SEANCE DU 25 JUILLET 2002


M. le président. « Art. 1er. - Les orientations et la programmation des moyens de la justice pour les années 2003 à 2007 figurant dans le rapport annexé à la présente loi sont approuvées. »
Je donne lecture du rapport annexé :
« La loi d'orientation et de programmation a pour objectifs d'améliorer l'efficacité de la justice en renforçant ses moyens, de faciliter l'accès au juge et de développer l'effectivité de la réponse pénale à la délinquance des majeurs comme des mineurs.
« Ces objectifs sont fixés par le présent rapport.

« I. - AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE
AU SERVICE DES CITOYENS

« A. - Permettre à la justice de faire face à l'accroissement de ses charges et au développement de ses missions
« 1. Réduire les délais de traitement des affaires civiles et pénales.
« Répondant à une attente essentielle des Français, les moyens des juridictions seront développés afin de réduire les délais de jugement et les stocks d'affaires en attente.
« L'objectif visé consiste à ramener les délais moyens de traitement des affaires civiles à douze mois dans les cours d'appel, six mois dans les tribunaux de grande instance et trois mois dans les tribunaux d'instance. De même, les effectifs des juridictions seront adaptés afin de supprimer les goulets d'étranglement qui affectent la chaîne de traitement des affaires pénales, dont les moyens spécifiques seront désormais précisément identifiés.
« Il est parallèlement nécessaire d'accroître de façon significative le nombre d'agents placés, qu'il s'agisse de magistrats, de greffiers en chef ou de greffiers afin de pallier les vacances d'emploi et d'assurer la continuité du service dans l'ensemble des cours et tribunaux.
« La création de ces emplois s'accompagnera d'une modernisation de l'organisation et des méthodes de travail des juridictions :
« - la politique de contractualisation par objectifs avec les juridictions, initiée avec les contrats de résorption de stocks dans les cours d'appel, sera généralisée ;
« - la participation des magistrats de l'ordre judiciaire à des commissions administratives représente une charge lourde, correspondant à environ 130 000 heures de travail par an. Il est ainsi prévu d'engager une démarche de retrait de ces magistrats des commissions à caractère purement administratif ou dans lesquelles l'institution judiciaire n'a pas vocation à figurer, eu égard à ses missions ;
« - le magistrat doit se recentrer sur ses tâches juridictionnelles et être entouré d'une équipe. C'est pourquoi les missions des greffiers seront étendues, pour assister véritablement le magistrat dans le cadre de la mise en état des dossiers et des recherches documentaires. Ces greffiers rédigeront également des projets de décisions et de réquisitoires selon les indications des magistrats ;
« - par ailleurs, sans porter atteinte au maillage territorial des implantations judiciaires, il est envisagé de mutualiser les ressources humaines et les moyens budgétaires, dans le cadre d'un futur "tribunal de première instance", pour parvenir à une gestion plus cohérente des juridictions de grande instance, d'instance et de proximité.
« 2. Maîtriser les politiques publiques appelant l'intervention de l'autorité judiciaire.
« Phénomène récent, la conduite de politiques publiques par l'institution judiciaire, et notamment par les parquets, s'est fortement développée ces dernières années. Il s'agit là d'une condition essentielle de l'action de la justice et spécialement de la politique d'action publique des parquets liée à ses missions de lutte contre la délinquance.
« Qu'elles soient menées par la justice ou en partenariat avec d'autres institutions, le maintien et le développement de ces actions requièrent la création d'emplois de magistrats et de fonctionnaires à défaut desquels, soit elles ne peuvent être pleinement remplies, soit le traitement du contentieux en est affecté.
« B. - Rapprocher la justice du citoyen et créer une véritable justice de proximité
« Afin de répondre au besoin d'une justice plus accessible, plus simple et capable de résoudre plus efficacement les litiges de la vie quotidienne en matière tant civile que pénale, il est prévu de créer une nouvelle juridiction de proximité.
« Il ne s'agira pas de juges de carrière, mais de personnes disposant d'une compétence et d'une expérience professionnelle les qualifiant tout particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.
« La juridiction d'instance verra ses compétences élargies.
« La généralisation des guichets uniques de greffe améliorera l'accueil personnalisé du justiciable en lui offrant un seul point d'entrée commun à plusieurs juridictions.
« Par ailleurs, les courriers et requêtes des justiciables, appelant l'attention du garde des Sceaux sur les problèmes de fonctionnement des juridictions méritent une attention particulière ainsi qu'un traitement rapide, cohérent et adapté. La création à la Chancellerie d'un service centralisé traitant l'ensemble des requêtes des particuliers aura pour effet d'apporter une réponse précise aux requérants dans les meilleurs délais. Elle permettra également de définir les actions générales à engager pour améliorer le fonctionnement de la justice sur la base de l'analyse des problèmes rencontrés et des dysfonctionnements éventuels.
« C. - Renforcer la justice administrative dans le sens de la célérité
« L'augmentation continue du contentieux devant les juridictions administratives (plus de 20 % durant les cinq dernières années) engendre des délais de jugement trop longs : 1 an et 9 mois devant les tribunaux administratifs et 3 ans et 1 mois devant les cours d'appel.
« Les juridictions administratives doivent être dotées des moyens nécessaires pour résorber le retard actuel et faire face à l'afflux prévisible du contentieux dans les années à venir.
« L'objectif est de ramener à un an l'ensemble des délais de jugement à l'issue de la période de programmation, comme c'est le cas devant le Conseil d'Etat.
« Trois volets sont prévus :
« 1. Augmenter les effectifs.
« Les effectifs seront renforcés par le recrutement de magistrats et par la création d'emplois de fonctionnaires destinés à renforcer les greffes des juridictions et les services administratifs du Conseil d'Etat. Des assistants de justice seront en outre recrutés afin d'apporter leurs concours aux tâches juridictionnelles des membres du Conseil d'Etat et des magistrats des cours et tribunaux administratifs.
« L'attractivité du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sera renforcée.
« 2. Renforcer les moyens en fonctionnement et en investissement.
« Des investissements seront engagés afin de permettre la réhabilitation, l'extension ou le relogement des juridictions existantes, ainsi que la création de trois nouvelles juridictions (une cour administrative d'appel en région parisienne et deux tribunaux administratifs).
« Des moyens nouveaux seront affectés au fonctionnement des juridictions administratives ainsi qu'à l'amélioration de l'outil informatique.
« 3. Engager des réformes.
« D'ores et déjà, le projet de loi comporte des dispositions nécessaires à la réalisation de ces objectifs : prorogation pendant la durée de la loi de programmation du régime du concours de recrutement complémentaire et pérennisation de la possibilité pour les magistrats administratifs d'être maintenus en surnombre au-delà de la limite d'âge ; création d'un cadre juridique permettant le recrutement des assistants de justice.
