SEANCE DU 23 JANVIER 2002
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 124 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 178 est présenté par M. Lassourd, au nom de la commission des
affaires économiques.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 49 pour l'article L.
121-1 du code de l'environnement, après les mots : "des projets d'aménagement
ou d'équipement", insérer les mots : "d'intérêt national". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 124.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Le champ d'application du débat public délimité par le texte
qui nous est soumis permettrait d'organiser des débats publics sur des projets
ayant une incidence locale. Un projet de tramway en site propre, par exemple,
pourrait ainsi être soumis à ce débat, les seuils pouvant être très bas.
Pratiquement tous les projets routiers, en particulier les contournements
routiers d'une certaine importance, se trouveraient aussi soumis à la
Commission nationale du débat public, la CNDP.
Cela ne correspond certainement pas à l'esprit de la loi, qui concerne avant
tout les très grands projets. L'amendement vise donc à rétablir l'actuelle
condition d'intérêt national des projets.
En outre, monsieur le ministre, nous demandons au Gouvernement de nous donner
des garanties sur les seuils à partir desquels les projets seront soumis au
débat d'intérêt national, seuils qui doivent être fixés par décret en Conseil
d'Etat.
M. Alain Gournac.
Très bien ! Sinon, cela ne servirait à rien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Nous sommes là au coeur du débat de fond sur la raison d'être
du débat d'intérêt public. Voila pourquoi notre position sur la notion
d'intérêt national des grands projets est fondamentale.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 178.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
L'amendement présenté par la commission des
affaires économiques est identique à celui de la commission des lois. Pour ne
pas allonger le débat, je me contenterai de dire que je partage totalement les
arguments qui viennent d'être développés par M. le rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 124 et 178
?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Introduite
par la loi Barnier en 1995, cette notion d'intérêt général existe déjà et
figure dans le code de l'environnement. Toutefois, si la loi Barnier avait
introduit la notion de débat, elle ne comportait aucune obligation. Tel n'est
pas le cas en l'espèce, et c'est pourquoi l'adoption de ces amendements
ouvrirait un risque de contentieux. C'est le premier point que je tenais à
souligner.
En outre, alors que la CNDP tient actuellement en moyenne deux débats par an,
ce nombre serait multiplié par dix, ce qui serait un changement assez important
par rapport à la situation actuelle.
Dans ce texte, l'intention du Gouvernement est, outre le fait de ne focaliser
les débats publics que sur des projets que l'on peut qualifier d'intérêt
national, de préciser les formalités et les obligations qui n'avaient pas été
introduites dans la loi Barnier.
Ainsi, le maître d'ouvrage devra, au-delà d'un certain seuil, saisir la CNDP
et, entre deux seuils inférieurs, publier une information sur son projet afin
de rendre possible la saisine de la CNDP, dont le rôle est d'apprécier si le
projet présente ou non un caractère d'intérêt national. Il vaut mieux en effet
que le maître d'ouvrage sache sans ambiguïté ce qu'il doit faire ; c'est une
question de sécurité juridique.
Dans un premier temps, le Gouvernement avait réfléchi à la formule que vous
proposez. Mais il a préféré celle qui figure à l'article L. 121-8 du code de
l'environnement, car elle est plus sûre pour le maître d'ouvrage et offre une
meilleure garantie juridique pour l'ensemble de la procédure.
Messieurs les rapporteurs, à supposer que vous soyez convaincus, évidemment,
de l'amélioration apportée par la rédaction actuelle du projet de loi, je vous
suggère de retirer les amendements n°s 124 et 178.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Monsieur le ministre, ce point est fondamental. Pour éclairer
le Parlement sur la décision qu'il doit prendre en connaissance de cause en cet
instant, deux éléments doivent nous être apportés avec précision.
D'abord, que recouvre précisément la notion d'intérêt national en matière
d'équipement ? C'est important si nous voulons éviter de paralyser...
M. Alain Gournac.
On ne ferait plus rien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... nombre de projets d'intérêt local et, par conséquent, la
politique d'équipement qui est nécessaire dans ce pays.
