SEANCE DU 17 JUILLET 2002
M. le président.
L'amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 351-14 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Du fait de l'aménagement de leurs conditions d'indemnisation prévu au
présent article, l'allocation d'assurance versée aux salariés involontairement
privés d'emploi relevant des professions de la production cinématographique, de
l'audiovisuel ou du spectacle peut, en sus de la contribution prévue à
l'article L. 351-3-1, être financée par une contribution spécifique à la charge
des employeurs et des salariés relevant de ces professions, assise sur la
rémunération brute dans la limite d'un plafond, dans des conditions fixées par
l'accord prévu à l'article L. 351-8. Ces dispositions sont applicables aux
avenants aux annexes VIII et X au règlement annexé à la convention d'assurance
chômage du 1er janvier 1997 signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la
loi n° 2002-311 du 5 mars 2002 relative au régime d'assurance chômage des
intermittents du spectacle. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Cet
amendement, je l'imagine, a de quoi surprendre dans une discussion sur le
dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprises. Mais je sollicite
l'appui du Parlement pour sauver la réforme de l'assurance chômage des
intermittents du spectacle, et c'est urgent.
Je m'explique : dans le cadre de la négociation globale conduite par les
partenaires sociaux au mois de juin dernier sur l'équilibre financier de
l'assurance chômage, la discussion a porté sur des points très divers. Des
décisions courageuses ont été prises, en particulier sur les cotisations.
L'Etat a été sollicité pour apporter sa contribution à la résolution du
problème de trésorerie. Il l'a fait en reportant d'un an le règlement d'une
créance de 1,2 milliard d'euros qu'il a sur l'UNEDIC. Cela représente plus du
tiers du chemin qu'il fallait parcourir pour retrouver l'équilibre en 2002.
Les partenaires sociaux ont, par ailleurs, mis le doigt à nouveau sur les
graves difficultés que rencontrent les intermittents du spectacle. Ceux-ci sont
affiliés à l'assurance chômage comme tous les salariés. Mais les
caractéristiques propres de leurs activités justifient un traitement
particulier, avec des règles dérogatoires sur l'ouverture de leurs droits à
indemnités : ce sont les annexes VIII et X de la convention sur l'assurance
chômage.
D'un point de vue financier, ce régime spécifique des intermittents du
spectacle accuse un déficit très lourd : 4 milliards de francs en 2000, pour un
montant de cotisations assez faible - de l'ordre de 800 millions de francs.
Des idées de réformes reviennent régulièrement. Mais les pouvoirs publics ont
toujours souhaité que les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités,
tout en se réservant le droit d'agréer ou non le résultat des négociations.
C'est le sens de la loi du 5 mars 2002.
Aujourd'hui, je suis saisi d'une demande d'agrément de l'accord conclu le 19
juin dernier modifiant le régime de l'assurance chômage. Dans cet accord, qui
forme un tout, figurent des dispositions spécifiques sur les intermittents du
spectacle : elles impliquent, notamment, une majoration des cotisations
spécifiques à cette catégorie professionnelle.
Cette mesure particulière fait naturellement réagir les intermittents du
spectacle, et peut-être plus encore leurs employeurs. Elle pose aussi un
problème juridique, car, aujourd'hui, une telle surcotisation n'a pas de base
légale.
Je suis donc amené à vous demander de donner une base légale à l'agrément par
lequel je conférerai une force obligatoire à l'accord du 19 juin dernier.
Je le fais avec la conviction que la décision prise par les partenaires
sociaux en ce qui concerne les intermittents du spectacle est un pas très
significatif vers le sauvetage de leur régime particulier d'assurance chômage,
avec ses avantages. J'estime aussi que les pouvoirs publics doivent accepter de
faire les gestes juridiques nécessaires pour valider les acquis du dialogue
social, surtout lorsque des décisions courageuses sont prises, comme c'est ici
le cas.
