SEANCE DU 24 JANVIER 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après plusieurs journées et même plusieurs semaines de débats...
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis. Et plusieurs nuits !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Oui, mais dans les semaines, il y a les jours et les nuits, monsieur Lassourd ! (Sourires.)
... où tout le monde a pu s'exprimer, je rappelle que le Gouvernement souhaite que soit adopté d'ici à la fin de la session parlementaire ce projet de loi relatif à la démocratie de proximité qui constitue la première traduction législative de la nouvelle étape de la décentralisation et qui a pour objet premier de soutenir la démocratie participative, d'une part, et de renforcer la démocratie représentative, d'autre part ; ces deux éléments sont inséparables l'un de l'autre dans un souci d'équilibre.
De plus, les transferts et extensions de compétences, aux départements pour les services départementaux d'incendie et de secours, aux régions pour les interventions économiques, les gestions des ports et aéroports, l'environnement, la formation professionnelle, l'inventaire du patrimoine, sont attendus et vont certainement aussi loin qu'on le peut aujourd'hui. Il n'est qu'à voir la teneur de nos débats.
D'autres dispositions très importantes - et je fais référence, encore une fois, aux débats que nous avons eus et aux prises de parole de nombreux sénateurs, souvent ponctuées par des appréciations sur l'importance des mesures en cause - ont été ajoutées par le Parlement, et je ne doute pas que nombre d'entre elles règlent des problèmes urgents et fondamentaux.
Je regrette bien sûr qu'aient été remises en cause par le Sénat, voire supprimées, plusieurs dispositions importantes relatives à la participation des habitants aux décisions qui les intéressent et aux droits des minorités au sein des assemblées délibérantes. Je regrette également que nous n'ayez pas souhaité améliorer ces dispositions plutôt que de les supprimer, supprimant ainsi la possibilité d'assurer à tous les élus un socle minimum de droit d'expression, voire d'initiative.
J'ai quelques regrets que le Sénat, du moins sa majorité, soit revenu sur l'expression dans la loi du principe même du suffrage universel pour les conseillers communautaires et qu'il ait choisi - j'ai énormément de mal à le comprendre - de rétablir la questure à Paris.
Je ne doute pas que la suite de la procédure parlementaire permette d'obtenir un texte équilibré.
Je voudrais saluer le travail considérable et remarquable assuré par vos commissions et remercier les rapporteurs pour avis, MM. Mercier, Lassourd et Darcos. Je veux saluer tout particulièrement, et vous me le permettrez, je l'espère, le rapporteur, M. Hoeffel, pour sa pédagogie active et son autorité à la fois souriante et soucieuse de l'équilibre.
Je me réjouis même - je me suis d'ailleurs exprimé favorablement sur plusieurs de vos amendements - des apports du Sénat à ce texte. Plusieurs intervenants, sur toutes les travées, ont développé des argumentaires à mon sens particulièrement pertinents.
Je souhaite en tout cas que l'ensemble de ces dispositions importantes et attendues soit mis en oeuvre dans les meilleurs délais. Une autre législature pourra aller plus loin si elle le souhaite et si plusieurs préventions que j'ai entendues ici même tombent. Pour ma part, je suis favorable, avec le Gouvernement, à ce que l'on aille plus loin, et le Premier ministre s'est déjà exprimé sur ce sujet. Ce texte ne permet pas d'aboutir sur tous les points qui seraient nécessaires. Comment, d'ailleurs, prétendre vouloir terminer la décentralisation ou l'approfondissement de la démocratie ? C'est un travail permanent !
Si la commission mixte paritaire aboutit à un accord, tout le monde, j'en suis sûr, s'en réjouira, à condition bien sûr qu'il soit obtenu conformément aux objectifs et aux principes qui sous-tendent ce texte.
Sinon, le Gouvernement souhaite que la procédure législative soit poursuivie jusqu'à son terme, d'ici à la fin de cette session.
Je pense - j'en suis sûr - que chacun saura - et c'est là l'essentiel - prendre ses responsabilités au nom de l'intérêt général et au nom de celles et ceux que nous avons voulu servir, au sens noble du terme, à travers les avancées inscrites dans ce texte.
Au nom de cet intérêt général, je souhaite vraiment que chacun prenne ses responsabilités, à travers le vote d'aujourd'hui, bien sûr - mais tel n'est pas l'essentiel -, dans les jours qui viennent lors de l'examen du texte par la commission mixte paritaire ou, si cette dernière ne devait pas aboutir, dans la fin du processus parlementaire qui devra s'achever, je l'espère bien, d'ici à la fin de la session parlementaire, pour que ces avancées entrent dans les textes mais, plus important encore, dans la vie quotidienne des Français.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Monsieur le président, je renonce à intervenir, ayant été trop souvent amené à le faire ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue des trois semaines de débat qui viennent de s'écouler, je ne reviendrai pas sur le fond de tous les sujets abordés, mais je vous livrerai plutôt une sorte de « billet d'humeur ».