« D'autres réformes devront être mises en oeuvre pour améliorer l'efficacité de la justice administrative et, en particulier, pour lutter contre l'encombrement des cours administratives d'appel.
« En outre, après la création, en région parisienne, d'une nouvelle cour administrative d'appel, interviendra le transfert du Conseil d'Etat aux cours administratives d'appel, de l'appel contre les jugements relatifs aux arrêtés de reconduites à la frontière, dont le principe a été posé par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
« D. - Développer l'efficacité de l'administration judiciaire
« 1. Efficacité des services centraux.
« L'administration centrale n'est pas en capacité suffisante de faire face aux tâches de préparation de textes ou de suivi de négociations internationales alors que la complexité de ces champs d'intervention ne cesse de croître. De même, les moyens de gestion dont elle est dotée n'ont pas suivi ceux qu'elle est chargée globalement d'administrer. Les études d'impact des projets de textes législatifs et réglementaires sont encore insuffisantes de même que les fonctions de pilotage des services d'administration déconcentrée.
« De façon à atteindre les objectifs énoncés par la présente loi de programmation, l'organisation de l'administration centrale du ministère de la justice doit être adaptée mais également renforcée.
« Les fonctions de gestion et d'expertise technique et juridique seront renforcées quantitativement et qualitativement de même que l'attractivité des fonctions d'administration centrale. Ces renforts seront en grande partie affectés aux fonctions de support des juridictions et des services déconcentrés (immobilier, informatique). Les conditions de travail de ses agents seront améliorées. La politique immobilière du ministère, ainsi que la politique de développement informatique seront réévaluées et développées.
« 2. Mettre à niveau les services de formation et d'administration des juridictions judiciaires.
« Pour répondre à l'élargissement de ses missions et à l'accroissement des effectifs à former, l'Ecole nationale de la magistrature verra son encadrement pédagogique et administratif ainsi que ses moyens logistiques et financiers renforcés. Ses implantations à Bordeaux et à Paris seront adaptées en conséquence. Un contrat d'objectif sur cinq ans sera établi à cette fin.
« L'Ecole nationale des greffes disposera de moyens accrus afin d'être en mesure de former les personnels dans le cadre de départs massifs à la retraite (60 % des corps de catégorie A et B entre 2002 et 2020) et d'assurer en sus la formation initiale de plus de 3 500 stagiaires environ dans les cinq prochaines années. Dans le même temps, une réforme statutaire redéfinira la durée et le contenu des formations dispensées.
« Pour conduire efficacement la gestion d'un parc immobilier dont l'ensemble représente 1 800 000 mètres carrés, les cours d'appel bénéficieront de l'expertise de techniciens de haut niveau.
« Dans le cadre de la déconcentration mise en oeuvre au sein des services judiciaires pour les personnels et les crédits, les services administratifs régionaux et les cellules budgétaires d'arrondissement judiciaire seront développés en tenant compte de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
« La professionnalisation des personnels et le renforcement des moyens des services administratifs régionaux en matière budgétaire, immobilière et informatique, seront poursuivis.
« 3. Mesures intéressant le traitement financier et le déroulement de carrière des agents en juridiction
« La formation, les responsabilités et le professionnalisme des magistrats et fonctionnaires des juridictions doivent être mieux reconnus et pris en compte.
« Pour les fonctionnaires des greffes, la spécificité de leurs fonctions liées aux contraintes de l'activité juridictionnelle sera également reconnue.
« Une meilleure cohérence entre les métiers de greffe et les statuts des personnels concernés sera recherchée.
« La prise en compte de la charge effective de l'activité exercée sera assurée par une modulation des régimes indemnitaires.
« E. - Equipement et fonctionnement matériel, notamment informatique, des juridictions judiciaires
« 1. Immobilier.
« Le patrimoine des juridictions représente un million de mètres carrés de surface utile judiciaire, soit 1 800 000 mètres carrés SHON (surface hors oeuvre nette), répartis sur plus de mille juridictions et près de huit cents sites.
« Malgré un premier programme de constructions neuves réalisé au cours de la dernière décennie, il demeure vétuste et insuffisant, et trop souvent en deçà des normes de sécurité et d'accessibilité des bâtiments publics.
« En outre, le déficit des surfaces judiciaires reste important. Un renforcement significatif des crédits affectés à cette fin sera prévu.
« Les mesures de protection et, en particulier, celles relatives au gardiennage des palais de justice, notamment grâce à une externalisation accrue de la prestation à des entreprises spécialisées, doivent également bénéficier de crédits supplémentaires. Il en va de la protection des personnels, des usagers et du patrimoine immobilier de l'Etat.
« 2. Fonctionnement.
« L'installation des nouveaux magistrats et fonctionnaires induit des besoins de premier équipement mobilier et informatique et engendre des dépenses de fonctionnement pérennes, liées à leur activité. Ces moyens, indissociables des créations d'emplois, sont indispensables pour garantir l'efficacité de l'activité judiciaire.
« 3. Informatique.
« Les juridictions doivent être dotées de moyens informatiques modernes et performants.
« Le développement des réseaux informatiques internes et externes favorisera la communication électronique avec les auxiliaires de justice, tant en matière civile que pénale, les échanges avec les autres administrations, en particulier avec les services de police et de gendarmerie, ainsi que le partage d'informations entre l'administration centrale et les juridictions.
« La réalisation de ces objectifs, permettant à la justice de faire face à l'accroissement de ses charges et au développement de ses missions, se traduira par la création de 4 397 emplois dont 3 737 pour les services judiciaires, 480 pour les juridictions administratives et 180 pour l'administration centrale ; 1 329 MEUR (coût des emplois compris) seront consacrés à ces objectifs en dépenses ordinaires ainsi que, pour les investissements, 382 MEUR en autorisations de programme.
« Les crédits de fonctionnement comprendront les crédits de vacations, permettant le recrutement de 3 300 juges de proximité.
« II. - ADAPTER LE DROIT PÉNAL A L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE ET DÉVELOPPER L'EFFECTIVITÉ DE LA RÉPONSE PÉNALE
« A. - Adapter le droit pénal et la procédure pénale à l'évolution de la délinquance
« Les réformes successives de la procédure pénale introduites au cours des dernières années ont conduit à une complexité croissante des règles applicables qui, dans de nombreux cas, affaiblissent l'efficacité de la répression et compromettent largement l'autorité de l'Etat en laissant se développer un sentiment d'impunité chez les auteurs d'infractions et d'exaspération chez nos concitoyens.
« Il importe d'ores et déjà de procéder à des simplifications pour permettre de recentrer les magistrats intervenant en matière pénale sur leurs missions premières. Il conviendra également de faciliter l'exercice des poursuites pénales et de mieux prendre en compte les formes nouvelles de criminalité.
« B. - Mettre en place les conditions d'un traitement judiciaire rénové de la réponse pénale
« 1. Réduire les délais de jugement des affaires pénales.
