SEANCE DU 22 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à Mme David, auteur de la question n° 1231, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
Mme Annie David.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le 17 décembre
2001, j'ai appelé l'attention de M. le ministre de la santé sur les
conséquences de la pollution à la dioxine engendrée par l'usine d'incinération
des déchets située à Gilly-sur-Isère, dont sont victimes vingt-cinq communes
près d'Albertville, en Savoie.
Cette pollution représente, pour les agriculteurs concernés, des dommages
matériels et psychologiques importants, sans compter leur inquiétude sur la
qualité des produits mis sur le marché et sur leur propre santé, non seulement
après la pollution, mais aussi avant qu'ils en aient soupçonné l'existence.
Certes, la situation a évolué depuis. En effet, les premières analyses font
apparaître des traces de dioxine, mais apparemment sans danger, notamment pour
les mères allaitantes et leurs enfants ; l'indemnisation des agriculteurs a
débuté ainsi que l'abattage du bétail ; la vente du lait a, semble-t-il, pu
être reprise en partie.
Par ailleurs, il a été procédé à la fermeture de l'usine ; une réunion s'est
tenue à Matignon sur ce sujet : le Gouvernement a agi, et je peux donc me
féliciter du travail déjà accompli.
Il n'en reste pas moins qu'une étude épidémiologique doit être engagée
rapidement afin de connaître les conséquences sur l'état sanitaire de la
population.
Quels qu'ils soient, les résultats devront être connus et s'accompagner de
mesures de dépollution et d'un suivi médical dispensé aux personnes exposées,
ces mesures devant intervenir sans attendre la fin de l'étude.
Parallèlement, il est impératif d'engager la recherche de responsabilités afin
de financer l'ensemble des indemnisations aux frais exclusifs des responsables.
Il est également nécessaire de faire prendre en charge par ces derniers les
dépenses liées à la dépollution du périmètre.
Les accidents récents montrent que la règle du « pollueur-payeur » ne semble
pas suffire. La France compte plus de quatre-vingts usines de ce type sur son
territoire. Il appartient à l'Etat de redéfinir les normes pour ces usines de
moyenne importance qui semblent, aujourd'hui, échapper aux réglementations en
vigueur.
D'ores et déjà, et dans les plus brefs délais, il est important de diligenter
une étude pour mesurer la nature et le niveau des fumées rejetées et des
pollutions éventuelles émises par ces usines, ainsi que pour mettre en place,
au regard des résultats, les actions qui s'imposent.
Monsieur le ministre, quels éléments de réponse pouvez-vous nous apporter
aujourd'hui quant au lancement de l'étude épidémiologique, à la recherche des
responsabilités et à la mise en place de nouvelles normes afin de permettre à
ces entreprises de continuer leur activité sans aucun danger pour la population
et pour l'environnement ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Comme vous
l'avez rappelé, madame la sénatrice, le 24 octobre 2001, le préfet de Savoie a
fait fermer l'incinérateur de Gilly-sur-Isère, après que des analyses eurent
prouvé que les taux de dioxines rejetées dans les fumées de l'incinérateur
étaient très élevés.
Les services de l'Etat ont aussitôt mené des investigations dans les élevages
situés dans un périmètre de cinq kilomètres, puis de dix kilomètres autour de
l'incinérateur pour vérifier les teneurs en dioxines des produits animaux. Les
teneurs trouvées dépassent, dans certains cas, les seuils d'exclusion de cinq
picogrammes par gramme de graisse pour les produits laitiers. La production de
lait des élevages concernés a donc été détruite, et un abattage partiel ou
total des troupeaux a été envisagé. Un plan de surveillance a été mis en place
pour vérifier qu'une extension du périmètre ne s'avérerait pas nécesaire.
En liaison avec la cellule interrégionale d'épidémiologie, les autorités
sanitaires locales ont engagé une démarche d'évaluation de l'exposition aux
dioxines et de ses effets éventuels pour la population résidant à proximité.
Puisque vous avez parlé de responsabilités, madame la sénatrice, je puis vous
confirmer qu'il appartient à l'exploitant de l'incinérateur d'indemniser pour
les dommages causés par le fonctionnement non conforme de l'incinérateur de
Gilly-sur-Isère. A titre exceptionnel, une participation financière de l'Etat
est envisagée sous forme d'une avance remboursable, en l'attente de
l'établissement définitif des responsabilités. Cette aide vient en complément
des efforts des collectivités territoriales. Nous avons demandé au préfet de la
Savoie de faire aboutir la convention entre tous les intervenants financiers le
plus rapidement possible.
Pour terminer et répondre complètement à votre question, je vous indique que,
d'une manière plus générale, le ministère de l'aménagement du territoire et de
l'environnement a mené, avec les préfets, des actions énergiques pour mettre
les usines d'incinération d'ordures ménagères en conformité avec les
dispositoins de l'arrêté ministériel du 25 janvier 1991. Cet arrêté, vieux donc
de onze ans, imposait la mise en conformité des usines d'une capacité
supérieure à six tonnes par heure au 1er décembre 1996 et celle des usines
d'une capacité inférieure à six tonnes par heure au 1er décembre 2000. On avait
donc donné, aux uns, presque cinq ans, et, aux autres, neuf ans !
Avant de proposer toute modification des prescriptions en vigueur, nous devons
nous assurer que les exploitants de ces installations, notamment les
collectivités territoriales ou leurs groupements, respectent la réglementation
actuelle.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Pour ce qui concerne les incinérateurs d'une capacité supérieure à six tonnes
par heure, à la fin de 1996, seuls trente, sur un parc d'environ soixante-dix
installations, étaient en conformité ; à la fin de 2001, soixante-treize unités
sur soixante-quinze sont désormais en conformité. Il en reste encore deux !
Pour ce qui concerne les incinérateurs d'une capacité inférieure à six tonnes
par heure, sur un parc initial de cent quatre-vingt-huit installations, cent
quatre unités ont été fermées entre 1998 et 2001. Aujourd'hui, seules
trente-huit installations sont en conformité, sur un total de
quatre-vingt-quatre installations. Cette situation n'est pas bonne. Quatre
autres unités ont engagé des travaux qui devraient conduire à une cessation de
la situation d'infraction avant la fin du premier trimestre 2002. Quarante-deux
unités d'une capacité inférieure à six tonnes par heure demeurent en
fonctionnement alors qu'elles ne respectent pas la réglementation.
J'ai informé, à plusieurs reprises, les préfets des départements où se
trouvent ces incinérateurs non conformes des dommages importants constatés à
Gilly-sur-Isère et je leur ai rappelé, en novembre, puis en décembre 2001, la
nécessité d'engager rapidement les actions administratives nécessaires pour
faire cesser l'exploitation d'installations qui ne respectent pas la
réglementation en vigueur. A cet effet, j'envisage de rencontrer de nouveau
prochainement les principaux préfets concernés par des incinérateurs non
conformes, et ils sont encore nombreux.
RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX DÉCHARGES OU
INSTALLATIONS DE STOCKAGE DE DÉCHETS MÉNAGERS