SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et concerne la montée de
la violence dans notre société.
Je n'ergoterai pas sur les derniers chiffres officiels de la délinquance : ils
ne nous apprennent rien que nous ne sachions malheureusement déjà. Un
observatoire de la délinquance de plus ou de moins n'y changera rien ! Ce n'est
pas en changeant le thermomètre que vous ferez tomber la fièvre !
Non, ce qui est grave, c'est que les Français ne se sentent ni protégés ni
gouvernés.
Vous nous dites que la lutte contre la violence est une priorité du
Gouvernement. Au vu des résultats, quelle serait la situation si tel n'avait
pas été le cas ? Quand le Gouvernement consacre plus au financement des 35
heures qu'à celui de la justice, peut-on d'ailleurs parler de priorité ?
(Prestations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Henri Weber.
Et le
Charles de Gaulle
?
M. Jean-Claude Carle.
Vous déclarez que la violence n'est pas le fait de l'Etat, qu'elle serait dans
la société. Pensez-vous vraiment rassurer les Français en vous défaussant avec
cette formule toute faite, qui nie la responsabilité individuelle des auteurs
de délits ?
Vous appelez au consensus. Mais alors, pourquoi le Gouvernement oppose-t-il un
avis défavorable lorsque, dans un même élan, le Sénat adopte un amendement de
notre collègue socialiste Michel Charasse donnant le droit aux policiers de
faire, à l'instar des gendarmes, usage de leur arme ?
(Eh oui ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Nicole Borvo.
Tout n'est pas dans tout !
M. Jean-Claude Carle.
Vous renvoyez sans cesse l'opposition au bilan de vos prédécesseurs, en
oubliant que la délinquance avait diminué de 12 % entre 1994 et 1997.
M. Henri Weber.
Tu parles !
M. Jean-Claude Carle.
Croyez-vous que ce soit un argument suffisant pour éluder vos propres
responsabilités ?
Vous vous autojustifiez en rappelant sans cesse tout ce que votre gouvernement
a fait depuis 1997. Comment, alors, expliquez-vous que, malgré toutes ces
mesures, nous en soyons arrivés là aujourd'hui ? N'est-ce pas tout simplement
l'aveu de votre échec ?
M. René-Pierre Signé.
Evidemment, c'était mieux avant !
M. Jean-Claude Carle.
Je ne vous demanderai pas quelles initiatives vous comptez prendre, monsieur
le ministre. Si, depuis cinq ans, votre gouvernement n'a pas été capable de
garantir la sécurité des Français, ce n'est pas à trois mois des élections
qu'il y parviendra.
M. Alain Vasselle.
C'est sûr !
M. Jean-Claude Carle.
Simplement, à l'exemple des gendarmes qui attendent toujours leurs gilets
pare-balle, leurs véhicules et leurs primes, qu'allez-vous faire pour que,
avant votre départ, les engagements pris soient tenus ?
M. René-Pierre Signé.
Nous reviendrons !
M. Jean-Claude Carle.
Nous ne nous réjouissons pas de votre échec car, avec l'alternance, que nous
appelons de nos voeux, c'est nous qui devrons agir demain là où vous avez
failli.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Muzeau.
Avec Debré !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, j'ai beaucoup apprécié le
ton non polémique de votre question
(Rires et exclamations sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen),
la
manière sereine et le sang-froid avec lesquels vous abordez ce problème
pourtant grave.
Oui, monsieur le sénateur, les chiffres de la délinquance, tels qu'ils ont été
publiés, sont en hausse de près de 8 %. L'augmentation est légèrement
supérieure à 6 % dans les zones couvertes par la police, les plus
urbanisées.
Ce sont évidemment de mauvais chiffres, même si ceux du second semestre sont
plus encourageants. Mais laissez-moi vous dire que, sur un tel sujet, la
démagogie, la caricature ou la dramatisation - comme l'image qu'en donnent
parfois les médias - peuvent avoir des effets redoutables.
(Applaudissements
sur les mêmes travées.)
En effet, l'exemple peut avoir des effets positifs quand il est lui-même
positif, mais il peut produire des effets dévastateurs quand il est négatif et
que, de plus, il se reproduit le lendemain et le surlendemain dans la vie
quotidienne de nos quartiers.
M. Alain Vasselle.
C'est le résultat de votre politique !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
D'abord, monsieur le sénateur, vous le savez, ce
n'est pas un mal spécifiquement français.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Et alors ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'insécurité et la délinquance ne représentent
pas une exception française. D'ailleurs, comparés à ceux d'autres pays, les
chiffres de la délinquance en France montrent que nous sommes plutôt moins
touchés que certains par ce phénomène.
(Exclamations sur les travées des
Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mais cela ne me satisfait pas, d'autant que, pour la première fois, les 4
millions de faits enregistrés sont dépassés. Au demeurant, ce chiffre est très
voisin de celui de 1994 puisque, à l'époque, 3,91 millions de crimes délits
furent constatés, avec une délinquance de voie publique plus forte et des vols
à main armée plus nombreux.
Pour ma part, je m'appuierai sur le rapport de MM. Pandraud et Caresche pour
que, après les échéances démocratiques de 2002, nous puissions disposer d'un
véritable observatoire capable de mesurer l'évolution de la délinquance plutôt
que l'efficacité de la police.
(M. Gournac s'esclaffe.)
N'oubliez pas que, avec une police de proximité, des contrats locaux de
sécurité, des moyens plus amples que ceux que vous avez bien voulu engager
lorsque vous aviez la majorité, nous obtenons aujourd'hui de meilleurs
résultats. N'oubliez pas non plus, grâce à un accès plus facile de nos
concitoyens à des commissariats plus nombreux, les plaintes déposées sont
également plus nombreuses.
M. Alain Gournac.
Mais vous êtes là depuis cinq ans !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sachant que d'autres questions vont être posées
sur le même sujet, je ne veux pas abuser, en cet instant, de mon temps de
parole. Je conclurai donc en vous disant, monsieur Carle, que cette question de
l'insécurité et de la délinquance n'est en rien, pour ceux qui voudraient le
croire, un filon électoral. Les Français ne sont pas dupes !
M. Alain Gournac.
Mais nous non plus !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ils savent que c'est un sujet difficile.
La sécurité n'est ni de gauche ni de droite. La sécurité est une valeur
républicaine au service de la liberté. Il vaudrait donc mieux, vis-à-vis de
celles et de ceux qui nous regardent, et aussi au nom du pacte
républicain,...
M. Adrien Gouteyron.
Vous l'invoquez trop tard !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... se serrer les coudes, trouver les voies et
moyens pour répondre aux problèmes qui se posent dans la société, notamment
quand il s'agit de mineurs de moins de treize ans !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
commmuniste républicain et citoyen.)
MONTÉE DE L'INSÉCURITÉ