SEANCE DU 30 JANVIER 2002
DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL
DE LA COUR DES COMPTES
M. le président.
L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez introduire M. le Premier président de la Cour des
comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit selon le
cérémonial d'usage.)
La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.
M. François Logerot,
Premier président de la Cour des comptes.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau du
Sénat, conformément aux dispositions du code des juridictions financières, le
rapport annuel de la Cour des comptes pour l'année 2001, que j'ai remis
personnellement à M. le Président de la République aujourd'hui même.
Je vous le remets, monsieur le président.
(M. le Premier président de la Cour des comptes remet un exemplaire du rapport
à M. le président de séance.)
Je précise que, comme de coutume, le
document sera mis à la disposition de chacun des membres de la Haute Assemblée,
accompagné d'une synthèse des observations destinée à en faciliter l'accès ; il
sera également consultable par voie électronique, dès demain, sur le site
internet de la Cour.
Comme mon prédécesseur l'avait fait ces dernières années, et avec votre
autorisation, monsieur le président, j'assortirai ce dépôt de quelques
commentaires concernant le rapport lui-même, et plus généralement l'assistance
que la Cour s'efforce d'apporter au Parlement dans son rôle éminent de contrôle
des fonds publics.
Le rapport public comporte cette année encore deux parties, les observations
proprement dites étant précédées d'un rapport d'activité faisant l'objet d'un
fascicule distinct pour mieux faire apparaître son objet propre.
Cette première partie a pour fonction de présenter les éléments marquants des
travaux de l'ensemble des juridictions financières, c'est-à-dire la Cour
elle-même et les chambres régionales et territoriales des comptes, puisque la
loi a prévu qu'il est rendu compte du fonctionnement de ces dernières dans le
rapport public de la Cour. Sont successivement abordées l'évolution des
missions et des moyens et la politique de contrôle, celle-ci étant traitée sous
l'angle des programmes, mais aussi des méthodes et des outils mis en oeuvre.
L'accent est mis en particulier sur les enquêtes transversales, qui mobilisent
le plus souvent plusieurs chambres de la Cour ainsi que, selon les sujets
traités, les chambres régionales ou certaines d'entre elles. Les enquêtes en
cours ou en voie d'achèvement sur la politique de la ville, le système
éducatif, les fonctions publiques, la gestion des crédits européens ou encore
les services déconcentrés de l'Etat sont l'illustration de cette orientation
majeure de nos travaux ; ces thèmes ont fait ou feront l'objet de
communications publiques de la Cour, notamment sous la forme de rapports
publics particuliers.
Le rapport d'activité donne ensuite des indications chiffrées sur les
différentes activités des juridictions financières et sur les thèmes des
principaux contrôles effectués ou engagés par la Cour en 2001. Sont également
analysées les activités internationales, en constante expansion notamment en
raison des missions de commissariat aux comptes d'organisations
internationales, en particulier les Nations unies, qui nous sont confiées. Ce
panorama, que nous cherchons à compléter chaque année, paraît d'autant plus
nécessaire que, comme les parlementaires le savent bien, les rapports publics
ne donnent qu'une vue très partielle de l'ensemble des travaux des juridictions
financières : la Cour ne retient en effet que les constats et les analyses les
plus riches d'enseignement ou ceux qu'elle estime, dans un souci d'information
et d'exemplarité, devoir porter devant l'opinion publique.
Enfin, nous sommes attachés plus que jamais à suivre les résultats et les
suites de nos contrôles. S'agissant de ceux des chambres régionales, une
section particulière du rapport d'activité expose les conclusions d'une étude
sur les effets de leurs interventions, illustrés par de nombreux exemples. La
Cour, pour sa part, rend compte des suites données à ses observations dans le
corps même du rapport public, c'est-à-dire dans la seconde partie, car c'est
principalement en procédant à des enquêtes dites de suivi qu'elle peut les
apprécier avec le plus de précision ; cette année, elle a ainsi évalué les
résultats souvent positifs de ses travaux antérieurs sur divers sujets comme la
lutte contre la toxicomanie, l'amélioration des conditions de travail ou la
gestion des crédits de coopération et d'action culturelle.