M. Philippe Richert.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Ensuite, il nous manque des informations sur le seuil, qui,
jusqu'à présent, était de l'ordre de 4 milliards de francs, mais qui, d'après
des informations officieuses, serait ramené à 1 milliard de francs, voire un
demi-milliard de francs !
M. Alain Gournac.
Dans ce cas, on ne fera plus rien !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ce sera bloqué !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Le montant du seuil que le Gouvernement a l'intention de
fixer est un point essentiel de ce projet de loi. Ne pouvant rester dans le
flou,...
M. Alain Gournac.
Artistique !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... il faut que soit très clairement balisée la voie que vous
proposez.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le rapporteur, les seuils que nous envisageons d'introduire dans le décret sont
en effet plus bas que le seuil actuel qui figure dans la loi.
Le seuil haut serait d'environ 150 millions d'euros, le seuil bas serait de la
moitié, soit 75 millions d'euros.
M. Charles Revet.
Cela fait, pour le seuil haut, un milliard de francs !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mais il ne
s'agit que d'un ordre de grandeur. Ce ne sont pas les chiffres exacts qui
figureront dans le décret.
M. Alain Gournac.
Tout sera bloqué !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Parmi les
différents critères d'appréciation, celui d'intérêt national est celui que nous
mettrons en avant, un peu comme vous. Car il ne s'agit pas d'avoir des débats
multiples et variés sur des projets qui ne seraient pas d'intérêt national
malgré leur coût élevé ! D'autant qu'en matière de transport les coûts grimpent
vite. Un tramway, par exemple, est une infrastructure assez lourde qui coûte
très cher.
Je prends à témoin M. Sueur : dans toutes les agglomérations, on sait à
quelles difficultés on se heurte pour les projets de transport en commun en
site propre !
M. Charles Revet.
D'intérêt national !
M. Alain Gournac.
C'est dur d'être ministre et Vert à la fois !
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, en définitive, le texte que
vous nous proposez ouvre la porte à toutes les possibilités.
A l'article L. 121-1, vous indiquez que la commission nationale du débat
public peut être saisie de projets d'aménagement ou d'équipement pour des «
catégories d'opérations dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat »,
et la seule qualification que vous introduisez est la suivante : « dès lors
qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts
significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ».
A l'article L. 121-7, il est question de seuils, et les montants que vous
indiquez en euros montrent que le seuil qui était appliqué jusqu'ici est divisé
par quatre.
Quand vous croisez les deux conditions énoncées dans ces articles, il devient
évident que la porte est ouverte à toutes les saisines, monsieur le ministre,
et que cela revient à instaurer un débat public sur de très nombreux sujets qui
n'auront pas, contrairement à ce que vous dites, un intérêt national : un
tramway a un intérêt local, et la commission pourra être saisie parce que sont
coût sera supérieur au seuil de 1 milliard de francs.
On ne peut pas rester dans ce flou ! Il faut préciser le périmètre de saisine
et d'action de la commission nationale du débat public. C'est pourquoi la
commission des lois et la commission des affaires économiques proposent leur
amendement, qui vise à réserver la saisine de la commission exclusivement à des
opérations d'intérêt national.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 124 et 178.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris les explications de M. le
ministre. Il me semble pourtant que les choses devraient être claires, et M.
Hoeffel l'a excellement rappelé : il serait facile de nous indiquer le seuil à
partir duquel les projets sont considérés comme relevant du débat national. Ce
serait loyal !
Monsieur le ministre, vous nous dites que le seuil pourrait - j'ai noté
l'emploi du conditionnel - être fixé par décret. J'ai gardé la nostalgie d'un
débat relatif à la modification du statut de la SNCF. A l'époque, Bernard Pons,
ministre de l'équipement, avait innové : il avait en effet fourni le même jour
au Parlement et le projet de loi et le projet de décret qui devait suivre.
J'ai appartenu à des cabinets ministériels, et j'en garde quelques souvenirs :
je sais que cela ne doit pas être toujours aussi facile. Ce point mériterait
cependant un minimum de clarté à l'égard du Parlement et de l'opinion
publique.
Enfin, en ce qui concerne les seuils que vous avez évoqués, je rejoins ce qui
a été dit à propos d'un tramway. Je suis maire de Châtillon, ville située à
quelques kilomètres d'ici. Avec la région d'Ile-de-France, nous oeuvrons sur un
projet de tramway qui reliera la gare de Châtillon-Montrouge à celles de Vélizy
et Viroflay.
M. Charles Revet.
Il s'agit d'un projet d'intérêt national !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Effectivement ! Je deviens donc un maire d'une grande importance. Mais, très
franchement, cela ne me paraît pas très sérieux.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
Monsieur Schosteck, vous avez toujours été un maire d'une grande importance
!
(Sourires.)
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Par le
biais d'une autre formulation, je vais essayer de nouveau de clarifier nos
débats.
D'une part, la liste sera la même que celle qui a été établie dans la loi
Barnier. D'autre part, vous vous souvenez que, dans cette loi, le seuil était
seulement indicatif : le chiffre de 4 milliards de francs était mentionné, mais
ce pouvait être inférieur ou supérieur à ce chiffre.
A l'évidence, au-dessus du seuil fixé, il y aura une saisine de la commission,
mais - je vous rappelle le texte du projet de loi - une fois qu'elle sera
saisie, la commission appréciera, pour chaque projet,...
M. Jean-Pierre Schosteck.
Voilà qui nous rassure !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... si le
débat public doit être organisé, en fonction de l'intérêt national du projet ;
c'est le premier critère retenu.
M. Schosteck a parlé de tramway : si un tramway est plutôt d'intérêt local ou
intercommunal, la commission n'engagera certainement pas - mais je ne préjuge
pas sa décision, car elle est indépendante - un débat national. Il lui faudra
auparavant apprécier différents critères, à savoir l'intérêt national du projet
et son incidence territoriale, les enjeux socio-économiques et ses effets sur
l'aménagement du territoire et l'environnement. La commission devra déterminer
si l'ensemble de ces critères sont ou non réunis par le projet, même si le coût
de celui-ci s'élève à 2 milliards ou à 5 milliards de francs. Dans le cas
contraire, il n'y aura pas lieu d'organiser un débat public. Celui-ci n'est pas
automatique au motif que le projet coûterait tant ou tant d'euros.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Je n'ai pas l'habitude d'intervenir
dans ce débat, qui est déjà long et difficile. Toutefois, je m'interroge.
Rien n'interdirait, dans le texte, que le seuil de déclenchement de la saisine
de la commission pour les grands projets nationaux s'applique aux projets
d'intérêt local. La réalisation d'une ligne de tramway ou d'une déviation dans
une commune de 12 000 ou 13 000 habitants coûte en effet plus d'un milliard de
francs. Ce faisant, nous ne faisons qu'ajouter des délais pour des projets pour
lesquels le temps est de l'argent. C'est pourquoi il me paraît important de ne
pas laisser d'ambiguïté sur le seuil, même si vous avez certainement raison à
propos des modalités.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Je ferai simplement quelques réflexions.
Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, il a été clairement indiqué
que l'objectif était de parvenir à une vingtaine de débats publics par an,
alors qu'à ma connaissance il ne s'en est déroulé que quatre depuis la mise en
place de la commission nationale du débat public.
A l'évidence, si nous ne mettons pas de verrou, nous serons en quelque sorte
dans un
happening
permanent et nous débattrons des projets nationaux ou
locaux sans qu'aucun aboutisse.
La participation du public à la réflexion sur des projets est une nécessité
dans notre société. Encore faut-il bien l'encadrer, afin de ne pas paralyser
les maîtres d'ouvrage.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
A écouter M. le ministre, c'est comme si seul le débat national existait.
(M. le ministre fait un signe de dénégation.)
En réalité, de multiples
autres procédures permettent d'associer la population à des chantiers ou à des
projets importants et de faire en sorte qu'un débat puisse avoir lieu sur
l'opportunité d'un projet, sur ses modalités, le cas échéant sur un tracé de
route.
Il faut donc réserver la procédure nationale à des dossiers exceptionnels en
raison à la fois de leurs conséquences sur l'ensemble du territoire national,
de leur ampleur et de leur contenu. Il est vraiment important, comme l'ont
rappelé nos rapporteurs, que nous fixions clairement un cadre pour éviter
toutes les dérives dans les interprétations.
