SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Monsieur le président, ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais
j'ai l'impression qu'elle va valoir une promotion rapide à M. Vaillant
(sourires),
ce dont je me réjouis pour lui !
Au fil des ans, la République s'est enlisée dans le non-respect de la loi.
L'Etat ne parvient manifestement plus à faire régner l'ordre. Les zones de
non-droit sont connues. La société dans son immense majorité s'insurge. Les
médias organisent des débats faussement impartiaux, dans lesquels une infime
minorité, indulgente pour ne pas dire protectrice à l'égard des délinquants,
est confrontée à leurs victimes.
La catastrophe est là, parfois même au coeur de nos villes, en tout cas
sûrement à leur périphérie, mais aussi dans les campagnes, où l'on parle de «
péri-urbanité » pour masquer crimes et délits.
Des rapports officiels, ceux des services de police et de gendarmerie sont à
ce propos édifiants : la vérité est bonne à dire même si, sur ordre, on
l'occulte souvent.
Un tiers des gens du voyage sont des délinquants ou des criminels au palmarès
ahurissant.
(Exclamations sur les travées socialistes.) :
0,5 % de la population
française est responsable de 25 % des vols avec violence contre les personnes
âgées, de 20 % des vols de fret, de 15 % des vols par ruse à domicile et de 1
220 pillages en un an par voiture bélier ! Pour des raisons d'organisation, ces
infractions sont rarement punies.
La délinquance itinérante n'est pas la seule, et ce n'est malheureusement pas
du racisme que de constater que certaines communautés sont plus « mouillées »
que d'autres dans ce phénomène.
M. Jean Bizet.
C'est tout à fait vrai !
M. Paul Girod.
Certes, elle n'est pas inhérente à leur ethnicité. La marginalisation sociale
et morale notamment doit être considérée : elle dépasse de beaucoup ces
communautés ethniques.
Ce n'est malheureusement un mystère pour personne, la déviance est bien vue,
la déliquescence de la société aussi : en l'absence de croyances, de
convictions, de maîtrise acceptée à l'encontre de l'expansion hystérique des
droits individuels, au mépris des devoirs, le dépérissement a rongé notre
organisation sociale.
Monsieur le ministre, je ne peux que constater l'envahissement de notre pays
par des hordes venues d'Europe centrale, composées essentiellement de mineurs,
la plupart du temps arrêtés, toujours relâchés.
En conséquence, je fais mien le propos de l'un des ministres du Gouvernement
selon lequel les délinquants ne sont pas des victimes. Je voudrais savoir si le
Gouvernement partage cette opinion et, si oui, ce qu'il entend faire.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, on ne
peut qu'être d'accord à cent pour cent avec ce que vous venez de dire : les
délinquants ne sont pas des victimes. C'est une évidence !
Cela étant, dans ce pays, il faudrait tout de même qu'on essaie de sortir de
cette polémique où est systématiquement employé l'argument selon le
Gouvernement et sa majorité protégeraient les délinquants.
M. Alain Gournac.
Mais c'est la vérité !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je mets en garde certains, qui ont un peu trop tendance
à saluer l'augmentation des chiffres de la violence.
Il reste que de très nombreux délinquants sont effectivement dans des
situations difficiles.
Je ne reprendrai pas ce que vous avez dit, monsieur Girod, sur certaines
populations itinérantes parce que je suis incapable de dire si les chiffres que
vous avez cités sont justes ou non.
M. Alain Gournac.
Ils le sont, vous le savez parfaitement !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Ce que je peux vous dire, c'est que, avec Daniel
Vaillant, lors de la réunion avec les préfets et les procureurs, ceux-ci ont
approuvé notre analyse : de très nombreux jeunes - parfois extrêmement jeunes
-, principalement originaires de pays d'Europe de l'Est, sont venus en France,
avec l'espoir d'entrer en formation professionnelle mais, en fait, ils ont été
quasiment amenés dans notre pays - éventuellement par leurs parents eux-mêmes -
pour qu'ils s'y livrent à des actes délictueux. Nous disposons à cet égard de
témoignages proprement renversants !
M. Alain Gournac.
Les parents les mettent sur le trottoir !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
On a connu les bandes organisées pour le pillage des
horodateurs, pour les vols à la portière, dans le sud de la France. Et
lorsqu'il n'y a plus de quoi alimenter les réseaux de vol, c'est la
prostitution.
On peut parler, à propos de ces jeunes, de délinquants sur ordre, et donc
victimes de fait.
Nous menons en ce moment, dans le cadre européen, un travail sur le problème
des contrôles aux frontières. Mais nous travaillons aussi très étroitement avec
la ministre de la justice de Roumanie. Celle-ci nous a déjà permis d'obtenir
des résultats tangibles - trois grands réseaux viennent d'être démantelés - en
mettant à notre disposition à la fois des policiers et des magistrats. Nous
devons, avec elle, mettre fin aux agissements de réseaux mafieux d'adultes qui
surexploitent ces mineurs après leur avoir fait miroiter une amélioration de
leur sort.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Alors, bien sûr, ces jeunes deviennent finalement des
délinquants, mais, au départ, ce sont bien des victimes.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
INEFFICACITÉ DU GOUVERNEMENT
DANS LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE