SEANCE DU 31 JANVIER 2002
M. le président.
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 427, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, et
ainsi libellé :
« A la fin de la première phrase du troisième alinéa du I de l'amendement n°
15 rectifié, avant le mot : "préjudice", supprimer le mot : "seul". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Un seul mot d'explication, mes chers collègues. Il s'agit de corriger une
erreur. Ce matin, j'ai expliqué que nous proposions de nous en tenir à
l'expression : « au titre de leur préjudice », en supprimant le mot : « seul ».
Il avait été compris que je proposais de supprimer uniquement le mot : « moral
», lequel n'était plus dans le texte de la commission. Certains avaient pu donc
en conclure que ce sous-amendement-là n'avait plus d'objet.
Le voici donc de nouveau : il s'agit bien de supprimer le mot : « seul ».
Cela étant, j'ajoute d'emblée que, compte tenu du sous-amendement que Mme
Demessine a déposé tout à l'heure, qui maintient l'expression : « seul
préjudice », et dans un souci d'unité, en vue, notamment, de la commission
mixte paritaire, nous retirons ce sous-amendement pour nous rallier au
sous-amendement n° 422 rectifié
bis
de Mme Demessine.
M. le président.
L'amendement n° 427 est retiré.
Quel est maintenant l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 422
rectifié
bis
et 426 ?
M. Francis Giraud,
rapporteur.
La commission des affaires sociales vient donc de se réunir,
monsieur le président, et a émis un avis défavorable sur les sous-amendements
n°s 422 rectifié
bis
et 426.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Je veux rendre hommage à Mme Demessine dont le
sous-amendement témoigne, selon moi, d'une grande sagesse dans une matière où
celle-ci est particulièrement précieuse. Madame Demessine, vous nous avez
donné, hier soir, une leçon d'humanisme qui a frappé tous ceux qui ont eu la
chance de vous entendre, mais vous nous donnez, cet après-midi, une leçon de
sagesse à laquelle, personnellement, je suis très sensible.
En effet, à trop vouloir entrer dans les détails de cette notion de préjudice,
mes chers amis, nous oublions que nous sommes dans un domaine où le droit et le
fait se mêlent si inextricablement que nous ne parviendrons jamais, par un
texte, à maîtriser l'inconnue que représente ce mélange. Le droit et le fait se
mêlent dans l'appréciation de la faute comme dans celle du préjudice. Nous
pouvons préciser, enrichir nos textes, nous n'arriverons pas - la raison s'y
oppose - à maîtriser cette inconnue, tout simplement parce que cela relève du
travail de la justice, laquelle est chargée d'appliquer les lois qui doivent
demeurer à un niveau de généralité et de principe.
Songez tout de même que la justice, en présence d'un cas concret, fonctionne à
plusieurs niveaux de réflexion : juridiction de première instance, cour
d'appel, Cour de cassation, puis, éventuellement, renvoi devant une autre cour
d'appel, retour devant la Cour de cassation, chambres réunies... Quelle
meilleure assurance d'aboutir à des décisions, qui, à défaut d'être
irréprochables - mais quelle décision humaine peut l'être...
M. Jean Chérioux.
Cela donne l'arrêt Perruche !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Qui a eu le mérite de provoquer notre débat et dont
c'était peut-être d'ailleurs l'objet !
En tout état de cause, il me paraît sage de ne pas aller trop loin dans la
voie des précisions qui consiste à s'imaginer que l'on peut tout régler par la
loi et, à cet égard, je rends hommage à Mme Demessine pour la sagesse dont elle
a fait preuve.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je rends, moi aussi,
hommage à Mme Demessine. Toutefois, monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, je voudrais vous rappeler une chose que le
législateur ne dois jamais oublier. Chaque année, nous assistons, les uns et
les autres, aux séances solennelles du tribunal de grande instance, de la cour
d'appel et, chaque année, nous entendons les présidents de ces juridictions
nous dire que, si nous ne sommes pas satisfaits de la façon dont ils rendent la
justice, nous, les législateurs, n'avons qu'à fixer les limites de la loi.
M. Alain Gournac.
On l'entend tous les ans !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Il faut donc que la loi
soit claire. Nous avons, à travers l'amendement que nous proposons, donné la
possibilité au juge, possibilité que nous souhaitons maintenir, de déterminer
le préjudice subi par les parents. Nous avons supprimé le qualificatif « moral
» parce que plusieurs d'entre vous nous ont fait remarquer qu'il y avait là un
risque d'inconstitutionnalité et qu'en outre cela enlevait aux magistrats la
possibilité d'accorder une indemnisation dans d'autres cas, la perte de choix,
pour ne pas dire la perte de chance.
Néanmoins, nous avons tenu à préciser - et cela avait été, je crois, souhaité
par tous - qu'en aucun cas le préjudice des parents ne pouvait être rattaché à
l'état de déficience de l'enfant. Nous avons, ce faisant, rempli notre mission
et, en votant l'amendement n° 15 rectifié, je saluerai la fin de la
jurisprudence liée à l'arrêt Perruche et à l'arrêt Quarez.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 422 rectifié
bis
.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Le groupe socialiste se rallie entièrement au sous-amendement de Mme Demessine
tel qu'il est maintenant rédigé.
L'adjectif « seul » est-il nécessaire ? Les adjectifs nourrissent souvent des
jurisprudences incertaines. Mais laissons-le. La phrase suivante, que vous avez
supprimée, madame, me paraissait tout à fait inutile et source de confusion
puisque le principe du droit à la solidarité nationale des personnes
handicapées est proclamé dans le paragraphe II de l'amendement n° 15 rectifié.
Nous voterons donc le sous-amendement n° 422 rectifié
bis.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Si nous nous reportions à l'ensemble des prises de position qui ont été
développées par les uns et les autres sur les sous-amendements n°s 422 rectifié
bis
et 426, qui viennent d'être examinés en commission et dont M. le
rapporteur vient de nous rapporter fidèlement les conclusions, nous serions
quelque peu surpris. J'ai notamment en mémoire les excellents arguments de
celles et ceux qui ont plaidé en faveur du maintien de la phrase supprimée par
Mme Demessine et que M. Francis Giraud a intégrée dans son amendement, dans une
rédaction qui, même si elle n'est pas exactement conforme à celle qu'avait
souhaitée Mme Demessine, est dans le même esprit. Je répète que, si nous nous
reportions aux exposés des motifs de ces propositions et si nous suivions le
fil conducteur des débats, nous serions surpris des conclusions auxquelles nous
parvenons en cet instant.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument !
M. Alain Vasselle.
En effet, il ne faut pas croire que la confusion à laquelle vient de faire
référence M. Badinter va disparaître du fait de la suppression de cette fameuse
phrase. Au contraire, l'absence de cette phrase, qui était un élément de
précision et qui donnait au magistrat le cadre lui permettant de se prononcer
face à un recours engagé par des parents ou par l'un d'eux, ne fera
qu'accroître la confusion.
C'est la raison pour laquelle il me paraît souhaitable de faire nôtres les
arguments qui ont été développés par nos collègues qui ne souhaitaient pas voir
cette phrase adoptée qu'il faut au contraire maintenir pour éviter toute
confusion dans l'esprit des magistrats lorsqu'ils devront se prononcer. De
cette manière, nous aurons la certitude que la solidarité nationale jouera
effectivement en faveur des familles.
Par là même, et cela peut en gêner certains, nous renvoyons à l'Etat et à
l'ensemble des collectivités concernées la responsabilité d'apporter à ces
familles une contribution digne de notre société, et conforme à la réalité des
besoins, ce que, malheureusement, ne permet pas aujourd'hui la loi de 1975 sur
le handicap, dont chacun se plaît d'ailleurs à reconnaître qu'elle doit être
réformée. On trouvera dans tous les départements et dans de nombreux
établissements des exemples pour démontrer que dans ce domaine l'Etat ne
remplit pas sa mission comme il le devrait.
Par conséquent, veillons à ne pas accroître la confusion, sinon nous
connaîtrons, demain, une situation pire que celle que nous combattons
aujourd'hui.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à ne pas
adopter le sous-amendement n° 422 rectifié
bis
et à vous en tenir à
l'amendement n° 15 rectifié de la commission, qui intègre les préoccupations de
Mme Demessine, que je partage, tout en levant certaines ambiguïtés
rédactionnelles.
Nous avons le même but. L'essentiel est de trouver le bon chemin pour y
parvenir, et ce bon chemin c'est celui que nous propose la commission des
affaires sociales. Nous verrons bien, madame Demessine, lors de la commission
mixte paritaire, quelle sera la rédaction finalement retenue par l'Assemblée
nationale et le Sénat. Il faut que le Sénat dessine très clairement le chemin
sur lequel il souhaite s'engager pour inviter l'Assemblée nationale à le
suivre.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est bien beau de parler de solidarité nationale, mais personne ne propose
d'inscrire dans la loi que l'Etat doit réparer intégralement le préjudice dont
souffrent l'ensemble des enfants handicapés de France. Personne ne le propose
parce que tout le monde sait que cela coûterait quelque 180 milliards de
francs.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est ce que cela coûte
déjà.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un objectif vers lequel il faut tendre. La solidarité nationale doit,
certes, prendre en charge le handicap mais, tout le monde le sait,
malheureusement, cette prise en charge ne peut être que partielle et
insuffisante.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Chacun mesure, au moment du vote, la gravité de la position qu'il va prendre
et je tiens à rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont participé
avec toute la force de leur conviction à ce débat poignant et passionnant.
Pour ma part, ainsi que M. le président de la commission des affaires sociales
l'indiquait ce matin, j'ai très modestement proposé un sous-amendement que je
retrouve dans l'amendement n° 15 rectifié de la commission des affaires
sociales. Je veux ajouter, pour faire écho aux propos de notre collègue Alain
Vasselle, que, lorsque l'on fait référence à la compensation assumée par la
solidarité nationale, il s'agit bien de la compensation « effectivement »
assumée par celle-ci.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Bien sûr !
M. Jean Arthuis.
Tels sont les motifs pour lesquels je voterai l'amendement n° 15 rectifié.
Par ailleurs, je précise à mon ami Pierre Fauchon, qui sait l'estime que je
lui porte, que si, demain, le juge est saisi et, ne nous faisons pas
d'illusions, il le sera forcément, je ne crois pas pour ma part qu'il puisse en
dernier ressort revenir sur le principe fondamental de la responsabilité dans
les contrats.
Dans ces conditions, je ne voterai pas le sous-amendement de Mme Demessine. Je
tiens néanmoins à lui dire que j'ai été extrêmement attentif aux propos qu'elle
a exprimés et au souci qui l'a constamment animée de trouver une rédaction
aussi consensuelle que possible.
En conclusion, j'ajouterai que le Gouvernement nous a mis dans l'embarras en
introduisant certaines dispositions étrangères à ce texte, dont l'objet
essentiel n'était pas de tirer les conséquences de l'arrêt Perruche...
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 422 rectifié
bis,
repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
affaires sociales et du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 299 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Majorité absolue des suffrages | 147 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 185 |
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 426.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis. J'avais présenté ce sous-amendement rédactionnel, que je ne croyais pas décisif, afin d'apporter une clarification. Puisque personne ne semble y attacher autant d'importance que moi, je le retire.
M. le président. Le sous-amendement n° 426 est retiré.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 416.
M. Christian Cointat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat. Lors de la présentation ce matin de mon sous-amendement n° 421, j'avais signalé que celui-ci visait simplement à étendre la compétence de l'Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées aux Français handicapés établis hors de France, qui relèvent de la solidarité nationale.
Par conséquent, il serait souhaitable que Mme Demessine accepte d'intégrer mon sous-amendement au sien. Sinon, je me trouverai dans l'obligation de le maintenir. Il ne tend qu'à rendre plus efficace une instance qui est destinée à rassembler toutes les informations utiles à la définition d'une bonne politique en faveur des handicapés.
J'ajoute, à la suite des propos tenus ce matin par M. le ministre, qu'il existe des comités consulaires pour la protection et l'action sociales, qui pourront contribuer efficacement à l'information de ladite instance et travailler de manière utile au profit de l'ensemble de ceux que nous voulons aider.
M. le président. Madame Demessine, acceptez-vous de rectifier le sous-amendement n° 416 dans le sens souhaité par M. Cointat ?
Mme Michelle Demessine. Tout à fait.
M. le président. Il s'agit donc du sous-amendement n° 416 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le III du texte proposé par l'amendement n° 15 :
« III. - Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est chargé, dans des conditions fixées par décret, d'évaluer la situation matérielle, financière et morale des personnes handicapées en France et des personnes handicapées de nationalité française établies hors de France prises en charge au titre de la solidarité nationale et de présenter toutes les propositions jugées nécessaires au Parlement et au Gouvernement, visant à assurer, par une programmation pluriannuelle continue, la prise en charge de ces personnes. »
Le sous-amendement n° 421 est retiré.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 416 rectifié ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 416 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je voterai bien entendu ce sous-amendement, en souhaitant toutefois que nous n'en restions pas au stade des voeux pieux et que le dispositif présenté permette d'aboutir à des résultats concrets.
En effet, à combien d'organismes avons-nous confié le soin de mener des études qui n'ont jamais été suivies d'effet ? En tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je peux vous dire, mes chers collègues, que l'annexe I de ce texte comporte une liste impressionnante de missions de santé publique, laquelle reste lettre morte d'année en année. La preuve en est, d'ailleurs, que l'Assemblée nationale a éprouvé le besoin d'adresser une sorte d'injonction au Gouvernement afin que les engagements pris dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 trouvent une traduction dans les faits.
S'agissant des personnes handicapées, et puisque chacun s'est plu à reconnaître la nécessité d'une évolution rapide, j'espère que le Gouvernement saura prendre ses responsabilités.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Je voterai moi aussi ce sous-amendement, mais je voudrais prendre devant mes collègues l'engagement d'approuver ici pour la dernière fois la création d'un conseil national ou d'un observatoire national.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Celui-ci existe déjà !
M. Jean Arthuis. En effet, nous nous plaignons, les uns et les autres, d'une dérive législative. Devant l'impuissance de l'Etat, nous croyons trouver une issue en votant la création d'instances au sein desquelles siègeront naturellement des parlementaires.
Or ces derniers ne sauront plus très bien s'ils sont des parlementaires chargés du contrôle de l'exécutif ou s'ils sont déjà engagés dans des missions exécutives.
En outre, nous qui souhaitons un allégement du poids de la sphère publique serons forcément amenés à demander au Gouvernement de créer un secrétariat général. Je voudrais m'élever contre cette supercherie et ce prétexte de l'impuissance qui nous donnent bonne conscience.
Je voterai donc pour la dernière fois l'instauration d'un organisme tel que celui auquel il est fait référence dans le sous-amendement n° 416 rectifié, mais j'aimerais que nous convenions tous ensemble, mes chers collègues, de mettre un terme à la dérive que j'évoquais, qui finira par donner de la représentation nationale une image assez caricaturale.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je ne partage pas votre sentiment, monsieur Arthuis, sur les instances auxquelles vous avez fait allusion. Elles sont très souvent utiles, mais n'abordons pas cette question de fond. Le Haut Comité de la santé publique communiquera d'ailleurs demain les résultats du travail qu'il a accompli ces trois dernières années.
J'ajoute que l'organisme visé par le sous-amendement n° 416 rectifié existe déjà. Il ne s'agit pas d'une création ! Sinon, je m'y serais moi aussi opposé. J'ai simplement souligné qu'il me semblait difficile, bien que nécessaire, que le Conseil national consultatif des personnes handicapées soit compétent s'agissant des handicapés résidant outre-mer, mais, encore une fois, nous ne le créons pas, il existe déjà !
M. Jean Arthuis. Et l'Observatoire ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il s'agit justement, par le biais du sous-amendement n° 416 rectifié, de fondre l'Observatoire de l'accueil et de l'intégration des personnes handicapées et le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne crée pas l'Observatoire !
Mme Michelle Demessine. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Je voudrais indiquer à M. Arthuis que je souhaite en effet que l'Observatoire soit intégré au CNCPH, qui fonctionne extrêmement bien. C'est une structure qui travaille en concertation permanente avec l'ensemble des associations de handicapés, lesquelles ont souhaité prendre en charge la gestion et l'animation de l'Observatoire, ce qui représente à mes yeux une garantie.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 416 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l'unanimité.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15 rectifié.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai bien entendu l'amendement de la commission des affaires sociales tel qu'il vient d'être modifié par le Sénat.
A cette occasion, je tiens à rendre un hommage appuyé au président et aux rapporteurs de cette commission, qui se sont efforcés de réunir un consensus au sein de notre assemblée sur un sujet particulièrement difficile. Hélas ! ils n'y sont pas parvenus, mais il faut dire que cela n'était pas très facile, car nous avons assisté à un « ballet » de sous-amendements à rédaction variable, ce qui n'a guère contribué à éclairer le débat !
Ce qui est certain, c'est que le texte que nous allons voter répond aux aspirations d'un grand nombre de nos concitoyens. En effet, l'arrêt Perruche a provoqué une levée de boucliers, et ce à juste titre.
Cependant, je tiens à relever qu'il n'a été que l'aboutissement d'une longue évolution depuis le vote de la loi Veil, dont l'article 1er énonçait le principe du respect de la vie depuis son commencement. Aujourd'hui, nous sommes contraints de préciser dans la loi que « nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance ».
Oui, quelle évolution ! Une évolution lente mais inexorable de notre législation et de notre jurisprudence, qui ne fait d'ailleurs que suivre celle de notre société, à moins que parfois elle ne l'anticipe.
Je n'ai aucunement l'intention de rouvrir un vieux débat sur ce point, parce que je suis un démocrate et que je respecte les opinions et les décisions de chacun. Toutefois, je me demande si l'arrêt Perruche ne peut pas être considéré comme un signal d'alarme devant le glissement de notre droit vers la reconnaissance d'une certaine forme d'eugénisme ou, plus exactement, d'une sorte de sélection à caractère eugénique.
Je ne parlerai pas d'eugénisme au sens strict du terme, pour lequel une définition restrictive et qui se veut rassurante a été donnée récemment, mais, qu'on le veuille ou non, certaines pratiques admises comportent bien, au moins en germe, une certaine forme de sélection à caractère eugénique.
Cela méritait d'être dit, cela méritait d'être souligné aujourd'hui, à quelques semaines ou à quelques mois de l'examen d'un nouveau texte relatif à la bioéthique. (Applaudissements sur les travées du RPR. - M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Bernard Angels au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. Christian Cointat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je fais
partie de ceux qui, au sein de la commission des lois, ont voté l'amendement
présenté par celle-ci et qui n'était pas en parfait accord, c'est le moins que
l'on puisse dire, avec celui que la commission des affaires sociales a
proposé.
J'ai donc écouté avec beaucoup d'intérêt, sur un sujet aussi grave et
difficile, les interventions des uns et des autres. Tout en étant très attaché
à la force du droit, je reconnais que c'est non pas le droit qui doit primer
sur les hommes et les femmes, mais l'inverse, car le droit est à leur
service.
C'est la raison pour laquelle je me rallierai finalement à l'amendement n° 15
rectifié de la commission des affaires sociales, car, dans sa version
définitive, il apporte les garanties que le texte initial ne contenait pas. En
effet, comme cela a été dit dans cette enceinte, il appartient au législateur
de remplir toute sa mission et de ne pas laisser au juge le soin de décider à
sa place : le juge interprète la loi, il ne la fait pas.
Au terme d'un très long débat, certes parfois chaotique, mais en tout cas très
riche et très intéressant, je voterai sans états d'âme le texte de la
commission des affaires sociales ainsi modifié, qui répond finalement à
l'attente de tous ceux qui sont concernés.
(Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Il eût été étroit d'opposer le droit au discours sensible, la démarche du
droit à la démarche du soin. Nous pensions qu'il était hasardeux de légiférer
dans la passion. Néanmoins, l'abandon du préjudice du seul fait de la naissance
est un acquis éthique.
De plus, il est important de rappeler que l'acte fautif qui provoque
directement le handicap ne peut être remis en question.
Dans un contexte sociétal de besoin de sécurité, d'exigence de résultat et de
perte de confiance, d'une part, de développement de technologies de plus en
plus performantes et de délaissement des handicapés et de leur famille, d'autre
part, le législateur doit affirmer le rôle de la solidarité nationale.
L'indemnisation n'est pas notre voie. Il s'agit, en effet, d'une privatisation
de la prise en charge du handicap avec création de profondes inégalités. C'est
pourquoi la compensation liée au handicap est devenue une évidence, et la
remise en chantier de la loi est une urgence nationale. Il n'est pas exagéré de
répondre à l'angoisse des parents soucieux du devenir de leur enfant après leur
disparition.
On nous parle de faute lourde, caractérisée, à propos du handicap non décelé
pendant la grossesse. Il devient indispensable d'approfondir un code des bonnes
conduites en échographie prénatale, de cerner les informations à transmettre
aux malades, car l'autoprotection voire la précaution excessive peuvent limiter
le risque favorable aux malades.
Notre devoir est de lutter contre les inégalités liées à la faute, qui
pourrait paradoxalement être l'objet d'une indemnisation, alors que le handicap
sans faute engendre la précarité. Une compensation adaptée, juridique et
financière, technique et humaine, ne peut qu'être la réponse apportée à notre
débat.
En renonçant à la réparation du préjudice moral, a été évoquée possibilité de
création d'une discrimination dans le régime général de la responsabilité. Mais
les discriminations entre les parents qui font un recours et les autres, comme
entre les handicapés décelés et les autres, ne sont-elles pas intolérables et
plus grandes encore ?
Quant à la constitutionnalité des dispositions légales limitant la réparation,
on remarque que les juges constitutionnels - et je renvoie à la décision du 22
octobre 1982 - ont adopté des solutions nuancées qui laissent au législateur
une marge de manoeuvre appréciable pour réglementer la réparation tout en
fixant des bornes à sa compétence.
(M. Badinter opine.)
Il faut affirmer avec force que définir une normalité revient à établir une
liste noire des malformations : il n'est pas acceptable de lier faute médicale
et handicap alors que la nature est seule responsable.
Il nous faut dénoncer toute menace de dérapage eugéniste de notre société.
Nous devons reconnaître le couple qui accepte l'enfant à particularités.
L'obligation de recourir à l'IVG par manque de moyens, par une culture de la
normalité - dont l'avortement de précaution fait partie - est insoutenable.
Néanmoins, nous considérons comme importante la perte de chance d'une femme qui
n'a pu bénéficier du choix d'interrompre ou non sa grossesse.
Oui, il faut aider les personnes handicapées. Oui, il s'agit d'un devoir de
solidarité nationale. Mais faut-il toujours un coupable pour assurer la charge
financière, pour compenser les carences de notre société ? Le prochain chantier
que nous allons ouvrir doit y répondre.
(Applaudissements sur plusieurs
travées de l'Union centriste.)
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, mes chers collègues, des choses excellentes ont été
dites, qui émanaient de toutes les travées. Il est vrai qu'il s'agit là de l'un
des problèmes les plus complexes qui puissent se poser au législateur compte
tenu des considérations éthiques et - ce qui est encore beaucoup plus important
- des douloureuses situations humaines auxquelles nous devons faire face.
Nous souhaitons que ce texte soit le fruit du travail parlementaire. Dans ces
circonstances et au regard des drames que j'évoquais, il est important que nous
puissions arriver à un accord en commission mixte paritaire. A cet égard,
l'amendement n° 15 rectifié est assez loin de ce qui avait été voté par
l'Assemblée nationale, de la position du Gouvernement et de celle qui a été
prise par la commission des lois du Sénat, notamment, je tiens à le dire, dans
l'excellent amendement de M. Fauchon, qui, même s'il appelait des corrections,
n'en était pas moins satisfaisant sur bien des points.
En l'état, nous considérons qu'il faut préserver toutes les chances de
parvenir à un accord en commission mixte paritaire. Par conséquent, le groupe
socialiste s'abstiendra, en espérant qu'un accord interviendra en commission
mixte paritaire.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes
chers collègues, nous parvenons à la fin de ce débat et il convient de dire,
selon la formulation d'usage, qu'il a été riche, même s'il a été, pour
certains, assez fatigant.
(Sourires.)
Il est sûr que les choses ont beaucoup évolué. Je suis un peu embarrassé de ne
pouvoir, à cet instant, ni réunir la commission des lois ni même consulter son
président qui, souffrant, a dû rentrer chez lui. Je dois improviser en quelque
sorte ma position sur un texte débarrassé des difficultés majeures que
présentait sa rédaction initiale. En effet, nous ne pouvions retenir cette
rédaction qui excluait toute autre réparation que la réparation morale, et je
n'ai pas besoin de dire dans quelle hypothèse nous sommes. Je m'étais permis de
dire que cette rédaction n'était pas constitutionnelle.
Je citerai un extrait d'une décision du Conseil constitutionnel sur un texte
très différent qui excluait un aspect du préjudice et n'en admettait qu'une
partie : « cette rédaction écarte la réparation de tous préjudices autres que
ceux strictement précisés ; que cependant le principe d'égalité devant les
charges publiques ne saurait permettre d'exclure du droit à réparation un
élément quelconque du préjudice indemnisable ».
J'ai le regret de dire que, sur de nombreux points, la rédaction du présent
amendement peut être améliorée. Ce sera le rôle de la commission mixte
paritaire.
Personnellement, j'émets des réserves sur la première ligne du texte proposé.
Je ne suis pas sûr qu'elle soit porteuse de l'efficacité que ses auteurs lui
attribuent. Je tiens simplement à le dire et à prendre date. Je souhaite
qu'elle soit porteuse de cette efficacité, mais j'ai les plus grands doutes à
cet égard. Nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir.
En revanche, je constate que vous avez préservé le point essentiel, à savoir
ne pas exclure telle ou telle forme de préjudice. Comme vous le précisez, les
charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, du
handicap ne feront pas l'objet d'une réparation dans la mesure où leur
compensation est assumée par la solidarité nationale. M. Jean Arthuis et
moi-même considérons que, quand on dit que « la compensation est assumée par la
solidarité nationale », cela signifie qu'elle l'est ; cela ne veut pas dire
qu'elle devrait l'être, qu'elle pourrait l'être ou qu'elle le sera peut-être un
jour. Autrement dit, tant que la compensation n'est pas assumée, le préjudice
reste ouvert. Cela signifie que les victimes obtiendront l'indemnisation
complète de leur préjudice, quelle que soit sa forme, soit de la part de
l'Etat, soit par une autre voie. En effet, ma préoccupation essentielle
consistait non pas à faire tout payer par l'un ou par l'autre, mais à faire en
sorte que le préjudice soit entièrement couvert. Il serait en effet injuste
qu'il ne le soit pas en totalité.
Avec cette rédaction, qui n'a pas ma préférence, nous ne sommes plus dans la
situation d'inconstitutionnalité sur laquelle j'avais attiré votre attention.
Ce texte peut être amélioré. Si j'avais pu réunir la commission des lois, je
pense que, dans un dernier effort nos points de vue se seraient peut-être
encore rapprochés. Mais je ne peux le faire. Il faut donc prendre les choses
commes elles sont.
Cela étant dit, à titre personnel, je ne peux aller plus loin. En effet, je ne
peux engager la commission des lois et renoncer si facilement à un ouvrage qui
nous avait donné beaucoup de mal. Donc, en ce qui me concerne, je m'abstiendrai
sur ce texte qui, je le reconnais, constitue une très grande avancée.
(Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste.)
Mme Michelle Demessine.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Au terme de cette longue et passionnante discussion, je voudrais, à mon tour,
souligner l'excellent climat qui a régné dans cet hémicycle, et que j'ai
beaucoup apprécié. Je rends hommage à tous ceux qui ont participé très
activement à ce débat.
Nous étions face à une difficulté majeure, et le choix que nous avions à faire
est aussi un choix de société. Ce n'est pas simple. Cela nous concerne non
seulement en tant qu'élu mais également comme individu.
L'autre difficulté de notre débat, on l'a bien vu, résidait dans le fait que
les différents points de vue traversent chacune des sensibilités qui sont
représentées dans cet hémicyle : ce n'était pas un débat entre la droite et la
gauche. A l'issue de ces discussions, nos points de vue, si l'on prend chacune
des composantes dans ce débat, se sont rapprochés, et nous pouvons nous en
féliciter.
Il faut laisser la porte ouverte pour que la commission mixte paritaire
permette encore d'avancer. Telle a été la position de notre groupe. Le scrutin
qui clora notre débat semble ne devoir se solder par aucun vote contre, ce qui
est à souligner. En effet, nous avons annoncé que nous nous abstiendrons,
adoptant ainsi une position d'attente, en vue d'améliorer encore le texte.
D'autres prendront une position plus efficiente.
Nous pouvons être fiers du travail que nous avons réalisé ensemble. Nous
sommes tous convaincus d'avoir fait avancer le texte.
M. Paul Girod.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Girod.
M. Paul Girod.
Si quelqu'un pouvait encore douter des vertus du bicamérisme, le débat qui
vient de se dérouler en cette enceinte lui aura apporté une réponse
évidente.
M. Alain Gournac.
En effet ! Il faut le dire au Premier ministre !
M. Paul Girod.
En effet, l'ensemble des sénateurs ont essayé, dans leur sagesse et petit à
petit, de cerner un problème douloureux pour chacun d'entre nous, qui a été
ouvert devant la nation en 1975, ne l'oublions pas, par le président Giscard
d'Estaing, et qui nous amène aujourd'hui à poser toute une série de questions
de conscience, tant sur la plan personnel et que sur le plan politique, qui
traversent en effet toutes les sensibilités représentées dans notre
assemblée.
La dignité du débat, la solution à laquelle nous arrivons, qui, d'une certaine
manière, laisse une partie du débat encore ouverte - et c'est cela - le
bicamérisme ! devrait recueillir sinon la totalité des votes, du moins, et je
m'en réjouis, une majorité de votes positifs et quelques abstentions, au nombre
desquelles il faudra d'ailleurs compter les voix de certains membres de mon
groupe.
Le progrès que nous avons fait faire à ce débat douloureux est à l'honneur du
Sénat et, de ce point de vue, nous avons joué notre rôle de législateur au
service du pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je voulais m'en tenir à mon intervention sur le sous-amendement de Mme
Demessine, mais les explications de vote de MM. Arthuis et Fauchon
m'encouragent à reprendre la parole.
Je tiens préalablement à m'associer aux compliments adressés à M. le
rapporteur, et à féliciter également M. le rapporteur pour avis de la
commission des lois et M. le ministre ainsi que tous nos collègues qui ont
contribué à ce débat : nous nous sommes en effet tous efforcés, en âme et
conscience, de faire progresser le texte pour répondre à l'aspiration de la
majorité des Français qui se sont exprimés sur ce sujet.
Ce débat a donc été très riche, et même enrichissant pour la plupart d'entre
nous. J'ose espérer que la rédaction définitive permettra de satisfaire
l'ensemble des points de vue, et non pas l'un au détriment de l'autre. Ce sera
d'ailleurs toute la difficulté de l'exercice qui incombera aux membres de la
commission mixte paritaire, auxquels je souhaite par avance bon courage,
espérant qu'ils seront inspirés pour élaborer la rédaction qui sera celle du
bon choix.
Si j'interviens ainsi en explication de vote, c'est parce que MM. Arthuis et
Fauchon viennent d'apporter un éclairage nouveau - pour moi du moins - sur
l'effectivité de l'ouverture qui a été ménagée et qui répond à l'attente non
seulement de la commission des lois, mais également de l'Assemblée nationale :
en effet, aux termes de cette rédaction, comme l'a très justement rappelé M. le
rapporteur pour avis, l'indemnisation se fera au-delà de la compensation
assumée aujourd'hui par la solidarité nationale, c'est-à-dire l'effectivité de
la compensation actuelle, ce qui laisse aux magistrats une marge de manoeuvre
pour aller au-delà de l'indemnité liée au seul préjudice résultant de l'absence
d'information et pour apporter un plus lié au handicap. Je suis persuadé que
certains magistrats, si ce n'est tous, pourront faire ce genre d'interprétation
et que, par cette rédaction, l'ouverture a été réalisée.
Cependant, je ne suis pas convaincu que cette ouverture réponde complètement à
l'attente qui était celle de la majorité, voire de l'unanimité, des membres de
la commission des affaires sociales, ainsi qu'à celle de Mme Demessine
elle-même lors du dépôt de son sous-amendement.
Je tenais donc à le souligner à l'occasion des explications de vote et à dire
que, pour ma part, j'aimerais que la rédaction finale qui sera élaborée par la
commission mixte paritaire se rapproche, du moins en esprit, des dispositions
souhaitées par la commission des affaires sociales, laquelle a une approche
humaine du problème. En effet, mes chers collègues, si nous sommes certes tenus
de voter en droit, les juristes ne pourraient-ils cependant pas considérer
qu'ils ne sont pas seuls à détenir la vérité et que le droit peut être
accompagné de certaines considérations humanitaires, telles celles dont nous
nous sommes faits les porteurs, de la part tant des familles de personnes
handicapées que des handicapés eux-mêmes ?
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, le débat ne me paraît pas
clos. L'ouverture est certes là, mais, à mon avis, la rédaction définitive
n'est pas celle qui devrait ressortir de notre débat de ce soir : des avancées
sont encore à effectuer.
Cela étant, et malgré les interrogations que je me suis permis d'exprimer
devant vous toutes et vous tous, je voterai bien entendu l'amendement n° 15
rectifié, modifié.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, avant que nous ne passions au vote
sur l'amendement n° 15 rectifié, je voudrais remercier tous les membres de la
commission des affaires sociales pour leur excellent travail, sans oublier la
contribution très importante de la commission des lois et de son rapporteur
pour avis. M. Pierre Fauchon, qui a fait valoir que la limitation du préjudice
au préjudice moral pourrait être frappée d'inconstitutionnalité. Peut-être. De
plus, une association préconisait d'aller un peu au-delà du préjudice moral.
Avec l'amendement n° 15 rectifié, modifié, nous répondons aux craintes tant de
M. le rapporteur pour avis que de la seule association souhaitant aller au-delà
du préjudice moral.
Nous avons fait un travail de qualité parce que nous avons tenu bon dans le
sens que souhaitait l'ensemble des associations de personnes handicapées et de
leurs familles. Nous ne souhaitons pas, comme je l'ai dit, que s'instaure une
confusion entre préjudice, d'une part, et personne dite « handicapée », d'autre
part.
De même, je tiens à remercier Jean Arthuis qui, par sa proposition, a adouci
quelque peu la rigueur de la commission des affaires sociales et a apporté un
peu d'eau au moulin du rapporteur pour avis de la commission des lois en
modifiant légèrement la référence à la solidarité nationale que comporte
l'amendement de la commission. Bien entendu, c'est une fenêtre qui s'ouvre, et
les juges ne manqueront pas de s'y engouffrer. Peut-être aurons-nous alors à
nous en mordre les doigts !
Et puis, il y a l'avenir. Nous ne voterons pas ce texte une bonne fois pour
toutes ou pour le reprendre dans vingt-sept ans. Nous votons simplement avec
l'intime conviction que nous allons réexaminer la loi de 1975 sur le handicap
et que nous aurons à étudier attentivement la jurisprudence qui s'instaurera à
la suite de nos décisions afin de demander éventuellement aux juges, de prendre
garde et de ne pas se laisser aller à des dérives.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Les choses se sont
passées ainsi, s'agissant de la prestation compensatoire : nous avons essayé
d'y revenir, mais les juges n'en tiennent absolument aucun compte. Le cas
risque de se reproduire avec ces dispositions. Il nous faut donc être très
prudents, et nous aurons certainement, mes chers collègues, à en reparler.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Le dossier n'est donc
pas clos.
Nous espérons simplement que, grâce au vote qui va intervenir, les familles
trouveront enfin de la part de la collectivité nationale la réponse aux
problèmes soulevés par les déficiences de leurs membres et qu'elles ne se
précipiteront plus pour tenter, après des années de procédure, d'obtenir un
soutien de la part des tribunaux.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 15 rectifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe du
RPR et, l'autre, du groupe des Républicains et Indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu).
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 202 |
Majorité absolue des suffrages | 102 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 1 |
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le titre Ier (avant l'article 1er), et les autres amendements et sous-amendements n'ont plus d'objet.
Articles additionnels avant le titre Ier
(avant l'article 1er)