Avec l'examen de ce projet de loi « Démocratie de proximité », nous avons très largement atteint, voire franchi les limites d'un exercice qui nous a été imposé par le Gouvernement. En effet, ce dernier nous a présenté dans un texte fourre-tout des mesures qui remettent en cause des pans entiers de notre législation sur des sujets aussi divers et importants que le statut de l'élu, les conseils de quartier, le fonctionnement et le financement des services d'incendie et de secours, les règles de gestion de la fonction publique territoriale, le transfert aux régions de compétences en matière de formation professionnelle, de gestion des ports ou des aéroports, des inventaires et de la politique de préservation des monuments historiques, de gestion des réserves naturelles, de la conduite des recensements et, enfin, de la participation du public au processus d'élaboration des grands projets d'aménagement.
En quelque sorte, le piège était tendu par vous, monsieur le ministre, et il a remarquablement fonctionné : toutes ces questions soulevées méritaient un débat approfondi, appelaient d'autres réformes et ont donc, tout naturellement, suscité de nombreux amendements déposés par nos collègues sénateurs appartenant à toutes les tendances politiques représentées au Sénat. Toutefois, s'agissant de l'organisation de nos travaux, vous avez délibérément refusé de tirer les conséquences de votre choix, voulant nous faire ainsi porter la responsabilité de la longueur des débats.
Pourtant, en examinant chacune de ces propositions législatives, nous n'avons fait que notre travail de parlementaire, étant contraints même, à certains moments, de procéder à un travail de commission en séance publique, compte tenu des dépôts tardifs de multiples amendements et sous-amendements.
Toutes les questions soulevées, auxquelles vous avez apporté des réponses très ponctuelles, ont fait naître chez nos collègues des interrogations de fond. Mais les débats de fond très intéressants et fructueux qui se sont engagés à de multiples reprises ont suscité, dans leur esprit, non seulement une grande déception parce que nous n'avons pas mené la réflexion à son terme, mais aussi un peu de colère froide et rentrée.
A l'issue de ce débat, j'éprouve un sentiment d'amertume : nous avons beaucoup travaillé, beaucoup débattu et, à coup sûr, enrichi ce texte.
Mais, compte tenu de votre refus de prendre la mesure exacte de votre projet et en ayant, une fois encore, recours à la procédure d'urgence, vous ne laissez, monsieur le ministre, aucune possibilité à nos collègues députés de prendre connaissance des amendements adoptés par le Sénat.
La commission mixte paritaire se réunit, en effet, le mardi 29 janvier, et la commission des lois de l'Assemblée nationale examinera les conclusions de cette commission ou le rapport de nouvelle lecture dès le mercredi 30 janvier. Autant dire qu'elle n'aura pas le temps d'examiner sereinement le texte adopté par le Sénat, ce qui me fait craindre une certaine radicalisation du vote exprimé ensuite par l'Assemblée nationale.
L'ensemble des sujets traités depuis trois semaines aurait mérité beaucoup mieux que ce traitement à « la hussarde » qui fait bien peu de cas de la compétence reconnue du Sénat en matière de collectivités locales.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Patrick Lassourd, rapporteur pour avis. Néanmoins, au nom de la commission des affaires économiques, je voterai ce texte tel qu'il a été modifié par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Nous voici donc parvenus au terme de ce débat fleuve sur le projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Avant d'en venir au fond de ce texte portant diverses mesures relatives aux collectivités territoriales, je souhaite, au nom du groupe du RPR, saluer l'exceptionnel travail accompli par la Haute Assemblée, et ce sur toutes les travées. Je pense bien sûr aux rapporteurs pour avis : M. Lassourd, au nom de la commission des affaires économiques, M. Darcos, au nom des affaires culturelles, et M. Mercier, au nom de la commission des finances.
Je pense aussi, bien entendu, à M. Daniel Hoeffel, qui est l'auteur d'un travail considérable, et ce dans des conditions plus que difficiles. Disant celà, je me fais l'écho de l'ensemble de mes collègues du groupe du RPR, et je ne doute pas que les autres groupes partagent notre avis sur la question.
Monsieur le rapporteur, vos qualités d'écoute, la manière dont vous avez su comprendre et résumer nos propositions avant d'en faire, à chaque fois, une synthèse pertinente ont plus que contribué à la qualité de nos débats. Vous avez ouvert la voie au fur et à mesure que nous avancions sur ce texte obscur et, du fond du coeur, nous vous en remercions. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
Arrivé à ce stade de nos débats, je voudrais également remercier le ministre de l'intérieur. Nous n'avons pas toujours été d'accord, loin s'en faut. Mais, monsieur le ministre, vous avez également su écouter les préoccupations de ceux qui représentent les collectivités territoriales. J'ai noté que vous aviez pris, à chaque fois, la peine de répondre au fond à nos amendements.
Je vous en rends grâce, car nous avons, hélas ! trop souvent, au cours de cette législature, essuyé de simples et laconiques avis défavorables sur nos amendements, sans plus d'explications, pour ne pas nous féliciter, cette fois-ci, d'avoir pu engager de vrais débats sur chaque disposition de ce projet de loi.
Nous n'en avons que plus de regret, l'urgence étant déclarée, de ne pouvoir poursuivre la discussion.
