peut, en l'instant, que déplorer les insuffisances de ce projet de loi concernant précisément ce statut de l'élu.
Il est assez révélateur de constater que l'ensemble des dispositions proposées ne concernent, pour l'essentiel, que les salariés, même s'il est vrai que ces derniers, plus que les ressortissants d'autres secteurs professionnels, sont confrontés à des difficultés majeures, liées au code du travail, pour concilier leur vie professionnelle et leur vie élective.
Ainsi, je n'ai trouvé dans ce texte aucune disposition concernant notamment les professions indépendantes, les professions libérales, les agriculteurs, les commerçants et les artisans. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir lancé des appels lors de l'examen du texte sur le statut de l'élu. J'avais cru comprendre alors que M. le ministre s'engageait à nous soumettre des propositions à l'occasion de l'examen du texte dont nous discutons actuellement.
Aujourd'hui, à l'heure du déjeuner j'ai participé - seul de nos collègues, M. Weber était présent - à un débat tout à fait intéressant animé par M. Fauroux sur la réforme de l'Etat. Celui-ci a considéré qu'il était tout à fait invraisemblable qu'aucune mesure ne soit encore prise pour favoriser un meilleur renouvellement du personnel politique et que les assemblées ne soit pas un meilleur reflet de la société civile.
En effet, les assemblées élues sont composées d'une bonne part de fonctionnaires et de retraités et d'une minorité de représentants des autres corps professionnels. Il faudrait, à mon avis, se demander pourquoi.
Certes, toute une série de dispositions législatives et de mesures réglementaires tendent à améliorer cette représentation, mais elles sont encore très nettement insuffisantes.
Certes, un petit pas en avant est fait puisque, si les fonctionnaires, grâce à leur statut, continueront à être largement représentés dans les différentes assemblées et si les retraités y retrouveront toujours une large place, les salariés, quant à eux, y auront certainement une place plus importante que celles qu'ils avaient auparavant. En revanche, les autres professions seront encore très nettement minoritaires, ce qui est regrettable si nous voulons que la société française soit représentée par des hommes relayant toutes ses forces vives.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je répondrai à M. Vasselle qu'un certain nombre d'avancées ont été faites en direction des non-salariés. Je pense notamment à un volet important du titre II qui traite de la protection sociale des non-salariés et de l'élargissement des compensations financières pour perte de revenus.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. J'admets que l'on puisse émettre des réserves sur le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Cependant, il était nettement plus favorable aux salariés candidats aux élections que celui de la commission, même si l'on peut comprendre l'introduction du seuil de 3 500 habitants. Un débat pourrait, d'ailleurs, être engagé sur ce seuil et sur le nombre de jours accordés aux salariés candidats ; il aura certainement lieu - en tout cas je l'espère - en commission mixte paritaire. En attendant, nous ne voterons pas cet amendement.
M. Eric Doligé. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. Il est toujours mauvais de revenir sur un texte par petites touches et de traiter d'un même sujet au travers d'un certain nombre de textes.
Des inégalités existent, tout le monde le reconnaît, et si des avancées sont faites dans ce projet de loi, comme l'a souligné tout à l'heure M. Vasselle, certaines professions n'en bénéficieront pas.
Au demeurant, lorsqu'on lit l'article L. 122-24-3 du code du travail, on s'aperçoit qu'il reconnaît implicitement que des inégalités existent puisqu'il précise que sont concernés par les dispositions visées « les agents non titulaires de l'Etat et les personnels des collectivités locales, des établissements et entreprises publics pour autant qu'ils ne bénéficient pas déjà de dispositions plus favorables. » Il est donc sous-entendu qu'existent des dispositions beaucoup plus favorables dans un certain nombre de structures de l'Etat.
Il est facile de comprendre qu'il y a plus d'élus issus de la fonction publique que d'élus ressortissants d'autres secteurs professionnels dans les assemblées dans la mesure où on accorde aux premiers des avantages largement supérieurs pour se présenter aux différentes élections.
Si l'on accorde encore des avantages aux élus, il faudrait admettre que ceux qui sont accordés aux fonctionnaires ne doivent pas être supérieurs à ceux qui sont accordés aux salariés du secteur privé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 est ainsi rédigé.

Articles additionnels avant l'article 17