« Une forte augmentation du nombre de magistrats et de greffiers nécessaires pour renforcer de manière significative les délais de traitement des affaires sera prise en compte dans le renforcement des moyens en personnel des services judiciaires.
« Ces renforts permettront d'augmenter le nombre des poursuites et d'améliorer le délai de traitement du contentieux pénal.
« 2. Accroître le soutien aux associations oeuvrant en amont des condamnations pénales.
« Ce renforcement permettra le développement des enquêtes sociales rapides, des enquêtes de personnalité et des mesures de contrôle judiciaire socio-éducatives afin de donner aux juridictions pénales les moyens de mieux ajuster la sanction.
« 3. Réduire les délais d'exécution des peines.
« Les emplois de magistrats du parquet et de fonctionnaires créés pour contribuer à réduire les délais de jugement pénaux seront utilisés, pour partie, pour renforcer les services de l'exécution des peines, afin de mettre rapidement à exécution les peines prononcées et, notamment, de ramener à environ trois mois le délai d'exécution des jugements contradictoires. Afin de mieux cerner les besoins, une grille d'évaluation et des indicateurs de résultats et de délais seront développés.
« C. - Développer la capacité de mise à exécution des peines en milieu pénitentiaire
« 1. Augmenter la capacité des établissements pénitentiaires et améliorer les conditions de détention
« Le parc pénitentiaire souffre d'une capacité d'accueil insuffisante et de la vétusté de certains de ses établissements. Pour remédier à ces difficultés, un programme de construction des établissements pénitentiaires sera mis en oeuvre. Il comportera 11 000 places, dont 7 000 consacrées à l'augmentation de la capacité du parc et 4 000 en remplacement de places obsolètes. En outre, la réalisation des établissements pourra être fortement accélérée grâce à des dispositions prévues par la présente loi.
« 2. Développer fortement le placement sous surveillance électronique.
« Le dispositif de placement sous surveillance électronique de personnes condamnées à une peine d'emprisonnement ferme a été mis en oeuvre de façon expérimentale depuis plus de dix-huit mois dans quatre, puis neuf sites.
« Ce dispositif doit maintenant être généralisé, ce qui suppose l'externalisation d'une partie des fonctions de gestion des alarmes. L'objectif est de permettre, à l'échéance d'un délai de cinq ans, le placement simultané sous surveillance électronique de 3 000 personnes.
« 3. Renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de probation.
« Pour assurer le suivi et le contrôle de l'ensemble des 180 000 personnes dont ils ont la charge, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) de l'administration pénitentiaire disposent aujourd'hui de 2 000 agents directement au contact du public placé sous main de Justice. Pour raccourcir les délais de prise en charge et intensifier le suivi des personnes prévenues et condamnées à l'égard desquelles les risques de récidive sont les plus importants, il est nécessaire de renforcer les effectifs de ces services.
« D. - Améliorer le fonctionnement des services pénitentiaires
« 1. Accroître le niveau de sécurité des établissements.
« Les évasions et tentatives d'évasion survenues au cours de l'année 2001 sont venues rappeler la nécessité de renforcer les dispositifs de sécurité dans les établissements pénitentiaires.
« L'administration pénitentiaire devra, au cours de la période des cinq prochaines années, mettre en place, dans les établissements pénitentiaires les plus exposés, un dispositif de brouillage des communications par téléphones portables et un tunnel d'inspection à rayons X pour éviter des contacts non contrôlés avec l'extérieur. Les miradors et les dispositifs de filins anti-hélicoptères seront adaptés pour prévenir les risques d'évasion et préserver la sécurité des personnels. Un programme spécifique de renforcement de la sécurité dans les maisons centrales sera mis en place.
« 2. Améliorer la prise en charge et le taux d'activité des détenus.
« Afin d'améliorer la prise en charge des personnes détenues et de préparer leur sortie dans un souci de réinsertion et de prévention de la récidive, il est primordial de renforcer la lutte contre l'indigence, de veiller au maintien des liens familiaux, d'améliorer les conditions d'exercice du travail des personnes détenues et de valoriser leurs acquis sociaux et professionnels.
« 3. Favoriser l'accès des détenus aux soins médicaux et psychologiques.
« Les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins que celui qui est donné à la population générale tout en respectant les règles de sécurité liées à leur condition de détenus.
« Les hospitalisations d'urgence et de très courte durée des personnes incarcérées ont lieu dans les hôpitaux de rattachement qui ne sont toutefois pas encore tous dotés des équipements de sécurité nécessaires. Il convient de parfaire les conditions de sécurité pendant les transferts et le séjour des personnes détenues hospitalisées.
« Les contraintes carcérales ne permettent pas un suivi médical continu des patients atteints de troubles mentaux. Pour répondre à ce besoin seront créées des unités hospitalières sécurisées psychiatriques en établissements de santé.
« S'agissant de l'incarcération des personnes âgées et des personnes handicapées, il convient d'accroître le nombre de cellules aménagées et d'améliorer leur prise en charge socio-sanitaire.
« Les conditions de transfert à l'administration pénitentiaire de missions nouvelles (surveillance des détenus hospitalisés et, plus généralement, gardes et escortes des détenus) feront l'objet d'une réflexion interministérielle.
« 4. Mettre à niveau les services d'administration déconcentrée et de formation.
« Il est impératif que les directions régionales soient en mesure de mettre en oeuvre les politiques publiques, de gérer les moyens financiers qui leur sont délégués et d'assurer la gestion des ressources humaines de leurs services.
« Par ailleurs, la capacité de formation de l'école nationale de l'administration pénitentiaire sera accrue pour pourvoir aux besoins de recrutement dans les prochaines années.
« 5. Revaloriser le statut des personnels pénitentiaires et améliorer les conditions d'exercice de leur mission.
« Le statut des personnels pénitentiaires devra mieux prendre en compte les obligations particulières auxquelles ces personnels sont astreints.
« La réalisation de l'ensemble des actions consacrées à l'effectivité de la réponse pénale se traduira par la création de 3 600 emplois dont 410 dans les services judiciaires et 3 190 dans les services pénitentiaires.
« 762 MEUR seront affectés à cet objectif en dépenses ordinaires ainsi que, pour l'investissement, 1 198 MEUR en autorisations de programme.

« III. - TRAITER PLUS EFFICACEMENT
LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

« Le nombre des mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 14,95 % entre 1997 et 2001, passant de 154 037 à 177 017. Ils représentent à eux seuls 21 % du total des mis en cause.
« La délinquance des mineurs est principalement une délinquance de voie publique, donc une délinquance visible. Elle se caractérise notamment par une augmentation significative des faits de violence (+ 16,4 % de vols avec violences entre 1997 et 2000, + 39,5 % d'atteintes aux personnes) et d'atteintes aux moeurs (+ 18,5 %).
