SEANCE DU 17 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Par ma question, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la
dégradation de la situation de l'emploi.
Je parlerai d'abord, en particulier, de la métropole lilloise, où plane
actuellement une menace sur plus d'un millier d'emplois.
Je pense à la Selnor-Lesquin, du groupe Brandt, qui compte 650 salariés. Le
plan de reprise globale annoncé hier ne prend pas véritablement en compte le
site de Lesquin, ce qui est vécu comme une grande injustice.
Je pense également à l'entreprise d'imprimerie SCIA, qui compte 203 salariés
et pour laquelle je me mobilise particulièrement afin de rechercher une
solution autre que celle de la liquidation, proposée par le tribunal de
commerce.
Et je n'oublie pas les salariés du groupe textile Mosseley, qui attendent
toujours leur prime de licenciement.
Dans la région du Nord-Pas-de-Calais, où le taux de chômage, même s'il a
baissé, reste largement au-dessus de la moyenne nationale, la situation est
très inquiétante.
L'inquiétude est d'autant plus justifiée que, à l'échelon national, les
statistiques mensuelles publiées par l'ANPE montrent un redémarrage des
licenciements pour motif économique.
MM. Dominique Braye et Patrick Lassourd.
Voilà quinze jours, vous étiez encore au Gouvernement !
Mme Michelle Demessine.
En un an, ils ont progressé de 43 %, leur nombre passant de 15 500 à 22 200.
Ce matin encore, Airbus a annoncé la suppression de 6 500 emplois.
M. Dominique Braye.
Et Danone ? Et Moulinex ?
Mme Nelly Olin.
C'est dur, l'amnésie !
M. le président.
Mes chers collègues, laissez s'exprimer Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Un peu de respect pour ceux qui vivent ces situations, s'il vous plaît !
Dans la période actuelle, cette inversion de tendance n'est pas sans
signification et appelle, me semble-t-il, un signal fort du Gouvernement pour
que les progrès réalisés ces dernières années dans la bataille contre le
chômage ne soient pas menacés.
M. Eric Doligé.
C'est le double langage !
Mme Michelle Demessine.
La décision du Conseil constitutionnel annulant une disposition essentielle du
dispositif de prévention des licenciements est, elle, un très mauvais signe.
M. Dominique Braye.
C'est indécent de dire cela !
Mme Michelle Demessine.
Cette décision est ressentie par ceux qui vivent ces situations comme un
encouragement à licencier, ni plus ni moins !
Quant aux propos qu'a tenus le président du MEDEF, M. Seillière, à la suite de
cette décision, ils sont odieux et inhumains.
M. le président.
Veuillez poser votre question, madame Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Ils ont été ressentis comme une agression supplémentaire.
Quel sens a l'expression « liberté d'entreprendre » si ceux qui font
l'entreprise - les salariés - comptent si peu ? Aucune entreprise n'existe sans
les salariés. Ils sont une condition de cette liberté, et leur liberté
d'exister au sein de l'entreprise doit aussi être prise en compte.
M. Dominique Braye.
Qu'avez-vous fait au Gouvernement ?
Mme Michelle Demessine.
Notre groupe demande solennellement au Gouvernement de faire en sorte que,
avant la fin de la session parlementaire, nous puissions adopter en urgence une
disposition comblant le vide laissé par la décision du Conseil
constitutionnel.
M. le président.
Votre question !
Mme Michelle Demessine.
Si la volonté politique de lutter contre les licenciements n'est pas
suffisamment affirmée, le doute qui planera ne pourra qu'être défavorable aux
salariés.
M. le président.
Je rappelle une fois de plus que l'intervention de chacun nécessite le respect
d'un minimum de discipline par tous les intervenants.
M. Claude Estier.
Mais ceux qui sont censés écouter sont parfois d'une grande incorrection !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Madame Demessine, je voudrais d'abord vous dire que c'est avec énormément de
plaisir que je retrouve une amie du gouvernement de Lionel Jospin
(Rires et exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR)
dans sa fonction de sénatrice. Je suis donc particulièrement heureuse
de vous répondre au nom du Premier ministre, que vous aviez souhaité
interroger.
Concernant la situation de l'emploi, nous partageons vos analyses et vos
conclusions. Je dois cependant rappeler - mais vous le savez, puisque vous avez
vous-même fait partie de ce gouvernement
(Ah ! sur les mêmes travées)
- que nous avons énormément travaillé afin
de maîtriser la situation de l'emploi.
C'est ainsi qu'un million de femmes et d'hommes ont retrouvé une dignité au
travers de l'insertion professionnelle.
Mais je n'oublie pas pour autant - qui le pourrait ici ? - les deux millions
d'hommes et de femmes qui restent encore sur le bord du chemin.
M. Dominique Braye.
Mille de plus chaque jour !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Il reste que nous avons élaboré ensemble une loi forte
pour essayer de mieux encadrer les licenciements, cherchant à la fois à
préserver la dignité de chacun et à garantir la nécessaire compétitivité
économique de nos entreprises.
M. Dominique Braye.
C'est une découverte !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Nous ne pouvons que prendre acte de la décision du
Conseil constitutionnel, laquelle ne concerne, au demeurant, qu'un article sur
les 224 que comptait la loi qui a été votée par le Parlement.
Parmi tous ces articles, il en est beaucoup qui sont favorables à l'emploi et
qui concernent plus particulièrement mon domaine de compétence. Je mentionnerai
la validation des acquis de l'expérience, la rénovation de l'apprentissage, les
sanctions contre le harcèlement moral, et nous savons que beaucoup de femmes le
subissent.
M. Dominique Braye.
Des hommes aussi !
M. Alain Gournac.
Et le harcèlement des syndicats ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Ce sont autant de mesures susceptibles de conforter la
dignité des travailleurs dans les entreprises.
Il reste que d'autres mesures doivent encore être prises à cet égard.
Vous avez évoqué la liberté d'entreprendre. Le Premier ministre a récemment
affirmé à plusieurs reprises que la liberté d'entreprendre n'était pas celle de
licencier.
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi de penser que, dans les semaines à
venir, ce sujet fera l'objet de débats approfondis, dans l'intérêt des
salariés, mais aussi dans l'intérêt de la compétitivité de nos entreprises.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur quelques travées
du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. Dominique Braye.
Comptez-y !
GRÈVE DES MÉDECINS