Reste une question : pourquoi cet amendement ici et maintenant ? Certes,
j'aurais préféré pouvoir insérer cette disposition législative dans le projet
de loi initial. Mais je ne l'ai pas pu. Pouvions-nous attendre un autre texte à
l'automne ? Non, car je dois statuer ce mois-ci sur la demande d'agrément de
l'accord sur l'assurance chômage. A défaut, les décisions prises par les
partenaires sociaux pour rétablir l'équilibre de l'UNEDIC resteraient lettre
morte. Je me mets à la place des partenaires sociaux : si le Gouvernement et le
Parlement n'assument pas leurs responsabilités, peut-être ne seront-ils pas
enclins, demain, à être de nouveau courageux.
Quant au lien avec ce projet de loi, je reconnais qu'il est ténu.
Permettez-moi seulement de relever que nous sommes bien dans le champ de la
politique de l'emploi et que les intermittents du spectacle sont aussi,
souvent, des jeunes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
La commission observe que le dispositif de cet amendement,
qui se borne à reprendre les propositions issues du dialogue social, devrait
contribuer à assurer la pérennité de ce régime particulier. C'est la raison
pour laquelle elle émet un avis favorable.
Cela permettra de maintenir un régime qui accusait, en 2000, un déficit de 4
milliards de francs, pour un montant de cotisations de l'ordre de 800 millions
de francs. Même en doublant ces dernières, cela ne représenterait que 1,6
milliard de francs de recettes. Il est peu de régimes qui pourraient survivre
longtemps ainsi.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Il est vrai que, le 19 juin 2002, s'est tenue une réunion qui a dû trancher le
problème des cotisations versées par les intermittents du spectacle. A cette
réunion participait l'ensemble des partenaires sociaux.
Il a été décidé un doublement des cotisations pour les employeurs et les
salariés qui relèvent des annexes VIII et X de la convention UNEDIC, soit une
augmentation d'environ 3,6 % pour les employeurs, dont le taux de cotisation
s'élève désormais à environ 7 %, celui des salariés passant de 2,3 % à 4,6
%.
La CGT et FO n'ont pas signé cet accord et n'ont eu de cesse de dénoncer
l'iniquité de la mesure. Le déficit enregistré par le régime des intermittents
du spectacle devrait, selon eux, être absorbé par l'ensemble des salariés et
non pas par une catégorie d'entre eux.
L'accord était applicable, en principe, à compter du 1er juillet 2002. Mais le
Gouvernement - vous l'avez expliqué, monsieur le ministre - n'a pas encore
donné son agrément, sans doute par crainte que cet accord repose sur une base
juridiquement insuffisante.
Il est donc très habile de procéder, comme vous le faites, par la voie d'un
cavalier, pour valider la décision de façon législative et hâtive.
C'est une mesure quasi rétroactive que vous nous demandez d'entériner,
puisqu'elle s'appliquerait au 1er juillet dernier. Elle risque de mettre en
péril de nombreux festivals qui ont lieu cet été et beaucoup de productions
audiovisuelles en cours, qui ne pourront plus être financées. Je demande que
l'on mesure bien ces conséquences.
Enfin, une telle mesure représentera sans doute une opération blanche pour le
Gouvernement. En effet, les entreprises de spectacle vivant sont, dans leur
ensemble, fortement subventionnées par l'Etat ; le déficit de ces entreprises,
à la suite de la hausse des cotisations, sera important et devra être comblé
par des subventions supplémenaires de l'Etat.
Les sénateurs socialistes sont extrêmement attachés au régime dérogatoire des
intermittents du spectacle ; mes collègues de la commission des affaires
culturelles l'ont encore prouvé récemment, lors des débats sur ce qui devait
devenir la loi du 5 mars 2002. Aussi s'opposeront-ils à un amendement qui leur
semble injuste et porteur de lourdes conséquences pour le monde du spectacle
vivant et pour l'audiovisuel en général.
Mme Michelle Demessine.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine.
Monsieur le ministre, le patronat et trois centrales syndicales - la CFDT, la
CFTC et la CGC - ont conclu, le 19 juin dernier, au sein de l'UNEDIC, un relevé
de décision visant à l'équilibre financier du régime d'assurance chômage. Deux
centrales syndicales s'y sont opposées : la CGT et FO. Je précise que ces deux
centrales sont très largement majoritaires chez les salariés de la culture.