Lorsque j'entends dire que la réalisation de tramways est d'intérêt national,
j'avoue que, plus que des interrogations, j'ai des doutes sur la voie que l'on
veut nous faire emprunter.
Nous devons éviter de nous laisser entraîner dans cette direction, qui
créerait de nombreux blocages en sus de tous ceux qui existent d'ores et déjà.
Plusieurs procédures sont en effet déjà mises en oeuvre.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Il s'agit là d'une disposition législative éminemment politique. Je vais
jusqu'à me poser la question de savoir s'il n'y a pas, de la part du
Gouvernement, quelques arrière-pensées en voulant faire adopter par le
Parlement des dispositions de cette nature, afin d'atteindre des objectifs
politiques partisans en matière d'environnement sur des sujets sensibles comme
celui des usines nucléaires ou des aéroports ; je pense au troisième aéroport
international.
En tant qu'élu de la Picardie, j'ai encore en mémoire les interventions
tonitruantes de M. Mamère se déplaçant en région Picardie et allant porter la
bonne parole pour soutenir les opposants au troisième aéroport international.
Qui va imaginer un seul instant - je n'ai pas encore trouvé l'exception qui
confirme la règle - que nous arriverons, grâce au débat public - et Dieu sait
s'il y en a eu dans ma région sur le troisième aéroport ! - à obtenir une
position objective de la part des résidents qui seront touchés par les
contraintes résultant de l'implantation d'une infrastructure de cette nature,
où les inconvénients sont plus nombreux que les avantages en matière
d'environnement et de qualité de la vie ?
J'ai assisté, personnellement, à deux ou trois séances de débat public. On
voit bien d'ailleurs, à la veille d'échéances électorales comme celles que nous
connaissons, combien la démagogie prend le pas sur l'intérêt général pour des
opérations de cette nature.
J'ai le sentiment que l'on va créer des situations dans lesquelles les
gouvernements, quels qu'ils soient, vont s'enliser et, au travers de ces
opérations de débat public, perdre toute crédibilité dans des projets de cette
nature.
Les procédures de déclaration d'utilité publique existent. Elles permettent à
chacun de nos concitoyens de prendre connaissance des dossiers dans leur mairie
et d'émettre leur avis sur un registre ; un commissaire et des experts rendent
un rapport, en fonction duquel une décision est prise par ceux qui en ont la
responsabilité.
Le dispositif que nous sommes en train d'élaborer risque de paralyser le
fonctionnement de notre démocratie au travers de choix qui peuvent être
considérés comme vitaux pour notre pays.
Ces opérations de débat public sont pour moi une véritable mascarade, du moins
celles auxquelles j'ai assisté dans ma région, notamment dans mon
département.
Nos rapporteurs ont donc raison d'essayer de limiter au strict minimum le
champ de ces débats publics - au moins aux grands projets - afin de ne pas
faire perdre leur temps aux élus à la fois locaux et nationaux dans de grandes
séances de débats publics, qui risquent également de paralyser nombre de
projets locaux.
Par conséquent, monsieur le ministre, j'ai du mal à vous suivre. Si
j'interprète un peu vos propos, vous nous dites que les amendements déposés par
les commissions sont redondants eu égard aux dispositions qui existent déjà
dans la loi Barnier et vous nous renvoyez à l'article L. 121-8, qui fait
référence au projet d'intérêt national.
Il y a une nuance, me semble-t-il, mais seuls les membres de la commission des
lois pourront infirmer ou confirmer ce que je vais dire. L'article L. 121-8
dispose que la commission apprécie, pour chaque projet, si le débat public doit
être organisé en fonction de l'intérêt national du projet, de son incidence
territoriale, des enjeux socio-économiques, etc. Si l'on précisait : « à la
fois en fonction de », cela voudrait dire que l'ensemble des critères doivent
être pris en considération. La commission pourrait en effet estimer que la
réunion de quatre critères sur cinq ou cinq critères sur six est suffisante,
sans prendre en compte l'intérêt national, pour que le débat public ait
lieu.
Les amendements identiques des commissions me paraissent donc procurer
beaucoup plus de sécurité. A partir du moment où ils vont dans le sens que vous
souhaitez, je ne vois pas ce qui motive votre opposition, monsieur le ministre.
