SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur. Sans polémique, puisque
tout va bien...
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Monsieur le ministre, vous nous dites que la sécurité,...
Plusieurs sénateurs socialistes.
Encore ?
M. Roger Karoutchi.
... ce n'est pas un problème politique.
Oh, je sais, bien, chers collègues, que c'est un sujet qui vous ennuie !
M. Alain Gournac.
Qui les gêne !
M. Roger Karoutchi.
Vous dites, monsieur le ministre, que c'est un problème de société. Eh bien,
vous avez raison !
En effet, au cours des vingt dernières années, la gauche a été au pouvoir
pendant quatorze ans.
M. René-Pierre Signé.
Et ce n'est pas fini !
M. Roger Karoutchi.
Par conséquent, l'évolution qu'a connue notre société durant les deux
décennies écoulées, vos gouvernements successifs en sont grandement
responsables !
Mme Nicole Borvo.
Il y a aussi un Président de la République !
M. Roger Karoutchi.
Il y a un changement dans les valeurs ? Vous en êtes responsables !
(Protestations sur les travées socialistes.)
Il y a un changement dans les structures sociales, dans le système éducatif ?
Vous en êtes responsables ! Nous en sommes peut-être aussi en partie
responsables.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
Bien sûr !
M. Henri Weber.
C'est votre fonds de commerce !
M. Paul Raoult.
Pasqua !
M. Roger Karoutchi.
En tout cas, vous ne pouvez pas vous défausser sur l'évolution sociale.
La vérité est simple : depuis trois ans, la violence explose, aussi bien dans
les zones urbaines que dans les zones rurales. Pourquoi ?
M. Henri Weber.
Parce que vous avez terrorisé les terroristes !
M. Roger Karoutchi.
On note, par exemple, une augmentation de 20 % dans les Vosges, monsieur le
président, et de 9 % dans les Hauts-de-Seine ? Pourquoi une telle explosion ?
Parce que votre Gouvernement n'a pas su donner à l'opinion publique le
sentiment qu'il faisait tout ce qui était nécessaire pour que, réellement, les
délinquants soient amenés à la raison.
M. René-Pierre Signé.
Comme Schuller !
M. Roger Karoutchi.
La vraie question, ce n'est pas uniquement le renforcement des forces de
police ou des moyens de la justice, ce n'est pas uniquement l'augmentation des
budgets, ce n'est pas uniquement l'application des propositions de la droite
sénatoriale sur les internats dans les départements, ce n'est pas uniquement ce
genre de choses.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Alors c'est quoi ?
M. le président.
Concluez, mon cher collègue !
M. Roger Karoutchi.
L'opinion publique doit avoir le sentiment qu'une impulsion politique existe
en faveur de la sécurité.
(« Arrêtez ! » sur les travées socialistes.)
Or, aujourd'hui, l'opinion publique a le sentiment que les délinquants n'ont
pas peur !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certains travées du RDSE. - Protestations
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, nous avons souvent eu
l'occasion, notamment lors du débat sur le projet de loi relatif à la sécurité
quotidienne - dont ce gouvernement a pris l'initiative -, d'évoquer ces
questions, comme vous aurez sans doute l'occasion de le faire lorsque vous
examinerez la proposition de loi émanant de l'Assemblée nationale et soutenue
par le Gouvernement - ma collègue Marylise Lebranchu la défendra prochainement
devant vous - visant à traduire concrètement dans la loi certaines évolutions
dans l'application du texte sur la présomption d'innocence, que vous avez
récemment adopté
(M. Gournac rit)
pour permettre de corriger ce qui doit être corrigé en
termes d'efficacité.
Cela étant, j'ai apprécié la manière dont vous avez abordé cette question,
monsieur Karoutchi : vous avez dit qu'il ne suffisait pas d'augmenter les
effectifs, les moyens et les budgets de la police nationale. C'est vrai, cela
ne suffit pas ! Encore faut-il, cependant, les augmenter comme nous l'avons
fait !
M. Paul Raoult.
Et comme vous ne l'aviez pas fait, vous, monsieur Karoutchi !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Sans vouloir polémiquer, il est vrai qu'il est
étonnant d'entendre aujourd'hui M. Jean-Louis Debré nous conseiller d'établir
une programmation pluriannuelle des moyens de la police nationale, lui qui n'a
pas appliqué la loi d'orientation de M. Pasqua et qui a diminué le budget de la
police nationale en 1996. C'est un peu fort de café !
Admettons pourtant que ce sujet ne soit pas polémique et augmentons les moyens
de la police. Au demeurant, personne ne remet en cause la police de proximité !
En effet, il faut distinguer la valeur de l'exemple et le discours public. Or,
monsieur Karoutchi, la société de la règle, la société dans laquelle on se
respecte, la société dans laquelle on veut vivre ensemble, c'est une société
qui demeure tributaire, effectivement, de l'éducation des plus jeunes
enfants...
M. Jean Chérioux.
Eh oui ! Il est interdit d'interdire !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... et des évolutions de ladite société. Et la
déréglementation à tout crin, dans tous les domaines, y compris sur le terrain
du libéralisme économique,... n'est sans doute pas le meilleur exemple que l'on
puisse donner à nos concitoyens et aux jeunes générations.
Alors, sans nostalgie, ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Jusqu'à aujourd'hui !
(M. Michel Dreyfus-Schmidt brandit la Une du Monde.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... trouvons les voies et moyens, dans le cadre
du pacte républicain, de lutter contre toutes les formes de criminalité, et ce
de bas en haut de la société, monsieur Karoutchi ! Nous devons tous, en effet,
être irréprochable si nous voulons donner l'exemple.
Il nous faut cependant encore développer ces politiques, que ce soit la chaîne
éducative, la chaîne pénale, la valeur de l'exemple : moins de polémique, moins
d'exploitation politicienne...
M. Alain Gournac.
C'est un peu tard !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... et, croyez-moi, à ce moment-là, peut-être
aurons-nous des perspectives de sortir des difficultés dans lesquelles nous
nous trouvons.
A cet égard, l'Europe nous sera bien utile, car vous savez que la criminalité
n'a pas de frontière. Veillons donc ensemble à ce que, au niveau européen,
notamment, nous puissions lutter plus efficacement contre l'insécurité !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - Protestations sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Que ne nous avez-vous dit cela hier !
EFFORT DE LA NATION EN MATIÈRE DE DÉFENSE