Parmi les mesures figure le doublement des contributions d'assurance chômage
des salariés et des entreprises relevant des annexes VIII et X. Cette dernière
disposition a fait l'objet d'un avenant soumis à un agrément ministériel,
conformément aux dispositions du code du travail. Cet avenant a été présenté ce
matin au comité supérieur de l'emploi. Il a reçu un avis défavorable de deux
confédérations de salariés. Il conviendra donc de réunir à nouveau cette
instance dans le cadre de la procédure d'agrément, sachant que la délégation à
l'emploi devra produire un avis écrit et motivé.
L'amendement déposé par le Gouvernement - vous l'avez rappelé, monsieur le
ministre - introduit une modification du code du travail dont l'objectif est de
permettre de réunir les conditions légales nécessaires au futur agrément
ministériel.
De fait, cette modification provoquera une différenciation des cotisations des
diverses branches professionnelles au sein de l'UNEDIC. Une telle
différenciation est contraire au principe de solidarité et préfigure la «
balkanisation » du système que recherche depuis longtemps le MEDEF. Avec cette
modification, à l'évidence, c'est tout le système interprofessionnel de
l'UNEDIC qui est menacé.
M. Eric Doligé.
C'est dû à Mme Aubry !
Mme Michelle Demessine.
Il s'agit d'une mesure sans précédent dans l'histoire du régime
interprofessionnel du chômage et dont les conséquences pourraient être très
graves.
Certes, le statut actuel des intermittents du spectacle n'est pas sans défaut.
D'ailleurs, on peut contester l'usage abusif que font de ces contrats
intermittents certaines grandes entreprises culturelles et de communication -
notamment dans l'audiovisuel -, alors que l'amplitude des périodes de travail
permettrait souvent d'employer les salariés à temps complet. Ainsi, faire la
clarté avec ces entreprises serait certainement une source d'économie pour le
régime.
Cela tend à démontrer, monsieur le ministre, que la logique purement comptable
n'est pas la bonne et qu'elle pénalisera l'ensemble du monde de la culture.
En effet, pour le spectacle vivant et enregistré comme pour la vitalité de la
culture en France, le doublement brutal des cotisations salariales et
patronales vers lequel on se dirige n'est rien moins qu'une catastrophe - M.
Chabroux l'a indiqué à juste titre. Vous le savez, les intermittents en basse
activité ne survivront pas ; ceux qui ont réussi à trouver un rythme d'activité
équilibré sont gravement menacés. De nombreuses compagnies, d'ailleurs, ne
pourront pas faire face au surcoût que représentera cette augmentation, sauf à
décider la baisse - voire la fin pure et simple - de leur activité ou la
réduction drastique des rémunérations des intermittents qui, dans leur grande
majorité, sont déjà assez mal rétribués.
Les mesures d'exception que vous proposez ne permettront pas de résoudre le
délicat problème de l'intermittence du spectacle. C'est que le sujet dépasse
les seuls protagonistes : il s'agit ici du développement de la culture, de
l'expression culturelle, de l'accès à la culture pour tous nos concitoyens, et
là, vous le savez, les besoins sont grands et restent à satisfaire.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas votre amendement, qui entérine,
en quelques sorte, une mauvaise nouvelle pour la culture.
M. Eric Doligé.
Il ne faut pas exagérer !
M. Jacques Legendre.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre.
La commission des affaires culturelles était réunie hier pour entendre le
ministre de la culture et de la communication et, tout naturellement, ce
problème des intermittents du spectacle a été évoqué.
Il ne faudrait peut-être pas oublier que le problème qui revient régulièrement
depuis un certain temps est de savoir si le régime des intermittents va être
sauvé ou pas. Il y a eu une tentative des partenaires sociaux pour trouver le
moyen de le sauver pour l'essentiel. Certes, cela se traduit par des efforts
des uns comme des autres, mais c'est bien la seule solution que l'on ait
trouvée jusqu'ici pour sauver le régime lui-même.
Je suis donc un peu étonné de voir le dossier évoqué à l'occasion de l'examen
d'un texte de nature tout à fait différente. En somme, cet amendement est un
cavalier « artistique » !
(Rires sur les travées du RPR.)
Mais si c'est à ce prix que l'on donne une sécurité juridique au sauvetage du
système...
