SEANCE DU 16 JANVIER 2002


M. le président. Je suis saisi de trois amendements, présentés par Mmes Beaufils et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 428 est ainsi libellé :
« Avant l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« L'employeur est tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l'élu dont l'indemnité ne couvre pas les pertes de salaire, aux séances et réunions mentionnées aux alinéa précédents, aux besoins de formation, aux absences liées aux crédits d'heures prévus aux articles L. 2123-3 et suivants. »
« II. - Les pertes de recettes découlant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« III. - L'augmentation du prélèvement sur recettes découlant pour le département de l'application du VI ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 429 est ainsi libellé :
« I. - Avant l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article L. 3123-1 du même code est ainsi rédigé :
« L'employeur est tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l'élu dont l'indemnité ne couvre pas les pertes de salaire aux besoins de formation, aux séances et réunions mentionnées aux alinéas précédents et aux absences liées aux crédits d'heures prévus aux articles L. 3123-2 et suivants. »
« II. - Les pertes de recettes découlant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 430 est ainsi libellé :
« I. - Avant l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article L. 4135-1 du même code est ainsi rédigé :
« L'employeur est tenu de payer comme temps de travail le temps passé par l'élu dont l'indemnité ne couvre pas les pertes de salaire aux séances et réunions mentionnées aux alinéas précédents et aux absences liées aux crédits d'heures prévus aux articles L. 4135-2 et suivants. »
« II. - Les pertes de recettes découlant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Mathon, pour présenter ces trois amendements.
Mme Josiane Mathon. La question du statut de l'élu traverse nos débats depuis un certain temps.
Les plus récentes évolutions, notamment la mise en oeuvre de la parité, ont marqué le paysage politique issu des élections municipales et cantonales du printemps dernier.
Mais de nouvelles réformes n'en demeurent pas moins nécessaires, réformes dont les dispositions contenues dans le présent projet de loi constituent à n'en pas douter une première étape.
Nous percevons positivement, ainsi que nous l'avons indiqué lors de la discussion générale, la plupart des dispositions qui ont été retenues par l'Assemblée nationale et qui figuraient dans certaines des propositions formulées tant par l'Association des maires de France que par les divers groupes politiques parlementaires, la commission Mauroy ou encore dans le débat que nous avons mené en 2001, ici même.
Pour autant, la question est de savoir jusqu'où l'on souhaite véritablement aller dans le sens d'une plus grande facilité donnée aux élus locaux et, au premier chef, aux élus municipaux pour l'exercice de leur mandat.
Le présent projet de loi prévoit clairement que l'essentiel des dispositions devant favoriser l'exercice des mandats sera pris en charge par les collectivités locales de ressort, quelle que soit leur nature.
Or il est évident que le principal obstacle à un plein exercice des mandats locaux est constitué par les obligations professionnelles de nombre d'élus qui ne font pas de la politique leur activité essentielle et continuent d'exercer leur métier, qu'ils soient ou non salariés, qu'ils soient salariés du secteur public ou salariés du secteur privé.
Nous devons donc faire en sorte que l'exercice d'un mandat local soit clairement facilité et que l'engagement citoyen de nos compatriotes dans la vie de la cité ne subisse pas les conséquences de l'accomplissement de ces obligations professionnelles.
Les salariés élus locaux doivent donc pouvoir bénéficier, de la part de leur entreprise, d'une véritable prise en compte de leur engagement et continuer à percevoir leur rémunération durant les périodes où ils seront absents de leur poste de travail.
En effet, les élus qui ne peuvent pas pleinement exercer leurs fonctions du fait de leurs contraintes professionnelles sont encore trop nombreux. D'ailleurs, bien souvent, ils finissent par renoncer à reconduire l'expérience.
Or, il y va de la qualité de l'action de nos collectivités qu'au moment où se met en place l'intercommunalité les conditions d'exercice d'un mandat local ne confinent pas au sacerdoce ou à l'abnégation.
Il convient donc que le fait de s'engager dans la vie locale ne soit pas un handicap et soit pleinement reconnu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission des lois a estimé qu'il ne convenait pas de mettre à la charge des entreprises les compensations financières accordées aux élus municipaux, départementaux et régionaux.
C'est la raison pour laquelle je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable.
D'ailleurs, on peut se demander si cette charge imposée aux entreprises n'aboutirait pas à rendre encore plus difficile l'engagement civique des salariés des entreprises, celles-ci estimant contraire à leur intérêt d'employer des salariés qui jouiraient de possibilités d'absences supplémentaires et de compensations financières.
C'est donc, en réalité, pour protéger ces salariés que la commission des lois s'est exprimée en ce sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'un des objectifs essentiels du projet de loi est d'éviter que les élus locaux, salariés ou non salariés, ne subissent un manque à gagner excessif lorsqu'ils consacrent une partie de leur temps à leur mandat.
