SEANCE DU 22 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à Mme Gisèle Gautier, auteur de la question n° 1220, adressée à
M. le ministre de l'intérieur.
Mme Gisèle Gautier.
Je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur l'aggravation de la
violence et de l'insécurité dans notre pays, particulièrement en
Loire-Atlantique, département que je représente au sein de cette assemblée.
La ville d'Orvault, qui a au demeurant la réputation d'être sereine, n'échappe
malheureusement pas aux violences urbaines. Depuis un an, on y constate en
effet une progression très importante de ce phénomène dans différents
quartiers. Les faits suivants en sont la preuve : des
hold-up
ont été
perpétrés dans certains magasins, avec parfois des prises d'otages, ce qui est
très grave, des agressions physiques avec menaces de mort ont été commises
contre des agents municipaux chargés de missions de gardiennage ou de
surveillance, des bâtiments publics et des véhicules, ceux-ci au nombre de
cinquante-cinq en 2001, ont été incendiés, ce qui a quelquefois provoqué un
début d'incendie dans des maisons d'habitation.
A cet égard, les récentes séries d'incendies dont les médias se sont largement
fait l'écho ont suscité un climat de psychose et d'insécurité parmi la
population. Les conditions de vie deviennent de plus en plus difficilement
supportables dans certains quartiers, et je veux saluer ici les efforts
considérables de la municipalité, qui a créé un véritable dispositif de
prévention et de traitement de la délinquance, en étroite concertation avec
l'office des centres sociaux et l'ensemble des partenaires concernés.
Toutefois, malgré l'importance du plan mis en place par le maire, il convient
aujourd'hui d'admettre les limites de cette action.
J'ajouterai que la population ne doit plus avoir le sentiment que les
délinquants jouissent d'une véritable impunité. Aussi est-il urgent de tout
mettre en oeuvre pour prévenir le recours à l'autodéfense, qui est
malheureusement en train de se développer.
Outre le cas de la commune d'Orvault, nous constatons dans l'ensemble du
département de la Loire-Atlantique une augmentation très préoccupante du nombre
des actes de violence. Ainsi, dans la nuit du 24 au 25 décembre derniers, la
police a dû intervenir à neuf reprises en quelques heures à Nantes, à
Saint-Herblain, commune à population sensible, et à Rezé, une dizaine de
voitures et une caravane ayant été incendiées.
A l'évidence, ces divers exemples montrent que cette situation ne peut plus
durer. J'aimerais donc savoir si le Gouvernement prévoit de renforcer les
moyens des forces de police et ceux de la justice, afin que celle-ci puisse
agir rapidement, et s'il entend procéder à une réforme de la législation,
s'agissant en particulier des mineurs délinquants. Par ailleurs, quels moyens
compte-t-il déployer à l'échelon local, notamment en faveur de la ville
d'Orvault, compte tenu de l'ampleur du phénomène de violence que je viens
d'évoquer ?
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Comme vous l'avez rappelé,
madame le sénateur, on constate depuis un an une montée en puissance de la
violence urbaine dans différents quartiers de la commune d'Orvault, qu'il
s'agisse de
hold-up,
parfois avec prise d'otages, ou d'agressions
physiques. L'inquiétude est grande, d'autant que l'on assiste à une
recrudescence des incendies de bâtiments publics et de véhicules, voire
d'habitations, et la population évoque elle-même, via les médias locaux, un
climat de psychose.
La police a eu à pâtir directement de ces phénomènes, et le ministre de
l'intérieur tient à souligner que, en dépit de la mise en oeuvre de la
politique globale annoncée lors du colloque de Villepinte, nous ne sommes pas
suffisamment proches de nos agents de la force publique. A cet égard, peut-être
conviendrait-il d'évoquer ensemble la police de proximité lors de discussions
relatives aux contrats locaux de sécurité.
Cela étant, l'action menée en partenariat dans la circonscription de Nantes a
donné de bons résultats, même si l'on relève des difficultés en grande
périphérie. On constate d'ailleurs souvent que lorsque la situation s'améliore
dans une aire géographique donnée, les actes de délinquance surviennent plus
loin.
La circonscription de Nantes a eu la chance de se voir allouer une première
dotation, grâce à son découpage en secteurs de police de proximité. Ainsi, les
commissariats subdivisionnaires, en particulier celui d'Orvault, qui compte
trente-six fonctionnaires de police et six adjoints de sécurité, travaillent
plus efficacement depuis que de nouveaux postes ont été créés. En effet, dans
l'optique de la nouvelle doctrine du ministère de l'intérieur en matière
d'emploi, la circonscription de Nantes a bénéficié de moyens d'accompagnement
supplémentaires, notamment matériels et financiers, ainsi que d'un
accroissement de ses ressources en personnels.
S'agissant plus particulièrement de ces derniers, elle disposait, au 1er
décembre 2001, de 830 fonctionnaires, dont 687 agents du corps de maîtrise et
d'application. Par rapport au 1er janvier 1999, le potentiel s'est accru de 59
fonctionnaires, dont 33 gradés et gardiens.
