SEANCE DU 23 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 200, présenté par M. Lassourd, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
« Avant l'article 58 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 512-5 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Art. L. 512-5 . - Pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur des installations classées, fixe les règles générales et les prescriptions techniques applicables aux installations classées soumises aux dispositions de la présente section. Ces règles et prescriptions, qui s'imposent de plein droit aux installations nouvelles, déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d'accident ou de pollution de toute nature susceptible d'intervenir, ainsi que les conditions d'insertion dans l'environnement de l'installation et de remise en état du site après arrêt de l'exploitation.
« Des arrêtés interministériels, pris après avis du Conseil supérieur des installations classées et des organisations professionnelles intéressées, peuvent préciser, en fonction des caractéristiques spécifiques des différentes catégories d'installations classées soumises à autorisation, les modalités d'application des règles et prescriptions mentionnées à l'alinéa précédent, ainsi que les délais et les conditions dans lesquels elles s'appliquent aux installations existantes.
« Ces règles générales et prescriptions techniques peuvent faire l'objet d'adaptation aux circonstances locales par l'arrêté préfectoral d'autorisation. »
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à insérer un article additionnel portant sur l'élaboration des règles générales et des prescriptions techniques applicables aux installations classées, sachant que l'Assemblée nationale, par le biais des articles 58 ter et 58 quater , a déjà modifié la réglementation relative aux installations classées.
Le présent amendement reprend de façon quasiment identique un dispositif adopté par le Sénat dans le cadre de la loi d'orientation agricole, mais non repris par l'Assemblée nationale.
Il tend à modifier la rédaction de l'article L. 512-5 du code de l'environnement, qui autorise le ministre chargé des installations classées à prendre par arrêté, après consultation des autres ministres compétents, des règles générales et des prescriptions techniques applicables à l'ensemble des installations soumises à autorisation.
Cela semble contraire aux dispositions de l'article 21 de la Constitution, qui confie au Premier ministre l'exercice du pouvoir réglementaire, n'autorisant des délégations que pour l'adoption de mesures de portée limitée, tant par leur champ d'application que par leur contenu.
M. Michel Charasse. Il faut le dire aux Corses !
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis. En conséquence, cet amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les règles générales et les prescriptions techniques applicables à toutes les installations classées soumises à autorisation. Des arrêtés ministériels pourront préciser en fonction des caractéristiques spécifiques les modalités d'application des règles générales et des prescriptions techniques ainsi que leurs conditions d'application aux installations existantes.
En outre, il rappelle que ces règles peuvent faire l'objet d'adaptation aux circonstances locales par l'arrêté préfectoral d'autorisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La balance étant désormais égale, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je vais déséquilibrer cette balance en disant que le Gouvernement est très défavorable à cet amendement, dont je demande, bien sûr, le rejet.
En effet, le ministre chargé de l'environnement a pour mission de veiller à l'application de la loi de juillet 1976 relative aux installations classées. Il est tout à fait justifié qu'il dispose, en application de l'article 7 de cette loi, du pouvoir de fixer par arrêté les règles générales ou les prescriptions applicables aux installations classées. On en a ressenti toute l'opportunité depuis le 21 septembre 2001.
Le ministre est chargé d'assurer le contrôle des installations classées industrielles, agricoles, d'élevage ou autres ; il peut s'agir des éoliennes, dont on a longuement parlé tout à l'heure.
La constitutionnalité du dispositif ainsi prévu par la loi n'est pas du tout critiquable. L'habilitation qui a été donnée au ministre chargé de l'environnement est très précise : elle vise un champ d'application parfaitement défini. Seules les installations les plus importantes, celles qui présentent des dangers ou les inconvénients les plus graves pour l'environnement, la sécurité ou la santé publiques, sont répertoriées dans la nomenclature et sont donc soumises à autorisation. Vous le savez, il existe environ 35 000 installations soumises à autorisation et il y en a quinze fois plus soumises à simple déclaration. Le dispositif est connu et pratiqué depuis vingt-cinq ans.
La réglementation est édictée, bien sûr, après les consultations. Sont consultés les autres départements ministériels, les organisations professionnelles, les associations de protection de l'environnement, le Conseil supérieur des installations classées, instance collégiale représentative de tous les acteurs.
En fait, l'alourdissement considérable de la procédure de fixation des règles générales qui pourrait résulter de l'adoption de cet amendement serait un facteur d'affaiblissement du dispositif mis en place en vertu de la législation sur les installations classées, au moment où notre société, que certains qualifient parfois de société du risque, fait montre de sa sensibilité à cet égard. Un sociologue allemand n'a-t-il pas intitulé le livre qu'il a publié en 1986 et qui vient d'être traduit en français : La société du risque ?
Ainsi, au moment où notre société est de plus en plus sensible au problème du risque et où elle attend plus de rigueur de la part des pouvoirs publics, baisser la garde, ce à quoi nous conduirait les dispositions figurant dans l'amendement, ne me semble pas opportun. J'y suis donc très défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 58 bis.

Article 58 bis (priorité)