SEANCE DU 14 FEVRIER 2002
M. le président.
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 17 rectifié
quater,
présenté par MM.
Darniche, Durand-Chastel, Seillier et Revol, Mmes Olin et Desmarescaux, MM.
Dulait, Türk, César, Moinard, Gournac, Pelchat, Vasselle et Fournier, ainsi
libellé :
« Compléter le texte proposé par le IV de l'article 4 pour l'article 373-2-6
du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut notamment ordonner l'inscription sur le passeport des parents de
l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation
des deux parents. »
Monsieur Darniche, cette nouvelle rédaction, fruit d'un travail collectif,
vous convient-elle ?
M. Philippe Darniche.
Cette amélioration, importante, me convient tout à fait, monsieur le
président. J'aurais cependant souhaité que l'on procède à la même inscription
sur la carte nationale d'identité. Je n'ignore pas que cela pose des problèmes
matériels sans doute complexes, mais j'aimerais savoir si la chose est
juridiquement possible.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 17 rectifié
quater
?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission ne s'étant pas réunie sur ce sujet, il m'est
difficile de donner un avis. Mais il me semble que la rédaction proposée va
dans le sens que souhaitait la commission : si elle s'était réunie, elle aurait
émis un avis favorable !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17 rectifié
quater
.
M. Christian Cointat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
Comme vous le savez, en première lecture, j'ai soutenu l'amendement présenté
par nos collègues et amis MM. Darniche et Durand-Chastel. Je reconnais qu'il
s'agissait non seulement d'améliorer la loi, mais également de sensibiliser
encore davantage le Parlement, le Gouvernement et les pouvoirs publics sur ce
douloureux problème.
Je ne peux donc que me réjouir de constater que cette initiative a porté ses
fruits et que, désormais, compte tenu des informations données par M. le
rapporteur, des précisions apportées par Mme le ministre et de la rectification
consentie par M. Darniche, nous pouvons véritablement améliorer le texte qui
nous est soumis.
C'est donc avec beaucoup de plaisir que je voterai l'amendement, qui constitue
une avancée significative.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié
quater,
accepté par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 18 rectifié
ter,
présenté par MM. Darniche,
Durand-Chastel et Seillier, Mme Desmarescaux, MM. Natali et Türk, Mme Olin, MM.
Gournac, Pelchat, Vasselle et Fournier, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le IV de l'article 4 pour l'article 373-2-6
du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Les documents d'information concernant la sécurité, la santé, l'entretien et
l'éducation de l'enfant sont transmis par les administrations compétentes à
chacun des parents. Pour les approuver, ils apposent la mention : "le père",
"la mère" et signent. »
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Cet amendement vise à instaurer une véritable « parité civique » de chacun des
parents à l'égard de l'administration.
En effet, force est de constater que, en matière d'exercice concret de
l'autorité parentale par les parents séparés ou divorcés, l'administration a
longtemps privilégié un seul et unique interlocuteur.
Ainsi, à l'école, le carnet de correspondance devrait être remis à chacun des
parents, qui devraient y apposer leur signature sous la mention « le père », «
la mère ». Il en va de même pour la carte nationale d'identité de l'enfant.
En effet, s'il est facile pour une maman de démontrer à un agent des forces de
police qu'elle se trouve bien en compagnie de son enfant, il est plus difficile
pour le papa - sans pièce d'identité ni photographie récente - d'assurer que
l'enfant qui l'accompagne est bien son fils ou sa fille.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
La commission considère que le problème posé est tout à fait
réel. On sait que de gros progrès restent encore à faire pour que les
administrations reconnaissent la coparentalité.
Cela étant, une telle mesure nous semble relever plus de la circulaire que de
la loi. Je souhaite donc qu'une fois que Mme le ministre nous aura confirmé que
les administrations iront bien dans le sens indiqué ici, les auteurs retirent
l'amendement, car cette disposition n'a pas sa place dans le code civil.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission des
lois.
Il est vrai que cet amendement a pour objectif de progresser dans l'égalité
parentale, voire de l'instaurer, notamment d'encourager les pères à bien
assumer leurs droits et leurs devoirs, en particulier en ce qui concerne
l'école.
Vous savez que je me suis personnellement fortement impliquée dans ce
processus de promotion de l'égalité parentale, puisque j'ai rédigé des
instructions demandant aux établissements scolaires d'adresser les carnets de
correspondance et les relevés de notes aux deux parents lorsqu'ils sont séparés
ou divorcés.
Le dispositif proposé ici n'est pas de nature législative et relève des
instructions officielles du ministère. Cela étant, des progrès restent à faire,
car tous les établissements scolaires ne les appliquent pas.
En ce qui concerne les autres documents - carnet de santé, livret de famille
et carte nationale d'identité -, il faut informer et informer encore les
parents : je le redis sans cesse lorsque je suis saisie de ce problème, les
parents peuvent d'ores et déjà obtenir des duplicatas de ces documents.
De surcroît, parce je suis intervenue pour régler la question de la sécurité
sociale des deux parents, désormais, l'enfant relève de la sécurité sociale de
ses deux parents lorsqu'ils sont séparés ou divorcés, c'est-à-dire qu'un père
qui aura la garde de l'enfant pendant les vacances ne sera plus obligé de
demander à la mère son numéro de sécurité sociale et de faire l'avance des
frais, avec tous les problèmes de remboursement que cela suppose. L'enfant
pourra relever indifféremment de la sécurité sociale du père ou de la mère
selon qu'il résidera avec l'un ou l'autre.
J'observe, au surplus, que de plus en plus de parents demandent un duplicata
du livret de famille, de la carte d'identité ou du carnet de santé.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Darniche, considérant que vous avez
satisfaction, je vous demande de retirer votre amendement, compte tenu de
l'engagement que prend le Gouvernement devant vous de renforcer l'action
d'information et de sensibilisation des parents, et de renouveler les
instructions officielles du ministère de l'éducation nationale.
M. le président.
Monsieur Darniche, l'amendement n° 18 rectifié
ter
est-il maintenu ?
M. Philippe Darniche.
Compte tenu des explications que m'a données Mme le ministre, je retire
l'amendement, tout en réitérant mon souhait que l'administration reçoive des
instructions très précises sur ce point.
M. le président.
L'amendement n° 18 rectifié
ter
est retiré.
L'amendement n° 19 rectifié
ter,
présenté par MM. Darniche,
Durand-Chastel et Seillier, Mme Desmarescaux, MM. Natali et Turk, Mme Olin, MM.
Gournac, Pelchat, Vasselle et Fournier, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par le IV de l'article 4 pour l'article 373-2-6
du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque parent peut se porter personnellement candidat aux élections du
conseil des écoles de l'établissement où est scolarisé son enfant et être
éligible au poste de parent d'élève. »
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Cet amendement vise à favoriser en droit et dans les faits la «
co-responsabilité parentale » de chacun des parents séparés ou divorcés dans
l'éducation et la vie scolaire de l'enfant.
Actuellement, le règlement dispose que seul le parent détenteur de la
résidence principale peut se présenter aux élections et être élu en tant que «
parent d'élève » dans l'établissement scolaire de l'enfant. Qu'en est-il
lorsqu'une résidence alternée - de fait ou de droit - est mise en place ?
En effet, dans la réalité, de nombreux parents ne peuvent s'impliquer
complètement dans la vie scolaire de leur enfant - accès aux informations,
prévision des événements culturels, organisation de la kermesse, information
sur l'état des locaux - alors qu'il en va de l'intérêt de leur enfant.
Cet amendement vise à permettre, légalement et de manière égalitaire, à
chacun, père ou mère, d'assurer pleinement un droit fondamental : celui de se
présenter librement à des élections et d'être démocratiquement élu.
Enfin, alors même que le Gouvernement a récemment instauré une allocation de
congé paternel, comment justifier qu'un père et une mère qui se seraient
toujours occupés de leur enfant, mais se seraient depuis séparés, ne puissent
continuer à assumer leurs responsabilités parentales, en ne pouvant ni
participer individuellement à la vie scolaire de leur enfant, ni s'impliquer
personnellement en tant que parent d'élève ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Laurent Béteille,
rapporteur.
Lorsque les deux parents sont séparés, que la séparation soit
de fait ou reconnue en droit, que la résidence soit alternée ou située
uniquement au domicile de l'un des parents, il est indispensable que les deux
parents reçoivent les informations scolaires, notamment le carnet de notes, et
qu'ils puissent participer à la vie de l'école en se présentant aux élections
de parents d'élèves.
C'est un principe auquel nous souscrivons pleinement. Mais, comme pour
l'amendement précédent, la difficulté réside dans le fait qu'une telle mesure
ne relève pas du code civil. Il convient donc que le Gouvernement nous rassure
sur les dispositions qu'il pourra prendre pour garantir une véritable égalité
des parents qui, je le répète, est indispensable.
La commission souhaite donc le retrait de l'amendement n° 19 rectifié
ter
.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
L'éducation nationale est en train d'évoluer sur ce point. Des consultations
sont lancées avec les fédérations de parents d'élèves et les chefs
d'établissement, car ce sont eux qui devront gérer le doublement de la masse
des documents administratifs qu'implique l'égalité des droits des deux
parents.
Monsieur Darniche, la disposition que vous présentez est intéressante sur le
fond, car elle répond bien à l'objectif que nous nous fixons. Mais elle est
incomplète. En effet, je souhaite que les deux parents et non plus un seul
parent, comme c'est le cas aujourd'hui, puissent avoir le droit de voter pour
élire les délégués de parents d'élèves.
Il me paraît important de réaliser cette réforme. Si elle est actuellement un
peu bloquée, c'est parce que nous ne souhaitons pas donner davantage de droits
aux parents divorcés qu'à ceux qui vivent ensemble. En effet, si l'on donne un
droit de vote à la mère et au père d'un élève, il faut l'accorder à tous les
parents d'élèves.
L'esprit qui sous-tend ce texte est que tous les enfants ont le même statut,
quelle que soit l'histoire du couple formé par leurs parents. Il s'agit de
renforcer le lien de filiation à égalité entre le père et la mère.
La disposition que vous proposez appelle la même objection, car au nom de quoi
permettrions-nous à deux parents divorcés de se présenter séparément alors que
ce droit n'est pas accordé aux couples mariés ? En effet, un mari et une femme
ne peuvent être candidats tous les deux pour un même élève.
Cela étant, je pense qu'il faut évoluer dans cette direction et le
Gouvernement en prend l'engagement. Une première étape va être franchie, qui
consiste à envoyer des bulletins de vote au père et à la mère, quelle que soit
leur situation matrimoniale, afin de donner à chacun la possibilité de voter
pour les délégués de parents d'élèves. Cela pose un problème financier et
matériel puisqu'il s'agit de doubler les envois. Nous discutons donc avec les
chefs d'établissement pour qu'ils acceptent cette charge supplémentaire afin de
permettre aux deux parents de s'impliquer dans la vie de l'école.
M. le président.
Monsieur Darniche, l'amendement n° 19
ter
rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Darniche.
J'ai bien entendu les explications de Mme le ministre et je les comprends tout
à fait. Cependant, je crains qu'il ne reste pas grand-chose de ce débat et que,
en dépit de la volonté manifestée par chacun d'avancer, nous n'ayons pas les
moyens de concrétiser cette avancée rapidement. C'est la raison pour laquelle
je maintiens cet amendement, préférant qu'il soit soumis au vote du Sénat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 19
ter
rectifié, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 373-2-6 du code
civil.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 373-2-7 DU CODE CIVIL