Vous avez su également, monsieur le ministre, éviter de fustiger insidieusement la longueur de nos débats. Je suis heureux que pratiquement personne n'ait dénoncé une prétendue volonté d'obstruction du Sénat. Nous avons en effet siégé cinq nuits. Il aurait donc été fort mal à propos de nous faire ce procès d'intention. Nous avons ni plus ni moins pris le temps qui était nécessaire pour nous prononcer sur des dispositions si importantes. Le compte rendu de nos débats en est la preuve.
A cause de la déclaration d'urgence, la commission mixte partitaire sera contrainte de procéder, en quelque sorte, à une seconde lecture à quatorze parlementaires, alors que nous avons pu mesurer l'apport considérable de chacun sur ce texte.
Comment nos collègues députés pourront-ils réellement comprendre l'intérêt de nos propositions alors qu'ils n'auront pas eu à se prononcer sur elles en deuxième lecture ? Une fois encore je dénonce ce procédé, que je trouve infiniment regrettable.
J'en viens au fond, mais, n'ayant malheureusement pas les qualités de notre rapporteur, il me sera difficile, dans les quelques minutes qui me sont imparties, de faire la synthèse de trois semaines de débats sur plus de 124 articles et 739 amendements.
S'il est une impression forte qui me reste au moment de clore nos travaux, c'est la volonté permanente mise par le Gouvernement à vouloir tout réglementer et à ne pas laisser sa place à l'initiative locale.
J'ai le sentiment qu'il éprouve une sorte de méfiance endémique à l'égard des collectivités. Nombre d'articles du projet de loi n'ont en effet pas d'autre objet que de réglementer et uniformiser le fonctionnement des assemblée locales. Nous regrettons cette méfiance constante.
De manière plus grave, mais finalement logique, je regrette avec vigueur, monsieur le ministre, votre attitude ambiguë à l'égard des communes.
Nous étudions bien un texte relatif à la démocratie dite de « proximité ». Or il me semble que l'échelon de base de la démocratie, a fortiori de la proximité, c'est la commune. Comment pourrait-on me contredire sur ce point ?
Pourtant, parallèlement, tout semble fait pour saper et rendre résiduel le pouvoir des conseils municipaux. Ainsi, avec les conseils de quartier, on crée un échelon inférieur ne reposant pas sur la légitimité du suffrage.
La démocratie participative de quartier telle que vous l'entendez, monsieur le ministre, n'est pas complémentaire de la démocratie élective communale ; elle est concurrente et elle n'a pas d'autre objet, en réalité, que de désavouer l'action menée sur tout le territoire par les maires.
De manière parfaitement symétrique, après avoir voulu créer un échelon infracommunal, le quartier, mettre des freins au fonctionnement de l'échelon communal en l'ultra-réglementant, vous nous avez proposé de légitimer l'échelon supracommunal par l'élection au suffrage universel direct des membres des EPCI.
Je profite de cette occasion pour rappeler que l'intercommunalité n'est pas la supracommunalité ! Un EPCI est l'émanation des communes. Une structure intercommunale n'est rien de plus que la volonté de mettre en commun des ambitions communales. En aucun cas, la structure intercommunale ne devrait avoir de légitimité propre, autonome et déconnectée des communes ; cela sonnerait inévitablement le glas de la légitimité et de l'identité des communes.
Il nous semble assez cocasse de vouloir défendre la démocratie de proximité en disloquant les conseils municipaux !
Une commission mixte paritaire doit se réunir. Sachez d'entrée de jeu que le groupe du RPR s'opposera, avec autant de force qu'il l'a fait durant les débats, à tout ce qui serait de nature à porter atteinte aux communes, maillon essentiel - et bien réel, lui - de la démocratie de proximité.
Nous voterons donc ce texte tel qu'il ressort des travaux de notre assemblée et pas autrement ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin au terme de la discussion de ce projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Dès la discussion générale, et à plusieurs reprises, nous avons regretté le caractère patchwork de ce projet de loi, caractère qui en a plus ou moins fait disparaître l'objectif initial, à savoir le renforcement de la participation des citoyens à la vie publique, sur le plan local notamment.
Les dispositions du titre Ier et du titre II relatives aux conseils de quartiers, à la démocratie locale et au statut de l'élu qui auraient dû, selon nous, constituer le socle de ce projet, ont été noyées parmi les très nombreux thèmes abordés.
En évoquant pêle-mêle les pompiers, les transferts de compétences ou la loi sur les sondages électoraux, nous avons perdu, me semble-t-il, le sens initial du texte.
La majorité sénatoriale a su utiliser les multiples facettes de ce projet de loi pour mener une opération politicienne que l'on peut qualifier, après plus de trois semaines de débat, d'obstruction douce. (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) Il est vraiment regrettable que la droite sénatoriale ait pris en otage ce débat si important pour l'avenir de la démocratie.
M. Alain Vasselle. Vous avez eu votre part dans ce débat !
Mme Josiane Mathon. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen attendaient beaucoup, en effet, de cette discussion puisqu'ils avaient déposé plus de soixante-dix amendements.