Je ne saurais exposer en détail, dans le cadre de cette brève intervention, le
contenu des vingt-six insertions publiées cette année, ni en mettre en exergue
certaines, alors que les commentateurs en privilégieront probablement
quelques-unes. Présentées par grandes catégories - emploi et action sociale ;
interventions économiques et financières ; recherche, culture, jeunesse et
sports ; environnement, équipement et aménagement du territoire ; secteur
public local -, elles relèvent en fait de typologies diverses, même si elles
combinent le plus souvent des observations touchant des irrégularités et
d'autres concernant la qualité de la gestion : certaines des observations ont
trait à la mise en oeuvre de certaines politiques publiques, contribuant ainsi
à leur évaluation, telles que l'insertion des bénéficiaires du RMI ou les
emplois-jeunes ; d'autres analysent la gestion technique de certains
dispositifs d'intervention, comme les aides européennes à l'agriculture ;
d'autres encore rendent compte de contrôles organiques, tels ceux qui ont été
effectués sur le Centre national de la recherche scientifique et
l'Etablissement public du musée du Louvre. Enfin, les insertions relatives au
secteur public local sont le résultat de contrôles coordonnés sur des thèmes
communs - les relations entre les collectivités publiques et les casinos, la
gestion des opérations d'aménagement urbain, par exemple - qui paraissent avoir
mieux leur place dans le rapport public que des observations ponctuelles qui ne
feraient que reprendre des observations déjà communiquées par les chambres
régionales des comptes aux responsables élus.
Ces observations sont conclues, plus fréquemment que par le passé, par des
recommandations adressées aux pouvoirs publics et, comme il est de règle, elles
sont accompagnées des réponses apportées par les ministres et les responsables
des collectivités et organismes intéressés.
Si les rapports publics, annuels ou particuliers, sont les vecteurs
susceptibles de contribuer au mieux à l'information du Parlement, avec les deux
rapports sur l'exécution des lois de finances et sur l'application de la loi de
financement de la sécurité sociale, je voudrais souligner que la Cour
communique aux assemblées une part croissante des résultats de ses travaux. En
dehors des rapports sur les comptes et la gestion des entreprises publiques, au
nombre d'une quarantaine en moyenne chaque année, la loi prévoit que sont
transmis désormais aux présidents des commissions des finances la totalité des
référés adressés aux ministres, ainsi que les réponses reçues. Ils peuvent
également être communiqués, à leur demande, aux commissions d'enquête
parlementaires.
La mission d'assistance au Parlement est maintenant précisée mais aussi
élargie par les dispositions de l'article 58 de la loi organique du 1er août
2001 relative aux lois de finances, et je tiens à vous donner l'assurance que
la Cour met au premier rang de ses priorités l'objectif d'y faire face, sous
tous ses aspects. Elle le fera dans le cadre de l'ensemble de ses tâches et
dans toute la mesure de ses moyens qui, vous le savez, sont malheureusement
limités et plutôt en légère diminution dans la dernière période. Dans quelques
jours, je rencontrerai à sa demande M. le président Lambert, que j'ai plaisir à
saluer aujourd'hui, pour envisager avec lui les modalités concrètes de notre
collaboration future. A cette occasion, je pourrai le tenir informé des
principaux travaux en cours ou programmés.
Enfin, il est clair que les conditions entièrement nouvelles d'élaboration, de
présentation, de justification, de vote et d'utilisation des autorisations
budgétaires, comme la tâche inédite, qui reste d'ailleurs à définir, de
certification des comptes de l'Etat confiée à la Cour, vont renforcer encore
les liens entre cette dernière et le Parlement, dans le cadre défini par le
Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet dernier. D'ores et déjà,
nous avons entamé l'étude de toutes les incidences qu'aura la loi organique sur
l'orientation, le contenu et le calendrier de nos travaux relatifs à
l'exécution du budget. Je pense que les premières applications en seront
traduites dès notre prochain rapport relatif aux lois de finances pour 2001.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en concluant, je voudrais être devant vous
l'interprète de l'ensemble des juridictions financières en exprimant notre
satisfaction à la suite de la promulgation de la loi du 21 décembre 2001
relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Je sais,
en effet, la part prise par le Sénat dans cet aboutissement, attendu depuis de
longs mois.