Cet effort a été poursuivi par le biais des recrutements réalisés dans le
cadre du développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Ainsi, les 143
adjoints de sécurité affectés au commissariat de Nantes assistent les
fonctionnaires titulaires dans leurs missions de prévention et de soutien à la
population.
Il conviendra certainement de mettre davantage l'accent sur le partenariat,
même si l'ensemble des élus - M. le ministre de l'intérieur tenait à le
souligner - a prêté une grande attention à ce dossier particulier. Quoi qu'il
en soit, nous devrons encore travailler aux moyens de lutter contre
l'insécurité.
A cet égard, l'adoption de la loi relative à la sécurité quotidienne,
promulguée le 15 novembre dernier, permettra de mieux combattre les nouvelles
formes de criminalité. Il est en effet évident que, à Orvault comme ailleurs,
les jeunes délinquants ne sont pas isolés, mais sont souvent soutenus par des
mouvements organisés, ce qui fait toute la difficulté de nos problèmes
actuels.
En ce qui concerne la délinquance des mineurs, des centres d'éducation
renforcée et des centres de placements immédiats facilitant la diversification
des réponses judiciaires ont été mis en place. Toutefois, en tant que garde des
sceaux, travaillant en collaboration, sur ce sujet, avec MM. les ministres de
l'intérieur et de la défense, j'estime que leur nombre n'est pas encore
suffisant et que nous devrons vraisemblablement doubler les capacités
d'accueil.
En effet, les résultats sont bons : 80 % des jeunes ayant été placés en centre
de détention pénitentiaire récidivent, alors que ce taux est seulement de 20 %
pour ceux qui ont été accueillis en centre d'éducation renforcée. Ces
structures, qui ont maintenant presque atteint leur « vitesse de croisière »,
permettent donc de grands espoirs, et le délai de construction, qui est de deux
ans, n'est pas si long qu'on le prétend.
Enfin, de nouveaux moyens, tant en personnels qu'en matériels, seront accordés
aux services de police, grâce à l'adoption de la loi de finances pour 2002 et
de la loi de finances rectificative, ainsi qu'aux arbitrages rendus par le
Premier ministre. Cela permettra de disposer de policiers plus nombreux mais
aussi mieux formés. A cet égard, le ministre de l'intérieur a rappelé à quel
point il avait été difficile de compenser les départs en retraite massifs du
début de la mandature.
En dépit de difficultés que l'on observe à Orvault et dans une vingtaine
d'autres communes n'appartenant pas à la banlieue parisienne, nous devons, avec
l'ensemble des personnels de la police, de la gendarmerie et de la justice,
sans oublier les travailleurs sociaux, la protection judiciaire de la jeunesse
et les moyens mis à la disposition des collectivités territoriales, oeuvrer en
partenariat pour tenter d'enrayer ce que l'on a pu décrire comme la spirale de
l'insécurité. J'ai bon espoir, car quand se partenariat fonctionne bien, les
chiffres de la délinquance progressent moins vite que la moyenne nationale. La
mobilisation et l'harmonisation des actions sont donc nécessaires pour ouvrir
d'autres perspectives. Les jeunes de ce pays qui « délinquent », comme on dit
aujourd'hui, ne sont pas des jeunes heureux, et nous devons renouer le dialogue
avec eux dans l'espace public.
Mme Gisèle Gautier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier.
Madame le ministre, je voudrais d'abord saluer les efforts que vous déployez
pour résoudre les problèmes que rencontre notre société.
Ainsi, une dotation a été allouée à la circonscription de Nantes.
A cet égard, de nombreuses communes adhèrent aux contrats locaux de sécurité,
qui constituent une forme de partenariat très intéressante. En outre, vous avez
évoqué le recrutement d'agents supplémentaires, qu'il s'agisse de policiers ou
de médiateurs.
Cependant, au-delà de ces mesures positives, que je qualifierai de
ponctuelles, ne serait-il pas possible, sur le plan législatif, d'envisager de
remettre en vigueur la « loi anti-casseurs » ?
Par ailleurs, on constate, sur le terrain, que la loi renforçant la protection
de la présomption d'innocence et les droits des victimes n'a fait, en quelque
sorte, que développer le sentiment d'impunité qu'éprouvent les délinquants. Je
suggère par exemple que les témoins puissent être, dans certaines affaires, mis
en garde à vue, avec bien évidemment beaucoup de précautions et de prudence,
car je n'ignore pas que cette question est extrêmement difficile.
Enfin, il conviendrait à mon sens de redonner toute sa place à la justice et
de lui accorder les moyens de mieux travailler. Les magistrats se sentent
actuellement démunis, ils le disent fréquemment, et peut-être faudrait-il se
pencher à nouveau sur leur situation.
Je conclurai en rappelant que l'Etat est garant de la sécurité, mais aussi de
la paix publique, sans laquelle aucun citoyen ne peut réellement vivre
libre.
RÉNOVATION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
D'AIX-EN-PROVENCE