M. Alain Vasselle. Vous le reconnaissez !
M. Jean-Pierre Schosteck. A la proportionnelle, ce n'est pas mal !
Mme Josiane Mathon. Oui, il y avait des choses à faire !
La crise de la politique actuelle trouve essentiellement sa source dans le sentiment d'impuissance du citoyen à l'égard du pouvoir.
Rapprocher la population des centres de discussion, faire participer les hommes et les femmes, les jeunes à la vie démocratique constitue un enjeu de société essentiel.
Pourra-t-on encore longtemps invoquer la démocratie, alors qu'une élite, parfois élue, décide pour le peuple ? Ce qui est vrai au niveau local l'est également au niveau national ou européen.
Réhabiliter la politique constitue un enjeu fondamental pour les mois et les années à venir.
Je ne suis pas sûre que le débat auquel j'ai participé durant ces trois semaines soit de nature à favoriser cette réhabilitation de la politique.
C'est vrai sur la forme, mais aussi sur le fond.
Nous avions exprimé des doutes sur le projet tel qu'il fut adopté par l'Assemblée nationale en juin dernier.
Nous doutions en effet de l'efficacité des conseils de quartier le seuil de population fixé pour leur mise en place étant trop élevé, leurs moyens d'existence ainsi que leur participation aux décisions étant insuffisants.
Nous doutions également de l'intérêt des mesures relatives au statut de l'élu. Au-delà de réelles avancées, elles repoussent encore la création d'un véritable statut de l'élu local faute d'engagement des moyens nécessaires.
Nous doutions de la pertinence de l'élection au suffrage universel direct des exécutifs des communautés de communes, étant donné le flou entourant leur mode d'élection et l'inquiétude que nous éprouvons quant à l'avenir des communes.
Nous doutions enfin de l'intérêt du dispositif relatif aux transferts de compétences qui a été examiné en dehors du nécessaire débat d'ensemble sur l'état de la décentralisation aujourd'hui.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
Mme Josiane Mathon. Nous approuvons pleinement la poursuite de cette nécessaire décentralisation à la dynamique démocratique. Mais nous sommes vigilants face aux menaces qui pèsent - et l'attitude de la majorité sénatoriale le confirme - sur l'unicité du service public dans notre pays.
Ces doutes, nous les avons exprimés tout au long de ce débat en étant porteurs de propositions constructives de nature à rendre à ce projet son objectif initial.
Nos amendements portaient notamment sur la question des moyens nécessaires ; je pense, bien entendu, au statut de l'élu.
La majorité sénatoriale a fait encore plus dévier le texte de cet objectif et a combattu pied à pied toute avancée participative.
Modifié par la majorité sénatoriale, il ne correspond plus à cette volonté de développement de la démocratie de proximité.
Nous voterons donc contre en espérant que la suite du débat, malgré une déclaration d'urgence regrettable, permettra d'en revenir aux ambitions initiales.
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de cette discussion, je ferai quelques remarques sur la portée du texte que nous venons d'examiner, avant d'expliquer le sens de notre vote.
Depuis presque trois semaines nous débattons de la démocratie de proximité. Pourtant, je n'ai pas l'impression que nous ayons effectué un progrès notable en faveur de la décentralisation, et ce pour plusieurs raisons.
La première raison tient à la nature même du texte : où est sa cohérence d'ensemble ? Où est son fil conducteur ? On continue de les chercher en vain... C'est en réalité un texte que M. Lassourd a qualifié de fourre-tout et Mme Mathon de patchwork, qui juxtapose plusieurs dispositions relatives aux collectivités territoriales. Or la plupart de ces dispositions, de par leur importance, auraient pu faire l'objet d'un texte spécifique, ainsi que l'ont rappelé plusieurs de nos collègues.
La deuxième raison est liée à l'opportunité du débat.
Comment ne pas penser que nous avons affaire à un texte de circonstance ? S'il le souhaitait vraiment, le Gouvernement n'avait-il pas largement le temps, au cours de la législature, d'entreprendre une réforme d'ampleur des collectivités territoriales et de la décentralisation ? Or il s'est bien gardé de le faire et, à quelques semaines de la fin de la session, il soumet au Parlement un texte dont on se demande quel est réellement l'objet.
Enfin, la troisième raison touche aux conditions dans lesquelles le débat a été engagé. La procédure d'urgence a été décrétée. N'est-il pas paradoxal de demander au Sénat, représentant constitutionnel et défenseur des collectivités territoriales, d'examiner dans l'urgence un texte qui concerne directement celles-ci ?
Il faut être sérieux : ce n'est pas en procédant comme cela qu'on fera progresser la décentralisation. Ce n'est pas en travaillant dans l'urgence que l'on aboutira à des résultats efficients.
Certes, nous avons apporté d'utiles modifications au texte. Il n'est pas question de revenir sur le détail de la discussion, mais je rappellerai toutefois que nous avons préservé l'identité de la commune en réécrivant l'article 7 ter relatif à l'élection au suffrage universel des délégués dans les groupements intercommunaux.
