SEANCE DU 23 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 9. - Le Président de la République peut admettre, par décret, au
bénéfice de l'amnistie les personnes physiques poursuivies ou condamnées pour
toute infraction commise avant le 17 mai 2002, à l'exception des infractions
qui sont exclues du bénéfice de l'amnistie en application de l'article 13 dès
lors que ces personnes n'ont pas, avant cette infraction, fait l'objet d'une
condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit de
droit commun et qu'elles appartiennent à l'une des catégories ci-après :
« 1° Personnes âgées de moins de vingt et un ans au moment de l'infraction
;
« 2° Personnes qui ont fait l'objet d'une citation individuelle, ou sont
titulaires d'une pension militaire d'invalidité ou ont été victimes de
blessures de guerre au cours des guerres 1914-1918, 1939-1945 ou d'Algérie, ou
des combats en Tunisie ou au Maroc, sur les théâtres d'opérations extérieures,
au cours d'opérations de maintien de l'ordre hors de la métropole ou par
l'effet d'actes de terrorisme ;
« 3° Déportés résistants ou politiques et internés résistants ou politiques
;
« 4° Résistants dont l'un des ascendants est mort pour la France ;
« 5° Engagés volontaires 1914-1918 ou 1939-1945 ;
« 6° Personnes qui se sont distinguées d'une manière exceptionnelle dans les
domaines humanitaire, culturel, sportif, scientifique ou économique.
« La demande d'amnistie peut être présentée par toute personne dans le délai
d'un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit de la
condamnation définitive. En ce qui concerne les personnes mentionnées au 1° ,
le délai est prolongé jusqu'à la date à laquelle le condamné aura atteint l'âge
de vingt-deux ans.
« Les dispositions du présent article peuvent être invoquées à l'appui d'une
demande d'amnistie concernant une infraction commise même avant le 18 mai 1995
sans qu'une forclusion tirée de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant
amnistie ou d'une loi d'amnistie antérieure ne puisse être opposée. »
L'amendement n° 33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste,
apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le septième alinéa (6°) de l'article 9, supprimer le mot : "sportif,".
»
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
J'ai déjà eu l'occasion de soutenir cet amendement tout à l'heure, M. le
ministre a beaucoup insisté sur le fait que ce projet de loi d'amnistie ne
comportait aucune extension par rapport aux lois précédentes : il y avait
uniquement des restrictions. Or ces propos sont contredits par la mention du
terme « sportif » au 6° de l'article 9.
Nous soutenons tous le sport et les sportifs, vous le savez bien, mais les
sportifs sont très attachés à l'éthique et je n'en connais pas qui attende une
loi d'amnistie.
J'ai indiqué tout à l'heure que nous étions défavorables à toute législation
ad hominem
. Dès lors, chacun comprendra qu'il ne nous paraît pas
nécessaire d'ajouter ce terme dans un article qui a pour effet de permettre au
Président de la République de décider par décret l'amnistie à l'égard d'une
catégorie de personnes, étant entendu qu'aux termes de l'article 17 de la
Constitution le Président de la République peut exercer le droit de grâce dans
des conditions qu'il définit lui-même, selon la coutume.
Je vous ai entendu dire, monsieur le garde des sceaux, à l'Assemblée
nationale, qu'il s'agissait de discussions de café du Commerce. J'espère que
vous ne réitérerez pas ces propos et que chacun comprendra que se pose ici une
question de fond : ou bien nous légiférons et nous courons le risque d'être
soupçonnés de faire une loi
ad hominem
ou bien nous jugeons qu'il est
plus décent, plus clair, plus conforme à l'esprit de rigueur et de restriction
que vous avez constamment défendu, monsieur le garde des sceaux, eu égard au
projet de loi d'amnistie, de retirer ce terme « sportif ». Ainsi n'y aura-t-il
aucune forme d'équivoque, de contestation, et la loi, si elle est votée, ce
dont je ne doute pas, pèsera de tout son poids.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Je connais trop M. Sueur pour savoir qu'il n'a aucune
arrière-pensée en présentant cet amendement.
(Sourires.)
Cela étant, aux
termes du projet de loi, peuvent bénéficier de l'amnistie par mesure
individuelle les personnes qui se sont distinguées de manière exceptionnelle
dans les domaines non seulement sportif, mais également humanitaire, culturel,
scientifique ou économique. Pourquoi ne pas prendre en compte également le
domaine sportif, à une période où les sportifs sont les meilleurs ambassadeurs
de France à l'étranger ?
M. Jean-Pierre Sueur.
Cela dépend !
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Effectivement, mais, même en cas d'échec, ils se sont battus
et ils ont participé ! Par conséquent, je ne vois pas pourquoi ils seraient
exclus du champ d'application du présent projet de loi. Il semble qu'il n'y ait
pas lieu de faire de différence entre un grand artiste, un grand économiste ou
un grand sportif. Comme les autres, ce dernier mérite de bénéficier de
l'amnistie. C'est la raison pour laquelle cet amendement ajoute les sportifs à
ceux qui ont bien mérité, sinon de la patrie, en tout cas de la société
française.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, ce
pour une raison très simple : depuis un certain nombre d'années, les activités
sportives jouent un rôle très important dans la vie sociale. Nous le savons
bien, les uns et les autres, c'est souvent grâce au sport que nous réalisons un
certain nombre de choses, en termes, en particulier, de cohésion sociale. Il me
paraît donc normal que les sportifs soient ajoutés à la liste qui
préexistait.
Par ailleurs, je voudrais procéder à un bref rappel historique. En 1974,
l'amnistie par mesure individuelle du Président de la République n'était
ouverte qu'aux personnes s'étant distinguées dans le domaine culturel ou
scientifique ; c'était la formule de 1969 et de 1966. En 1981, a été ajouté le
domaine humanitaire et, en 1988, le domaine économique. A l'époque, personne ne
s'était posé la question de savoir si le président Mitterrand voulait amnistier
quelqu'un appartenant au domaine humanitaire ou quelque chef d'entreprise.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Chapitre III
Amnistie des sanctions disciplinaires
ou professionnelles
Article 10