SEANCE DU 17 JANVIER 2002


M. le président. La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet. Je vais revenir sur la question posée par notre collègue M. Lorrain puisque la mienne concerne le conflit qui oppose, depuis plusieurs semaines, les médecins à la Caisse nationale d'assurance maladie et, au-delà, au Gouvernement.
Je voulais, moi aussi, m'adresser à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, mais cela ne sera pas possible. C'est donc à vous, monsieur le ministre délégué à la santé, que je crois très averti de ces problèmes, que je présenterai mes observations, en souhaitant obtenir de votre part une réponse un peu plus précise que celle que vous avez donnée tout à l'heure à Jean-Louis Lorrain.
Dans ce conflit, comme d'habitude, le Gouvernement n'a pas engagé le dialogue au bon moment, espérant sans doute que l'action des généralistes s'épuiserait ou que l'opinion publique les désavouerait.
M. Alain Gournac. C'était une erreur !
M. André Vallet. Le Gouvernement n'a pas apprécié la situation comme il convenait de le faire puisque le mouvement des médecins atteindra son point culminant le 23 janvier et que 71 % des Français soutiennent leurs revendications.
Voilà aujourd'hui le président de la CNAM contraint de négocier avec ceux qu'il refusait de recevoir en décembre !
Voilà madame le ministre de l'emploi et de la solidarité qui trouve aujourd'hui raisonnable ce qu'elle qualifiait d'excessif il y a quelques jours !
M. Dominique Braye. Très bien !
M. André Vallet. Voilà une ministre qui n'hésite pas à dire, en contradiction avec la position officielle que vous avez exprimée il y a un instant, que « 20 euros la consultation, ce n'est pas trop ».
D'autres ministres - peut-être vous, monsieur le ministre - sont prêts à plus de compréhension.
Mais c'est surtout le mutisme du Premier ministre sur ce dossier qui est extraordinaire.
Quelle est la véritable position du Gouvernement ? Peut-il s'affranchir de ses responsabilités et reporter sur la CNAM - c'est ce qu'affirmait ce matin son président - la politique de santé de notre pays ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, laisser nos compatriotes dans une situation médicale aussi préoccupante ?
Et l'épidémie de grippe n'arrange rien ! Les urgences sont débordées. Nous sommes, d'après un professeur de médecine, dans une « situation de guerre ».
M. René-Pierre Signé. Tous aux abris !
M. André Vallet. Qu'allez-vous faire ? Suivrez-vous, comme je le souhaite, l'excellent conseil d'ArletteLaguiller, qui déclarait récemment ne pas être « choquée que l'argent de la sécurité sociale serve à augmenter les honoraires des consultations plutôt qu'à financer les 35 heures » ?
M. René-Pierre Signé. C'est inutile ! Ils sont déjà « pleins aux as » ! Ils paient l'impôt sur la fortune ! Allez, ils ne sont pas malheureux !
M. André Vallet. Aurez-vous, monsieur le ministre, la sagesse d'Arlette ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Vous en conviendrez, monsieur le sénateur, il n'est pas franchement illogique que le ministre délégué à la santé vous réponde à propos de la santé.
La position du Gouvernement a été définie. Si elle est un peu contradictoire - vous avez eu raison de le souligner - c'est parce que nos institutions sont elles-mêmes contradictoires.
On ne peut pas se plaindre que le paritarisme ne fonctionne pas et, dans le même temps, ne pas se féliciter qu'il y ait une négociation avec les organismes paritaires.
Cela étant, bien que je croie avoir répondu précisément à M. Lorrain, je vais m'efforcer d'apporter des éléments complémentaires.
Ce qui me choque, c'est l'état des médecins et, d'une certaine façon - mais d'une certaine façon seulement - de la médecine. Mais nous avons commencé d'y apporter des remèdes.
S'agissant de la formation, non seulement les programmes seront plus adaptés mais les généralistes ne seront plus sélectionnés par l'échec : chacun fera un internat de médecine générale. Cela permettra enfin - je l'ai proposé dès 1992 aux syndicats - de faire en sorte que, en aval, le prix de la consultation des généralistes soit un jour égal au prix de la consultation de spécialiste.
Ainsi, la formation sera pratiquement commune, mais les spécialistes auront par ailleurs, bien entendu, d'autres avantages directement tirés de leur spécialité.
Nous proposons, en outre - cela fait partie de la négociation avec la CNAM - les réseaux et les paiements au forfait. Je milite depuis longtemps pour que les consultations - ou les visites - soient divisées entre les consultations « ordinaires » - le mot ne convient guère mais il ne m'en vient pas d'autre en l'instant - et les consultations plus longues. C'est ce vers quoi nous nous dirigeons.
Je reviens sur la formation commune et l'internat pour tous. Voilà des années qu'on le demandait. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de spécialistes ni de hiérarchie hospitalière : ne me faites pas dire ce que je ne dis pas ! Cela signifie que l'égalisation de l'acte intellectuel de la consultation, que je recherche depuis longtemps, sera un jour possible.
S'agissant de la démographie, oui, bien sûr, il faut plus de médecins. Mais qui les paie ? Oui, bien sûr, il faut plus d'infirmières. Mais qui les paie ?
Permettez-moi de vous dire que ce problème, la majorité précédente n'a pas fait grand-chose pour le résoudre ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Et vous, qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Henri Weber. Mieux que vous, de toute façon !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. En tout cas, crier ne permettra pas de régler le problème économique !

INSÉCURITÉ EN ZONE RURALE