Nous avons également préservé la liberté des communes concernées par les conseils de quartier en supprimant le caractère obligatoire et contraignant qui était initialement prévu pour la création de ces conseils.
Pour en revenir au texte dans son ensemble, force est de constater qu'il ne répond finalement pas aux vrais enjeux d'une relance efficace de la décentralisation. Beaucoup reste encore à faire et je ne peux donc être pleinement satisfait.
Quoi qu'il en soit, je tiens à saluer le travail très approfondi qui a été réalisé par le rapporteur de la commission des lois, M. Hoeffel, et par les rapporteurs pour avis, MM. Patrick Lassourd, Michel Mercier et Xavier Darcos, qui se sont faits l'interprète de nos préoccupations.
Pour conclure, je dirai que le groupe des Républicains et Indépendants votera ce texte tel qu'il résulte des débats de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Tout d'abord, je tiens à remercier M. le ministre de l'intérieur, ainsi que les autres membres du Gouvernement qui ont pris une part active, tout au long de ces semaines, à la discussion très intéressante qui s'est instaurée dans notre assemblée.
Je tiens également à remercier nos amis et collègues rapporteurs ; grâce à eux, nous avons eu une discussion véritablement constructive, propice, me semble-t-il, au développement de la démocratie de proximité.
Chacun peut porter le jugement qu'il souhaite sur l'ensemble ; c'est tout à fait normal et légitime. Pour ma part, je partage tout naturellement ? - comment serait-ce autrement - l'appréciation globale que vient d'émettre mon ami Charles Revet, au nom du groupe des Républicains et Indépendants.
Nous avons fait du bel ouvrage concernant l'avenir des communes.
Mme Mathon a prétendu que nous avions fait de l'obstruction et que nous n'avions apporté aucune idée ou proposition susceptible de réhabiliter la politique. Le Sénat a pourtant affirmé avec force son attachement à la pertinence de la politique communale. C'est par la commune que l'on arrivera sans doute à réconcilier les électeurs et les élus.
Aussi, madame, permettez-moi de vous dire que nous n'admettons pas l'appréciation que vous avez portée sur nous.
Mais cette intervention est aussi destinée à émettre une réserve, que je ne saurais passer sous silence compte tenu de ce que j'ai dit lors de la discussion générale.
Cette réserve concerne les services départementaux d'incendie et de secours.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. Je vois que notre collègue Jean-Jacques Hyest sait bien ce que je veux dire.
Sur le plan institutionnel, les échanges qui ont eu lieu ont permis d'aboutir à un résultat acceptable.
En revanche, sur le plan financier, nous ne sommes pas allés au bout de la logique qu'il convenait de suivre. En effet, les contributions communales sont aujourd'hui gelées...
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. ... et les augmentations des budgets des SDIS seront supportées par les conseils généraux. En 2005, puis en 2006, terme de la réforme, c'est effectivement sur ces derniers que reposeront les évolutions des financements des SDIS.
Compte tenu de l'ampleur des besoins en matière de sécurité, nous sommes, me semble-t-il, au milieu du gué.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, il faudra certainement revenir sur cette question.
M. Jean-Jacques Hyest. Ne le demandez pas à M. Vaillant ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Je tiens tout de même à lui faire cette suggestion tout à fait courtoise et, je l'espère, constructive.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. De toute façon, je suis prêt à revenir plus tard ! (Nouveaux sourires.)
M. Henri de Raincourt. Quoi qu'il en soit, on ne peut se satisfaire d'une situation où l'augmentation des budgets des SDIS serait, en 2006, supportée par les départements, sachant que la partie aujourd'hui communale devrait être prélevée sur la DGF et que celle-ci connaîtra, selon moi, dès 2004, des problèmes assez substantiels.
Je regrette donc que le Sénat n'ait pas osé aller un peu plus loin en proposant la fiscalisation intégrale du financement des services départementaux d'incendie et de secours.
C'est uniquement sur cet aspect que mon point de vue diverge légèrement de celui de mon ami Charles Revet ; j'espère qu'il voudra bien me le pardonner.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. L'intérêt d'un débat qui dure plusieurs semaines, c'est qu'on peut revenir sur un certain nombre de sujets à tout moment.
M. le président. Ce débat, maintenant, il faut tout de même essayer de le conclure ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Le conclure, enfin, dirai-je, monsieur le président !
Ce débat a été extrêmement enrichissant, et d'abord en ce qui concerne le rôle de la démocratie de proximité ou de la démocratie participative.
Il était extrêmement important pour le Sénat d'avoir ce débat sur l'intercommunalité, dont je rappelle qu'il n'a pas été ouvert sur l'initiative du Gouvernement.
Bien entendu, je crois nécessaire d'affirmer nettement - et je suis convaincu qu'une grande majorité d'entre nous partage ce point de vue - que l'intercommunalité ne doit pas devenir la supracommunalité.