En l'écrivant, cela ne ferait que conforter ce que vous souhaitez vous-même.
M. Alain Gournac.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le ministre, vos deux arguments ne m'ont pas du tout convaincu : le
premier était flou, le second était faible !
Monsieur le ministre, nous sommes dans un pays où l'on bloque tout. On débat,
on fait des tables rondes, carrées, rectangulaires - que sais-je encore ? -
sans parler des livres blancs, mais, dans le pays, tout est bloqué, jusques et
y compris la petite déviation qu'attendent depuis des années les cent vingt
habitants du village d'à côté. De grâce !
La précision : « d'intérêt national » que la commission propose d'insérer est
tout à fait nécessaire si nous voulons que notre pays, qui est déjà en retard
par rapport à ses voisins et concurrents directs, ne soit pas complètement
asphyxié.
Nous connaissons déjà des difficultés de circulation partout sur le territoire
il suffit de venir à Paris pour s'en apercevoir. Alors, je vous en supplie,
arrêtons de bloquer la France !
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 124 et 178, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 125 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 179 est présenté par M. Lassourd, au nom de la commission des
affaires économiques.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« Remplacer le troisième alinéa du texte proposé par l'article 49 pour
l'article L. 121-1 du code de l'environnement par deux alinéas ainsi rédigés
:
« La participation du public est assurée pendant la phase d'élaboration d'un
projet, depuis l'engagement des études préliminaires jusqu'à la clôture de
l'enquête publique réalisée en application des dispositions du chapitre III du
titre II du livre Ier du présent code ou du chapitre Ier du titre Ier du code
de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
« En outre, la Commission nationale du débat public veille au respect de
bonnes conditions d'information du public durant la phase de réalisation des
projets dont elle a été saisie jusqu'à la réception des équipements et travaux.
»
L'amendement n° 539, présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge,
Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM.
Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston
et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte
proposé par l'article 49 pour l'article L. 121-1 du code de l'environnement
:
« ... des dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du présent
code, du chapitre Ier, titre Ier du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique ou en application de l'article 5 de la loi du 19 juillet
1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
»
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 125.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
L'amendement n° 125 encadre les missions de la commission
nationale du débat public après la clôture de l'enquête publique, afin d'éviter
une concertation continue qui remette en cause l'autorité décisionnelle du
maître d'ouvrage.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement
n° 179.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
J'ajouterai simplement aux propos de M. le
rapporteur que ces amendements identiques distinguent clairement le temps de la
participation du public du temps de l'information du public. Cette distinction
doit, en effet, être très nette, de telle façon que, une fois l'enquête
publique terminée, la réalisation des travaux donne lieu à une information du
public sur le déroulement des travaux, et non plus à sa participation.
M. le président.
La parole est à M. Sueur, pour défendre l'amendement n° 539.
M. Jean-Pierre Sueur.
Cet amendement vise à rendre possible le recours à la procédure du débat
public pour un certain nombre d'installations classées quand cela apparaît
opportun compte tenu de l'importance de ces installations.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 539 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Pour la commission des lois, le projet de loi sur le risque
industriel, qui doit être examiné au mois de février par l'Assemblée nationale,
sera plus approprié pour prendre en compte la juste préoccupation de M.
Sueur.
Pour la clarté du débat, mieux vaut, mon cher collègue, ne pas insérer dans ce
projet de loi une disposition qui trouvera naturellement sa place dans un texte
plus approprié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 125 et 179,
ainsi que sur l'amendement n° 539 ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le
Gouvernement n'est pas favorable aux amendements n°s 125 et 179. Ils visent en
effet à limiter le rôle de la commission nationale du débat public au projet
dont elle a été saisie concernant l'information du public, alors que nous
souhaitons lui conférer, au contraire, une mission plus importante de garante
de la concertation d'une manière générale.
S'agissant de l'amendement n° 539, je suis un peu embarrassé. Le rapporteur a
fait référence au futur projet de loi sur les risques industriels, actuellement
en cours d'examen par le Conseil d'Etat, et qui devrait être présenté au
conseil des ministres pour, je l'espère autant que vous, être discuté, en
première lecture, par l'Assemblée nationale.