Il n'est jamais intéressant de voir augmenter des participations financières,
dont les uns se passeraient bien, et des cotisations, dont les autres se
passeraient tout autant.
La mesure n'est certainement pas de celles qui suscitent l'enthousiasme, mais,
derrière elle, ne l'oublions pas, c'est le régime des intermittents du
spectacle qu'il s'agit de sauver.
Voilà pourquoi, malgré le peu de sympathie que l'on peut légitimement avoir
pour ce type de cavalier, il faut faire droit ici à la demande du
Gouvernement.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai cet amendement pour les raisons que M. le ministre vient
d'indiquer. Toutefois, je dois dire mon étonnement quand j'entends nos
collègues communistes dénoncer une « mesure d'exception », alors qu'il ne
s'agit rien d'autre que d'un régime d'exception. Chers collègues, ceux que vous
défendez appartiennent tout de même à une catégorie de privilégiés !
(Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Roland Muzeau.
Et les stock-options, c'est quoi ?
M. Gilbert Chabroux.
Et Jean-Marie Messier ?
M. Jean Chérioux.
Par rapport aux autres bénéficiaires de l'UNEDIC, si ! Un système dans lequel
90 000 salariés - sur 120 000 adhérents - bénéficient du régime une grande
partie de l'année, cela ne se voit pas ailleurs ! Et cela se traduit par quoi ?
Par un financement assuré à 20 % seulement par les cotisations !
M. Alain Vasselle.
Voilà !
M. Jean Chérioux.
Je suis tout à fait d'accord pour que l'on fasse un effort en faveur de la
culture, mais je constate que cette « aide » est assumée par l'UNEDIC. Est-ce
bien dans la logique des choses ?
Mme Michelle Demessine.
Pourquoi pas ?
M. Jean Chérioux.
Tout à l'heure, M. Fischer s'inquiétait des conséquences éventuelles du texte
que nous examinons en termes d'augmentation des dépenses. Chers collègues, le
projet de loi représente un coût de un milliard de francs, contre quatre
milliards de francs chaque année pour le régime des intermittents du spectacle
: comparez, c'est disproportionné ! Mais cela ne vous émeut pas !
Je ne comprends pas. Ou plutôt, je comprends que vous tenez à protéger les
intermittents du spectacle, quitte à pleurer sur un système dont bénéficient,
quoi que vous en disiez, des privilégiés !
(MM. Philippe Marini et Jacques Legendre applaudissent.)
Mme Michelle Demessine.
Nous voulons protéger la culture !
M. Roland Muzeau.
Nous défendons la culture, et pas Vivendi Universal !
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau.
S'agissant de ces cotisations sociales, j'ai envie de dire en préambule qu'il
ne faut pas confondre culture et agriculture !
(Rires.)
M. Jean Chérioux.
Enfin un peu d'humour !
M. Gérard Delfau.
Nous aurions apprécié que M. le ministre de la culture vînt lui-même
s'exprimer sur un sujet récurrent, qui - vous l'avez d'ailleurs souligné avec
beaucoup de finesse - suscite la passion chaque fois qu'il est abordé.
Pourquoi une telle passion ? Parce que nous n'avons pas été collectivement
capables, ces vingt dernières années, gouvernement après gouvernement et
majorité parlementaire après majorité parlementaire, de financer correctement
le spectacle et, au-delà, la culture, et parce que le biais qui a été trouvé
devient, au fil des ans, de plus en plus insupportable et engendre des abus de
la part de certaines entreprises comme, d'ailleurs - soyons objectifs - de la
part de certains salariés.
Monsieur le ministre, vous nous dites qu'il s'agit de sauver un régime, et un
certain nombre de nos collègues de la majorité pensent de même.
Certes, mais à quel prix ? Au prix de la mort professionnelle d'un grand
nombre d'artistes interprètes ? Car, dans la conjoncture actuelle, c'est bien
ce qui va se passer.
(M. le ministre fait des signes de dénégation.)
Si,
monsieur le ministre. Je me souviens de la précédente tentative : elle a
suscité une mobilisation sans précédent. Sachant la précarité qui caractérise
cette profession, une telle disposition ne peut que nous inquiéter.