La cellule de base de la démocratie locale reste la commune. Bien sûr, une évolution est nécessaire afin que les communes puissent s'associer pour un certain nombre de tâches, mais l'élection des conseils municipaux demeure un acte essentiel de la démocratie locale. A cet égard, la correction apportée à l'article 7 ter me paraît indispensable. A défaut, il aurait fallu élargir le débat et proposer un nouveau système, car on ne doit pas avancer masqué : nos concitoyens et les élus locaux doivent être clairement informés de l'objectif poursuivi par le législateur en ce domaine.
Bien entendu, nous avons abordé de nombreux autres sujets, ce qui a conduit certains à qualifier le projet de « projet patchwork », de « fourre-tout ». De manière plus positive, on pourrait parler de camaïeu. (Sourires.) A partir du moment où il s'agit d'un texte portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales, il faut bien admettre qu'il est toujours tentant d'y apporter des ajouts. Après tout, on ne peut pas le déplorer, surtout au Sénat !
Je note d'ailleurs que nous avons repris l'essentiel des dispositions déjà votées par le Sénat en ce qui concerne l'amélioration des conditions d'exercice des mandats locaux. C'est un chapitre extrêmement utile, qui est bien le fruit d'une réflexion qu'avait menée le Sénat. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Nous avons également traité d'un sujet important, qui s'annonçait pourtant comme mineur puisqu'il ne s'agissait au départ que d'aménager les conditions de fonctionnement des services départementaux d'incendie et de secours. Nous l'avons élargi à l'avenir des SDIS, à leur financement et à leur organisation.
Cinq ans après le vote de la loi de 1996, ce débat nous a permis de faire le point. Nous avons ainsi pu constater que, même si la loi de 1996 a permis de réduire les écarts entre les départements, de grandes disparités subsistent. Des évolutions seront encore possibles à partir de 2006, en fonction des problèmes qui auront été rencontrés d'ici là. C'est pourquoi il convenait de laisser une certaine souplesse dans le dispositif que nous avons mis en place.
Je pense d'ailleurs que le Gouvernement, l'Assemblée nationale et même notre assemblée ont généralement tendance à trop réglementer et à ne pas laisser les initiatives se développer librement. Pourquoi faudrait-il que tout le monde fonctionne de la même manière ? Doit-on, par exemple, ignorer la tradition de nos départements alsaciens - M. Philippe Richert nous a dit que son département comptait 9 000 sapeurs-pompiers professionnels - de l'Essonne ou du Val-d'Oise ? Je n'en suis pas convaincu !
M. Charles Revet. Et la Seine-Maritime ?
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr, il y a aussi la Seine-Maritime ! Et la Seine-et-Marne ! (Sourires.)
Nous devrions donc donner plus de souplesse, au lieu de rigidifier systèmatiquement. Au demeurant, c'est bien en vertu d'un tel souci que nous avons supprimé un certain nombre de dispositions qui figuraient dans le projet du Gouvernement, notamment en ce qui concerne les conseils de quartier.
Bien entendu, compte tenu de l'excellence des travaux du Sénat, mon groupe émettra dans quelques instants un vote positif sur l'ensemble du texte.
Avant de conclure, je tiens à rendre hommage aux différents rapporteurs pour avis. Vous me permettez de mentionner particulièrement M. Michel Mercier, d'autant que, s'agissant des services départementaux d'incendie et de secours, j'ai parfois eu quelque peine à être d'accord avec lui. Mais je veux surtout saluer la patience, le souci de répondre à tous dont a fait montre Daniel Hoeffel. Et il y a eu quelque mérite compte tenu du ton fantaisiste qu'ont parfois pris nos débats.
M. Henri de Raincourt. Oh !
M. Jean-Jacques Hyest. Si, si !
Du reste, les contradictions n'étaient pas seulement d'un côté de l'hémicycle !
Monsieur le ministre, en dépit des tâches fort lourdes qui incombent à un ministre de l'intérieur, vous avez tenu à être présent au Sénat presque tout au long de ce débat. Manifestement, vous auriez souhaité que cela aille parfois plus vite, mais il me paraît tout de même normal que le Sénat ait pris son temps pour étudier un texte relatif aux collectivités locales, d'autant que celui-ci peut parfaitement être adopté définitivement avant le 22 février. Au demeurant, je crois pouvoir affirmer que, contrairement à ce que l'on a vu quelquefois dans une autre assemblée, aucun des très nombreux amendements que nous avons examinés ne répondait à une volonté de retardement ; tous n'avaient d'autre but que de soulever et de régler un problème réel ou au moins de susciter un débat.
Réjouissons-nous donc que nous ayons pu débattre, au Sénat, de la démocratie locale et des problèmes des collectivités locales, en attendant de faire faire, demain, un véritable pas à la décentralisation. Même si, de ce point de vue, nous sommes un peu frustrés, nous relevons de nombreuses avancées. C'est pourquoi nous voterons le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue M. Peyronnet, qui a dû rejoindre son département, a fait part, ce matin, des raisons qui justifient l'abstention du groupe socialiste.
En effet, il y a quelques points sur lesquels nous voulons marquer notre désaccord, en dépit du caractère très positif de nombreux apports du Sénat.
C'est d'abord la question des conseils de quartier.