Ainsi, la compensation des pertes de revenus des élus municipaux qui ne sont pas indemnisés est élargie de manière significative : elle est étendue aux élus non salariés et son volume global est triplé, passant de 24 à 72 heures par an et par élu.
Par ailleurs, les pertes de revenus subies par l'élu du fait de l'exercice de son droit à la formation sont également compensées sur la base du même taux horaire.
Parallèlement, le régime indemnitaire des élus municipaux est sensiblement amélioré en ce qui concerne tant les adjoints que les conseillers dans les communes de moins de 100 000 habitants.
Les amendements proposés visent à faire rémunérer par l'employeur, public ou privé, le temps consacré par le salarié à son mandat, qu'il s'agisse de la participation à des réunions ou de l'utilisation du droit à la formation, c'est-à-dire des activités qui sont sans lien avec celles d'une entreprise ou de l'administration. De plus, ils introduiraient une différence de traitement entre les salariés, qui pourraient bénéficier de cette disposition, et les non-salariés, qui en seraient exclus, alors que ces derniers sont déjà sous-représentés parmi les élus locaux.
M. Charles Revet. Voilà !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement ne peut que se montrer défavorable aux amendements proposés, même s'il comprend l'esprit qui anime leurs auteurs.
Je me demande, par ailleurs, si ces amendements ne conduiraient pas à provoquer des difficultés dans les entreprises, car - et ce serait tout de même un peu paradoxal - les salariés les mieux payés seraient aussi les mieux indemnisés !
Il y a donc là toute une série de difficultés qu'il m'apparaît préférable de contourner en repoussant l'amendement. (Sourires.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 428.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Les arguments qui ont été développés avec beaucoup de pertinence à la fois par M. le rapporteur et par M. le ministre me paraissent tout à fait justifiés et, en effet, les amendements risquent d'aller à l'encontre de l'objectif recherché.
Cela étant dit, je nuance un peu mon propos, car je comprends l'objectif que nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen cherchent à atteindre même si je suis opposé à la solution qu'ils proposent.
Je rappellerai, comme je l'ai d'ailleurs déjà fait en d'autres occasions, que, sous un précédent gouvernement, le Parlement a fait des propositions tout à fait intéressantes et constructives lorsqu'il s'est agi de traiter les difficultés de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires de plus en plus importantes auxquelles nous étions confrontés dans nos centres de secours et d'incendie.
Deux textes de loi, l'un sur l'organisation des SDIS, sujet que nous aurons encore à aborder dans le cadre du présent projet de loi, l'autre sur le statut des sapeurs-pompiers, avaient alors été examinés et nous avions adopté un dispositif permettant de concilier la fonction de sapeur-pompier volontaire et l'activité professionnelle tout en veillant à ce que l'entreprise n'ait pas à souffrir du fait que les volontaires consacrent du temps aux SDIS.
Pour ma part, c'est à un dispositif de cette nature que je pensais pour les élus, et la solution que j'avais préconisée dans le cadre de ma proposition de loi sur le statut de l'élu n'était d'ailleurs pas différente. Il s'agit non pas de couvrir intégralement la perte du revenu des non-salariés qui se lancent dans une carrière politique, mais de la compenser partiellement lorsque cette perte est suffisamment importante pour affecter sensiblement le pouvoir d'achat des intéressés.
Enfin, il est bien vrai qu'on créerait une distorsion importante et relativement coûteuse. En effet, si cet amendement était adopté, la couverture de la totalité de la charge du salarié vaudrait aussi bien pour le smicard que pour le cadre supérieur, qui peut gagner 80 000 ou 100 000 francs par mois.
Lorsque j'ai effectué, en tant que sénateur, un stage chez Saint-Gobain, j'ai rencontré un cadre commercial qui avait envisagé de se présenter à une élection nationale. Cependant, après qu'il eut comparé son pouvoir d'achat de cadre chez Saint-Gobain et ce que son pouvoir d'achat serait s'il était élu au Parlement, son choix, m'a t-il dit, a été vite fait. Il a donc fait le choix, tout à fait respectable au demeurant, de rester dans son entreprise.
Eh bien, cette liberté de choix doit subsister sur l'ensemble de notre territoire.
M. Eric Doligé. Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. A supposer que l'amendement soit voté et que certains décident de soumettre cette disposition au Conseil constitutionnel, j'ai peur que ce dernier, reprenant les arguments de M. le rapporteur, n'y voie une atteinte à l'emploi, ce qui ne manquerait pas de causer quelque chagrin à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Hélène Luc. Encore le Conseil constitutionnel !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 428, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 429, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 430, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 17