« Ces caractéristiques appellent des réponses fortes de la part des pouvoirs publics. Il convient donc d'adapter les conditions procédurales de la réponse pénale à cette délinquance ainsi que de réaffirmer la valeur de la sanction, tout en poursuivant et en développant les actions de prévention et de réinsertion.
« Il est ainsi nécessaire d'adapter l'ordonnance du 2 février 1945 aux nouvelles caractéristiques de cette délinquance dans le respect de ses principes directeurs, à savoir la spécialisation des magistrats et la primauté de l'action éducative, en diversifiant les sanctions éducatives pour les mineurs de 10 à 13 ans, en permettant aux magistrats de la jeunesse de placer les mineurs délinquants, y compris les moins de 16 ans, dans des centres éducatifs fermés dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve dont la révocation peut entraîner la détention, et en instaurant une procédure de jugement à délai rapproché.
« Pour permettre la mise en oeuvre et rendre effectives ces dispositions, il est prévu de développer, d'une part, un dispositif de prise en charge fortement renforcé pour les mineurs récidivistes, dans un double souci de protection de l'ordre public et de traitement des difficultés des mineurs concernés, d'autre part, des actions de prévention et de réinsertion.
« A. - Renforcer et encadrer le dispositif de traitement des mineurs récidivistes ou violents
« 1. Sous la responsabilité de la protection judiciaire de la jeunesse, créer des centres éducatifs fermés destinés à accueillir les mineurs délinquants dans un cadre permettant de s'assurer de leur présence effective.
« Sur les 65 000 mineurs jugés en matière pénale en 2001, 3 800 ont fait l'objet d'une mesure de placement dans les établissements du secteur public et du secteur associatif habilité, 3 200 ont été incarcérés. Il est parfois difficile, notamment dans les régions les plus concernées par la délinquance juvénile (Ile-de-France, Nord, Rhône-Alpes, PACA) de trouver dans les délais très brefs imposés par la procédure pénale, notamment en alternative à l'incarcération, un lieu de placement adapté pour les mineurs multirécidivistes.
« Il convient d'augmenter les capacités d'accueil des centres éducatifs renforcés tout en développant un contrôle plus strict de ces mineurs délinquants de manière à prévenir les fugues afin de mieux répondre aux demandes des magistrats. Les moyens des centres éducatifs existants devront être renforcés et leur action éducative développée.
« Par ailleurs, le présent projet créée des centres éducatifs fermés dans le secteur public et dans le secteur associatif habilité en vue d'accueillir, d'une part, des mineurs placés sous contrôle judiciaire, d'autre part, des mineurs ayant fait l'objet d'une peine de prison avec sursis et mise à l'épreuve. En outre, il prévoit que les mineurs placés au sein des centres éducatifs fermés, dont ceux âgés de 13 à 16 ans, pourront être mis en détention en cas de violation des conditions du placement, et notamment en cas de fugue. Le placement au sein des centres éducatifs fermés répondra ainsi à la nécessité d'une prise en charge renforcée des mineurs multiréitérants. Parallèlement, une prise en charge éducative, fondée sur l'enseignement et l'insertion professionnelle sera mise en oeuvre sur la base d'un programme rigoureux élaboré en étroite collaboration avec les autres départements ministériels concernés et notamment le ministère de l'éducation nationale. 600 places seront créées dans les centres éducatifs fermés.
« Des outils d'évaluation de l'action éducative et de suivi de la trajectoire des mineurs suivis seront élaborés conformément aux orientations de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de celle du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.
« 2. Sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire et avec la protection judiciaire de la jeunesse, créer de nouveaux quartiers mineurs dans les établissements pénitentiaires et créer des établissements pénitentiaires autonomes pour mineurs.
« Le nombre de places dans les établissements pénitentiaires pour l'accueil des mineurs détenus est insuffisant. De nombreux quartiers mineurs sont très dégradés. 500 places devront être créées dans les quartiers mineurs et des travaux de rénovation vont être engagés. 400 places seront créées dans de nouveaux établissements pénitentiaires spécialisés pour l'accueil des mineurs.
« L'intervention continue des services de la protection judiciaire de la jeunesse sera organisée auprès de l'ensemble des mineurs incarcérés, car ceux-ci justifient d'une prise en charge pluridisciplinaire et d'un soutien personnalisé.

« B. - Développer la prévention de la récidive

« La justice des mineurs doit apporter une contribution majeure à la prévention de la récidive et de la réitération des infractions commises par les mineurs.
« Cet objectif doit être atteint grâce à trois réformes de procédure opérées par le présent projet, ainsi que par un plan de relance de mesures de milieu ouvert :
« 1. L'intervention du juge de proximité en matière de répression de la délinquance des mineurs.
« Le juge de proximité, dont la spécialisation sera garantie à l'instar des assesseurs des tribunaux pour enfants, pourra connaître de certaines contraventions des quatre premières classes commises par les mineurs.
« A l'initiative du procureur de la République, il pourra ainsi intervenir rapidement dans le champ des petites infractions commises par des primo-délinquants, et dans un cadre plus solennel et ferme que celui de l'alternative aux poursuites, prononcer des mesures éducatives et préventives telles que l'admonestation, la remise à parents et l'aide ou réparation. S'il estime qu'une autre mesure ou une peine sont nécessaires, il renverra le dossier au parquet pour qu'il saisisse le juge des enfants.
« 2. La procédure de jugement à délai rapproché.
« De la rapidité de l'intervention du juge des enfants dépend souvent l'efficacité répressive et préventive de sa décision. Le présent projet permet ainsi au procureur de la République, dès lors que des investigations suffisantes auront été opérées quant aux faits et à la personnalité du mineur, de saisir le juge des enfants afin qu'il comparaisse devant le tribunal pour enfants dans un délai rapproché pour y être jugé.
« Ainsi la comparution en justice et la décision du tribunal pour enfants seront en raison de leur proximité dans le temps avec les infractions commises, de nature à dissuader effectivement le mineur de réitérer ou récidiver.
« 3. La retenue et les sanction éducatives pour les mineurs de 10 à 13 ans.
« La délinquance des mineurs de 10 à 13 ans connaît depuis quelques années une progression importante et inquiétante (augmentation de 8 % du nombre de mineurs de 12 ans déférés devant les juges des enfants en 2001). Il est donc indispensable de faciliter les conditions de l'enquête en portant de dix à douze heures renouvelables une seule fois la retenue dont ils peuvent faire l'objet et en diminuant le seuil des sanctions permettant cette retenue. Il convient aussi de créer pour cette classe d'âge très jeune une réponse pénale originale à vocation éducative et préventive, le cas échéant plus ferme et dissuasive qu'une simple mesure éducative.
« Ces sanctions éducatives sont la confiscation de l'objet ayant servi à la commission de l'infraction, l'interdiction de paraître en certains lieux et notamment celui de l'infraction, l'interdiction d'entrer en rapport avec la victime, l'accomplissement d'un stage de formation civique, une mesure d'aide ou de réparation.