Confortés dans notre statut et dans nos missions par l'oeuvre législative
récente, nous poursuivrons nos tâches dans la sérénité et avec détermination,
au seul service de l'intérêt général.
(Applaudissements.)
M. le président.
Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du dépôt de
ce rapport.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le Premier
président de la Cour des comptes, mes chers collègues, le rapport public annuel
qui vient d'être remis au Sénat constitue la figure de proue de la mission
d'assistance au Parlement que l'article 47 de la Constitution a confiée à la
Cour des comptes.
D'une densité et d'une qualité exceptionnelles, ce rapport répond à notre
exigence partagée d'une transparence accrue et d'une meilleure gestion des
deniers publics.
A travers ce rapport, la Cour des comptes donne d'ailleurs aujourd'hui
l'exemple puisqu'elle y expose désormais ses moyens de fonctionnement, ses
méthodes, ses résultats et son programme de travail.
Ces innovations s'inscrivent d'ailleurs dans des évolutions plus larges, qui
voient la Cour des comptes transmettre en temps utile au Parlement une part
croissante du produit de ses contrôles et de ses enquêtes, comme vous l'avez
dit à l'instant, monsieur le Premier président.
En application de la nouvelle rédaction de l'article L. 135-5 du code des
juridictions financières résultant de la loi de finances initiale pour 2001,
les référés du Premier président de la Cour aux ministres et les réponses
desdits ministres sont ainsi, depuis l'an dernier, transmis de droit aux
commissions des finances.
En outre, le rapport de la Cour sur l'exécution des lois de finances de
l'année n - 1 est désormais publié en juin de l'année n, c'est-à-dire au moment
où les rapporteurs de chaque assemblée préparent leurs questionnaires
budgétaires.
Nous savons, monsieur le Premier président, que ce calendrier resserré soumet
les magistrats de la haute juridiction financière à de très lourdes
contraintes.
Je profite toutefois de cette occasion pour réaffirmer avec force que leurs
efforts nous sont extrêmement utiles et que le rapprochement de la Cour des
comptes et du Parlement porte d'ores et déjà des fruits très prometteurs.
J'en veux pour preuve que, dans les seuls rapports budgétaires qui ont été
publiés cet automne par la commission des finances du Sénat, les rapporteurs
spéciaux de la commission ont cité les travaux de la Cour près de deux cents
fois. Le rapport sur l'exécution des lois de finances, notamment, est cité près
de cent fois.
En outre, les investigations menées ont nourri nos questionnaires budgétaires,
et les rapports spéciaux reproduisent ainsi, sous la forme d'encadrés ou
d'annexes, plus d'une quarantaine de réponses des ministres à des questions
formulées par les rapporteurs spéciaux de la commission des finances à la suite
de rapports ou de référés de la Cour.
Ces constatations démontrent l'apport de la Cour aux travaux du Sénat. Elles
expliquent aussi que l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 a
fait naître au sein du Parlement de nouvelles attentes à l'endroit de la haute
juridiction financière.
Ces attentes sont doubles.
Tout d'abord, comme vous l'avez vous-même observé, monsieur le Premier
président, la validation du dispositif novateur de la nouvelle loi organique
reposera en partie sur les travaux de la Cour.
Celle-ci a désormais devant elle une mission exaltante : devenir la cheville
ouvrière de la nouvelle architecture budgétaire et comptable de la France. De
ce point de vue, l'article 58 de la loi organique me semble bien résumer
l'ampleur de la tâche qui attend la haute juridiction financière : les comptes
de l'Etat feront l'objet non plus d'une déclaration générale de conformité,
mais d'une certification par la Cour de leur régularité, de leur sincérité et
de leur fidélité. Les projets de loi de finances rectificative seront désormais
accompagnés d'un rapport de la Cour sur les mouvements de crédits opérés par
voie administrative. Ces exercices ne constitueront pas des rapports
supplémentaires, des rapports parmi d'autres, mais ils seront le point central
d'un travail minutieux destiné à moderniser notre système comptable, budgétaire
et financier.
Au-delà de ces obligations organiques, la Cour aura un rôle à jouer tant dans
la préparation que dans la mise en oeuvre de la nouvelle constitution
financière. Celle-ci me semble reposer sur deux piliers : les systèmes
comptables et le contrôle car eux seuls permettront aux administrations de
mieux connaître leurs coûts, au Parlement de mieux surveiller l'exécution de
ses décisions budgétaires, aux Français de mieux savoir comment leur argent est
employé. Or, la Cour me semble, sur ces deux fronts, en première ligne.
Définition du référentiel comptable, élaboration des programmes, de leurs
indicateurs de performance, réflexion sur la chaîne des contrôles, depuis le
contrôleur financier jusqu'à la responsabilité du comptable, ces mots
recouvrent une réalité qu'il convient dès aujourd'hui de préparer. La Cour des
comptes, j'en suis convaincu, y contribuera largement.
Pour jouer ce rôle central, qui s'apparentera, je le crains, bien souvent à
l'ouvrage d'une dentellière- j'ignore s'il s'agira de dentelles au point
d'Alençon...
(M. le Premier président de la Cour des comptes sourit) -,
la Cour devra
inévitablement évoluer. Dans le nouveau contexte qui sera celui de 2006, elle
devra adapter ses méthodes de travail. Comme nous tous, elle devra renoncer à
certaines habitudes pour endosser un nouvel habit, plus ambitieux encore que
celui que nous revêtons aujourd'hui. Nous avons bien conscience que cela posera
un certain nombre de questions, notamment celle des moyens.
Sachez en tout cas, monsieur le Premier président, que nous sommes extrêmement
attentifs aux travaux que votre juridiction conduira pour se préparer au
nouveau cadre budgétaire et comptable, à ses nouvelles obligations et surtout
aux nouvelles responsabilités qui seront les siennes.
Nous pensons aussi que cette révolution - car il s'agit bien d'une révolution
tranquille et d'ailleurs un peu silencieux - permettra d'approfondir les
relations étroites que le Parlement entretient avec vous.
C'est là notre seconde série d'attentes.
A cet égard, vous avez remarqué, monsieur le Premier président, que la
nouvelle loi organique du 1er août 2001, promulguée notamment à l'initiative du
Sénat, accorde une place plus importante à la mission d'assistance de la Cour
des comptes au Parlement.
Il nous revient maintenant de « faire vivre », dès cette année, l'ensemble des
dispositions de l'article 58 de la loi organique relatives aux relations entre
la Cour et le Parlement, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2002 ; vous
avez dit que nous en parlerions prochainement.
Je souhaite aussi que l'approfondissement de votre missions d'assistance au
Sénat emprunte des voies nouvelles consistant, par exemple, à faire bénéficier
les services de la commission des finances de vos méthodes et de votre
expérience, selon des modalités qui restent naturellement à déterminer.
Cet approfondissement des relations entre la Cour et le Parlement sera
d'ailleurs un enrichissement mutuel pour nos deux institutions et un puissant
levier de modernisation de la gestion publique au profit de nos
compatriotes.
Voilà ce qu'il m'a semblé utile de dire à l'occasion du dépôt, sur le bureau
de notre Haute Assemblée, du rapport public annuel : nous attendons beaucoup de
la Cour des comptes pour la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique
relative aux lois de finances, mais nous attendons avec d'autant plus de
confiance que la Cour a d'ores et déjà apporté un concours très précieux, voire
déterminant, à cette réforme, et que vous avez vous-même, monsieur le Premier
président, écrit dans une publication récente que les magistrats de la Cour
avaient « compris le message que leur envoie le Parlement ».
(Applaudissements.)
M. le président.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des
comptes.
(M. le Premier président est reconduit selon le même cérémonial qu'à son
entrée dans l'hémicycle.)
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