Nous vous comprenons, monsieur le ministre, mais je vous le dis, au nom de mes
collègues radicaux de gauche, nous ne pouvons pas vous suivre.
Nous regrettons que vous ne nous proposiez pas une autre solution, car, en
l'état du dossier, et de cette manière si soudaine, alors que nous sommes au
coeur de l'été et que nombre de ces artistes interprètes travaillent, nous ne
pouvons pas vous suivre. Nous ne voudrions pas compromettre l'activité de ces
femmes et de ces hommes et, surtout, nous ne voudrions pas compromettre le
spectacle vivant, ainsi qu'on a coutume de l'appeler, et, au-delà, la
culture.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Je
demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
En fait,
mesdames, messieurs les sénateurs, il y a deux aspects à ce dossier, à
commencer par celui qui est pour moi l'aspect fondamental, je veux dire le
respect des partenaires sociaux et du dialogue social.
Si je vous présente aujourd'hui ce dispositif, si le Gouvernement accomplit
cet acte courageux, assumé par la CFDT, la CGC et la CFTC, qui ont pris leurs
responsabilités dans cette affaire, ...
M. Gilbert Chabroux.
Et le MEDEF ?
M. Eric Doligé.
C'est lui qui vous fait vivre !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... et
par le MEDEF, c'est pour que, demain, on puisse promouvoir le développement du
dialogue social. Vous voyez que le Gouvernement ne peut refuser de valider cet
accord.
Le fait que plusieurs centrales syndicales n'aient pas apporté leur soutien
n'est pas un argument pertinent. On ne peut pas, un jour, accepter que le
dialogue social fonctionne avec la règle qui est la nôtre depuis des années,
notamment depuis ces cinq dernières années, et, un autre jour, comme
aujourd'hui, sur un sujet très précis, refuser ce même mode de
fonctionnement.
Quand on a renvoyé au dialogue social pour la mise en place des 35 heures dans
les entreprises, je n'ai pas le souvenir que vous ayez exigé que toutes les
organisations syndicales soient d'accord !
M. Alain Gournac.
Ah !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Vraiment,
mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit de questions de principe. J'ai
beaucoup hésité avant de défendre un amendement qui n'est pas extrêmement
confortable pour le ministre des affaires sociales. Mais il est de mon devoir
et de celui du Gouvernement tout entier de respecter les décisions qui sont
prises, dans le cadre de l'UNEDIC, par les partenaires sociaux. Si nous ne les
respectons pas, nous leur disons très clairement de ne plus prendre pour
eux-mêmes, par rapport à leurs adhérents, les risques inhérents à l'exercice
des responsabilités.
Quelle était l'autre solution possible ? Les partenaires sociaux auraient dû
abandonner la solidarité entre les salariés et les intermittents du spectacle
au bénéfice de ces derniers ? L'objectif du Gouvernement est, au contraire, de
permettre le sauvetage du régime.
Je crois vraiment que cet accord est favorable aux intermittents du spectacle.
Je suis donc convaincu d'agir dans le sens de l'intérêt général et en faveur de
la culture.
On a parlé des difficultés que pourraient rencontrer tel ou tel organisateur
de spectacles, compte tenu de cette hausse des cotisations. Comme l'a très bien
souligné l'un d'entre vous, me fournissant du même coup un argument susceptible
d'affaiblir la portée de cette inquiétude, la plupart de ces entreprises sont
extrêmement aidées, et par l'Etat et par les collectivités locales. En réalité,
les plus concernées, et qui ne bénéficient pas de ces aides de la même manière,
seront peut-être les entreprises du secteur audiovisuel, justement ces grandes
entreprises qui ont été évoquées tout à l'heure.
(Applaudissements sur les
travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 2.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Marini.
L'amendement n° 31 est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 212-5-1 du
code du travail, après le mot : " effectuées ", sont insérés les mots : " à
l'intérieur du contingent conventionnel mentionné au deuxième alinéa de
l'article L. 212-6, ou, à défaut ou s'il est supérieur au contingent
conventionnel, ".
« II. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du même code, après
le mot : " effectuées ", sont insérés les mots : "au-delà du contingent
conventionnel mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 212-6, ou, à défaut
ou s'il est supérieur au contingent conventionnel, ".
« III. - Le début du deuxième alinéa de l'article L. 212-6 du même code est
ainsi rédigé :
« Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées...
(le
reste sans changement)
. »
« L'amendement n° 32 est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article D. 212-25 du code du travail, les
mots : " 130 heures " sont remplacés par les mots : " 180 heures ".
« II. - Le deuxième alinéa de l'article D. 212-25 du même code est supprimé.
»
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini.
Ces deux amendements ont un objet voisin. Ce sont des amendements d'appel, car
ils témoignent des attentes qui s'expriment dans nos départements et au sein de
très nombreuses entreprises, notamment petites et moyennes, sur les conditions
dans lesquelles devrait s'opérer, dans les prochains mois, l'assouplissement du
système des 35 heures.
J'ai préparé ici deux dispositifs susceptibles, sur le plan technique, d'être
soutenus. Je ne prétends pas que ce soient les seuls possibles ; il y a
certainement bien d'autres façons de procéder. Mais, monsieur le ministre, ces
amendements concernant à la fois l'application du contingent conventionnel
d'heures supplémentaires et l'augmentation du contingent légal d'heures
supplémentaires ont essentiellement pour but de vous permettre de nous dire où
vous en êtes sur cette question tout à fait cruciale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Ces deux propositions d'assouplissement des 35 heures sont,
sur le fond, extrêmement intéressantes. Elles apportent une première solution à
un véritable problème.
Toutefois, je m'interroge - ainsi que la commission - sur la forme de ces
amendements, qui m'apparaissent un peu prématurés. Il est évident - M. Marini
l'a d'ailleurs précisé dans l'objet de chacun de ces deux textes - qu'il s'agit
d'amendements d'appel. J'ignore jusqu'où peut s'étendre la définition du mot «
appel ».
Le Gouvernement a annoncé son intention de saisir les partenaires sociaux de
cette question. Un groupe de travail a déjà été mis en place. Des propositions
seront formulées à la rentrée et un projet pourrait être soumis au Parlement en
octobre. Je crois donc qu'il est raisonnable de laisser un peu de temps au
dialogue social sur cette question. Un problème aussi important que celui-là va
nécessiter des développements considérables qui seront discutés très
longuement, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
Dans ces conditions, j'invite notre collègue M. Marini, qui est aussi notre
rapporteur général, à retirer ses amendements. Telle est la position qu'a
adoptée la commission des affaires sociales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Le
Gouvernement souhaite également que M. Marini retire ses deux amendements.
Le Gouvernement est engagé par le programme du Président de la République et
par celui de la majorité sur l'assouplissement des 35 heures, visant à donner
une plus grande liberté aux entreprises et aux salariés dans l'usage des heures
supplémentaires.
Je souhaite que cette question, qui est importante pour l'organisation du
travail, soit débattue par les partenaires sociaux et que nous disposions du
temps minimal nécessaire pour qu'une concertion - et j'emploie ce mot à dessein
- soit organisée sur ce sujet.
A cette occasion, je souhaite que soit abordée la question très difficile de
la convergence des SMIC. Je proposerai donc au Parlement une solution à ces
deux problèmes - celui de la convergence des SMIC et celui de l'assouplissement
des 35 heures - dans les tout premiers jours d'octobre. Je crois en effet que
ces deux sujets sont liés, car la convergence des SMIC, qui est une nécessité
absolue mais qui ne peut que se traduire par une augmentation temporaire du
coût du travail, nécessitera des mesures d'allégements de charges
supplémentaires, spécifiques pour permettre aux entreprises de passer le cap
difficile lié à cette incohérence de la loi.
Compte tenu de l'ampleur des dispositifs d'allégements de charges qui existent
aujourd'hui, nous avons besoin d'un peu de temps, avec les partenaires sociaux,
pour trouver le bon rythme, la bonne solution, et pour négocier en même temps
l'assouplissement des 35 heures.
Le Gouvernement s'engage à déposer un texte sur ce sujet dans les premiers
jours de la session parlementaire ordinaire. Pourquoi choisir un texte
législatif plutôt qu'un décret, comme certains le réclament ? Le Gouvernement
ne veut pas opposer au caractère autoritaire du dispositif précédent...