« 4. Améliorer la prise en charge en milieu ouvert (relance des mesures de réparation, augmentation des classes-relais).
« Le renforcement d'une politique pénale tendant à traiter de manière immédiate et systématique les infractions commises par les mineurs, l'accélération des procédures devant les juridictions ont créé un goulet d'étranglement au moment de la mise à exécution des mesures et des peines prononcées par les tribunaux. Le délai moyen des prises en charge des mesures éducatives et des peines est de 51,9 jours.
« Les objectifs sont donc pour fin 2007 de réduire les délais de prise en charge des mesures éducatives et des peines de 51,9 jours à 15 jours, d'augmenter le nombre de mesures de réparation, et d'accroître la participation de la protection judiciaire de la jeunesse aux 200 classes-relais supplémentaires qui seront créées.

«
C. - Mise à niveau des services de formation et d'administration des services de la protection judiciaire de la jeunesse
« 1. Renforcer les capacités de pilotage et d'administration des services de la protection judiciaire de la jeunesse au niveau territorial.
« La direction de la protection judiciaire de la jeunesse doit renforcer l'inscription de son action dans les politiques publiques concernant l'enfance et la coordination avec les responsables territoriaux (notamment conseils régionaux et départementaux). Elle doit aussi améliorer ses capacités de gestion au plan local afin de renforcer son expertise et poursuivre le processus de déconcentration qui n'est réalisé actuellement que pour les crédits de fonctionnement. Cela nécessite un renforcement quantitatif et qualitatif de la filière administrative.
« 2. Adapter le dispositif de formation aux besoins.
« Pour faire face aux besoins de recrutement dans les prochaines années, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse devra adapter ses moyens de formation et de recrutement.
« Les objectifs sont de renforcer la professionnalisation de la formation, d'allonger la formation initiale et continue des directeurs de service et de développer la formation des directeurs territoriaux notamment en matière de gestion, de transformer le Centre national de formation et d'étude de la protection judiciaire de la jeunesse en établissement public administratif et de mener à bien sa délocalisation.
« 3. Améliorer le patrimoine immobilier des établissements qui accueillent des mineurs de la protection judiciaire de la jeunesse
« Il est indispensable de développer au sein des structures régionales l'expertise et les capacités en termes de conduite de projets immobiliers pour réaliser les opérations d'entretien et de maintenance des installations ainsi que la réalisation des nouveaux dispositifs prévus par la loi de programmation.
« 1 988 emplois seront créés pour la mise en oeuvre de cet objectif de traitement plus efficace de la délinquance des mineurs, dont 188 dans les services judiciaires, 550 dans les services pénitentiaires et 1 250 dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse. 423 MEUR seront affectés à cet effet sur la période couverte par la loi de programme, ainsi que 170 MEUR en autorisations de programme.

« IV. - AMÉLIORER L'ACCÈS DES CITOYENS
AU DROIT ET A LA JUSTICE

« 1. Améliorer l'aide aux victimes.
« Un plan national d'aide aux victimes sera mis en oeuvre.
« Il comprend les volets suivants dont les deux premiers figurent d'ores et déjà dans le présent projet :
« - informer la victime, dès son audition par les services de police et de gendarmerie, de la possibilité de se voir désigner immédiatement un avocat d'office par le bâtonnier ;
« - accorder de droit l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des atteintes les plus graves à la personne ou à leurs ayants droit. Les personnes, gravement blessées et psychologiquement fragilisées ou qui viennent de perdre un proche dans des circonstances dramatiques à la suite des infractions criminelles les plus graves telles que le meurtre, les violences et viols aggravés bénéficieront systématiquement de l'aide juridictionnelle, quel que soit le montant de leurs ressources ;
« - informer plus largement et plus rapidement la victime sur ses droits et sur le déroulement de l'ensemble de la procédure ;
« - indemniser les préjudices de façon plus juste et plus transparente en améliorant notamment le déroulement des expertises et en harmonisant les méthodes d'évaluation.
« 2. Faciliter l'accès au droit.
« La loi de programmation permettra de rationaliser et de compléter l'implantation des différentes structures oeuvrant en faveur de l'accès au droit (maisons de justice et du droit, antennes de justice).
« 3. Permettre un accès effectif à la justice.
« A cette fin, l'amélioration du dispositif d'aide juridictionnelle doit être recherchée de telle sorte que l'accès à la justice soit mieux garanti.
« Cet objectif doit tout à la fois prendre en considération les seuils d'admission et la rémunération des auxiliaires de justice intervenant en matière d'aide juridictionnelle.
« 262 MEUR et 115 emplois seront mis en place sur la période de la loi pour la mise en oeuvre de ces objectifs d'amélioration de l'accès au droit et à la justice.
« Au total, la loi d'orientation et de programmation pour la justice prévoit la création de 10 100 emplois, et de 2 775 MEUR en dépenses ordinaires (coût des emplois compris). Pour financer les investissements correspondants, 1 750 MEUR d'autorisations de programme viendront s'ajouter au niveau actuel des autorisations de programme du ministère de la Justice.
« En dépenses ordinaires et en crédits de paiement, la ressource totale consacrée à la loi s'élèvera à 3 650 MEUR.
« Les services judiciaires bénéficieront de 4 450 emplois (950 magistrats et 3 500 fonctionnaires), de 1 207 MEUR en dépenses ordinaires et de 277 MEUR d'autorisations de programme.
« Le Conseil d'Etat et les juridictions administratives bénéficieront de 480 emplois, de 114 MEUR en dépenses de fonctionnement et de 60 MEUR en autorisations de programme.
« L'administration pénitentiaire bénéficiera de 3 740 emplois, de 801 MEUR en dépenses de fonctionnement et de 1 313 MEUR en autorisations de programme.
« Les services de la protection judiciaire de la jeunesse bénéficieront de 1 250 emplois, de 293 MEUR en dépenses de fonctionnement et de 55 MEUR en autorisations de programme.
« L'administration centrale bénéficiera de 180 emplois, de 360 MEUR en dépenses de fonctionnement et de 45 MEUR en autorisations de programme. »
Sur l'article, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a sept ans jour pour jour, à quelques centaines de mètres du Sénat, un attentat aveugle faisait huit morts et deux cents blessés. Le procès s'ouvrira le 1er octobre prochain devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Si le projet de loi qui nous est soumis est une réponse claire et forte aux attentes de nos concitoyens et engage la rénovation d'un appareil judiciaire qui n'est plus digne de notre pays, il ignore une forme de violence qui n'a jamais atteint un tel paroxysme : le terrorisme. Néanmoins, il constitue le volet complémentaire au projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Pascal avait déjà défini les rapports entre la police et la justice : « La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu'il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste. »
Gageons - ou espérons - que désormais les magistrats seront enfin considérés, les victimes écoutées, les auteurs de crimes et de délits rapidement et systématiquement poursuivis et condamnés.