Nous pensons que, dans une démocratie de proximité, le quartier est essentiel parce que c'est, par excellence, l'espace de la vie quotidienne : c'est là que l'on grandit, que l'on habite, que l'on noue des relations.
Permettre aux habitants de mieux vivre leur quartier, sans que cela porte pour autant le moins du monde atteinte à la commune, est une idée très forte.
Nous croyons beaucoup, nous, en la commune. Nous sommes très attachés à toutes nos communes et nous pensons que c'est une erreur de penser que l'accent mis sur le quartier pourrait, en quelque sorte, porter ombrage à la commune. La commune fonctionne mieux si l'on prend mieux en compte les réalités du quartier.
De manière quasi symétrique, nous regrettons la position qui a été celle de la majorité du Sénat par rapport aux intercommunalités.
Nous déplorons, notamment, que, dans ce débat de principe - car chacun sait bien qu'il faudra d'autres lois -, se soit manifestée une volonté très forte de supprimer le recours au suffrage universel.
Pour nous, le fait que soient élus au suffrage universel direct les organes de structures intercommunales, qui disposent désormais de prérogatives et de budgets très importants, ...
M. Alain Vasselle. Cela dépend lesquelles !
M. Jean-Pierre Sueur. ... n'est pas une atteinte portée à la commune ou à la démocratie communale. Il s'agit simplement de faire en sorte que la démocratie s'exerce aussi dans une agglomération qui a un budget substantiel et des compétences très lourdes.
Nous avons noté que la position ici défendue était en retrait par rapport à ce qu'avaient préconisé de manière constante, au cours des dernières années, les plus hautes autorités de l'Etat puisque à la fois M. le président de la République et M. le Premier ministre ont parlé explicitement du suffrage universel direct s'agissant des institutions intercommunales.
M. Alain Vasselle. Avec des nuances !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela dit, sur de très nombreux autres points, on relève beaucoup de choses positives et dans votre texte, monsieur le ministre, et dans les apports du Sénat.
Ainsi, en matière de statut des élus, sujet quelque peu récurrent, si l'on considère toutes les contributions qui ont été apportées au cours des années depuis loi de 1992 - ce fut la première loi sur le sujet...
M. Jean-Jacques Hyest. Très bonne loi !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et celles qui l'ont été encore par le Sénat au cours de cette discussion, force est de constater que notre législation en la matière renferme aujourd'hui, en particulier grâce aux propositions de nombreux parlementaires, un ensemble de dispositions qui étaient nécessaires.
Sur la question si importante du débat public et des enquêtes publiques, nous avons également avancé et formulé des propositions que je crois très utiles.
Notre débat de ce matin sur le Conservatoire du littoral a aussi été très constructif. Mais je pourrais mentionner bien d'autres sujets.
En conclusion, j'aimerais, à mon tour, vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs, du dialogue que vous nous avez constamment permis de nouer avec vous.
Je tiens également, au nom du groupe socialiste, à remercier chaleureusement l'ensemble des rapporteurs, et tout particulièrement M. Daniel Hoeffel, qui a une grande part dans le caractère très approfondi de nos débats sur de nombreux points. Je tiens à saluer la volonté de dialogue, de synthèse et de travail constructif qu'il a manifestée au cours des dernières semaines.
J'émettrai, pour terminer, le voeu très sincère de voir la commission mixte paritaire aboutir à un accord, car ce texte et tous les débats auquels il a donné lieu constituent quand même un apport très important. Nous serions tous un peu déçus si cela n'aboutissait pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle, dernier orateur inscrit.
M. Jean-Jacques Hyest. L'apothéose !
M. Alain Vasselle. Monsieur Hyest, j'aurais préféré parler un peu plus tôt, mais il se trouve que c'est à moi qu'il revient de parler le dernier.
M. Jean-Jacques Hyest. Pour moi, c'est l'apothéose !
M. Alain Vasselle. Si je me permets de prendre la parole au moment des explications de vote sur l'ensemble, c'est d'abord parce que j'ai pris part à la discussion du début à la fin de l'examen de ce texte, peut-être trop au goût de certains, de M. Hyest ou d'autres.
M. Jean-Jacques Hyest. Pas du tout ! J'adore vous entendre !
M. Alain Vasselle. Le responsable et l'élu local que je suis depuis bientôt trente ans vit au quotidien toutes les difficultés liées à l'exercice des mandats locaux. Dès lors, il me paraissait de mon devoir - et plus encore aujourd'hui qu'hier, après la campagne sénatoriale que j'ai vécue dans mon département - de me faire l'écho, à l'occasion de l'examen de ce texte, des attentes de l'ensemble des élus locaux.
Les ai-je bien exprimées ? Je ne sais ! Sans doute l'ai-je fait parfois maladroitement, avec mon tempérament et mon caractère, mais toujours animé de la même volonté, celle de faire en sorte que les textes répondent mieux aux attentes des élus locaux et que des avancées soient réalisées dans le fonctionnement de notre démocratie.
La deuxième raison qui me conduit à participer à ces explications de vote, c'est que - pardonnez-moi : je devrais peut-être faire preuve de plus d'humilité et ne pas dire ce que je vais dire - si le Sénat a débattu du statut de l'élu local, c'est bien parce que plusieurs collègues du groupe auquel j'appartiens ont déposé une proposition de loi, dont j'étais cosignataire, et que le président du Sénat a bien voulu l'inscrire à l'ordre du jour au mois de décembre dernier. Ainsi, le rapport de M. Delevoye a inspiré nombre de dispositions que nous ont présentées et le Gouvernement et M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Ces dispositions, nous les retrouvons donc dans ce projet de loi relatif à la démocratie de proximité.
Nous pouvons ainsi dire à l'ensemble des élus locaux de France que les avancées notables que contient ce projet en ce qui concerne leur statut sont dues en grande partie au Sénat, et je me réjouis qu'en cette matière la plupart des sénateurs - pour ne pas dire tous les sénateurs, quelle que soit leur sensibilité politique - aient apporté leur contribution et donné leur assentiment.
Je reste cependant sur ma faim. S'il y a eu des avancées notables en ce qui concerne les salariés, nous ne sommes en effet pas allés aussi loin que nous aurions pu le faire en ce qui concerne les non-salariés. Je donne acte à M. le ministre de sa volonté d'avancer dans ce domaine : il a amorcé une action pour répondre aux attentes des élus, mais je pense qu'il reste encore pas mal de chemin à parcourir pour satisfaire totalement les souhaits de chacun.
Je tiens à m'associer à l'éloge qui a été adressé aux rapporteurs, mais aussi à vous, monsieur le ministre : parmi les membres du Gouvernement avec lesquels, comme de nombreux sénateurs, j'ai eu l'occasion de débattre, vous êtes, je dois le dire, l'un de ceux qui parviennent à instaurer un véritable dialogue, nous permettant d'aller au fond de chaque sujet. Certes, nous n'arrivons pas toujours à atteindre les objectifs que nous recherchons les uns et les autres, nous avons évidemment - c'est la loi de la démocratie - des divergences de vues, des conceptions différentes de la société et du fonctionnement de nos institutions et de nos collectivités, mais le débat est enrichissant. J'ose espérer que chacun saura en tirer les enseignements à son profit et au profit de notre pays !
Je m'associe plus particulièrement aux remerciements qui ont été adressés à M. Daniel Hoeffel. Peut-être l'ai-je plus malmené que d'autres, et plus que d'habitude... (Sourires.) Mais il a fait preuve, comme toujours, d'une très grande tolérance, d'une grande compréhension. Son esprit de synthèse est remarquable et il a déteint, sans difficulté aucune, sur les autres rapporteurs, qui ont également de grandes qualités et qui nous ont apporté la démonstration de leur perspicacité et de leurs connaissances, en spécialistes des sujets qu'ils ont défendus devant nous ici.
A partir d'un texte qui, comme l'a dit très justement M. Lassourd, donnait le sentiment d'un véritable « fourre-tout », nous aurons finalement abordé des sujets essentiels. Mais nous ne sommes pas allés au fond des solutions à apporter sur chacun de ces sujets ! Qu'il s'agisse de la clarification des compétences, de la décentralisation, du statut de l'élu, des services départementaux d'incendie et de secours, nous restons sur notre faim, et notre collègue M. de Raincourt a eu raison d'insister sur ce point.
Enfin, pardonnez-moi de conclure sur une considération hélas ! un peu négative : nous parvenons au terme de cette discussion avec le sentiment d'un travail non achevé. Mais peut-être le Gouvernement souhaitait-il ainsi donner la possibilité à son successeur de reprendre le travail, pour véritablement régler les problèmes de fond qu'il n'a pas voulu - ou n'a pas su - régler ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean-Jacques Hyest. Alain Vasselle, ministre de l'intérieur ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous permettrez au président de séance de procéder à un bilan de la discussion de ce texte important.
Le Sénat aura consacré au projet de loi relatif à la démocratie de proximité neuf jours et près de cinquante-six heures de débat, dont plus de quarante-huit heures pour la discussion des articles.
Ce projet de loi a donné lieu au dépôt de 739 amendements et sous-amendements, dont 334 ont été adoptés par le Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas mal !
M. le président. Je tiens à féliciter, en mon nom personnel et au nom de tous nos collègues, M. le rapporteur de la commission des lois pour l'excellence de son travail et pour sa patience. Sur un projet de loi aussi divers que complexe, nous lui savons tous gré de nous avoir apporté l'éclairage précieux de ses réflexions. Je n'aurai garde d'oublier les rapporteurs des commissions saisies pour avis, pour la part qu'ils ont prise dans ce débat, ainsi que l'ensemble des intervenants.
Mes derniers mots seront pour le Gouvernement, et notamment pour M. le ministre de l'intérieur, qui a tenu avec notre assemblée un dialogue républicain approfondi sur ce texte, auquel le Sénat, en tant que représentant des collectivités territoriales, a souhaité apporter sa marque. Par-delà les divergences tout à fait normales, vous avez su répondre avec conviction à tous les orateurs ; je vous en remercie, au nom du Sénat.

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