SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Je vous rassure, mes chers collègues, ma question ne s'adresse pas à M. le
ministre de l'intérieur.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas.
Il faut changer de disque !
M. François Trucy.
Monsieur le ministre de la défense, nous nous interrogeons. Dans son discours
sur l'état de l'Union, le président George Bush a annoncé une augmentation
considérable - 15 % - des dépenses militaires, et ce pour un budget que nous
connaissons bien, qui est déjà le plus important de la planète, loin s'en
faut.
Beaucoup s'inquiètent d'une radicalisation croissante et d'un isolement voulu
de la politique internationale des Etats-Unis. Mais peut-on reprocher aux
Américains de faire à ce point cavalier seul alors que certains de leurs alliés
donnent l'impression de ne pas vouloir agir à leur côté, ou plutôt de n'agir
qu'à certaines conditions, dans certains cas, à un certain niveau et avec des
moyens limités ?
Alors que les Etats-Unis ont la capacité économique et financière d'accroître
leur effort face aux dangers nouveaux, la France freine avec constance son
effort de défense. Peut-on reprocher à certains d'en faire trop alors que, à
nos yeux, la France n'en fait pas assez ?
La France donne aisément à l'extérieur des leçons dont certaines nous
conviennent très bien, mais elle ferait mieux de donner l'exemple !
M. Jacques Mahéas.
Et Chirac, que fait-il ?
M. François Trucy.
Depuis 1997, le budget de la défense est le parent pauvre des lois de finances
et la variable de tous ses ajustements. La défense n'est clairement plus une
priorité du Gouvernement, notre pays prend du retard par rapport à ses
partenaires, et pas simplement par rapport aux Etats-Unis.
Certes, dans certains domaines - les boucliers, les programmes hyper-coûteux
et la recherche - nous ne pouvons pas rivaliser. En revanche, il me semble que
l'on aurait pu satisfaire nos ambitions en dotant notre marine nationale de
bâtiments qui naviguent, notre armée de terre de chars Leclerc qui roulent,
notre armée de l'air d'hélicoptères qui volent et de Rafale en nombre
suffisant.
M. René-Pierre Signé.
La question !
M. François Trucy.
Les dépenses d'équipement sont sacrifiées, et les dépenses ordinaires ne sont
guère mieux loties, comme je vous l'ai reproché lors de l'examen des crédits de
votre ministère en tant que rapporteur spécial de la commission des
finances.
M. Jacques Mahéas.
Vous voulez reprendre les essais nucléaires ?
M. François Trucy.
Les personnels utilisent un matériel vieillissant, et ils s'entraînent moins
faute de crédits.
Si la France a des ambitions diplomatiques, que nous approuvons, elle ne s'en
donne pas les moyens militaires et budgétaires. Comment notre pays peut-il
prétendre, au niveau mondial, partager le pouvoir de décision et, dans le même
temps, refuser de contribuer à l'effort militaire ?
M. le président.
Posez votre question, mon cher collègue !
M. François Trucy.
Autrement dit, monsieur le ministre, comment la France peut-elle prétendre
jouer un rôle de premier plan avec une armée dont les moyens sont en constante
régression ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Il faut augmenter les impôts !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je répondrai à cette question sur le ton
responsable et modéré qu'a adopté M. Trucy, dans le prolongement d'une
discussion que nous avons déjà eue dans cette enceinte, lors de l'examen du
projet de loi de finances.
Vous soulignez à juste titre, monsieur le sénateur, qu'une partie importante
de l'augmentation des crédits affectés au Pentagone, qu'a annoncée le président
Bush, correspond à des choix politiques préalables et ne constitue pas une
réponse de circonstance à la menace terroriste après les événements du 11
septembre. Je pense, en particulier, aux charges considérables que représente
le développement du dispositif anti-missiles choisi par les Etats-Unis, pour
des raisons stratégiques avec lesquelles nous divergeons et avec des objectifs
industriels et technologiques qui ne sont pas tout à fait les nôtres.
En ce qui nous concerne, vous le savez, le Gouvernement a soumis à
l'approbation du Parlement - qui l'a accepté - un complément de dotation de 460
millions d'euros de commandes supplémentaires, pour une série d'objectifs
concrets qui renforcent nos moyens en matière de lutte contre le terrorisme, de
protection contre les risques nucléaires, biologiques et chimiques, de capacité
de détection des menaces et de capacité d'intervention. Je pense, notamment, à
l'accroissement de la dotation en hélicoptères de nos différentes forces.
Il ne faut pas oublier - toujours pour rester sur la question de la lutte à
long terme contre le terrorisme et de la réduction de la menace -, que l'action
de coopération policière et de renseignement est aussi d'une grande importance
et que, dans ce domaine, l'Europe donne l'exemple, parce que c'est entre nous -
et en partie sur l'intervention de la France - que nous partageons le plus et
que nous répartissons le mieux les efforts de connaissance des réseaux qui
constituent une menace.
Il faut également noter l'engagement déterminé de l'ensemble des Européens, à
la demande des Nations unies, pour constituer une force de sécurité en
Afghanistan, dans un bon partage des rôles avec les Etats-Unis.
C'est vrai, l'Europe est différente des Etats-Unis, nos choix ne sont pas
stratégiquement les mêmes. L'Europe est toutefois un facteur d'équilibre
international très important face aux crises, et le développement des capacités
conjointes des Européens, que nous avons opéré ces dernières années, nous
permettra d'agir sur le terrain dès cette année dans les Balkans, ce qui
représente une mutation substantielle qui a d'ailleurs été, je crois, soutenue
par l'ensemble des familles politiques de ce pays.
Il faut aussi souligner que, en termes de présence industrielle dans les plus
hautes technologies, les grandes firmes européennes, grâce aux restructurations
dont nous avons pris l'initiative, sont maintenant au meilleur rang.
Enfin, l'Europe a sa vision internationale, sa propre philosophie et, sur la
question qui nous concerne le plus, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme,
elle concilie heureusement, je crois, le soutien de l'Etat de droit et une
vigilance de plus en plus solidaire et de mieux en mieux organisée sur le plan
communautaire contre la menace terroriste. Je crois que c'est une volonté
politique qui nous rassemble !
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Bonne question, excellente réponse, et ce dans la sérénité : voilà l'exemple
qu'il nous faut suivre.
RESTRUCTURATION D'AVENTIS