M. Alain Gournac.
Très autoritaire !
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
... un
nouveau dispositif autoritaire fixant une limite pour toutes les entreprises
françaises en matière d'heures supplémentaires, alors que, de son point de vue,
c'est aux partenaires sociaux de négocier, branche par branche, le volume
maximal d'heures supplémentaires et les conditions de leur utilisation. Le
Gouvernement considère que son rôle est simplement de fixer des règles
générales pour les secteurs qui ne parviendraient pas à un accord à travers le
dialogue social. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de
l'intervention du Parlement pour réaliser cet assouplissement.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Les amendements n°s 31 et 32 sont-ils maintenus, monsieur Marini ?
M. Philippe Marini.
Je les retire, monsieur le président.
M. Alain Gournac.
Bravo, monsieur Marini !
M. le président.
Les amendements n°s 31 et 32 sont retirés.
L'amendement n° 34 rectifié, présenté par MM. Faure, de Montesquiou, Nogrix et
Moinard, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les employeurs du secteur du sport professionnel peuvent, à titre
dérogatoire, bénéficier du dispositif prévu à l'article L. 322-4-6 du code du
travail, lors de la conclusion de contrats de travail visés au 3° de l'article
L. 122-1-1 dudit code. »
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Le projet de loi tel qu'il est rédigé exclut le sport professionnel des
avantages procurés par le dispositif. En effet, dans le domaine particulier du
sport professionnel, le contrat à durée indéterminée n'existe pas et ne peut
pas exister. La règle en la matière ne peut être que le contrat à durée
déterminée, car c'est la seule règle contractuelle habituelle, qui est
d'ailleurs renforcée par des accords collectifs.
L'amendement a donc pour but, monsieur le ministre, de permettre au sport
professionnel de bénéficier, à titre dérogatoire du fait de son caractère
spécifique, du dispositif proposé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Ce amendement, présenté par un éminent membre du groupe
d'études sur le sport, vise à prendre en compte la spécificité du secteur du
sport professionnel.
Dans ces activités, l'embauche se fait, selon l'usage reconnu par le droit du
travail, en contrat à durée déterminée. Cet amendement introduit donc une
dérogation au principe de l'embauche en contrat à durée indéterminée qui se
justifie par la spécificité de ce secteur.
J'avais souhaité entendre M. le minsitre avant de prendre position, mais la
commission a été plus directe que je ne l'ai été, et elle a émis un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Le
Gouvernement est défavorable à cet amendement qui est contraire à l'esprit de
ce projet de loi. Pourquoi le secteur sportif serait-il concerné, et non pas
d'autres qui pourraient, demain, avoir les mêmes exigences ?
Monsieur le sénateur, j'ajoute que ce secteur est tellement spécifique qu'il
mérite un traitement particulier, en dehors du texte que nous examinons
aujourd'hui et qui est destiné non pas à aider les clubs sportifs, mais à
favoriser l'insertion des jeunes dans un emploi durable. Nous ne sommes pas là,
me semble-t-il, dans la même logique.
M. le président.
L'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu, monsieur Nogrix ?
M. Philippe Nogrix.
A la suite des explications de M. le ministre, je ne peux que retirer mon
amendement.
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Hilaire Flandre.
C'est très
fair-play
!
M. Philippe Nogrix.
Je pense tout de même que des secteurs spécifiques auraient pu, comme vous
nous l'avez démontré tout à l'heure, être traités dans le cadre de ce projet de
loi.
M. le président.
L'amendement n° 34 rectifié est retiré.
L'amendement n° 39, présenté par M. de Raincourt et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé un "chèque emploi jeune été" visant à faciliter les emplois
saisonniers des étudiants dont les conditions de mise en oeuvre seront créées
par décret. »
La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Cet amendement extrêmement simple a pour objet de combler un vide juridique.
Il vise à sécuriser, en quelque sorte, les emplois saisonniers offerts aux
jeunes, lycéens ou étudiants, pendant leurs vacances, qu'ils souhaitent
travailler soit par goût - il s'en trouve encore ! -, pour approfondir une
expérience, soit tout simplement par nécessité.