Cependant, je le répète, le projet de loi ne traite pas du terrorisme, qui n'a jamais atteint un tel niveau.
Le 11 septembre dernier, les terroristes nous ont déclaré la guerre. Depuis, les forces de sécurité françaises sont engagées plus fortement dans cette lutte, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de notre territoire.
Si nous avons su construire la juste voie de la démocratie et de l'Etat de droit, nous devons aussi pouvoir riposter dans le cadre du droit et de la justice. Nous devons nous doter d'instruments juridiques suffisamment forts pour dissuader et pour sanctionner.
Soyons lucides : la France est menacée, la France est vulnérable. Si, depuis les attentats du 11 septembre, notre territoire a été épargné, il demeure néanmoins exposé à la menace terroriste. Je rappelle qu'un militant islamiste, formé et entraîné en Afghanistan, proche de Zacarias Moussaoui, militant affirmé d'Al-Qaïda actuellement jugé aux Etats-Unis, a été arrêté en France en décembre 2000, alors qu'il fomentait un attentat contre la synagogue, la cathédrale ou le marché de Noël de Strasbourg.
Depuis le 11 septembre, aucun de nos concitoyens n'a été victime d'un attentat sur notre territoire, mais chacun de nous a en mémoire l'attentat de Karachi contre l'autobus de la marine pakistanaise transportant des employés de la DCN, qui a causé la mort de dix Français et en a blessé vingt-deux autres.
Aujourd'hui, le risque d'attentat demeure entier, si l'on s'en tient aux déclarations des membres d'Al-Qaïda et aux renseignements de tous les services secrets occidentaux.
Nous savons tous que ce combat passe par une prévention des attentats grâce au renseignement. Nous devons aussi être convaincus de l'efficacité d'une action en justice sans faille.
Quelle que soit la longueur de l'enquête, quel que soit le temps écoulé depuis leurs crimes, les terroristes doivent être certains que, une fois arrêtés, ils seront jugés et effectivement condamnés. C'est pourquoi je souhaite que puissent être rendus imprescriptibles les actes terroristes, au-delà même des trente ans de prescription actuellement en vigueur dans notre législation. Sinon, pourquoi poursuivre Pinochet plusieurs décennies après sa répression brutale ? Nous devons être cohérents dans nos réactions et dans nos sanctions.
Il est patent que tyrans et tortionnaires hésiteront avant de commettre leurs crimes s'ils sont persuadés qu'ils seront poursuivis jusqu'à la fin de leurs jours. Il en est de même des terroristes. Un haut responsable de la sécurité m'affirmait qu'une telle disposition aurait un impact réel.
Il importe aussi que notre appareil judiciaire soit d'une sévérité exemplaire, afin que notre réponse soit adaptée aux actes de ceux qui tuent aveuglément et visent à détruire nos institutions. La condamnation la plus longue est la seule réponse possible face à de tels actes de barbarie aveugle. La sanction à leur encontre doit être vraiment dissuasive. C'est pourquoi je préconise l'incompressibilité des peines prononcées à l'encontre des terroristes.
Les législateurs que nous sommes ne peuvent plus se contenter d'invoquer le droit existant et s'en tenir à ses grands principes. Ils ont le devoir de s'adapter à la menace et d'innover. Notre droit doit être à la mesure de notre combat contre le terrorisme : radical.
Monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez ignorer la menace que représentent les terroristes. Ceux-ci doivent répondre de leurs actes. Donnez un signe fort à ceux qui les poursuivent, pour qu'ils agissent sans relâche. Donnez un signe fort à ceux qui les jugeront, afin, surtout, que les victimes soient convaincues que justice leur sera rendue.
Je souhaite que notre droit prenne en compte cette menace contemporaine et fasse preuve de sa capacité d'adaptation et de réaction au terrorisme. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, mon propos portera sur les moyens.
D'abord, je tiens à répéter ce que je disais lors de la discussion générale : s'il s'agissait uniquement de voter aujourd'hui, en urgence, des moyens considérables pour la justice, nous voterions des deux mains, tant notre justice a besoin de moyens supplémentaires importants.
L'effort budgétaire que traduit le projet de loi d'orientation et de programmation que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, semble important, eu égard au programme à la fois de création d'emplois et de réalisation de nouveaux équipements, puisque 3,65 milliards d'euros sont prévus à cet effet.
Permettez-moi cependant de formuler trois observations.
D'abord, il faudra évidemment replacer cet effort dans l'ensemble des dépenses publiques de l'Etat, et l'on ne peut que redouter que les augmentations de moyens pour la justice ne se fassent au détriment d'autres budgets, pourtant ô combien nécessaires.
Ensuite, je ne voudrais pas que cette programmation ne soit qu'un effet d'affichage. M. le rapporteur pour avis le faisait observer, l'expérience a montré que si, au cours des cinq dernières années, les crédits de paiement avaient été multipliés par trois, en réalité, leur taux de consommation a constamment diminué entre 1997 et 2002. Il nous faut espérer que la programmation qui nous occupe aujourd'hui aura des suites effectives non seulement dans les lois de finances, mais aussi, ensuite, dans la consommation des crédits.
Enfin, il est bien évident que la question des moyens alloués ne peut être séparée des orientations de ce projet de loi de programmation.
Je le disais tout à l'heure, il est éclairant que l'administration pénitentiaire bénéficie de la plus grande part des engagements de crédits prévus, soit environ les trois quarts de l'effort d'équipement inscrit dans le programme. Or, monsieur le ministre, si la rénovation des établissements pénitentiaires est une nécessité, et même une urgence, bien d'autres orientations du projet de loi nous font douter de l'efficacité des moyens programmés.
M. le président. Le vote de l'article 1er est réservé jusqu'après l'examen du rapport annexé.
Sur le rapport annexé, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.
L'amendement n° 123, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Compléter le B du II du rapport annexé à l'article 1er par un paragraphe ainsi rédigé :
« 4. Prévenir la multiplication des transferts de détenus ou condamnés.
« Il est indispensable, dans un souci de sécurité publique, d'économies budgétaires et de meilleure disponibilité des services de police et de gendarmerie, de prévenir la multiplication des transfèrements de détenus ou de condamnés mis en examen pour d'autres infractions. A cet effet, la compétence de la juridiction du lieu de détention ou d'exécution de la peine pourrait être instituée, sans préjudice des circonstances particulières tenant à la nature de l'infraction, telles que les infractions en matière de terrorisme ou de trafic de stupéfiants. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement concerne le transfèrement de détenus - que l'on appelle de manière un peu folklorique, même si le terme n'est pas très juste, le « tourisme carcéral » - qui pose de très grosses difficultés, qui mobilise les forces de l'ordre et qui est dangereux. Il a d'ailleurs été l'occasion d'incidents non négligeables.
L'amendement n° 123 a pour véritable objet d'inviter le Gouvernement à retenir l'idée que des mesures doivent être prises pour simplifier la procédure d'examen de ces cas et pour éviter les déplacements par trop fréquents d'un pénitencier à l'autre, à travers la France, de condamnés qui doivent participer à des audiences de tribunaux ou rencontrer des magistrats instructeurs.
Cela étant dit, la commission des lois ne souhaitant pas que le rapport annexé soit amendé dans la mesure où il n'a pas valeur législative, je suis tout à fait disposé à retirer cet amendement. Je désirerais néanmoins, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, entendre M. le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission souhaiterait elle aussi entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, alors que nous sommes tous désireux de voir les forces de police et de gendarmerie se consacrer le plus possible à la lutte contre l'insécurité, nous avons parfois le sentiment que les transfèrements les mobilisent à l'excès. L'objectif que vous cherchez à atteindre au travers de l'amendement n° 123 est donc tout à fait légitime.
Cependant, vous savez que le code de procédure pénale prévoit d'ores et déjà que les prévenus sont écroués dans la maison d'arrêt située dans le ressort de la juridiction qui a délivré le mandat de dépôt, donc, en principe, à proximité des juges. En outre, pour les condamnés, le juge d'application des peines compétent est toujours celui dans le ressort duquel se situe l'établissement pénitentiaire.
Il n'en reste pas moins que votre souci est légitime, et je vous remercie d'avoir soulevé la question. Sachez que, avec M. Bédier et avec M. le ministre de l'intérieur, nous étudions la façon pratique de limiter le plus possible les transfèrements. Il faudra notamment accorder beaucoup d'attention à l'affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission fait siennes les observations de M. le garde des sceaux.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 123 est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Je retire non seulement l'amendement n° 123, monsieur le président, mais aussi les amendements n°s 133 et 134, déposés après l'article 28.
M. le président. L'amendement n° 123 est retiré.
L'amendement n° 1, présenté par M. Loridant, est ainsi libellé :
« Compléter, in fine , l'alinéa unique du 1 du C du II du rapport annexé à l'article 1er par une phrase ainsi rédigée :
« Le programme de construction des établissements pénitentiaires prévoira des espaces de travail de manière qu'une activité professionnelle adaptée puisse être proposée à toute personne qui en fait la demande. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le garde des sceaux, cet amendement porte, certes, sur le rapport annexé, mais il me paraît important de rappeler, dans ce projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, qu'il est absolument nécessaire de fournir la possibilité de travailler, et donc de se réinsérer, aux détenus.
Les précédents programmes de construction d'établissements pénitentiaires ont trop souvent négligé les espaces dédiés au travail des détenus. Locaux inconfortables, lieux de stockage insuffisants et mal situés, espaces inadaptés à une activité productive moderne caractérisent nombre d'établissements, même parmi les plus récents.
Dans l'élaboration du nouveau programme de construction, la fonction « travail » ne doit plus être négligée. Les implications architecturales de celle-ci doivent être étudiées avec soin. Les erreurs commises dès le stade de conception de la prison sont en partie responsables du chômage des détenus.
Alors que votre gouvernement souhaite mettre en place de nouveaux programmes, il faut, dès leur conception, tenir compte de cette exigence, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'article 720 du code de procédure pénale reconnaît au détenu un droit au travail, mais la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait déjà souligné en 2000 la difficulté de mettre en oeuvre ces dispositions en raison de la vétusté des bâtiments.
Certains établissements ne sont pas équipés d'ateliers, ce qui oblige les détenus à travailler dans leur cellule. Lorsqu'ils existent, les ateliers ne répondent souvent ni aux normes d'hygiène et de sécurité ni aux exigences de l'activité économique, de sorte qu'un peu moins d'un détenu sur deux exerce actuellement un travail.
Le rapport établi par M. Loridant au nom de la commission des finances du Sénat dans le cadre de la mission de contrôle sur le compte de commerce de la régie industrielle des établissements pénitentiaires a confirmé ce constat.
Il serait donc en effet souhaitable que le programme de construction d'établissements pénitentiaires prévoie la construction d'espaces de travail.
La commission est néanmoins partagée parce que, comme je l'ai dit à propos de l'amendement précédent, il ne lui paraît pas souhaitable d'introduire des dispositions dans un texte dénué de caractère normatif.
Sur le principe, c'est une idée intéressante, mais, comme pour d'autres propositions de M. Loridant, nous souhaiterions entendre le Gouvernement avant de nous prononcer.
Mme Nicole Borvo. J'avais cru comprendre que la commission était favorable à cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Il est vrai que, dans le principe, M. Loridant a démontré dans son rapport qu'il fallait développer les possibilités de travail dans les établissements, mais ces derniers sont très différents les uns des autres.
Je n'apprendrai pas à votre assemblée qu'on ne peut pas confier aux détenus n'importe quel travail. Nous allons réunir, dans les semaines qui viennent, une commission qui sera chargée de définir le nouveau programme. J'invite la Haute Assemblée à associer certains de ses membres au travail de cette commission pour insister sur la nécessité d'intégrer, dans le programme, des ateliers.
J'ajouterai que, pour les mineurs, nous serons, hélas ! soumis à d'autres contraintes. On ne peut en effet imaginer de les faire travailler dans n'importe quelles conditions. Il nous faut faire du cas par cas, comme vous l'avez fort justement souligné, monsieur le rapporteur.
Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement, en précisant qu'il ne suscite pas un grand enthousiasme de notre part.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est plutôt favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 2, présenté par M. Loridant, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le 2 du D du II du rapport annexé à l'article 1er :
« 2. Favoriser la réinsertion des détenus.
« Afin d'améliorer la prise en charge des personnes détenues et de préparer leur sortie dans un souci de réinsertion et de prévention de la récidive, l'administration pénitentiaire devra veiller au maintien des liens familiaux, mettre en place un dispositif de lutte contre l'indigence et élaborer un plan quinquennal portant sur 10 000 emplois supplémentaires pour les détenus. Ces emplois devront concilier travail et formation et être en mesure de préparer la sortie de prison.
« Pour normaliser les conditions de travail des détenus, une introduction mesurée du droit du travail sera recherchée. Pour mettre en valeur l'expérience des détenus, leurs acquis professionnels feront l'objet de validations. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. L'administration pénitentiaire a parmi ses fonctions, bien sûr, de garder les condamnés et les prévenus, mais aussi de favoriser leur réinsertion. Pour y parvenir, deux voies sont à privilégier : la formation professionnelle et le travail.
Or, à l'heure où la plus grande sévérité pénale conduit à une augmentation du nombre de détenus, les difficultés rencontrées pour organiser le travail pénitentiaire - dont la mission principale, je le redis, est de préparer la réinsertion sociale et professionnelle des détenus - ne laissent pas d'inquiéter.