Cela étant, si je comprends le souci de M. Sueur et de ses collègues de
favoriser la participation du public à l'élaboration des projets portant sur
des installations classées, selon la loi de 1976 - la première grande loi sur
l'environnement - je remarque que, aux termes de la loi Bouchardeau du 12
juillet 1983, dont il est beaucoup question aujourd'hui, cette possibilité
existe déjà, précisément dans le chapitre III, titre II, livre Ier du code de
l'environnement. Cet amendement est donc inutile, non du fait de son objet,
mais parce que les dispositions proposées sont déjà en vigueur.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 539 est-il maintenu, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Compte tenu des explications de M. le ministre, ainsi que de M. le rapporteur,
je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 539 est retiré.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Monsieur le ministre, nous ne voulons pas réduire le rôle de
la commission nationale. Nous voulons simplement remettre chaque instance à la
place qui est et doit rester la sienne : à la commission nationale d'organiser
la concertation et l'information, au maître d'ouvrage de rester maître de la
décision. Telle est la philosophie des amendements que nos deux commissions
défendent.
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 125 et 179, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 126, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'article 49 pour l'article L. 121-1 du code
de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission nationale du débat public et les commissions particulières ne
se prononcent pas sur le fond des projets qui leur sont soumis. »
L'amendement n° 180, présenté par M. Lassourd, au nom de la commission des
affaires économiques, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par l'article 49 pour l'article L. 121-1 du code
de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission nationale du débat public et les commissions particulières
visées à l'article L. 121-8 ne se prononcent pas sur le fond des projets qui
leur sont soumis. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 126.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Dans le même esprit, et toujours dans le souci de
clarification, nous précisons que la commission nationale ne se prononce pas
sur le fond des projets. Cela permet d'éviter toute équivoque.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 180.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Ces deux amendements s'inscrivent dans le droit-fil
de tout ce que nous avons défendu et proposé depuis la début de la discussion
de ce projet de loi. Comme le disait M. le rapporteur tout à l'heure, le débat
public doit s'instaurer, mais à sa place, sans déborder sur la responsabilité
du maître d'ouvrage et en préservant également, en aval, toute sa valeur
juridique à l'enquête publique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 126 et 180 ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le
Gouvernement, sur le fond, souscrit tout à fait aux intentions des auteurs des
deux amendements. Nous sommes bien d'accord, la commission nationale future,
comme la commission actuelle, d'une certaine manière, ne fera qu'organiser les
débats, rédiger des comptes rendus, publier des bilans, faire des rapports,
sans jamais émettre la moindre proposition de décision : il ne revient pas à
cette instance de prendre des décisions. Notre texte est, d'ailleurs, sans
ambiguïté sur ce point, et le fait de le préciser n'apporte rien de plus.
Encore une fois, nous sommes d'accord, et notre projet de loi a été rédigé en
ce sens.
Je souhaite donc le retrait de ces amendements qui, sinon, nous feraient
risquer le « trop-plein » législatif !
(Sourires.)
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Je retire l'amendement n° 180.
M. le président.
L'amendement n° 180 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 126.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je me réjouis des propos tenus par M. le ministre en ce qui concerne le rôle
qui, sur le fond, doit être celui de la commission nationale du débat
public.
J'espère simplement, monsieur le ministre, que ce n'est pas uniquement la
position du Gouvernement que vous représentez ici, que c'est aussi le point de
vue de la majorité plurielle, dans sa totalité ! Quant à M. Mamère, qui s'est
déplacé dans notre région et a cru bon d'ouvrir le débat sur l'opportunité d'un
troisième aéroport, qu'il en tire les enseignements, puisque je crois savoir
que vous appartenez au même mouvement politique et à la même famille de
pensée.
Je souhaiterais, pour ma part, que les actes soient en conformité avec les
paroles et que l'ensemble de la majorité plurielle soit sur la même ligne que
la vôtre. Car il est un peu facile de tenir, ici, devant la représentation
nationale, des propos similaires à ceux que vous tenez et, à la première
occasion, de laisser les membres de votre majorité se répandre sur le
territoire et adopter une attitude et un comportement complètement opposés.
M. Alain Gournac.
Bien dit !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 126, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de
l'environnement.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-2 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT