SEANCE DU 17 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 1er. - Sont insérés au code du travail les articles L. 322-4-6, L.
322-4-6-1, L. 322-4-6-2 et L. 322-4-6-3 ainsi rédigés :
«
Art. L. 322-4-6.
- Les employeurs peuvent bénéficier d'une
exonération de charges lors de la conclusion de contrats de travail à durée
indéterminée, à temps plein ou à temps partiel, conclus, à compter du 1er
juillet 2002, avec des jeunes âgés de seize à vingt-deux ans révolus, dont le
niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle de
l'enseignement général, technologique ou professionnel.
« Cette exonération est calculée par référence aux cotisations et
contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le
paiement est exigé à raison du versement du salaire de l'intéressé.
L'exonération n'est pas cumulable avec une autre aide à l'emploi attribuée par
l'Etat. Elle est cumulable avec les réductions et les allégements de
cotisations prévus aux articles L. 241-6-4, L. 241-13, L. 241-13-1, L. 241-14
du code de la sécurité sociale.
« Un décret précise le montant, les modalités d'attribution de l'exonération
ainsi que les conditions d'application du présent article.
«
Art. L. 322-4-6-1.
- Bénéficient de l'exonération mentionnée à
l'article L. 322-4-6, pour une durée de trois années au plus pour chaque
contrat de travail, les employeurs soumis aux obligations de l'article L.
351-4, à l'exception des particuliers, pour leurs établissements employant au
plus deux cent cinquante salariés. Bénéficient également de l'exonération les
employeurs de pêche maritime.
« L'exonération n'est accordée que si les conditions suivantes sont réunies
:
« 1° L'employeur n'a procédé à aucun licenciement pour cause économique dans
les six mois précédant l'embauche de l'intéressé ;
« 2° Il est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales
;
« 3° L'intéressé n'a pas été employé dans son entreprise dans les douze mois
précédant cette embauche, sauf s'il était titulaire d'un contrat de travail à
durée déterminée arrivé normalement à échéance.
«
Art. L. 322-4-6-2.
- Par dérogation aux dispositions de l'article L.
122-5, les contrats de travail mentionnés à l'article L. 322-4-6 peuvent être
rompus avant leur terme, à l'initiative du salarié, lorsque la rupture du
contrat a pour objet de permettre à celui-ci d'être embauché en vertu de l'un
des contrats prévus aux articles L. 117-1 et L. 981-1 ou de suivre l'une des
formations mentionnées à l'article L. 900-2.
«
Art. L. 322-4-6-3.
- L'Etat peut confier la gestion du mécanisme de
soutien à l'emploi des jeunes prévu à l'article L. 322-4-6 aux institutions
mentionnées à l'article L. 351-21 ou à une personne morale de droit public.
»
Sur l'article, la parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel.
A première lecture, ce projet de loi visant à encourager l'embauche de jeunes
non diplômés paraît sur le fond plutôt honorable. Mais un examen plus attentif
de ce premier article soulève quelques interrogations et éveille quelques
doutes quant à l'effet réel que pourra avoir cette loi.
Avant d'aborder ce point, je m'interrogerai brièvement sur l'absence de
dialogue social qui a précédé l'annonce de ce projet de loi. S'agit-il d'une
illustration négative de la nouvelle méthode prônée haut et fort par M. le
Premier ministre ?
M. Alain Vasselle.
Oh !
M. Claude Domeizel.
Les partenaires sociaux connaissent bien ces mesures qui, à quelques détails
près, ont déjà été utilisées. Leur expérience en ce domaine aurait pu être fort
utile, tant à vous, monsieur le ministre, qu'à nous-mêmes.
Cela étant dit, j'en reviens à l'article 1er.
L'incitation économique à travers une exonération de charges est-elle un
argument suffisant pour une création d'emplois définitifs ? Je salue au passage
la volonté du Gouvernement de vouloir lutter contre l'emploi précaire en
prévoyant des CDI dans cette mesure.
M. Jean Chérioux.
Merci !
M. Claude Domeizel.
Cependant, des créations d'emploi à long terme peuvent-elles être
conditionnées par une exonération de charges très limitée dans le temps,
puisqu'elle ne sera effective que deux ans à taux plein et un an à 50 % ? Je
n'en suis vraiment pas certain, dans la mesure où, pour les entreprises, les
créations d'emploi en CDI relèvent le plus souvent d'un projet de développement
économique, décliné et planifié, découlant d'une conjoncture favorable du
marché en général ou d'un secteur en particulier. Un petit entrepreneur,
particulièrement dans le commerce ou l'artisanat, créera-t-il des emplois
définitifs pour avoir la possibilité de percevoir 225 euros par mois pendant
deux ans, puis 112,50 euros par mois pendant un an ?
M. Alain Gournac.
Essayons !
M. Claude Domeizel.
Effet d'aubaine ou pas, on est en droit de s'interroger sur le véritable effet
de cette loi et sur sa traduction par de nombreuses créations d'emploi autres
que les transformations de CDD en CDI, transformations au demeurant très
positives.
A propos d'effet d'aubaine, je reconnais votre clairvoyance, monsieur le
ministre, lorsque vous avez déclaré devant la commission que « les effets
d'aubaine croissent avec la taille de l'entreprise ». C'est d'ailleurs pour
cette raison que nous aurions été favorables à un abaissement du seuil,
contrairement à la commission, qui propose tout simplement de le supprimer,
comme nous le verrons tout à l'heure.
C'est beaucoup de bruit pour, peut-être, pas grand-chose ! Malgré un lancement
tonitruant, cette mesure en trompe-l'oeil à l'intention des jeunes risque fort,
après leur avoir donné de faux espoirs, de les décevoir. Il me semble
préférable de prendre le temps de la réflexion plutôt que de leur infliger un
nouvel échec.
S'agissant des critères d'éligibilité aux exonérations, je trouve vraiment
regrettable que les titulaires du baccalauréat soient écartés. Certes, nous
pouvons comprendre la finalité recherchée ; mais cela risque, à juste titre,
d'être incompris. Certains jeunes, lauréats d'un tel diplôme, préfèrent, eux
aussi, arrêter leurs études à ce stade pour rejoindre le monde du travail. Se
jugeant pénalisés, d'autant plus qu'il s'agit de CDI, qui sont donc
déterminants pour leur vie professionnelle, ces jeunes éprouveront un sentiment
d'injustice. De plus, est-il judicieux de mettre en concurrence deux catégories
si semblables de jeunes chômeurs ?
Venons-en à un autre aspect : le temps partiel. J'y reviendrai lors de la
discussion des amendements, mais je ne peux m'empêcher de citer un passage de
l'exposé des motifs : « Le Gouvernement souhaite, par cette disposition,
assurer aux jeunes un revenu susceptible de garantir leur autonomie afin de
contribuer à leur insertion réelle dans la société, tant sur le plan
professionnel que personnel. » Revenu, autonomie, insertion réelle : ces mots
ne riment pas trop avec temps partiel. Reconnaissez, monsieur le ministre, que
vous vous éloignez de l'objectif que vous poursuivez et que j'ai salué au début
de mon intervention, à savoir la lutte contre l'emploi précaire.
La discussion des amendements nous amènera à développer, s'agissant de ce
projet de loi, d'autres aberrations et interrogations. Mais avant de terminer,
permettez-moi, monsieur le ministre, de poser deux questions précises qui nous
préoccupent. L'exonération sera-t-elle cumulable avec une mesure toujours en
vigueur, au moins jusqu'au 31 décembre 2002, visant à faciliter l'embauche des
Français rapatriés d'origine nord-africaine et de leurs enfants ? Les
entreprises d'insertion pourront-elles bénéficier d'un tel dispositif ?
M. Gérard Delfau.
Bonnes questions !
M. le président.
L'amendement n° 1, présenté par M. Souvet, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Remplacer le premier alinéa de l'article 1er par deux alinéas ainsi rédigés
:
« Le code du travail est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 322-4-6 est ainsi rétabli : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
ARTICLE L. 322-4-6 DU CODE DU TRAVAIL