Or j'ai le sentiment que les stages d'études, qui bénéficient d'un régime
social particulier, ne répondent pas à cette situation, et que ce n'est pas non
plus dans le cadre des actions de bénévolat que l'on peut trouver de solution
satisfaisante. Par conséquent, la seule solution possible est le recours aux
contrats à durée déterminée, dont la complexité juridique et le coût très lourd
dissuadent de très nombreux employeurs de les utiliser.
Il me semble donc - et en cela je suis sûrement dans l'esprit du texte défendu
aujourd'hui par le Gouvernement - que nous devons réfléchir à la mise en place
d'un système qui soit à la fois simple et souple.
Or il en existe un, c'est le chèque emploi-service, dont chacun s'accorde à
reconnaître l'efficacité. On pourrait le transposer, dans le cadre de ce texte,
sous la forme d'un « chèque emploi jeune été » pour les travaux effectués
pendant les vacances. Il s'agirait simplement, si j'ose dire, de lui appliquer
une disposition supplémentaire qui serait celle de l'allégement des charges.
Tel est donc l'objet de mon amendement, qui répondrait, je le crois
sincèrement, à de nombreuses situations que connaissent aujourd'hui les jeunes
et qui éviterait le développement de quelque chose que nous connaissons, que
nous déplorons, à savoir le travail au noir.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet,
rapporteur.
Je remercie M. de Raincourt de sa proposition. L'idée de
créer des « chèques emploi jeune été » est intéressante, mais je lui ferai
remarquer que certains étudiants travaillent aussi pendant les vacances
d'hiver. Peut-être faudrait-il simplement prévoir un « chèque emploi jeune
».
Cet amendement est à l'évidence un amendement d'appel qui dépasse largement le
cadre du projet de loi. La commission a souhaité, sur ce point, entendre au
préalable le Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement.
M. François Fillon,
ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
La
proposition de M. de Raincourt est évidemment très intéressante, mais elle se
heurte à de réelles difficultés de mise en oeuvre que je souhaiterais
exposer.
Il faut en effet se souvenir que la mise en place du chèque emploi-service
pour les particuliers employeurs avait été facilitée, d'une part, par
l'existence d'une seule convention collective couvrant tous les employés de
maison et, d'autre part, par le nombre très faible des paramètres servant à
établir la rémunération.
Dans le cas des jeunes saisonniers, la situation est beaucoup plus complexe
parce que les salariés exercent leurs activités dans tous les secteurs et sont
donc, à ce titre, couverts par autant de conventions collectives.
En outre, les éléments variables des contrats de travail sont nombreux - durée
de travail, heures supplémentaires, congés, primes diverses, avantages en
nature - et nécessitent l'apport d'une information très détaillée.
Enfin, la mise en oeuvre d'un tel projet nécessite de définir les conditions
de prise en charge par les URSSAF de la gestion globale et, de mon point de
vue, de procéder à une très large consultation des partenaires sociaux.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut pas être favorable, malgré
toute l'envie qu'il en a, à cet amendement. Je peux peut-être apporter
néanmoins un peu de baume au coeur de M. de Raincourt en lui indiquant que je
prends l'engagement de faire travailler mes services sur tous les moyens
permettant de simplifier les démarches d'embauche sur ce modèle du chèque
emploi-service dans les mois qui viennent.
M. le président.
Monsieur de Raincourt, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
M. Henri de Raincourt.
J'ai écouté les arguments qui viennent de nous être donnés par M. le
rapporteur puis, à sa suite, par M. le ministre. Je suis très sensible à tout
ce que vient de déclarer M. le ministre.
Je ne cherche pas non plus à compliquer sa tâche,...
M. Guy Fischer.
Heureusement !
M. Henri de Raincourt.
... et, quand M. le ministre prend un engagement, je lui fais entière
confiance !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Eh oui, c'est un changement par rapport à une situation antérieure et
pourtant bien récente !
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Avant de retirer mon amendement, je persiste néanmoins, monsieur le ministre,
à vous dire qu'il s'agit là d'une vraie question. Ne vous laissez donc pas
entraîner par des arguments administratifs successifs, aussi fondés soient-ils,
pour ne pas répondre à la vraie problématique qui est ici posée.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 39 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de
loi.
Seconde délibération