Le rapport annexé se contente de vagues intentions alors que la réinsertion devrait constituer une exigence pour notre société. C'est en effet un facteur majeur de la prévention de la récidive.
Les deux premiers piliers de la réinsertion sont le maintien des liens familiaux et la lutte contre l'indigence. Le troisième pilier est le travail, lequel doit jouer un rôle accru dans la préparation à la réinsertion professionnelle.
Or, M. le rapporteur le disait à l'instant, seul un détenu sur deux travaille en prison. Selon les calculs qui figurent dans le rapport réalisé par la commission des finances du Sénat sur le travail en prison, il manque environ 10 000 emplois en prison. Le Gouvernement propose de créer 7 000 nouvelles places de prison. Il faudrait donc créer, sur cinq ans, environ 10 000 emplois supplémentaires.
Ces emplois ne doivent pas avoir une valeur uniquement occupationnelle. Ils doivent réellement préparer la sortie du détenu. Les conditions de travail doivent être proches de celles qui prévalent à l'extérieur, d'où ma proposition d'une introduction mesurée du droit du travail en prison. La validation des acquis professionnels, notamment, doit être recherchée.
Je propose donc d'inscrire dans le rapport annexé l'objectif de réinsertion des détenus en prévoyant la création de 10 000 emplois dans les cinq ans à venir.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement reprend une mesure que M. Loridant avait déjà proposée dans le cadre de la mission de contrôle qu'il a réalisée au nom de la commission des finances.
Le nombre de 10 000 emplois manquants a été calculé en soustrayant du nombre de détenus n'ayant pas de travail le nombre de ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas travailler. Au 1er janvier 2001, la moitié des 45 000 détenus travaillaient.
La fiabilité de ce mode de calcul peut légitimement prêter le flanc à la critique et la mesure proposée, aussi louable soit-elle, est lourde de conséquences quant à l'organisation et au financement des établissement pénitentiaires.
Il ne nous a donc pas paru possible d'émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier secrétaire d'Etat Nous émettons un avis défavorable, cette mesure nous paraissant, comme à M. le rapporteur, impossible à mettre en oeuvre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Compléter le 2 du A du III du rapport annexé à l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« La réflexion sera engagée sur la possibilité de faire du juge des enfants le juge de l'application des peines en matière de détention. En effet, l'une des difficultés actuelles est que le juge des enfants n'est pas juge de l'application des peines lorsqu'un mineur est incarcéré, cette fonction revenant au juge de l'application des peines. »
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'objectif est que le juge des enfants devienne, à terme, juge de l'application des peines pour les mineurs, en milieu fermé comme en milieu ouvert.
Cet amendement reprend une des propositions de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs et de la mission d'information de la commission des lois sur l'évolution des métiers de la justice.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. Haenel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Au début de la dernière phrase du dernier alinéa du III du rapport annexé à l'article 1er, après la somme : "423 MEUR", insérer les mots : "en dépenses ordinaires". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Cet amendement est purement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
« Après le 3 du IV du rapport annexé à l'article 1er, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« 4. Expérimentations en matière d'échevinage.
« L'échevinage permet d'associer davantage les citoyens à l'organisation des tribunaux, en faisant entendre en leur sein la voix de personnes qui ne sont pas des professionnels mais qui ont le sens du terrain, de la proximité, et qui offrent des compétences techniques particulières dans des domaines bien ciblés. Leur association à des magistrats professionnels bénéficiant des garanties d'indépendance et de compétence prévues par la Constitution et du statut de la magistrature contribuerait, par l'ouverture sur l'extérieur et la comparaison des points de vue, à instaurer davantage de démocratie et d'efficacité dans l'exercice de la justice.
« Le Gouvernement déposera, avant le 1er octobre 2003, un rapport déterminant les domaines particuliers où un échevinage pourrait intervenir.
« En outre, des expérimentations pourraient d'ores et déjà être tentées en matière de délits passibles d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus, lorsqu'elles concernent la circulation routière (infractions au code de la route) ou le droit de la presse ou de la communication audiovisuelle, lorsque le tribunal correctionnel statuant en formation collégiale est compétent. Le droit pénal de la presse a d'ailleurs connu l'institution du jury sous la IIIe République.
« Les assesseurs devraient bénéficier, en matière de recrutement, de rémunération et d'indépendance, des mêmes garanties que celles prévues par le code de l'organisation judiciaire outre-mer. »
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Cet amendement concerne l'échevinage. Il reprend une recommandation figurant dans le rapport de la mission d'information sur l'évolution des métiers de la justice, laquelle s'est montrée intéressée par ce moyen d'améliorer la prise en compte du citoyen, et donc de rapprocher celui-ci de la justice.
En effet, dans les nombreux secteurs où il est pratiqué, l'échevinage a apporté des éléments extrêmement positifs. Il a ainsi permis aux magistrats, par une ouverture sur l'extérieur, de bénéficier d'une possibilité d'information supplémentaire et de s'extraire d'un environnement qui peut parfois peser sur les décisions. Il s'agit non pas d'instaurer un échevinage dans n'importe quel domaine, mais d'essayer, par le biais d'une expérimentation de portée limitée, de progresser en ce sens, car si l'on veut rapprocher la justice du citoyen, il faut aussi rapprocher ce dernier de la justice.
Tel est l'objet de cet amendement. Toutefois, fidèle à la logique que j'ai exposée tout à l'heure, je suis prêt à le retirer si M. le ministre veut bien me donner des indications sur les intentions du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Le principe exposé nous séduit. Nous saluons l'idée, mais, dans la mesure où le Gouvernement doit déposer un rapport sur ce sujet avant le 1er octobre 2003, il conviendrait d'attendre d'en connaître les conclusions. Je suggère donc à M. Cointat de retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je comprends l'intérêt de M. Cointat pour la formule de l'échevinage. Toutefois, cet amendement porte sur un très vaste sujet, qui suppose un débat complexe. La question soulevée ne peut être traitée au début d'une discussion dont l'objet est tout à fait différent. L'échevinage est une idée certes intéressante, mais elle doit être étudiée en fonction de domaines d'application précis, et non pas d'une manière aussi générale.
C'est la raison pour laquelle je ne souhaiterais pas que cet amendement soit adopté s'il devait être maintenu, car j'ignore quelle pourrait être sa traduction concrète, puisqu'il tend seulement à affirmer un principe. Je ne suis personnellement pas hostile à celui-ci, dont l'application est d'ailleurs beaucoup plus fréquente dans d'autres pays que le nôtre, mais je n'ai pas la prétention d'être en mesure d'engager le Gouvernement et la Chancellerie dans cette voie au détour de l'examen d'un amendement.
M. le président. L'amendement n° 106 est-il maintenu, monsieur Cointat ?
M. Christian Cointat. Devant l'invitation amicalement pressante de M. le rapporteur et de M. le ministre, je me fais un plaisir de retirer l'amendement n° 106. Je vous informe, monsieur le président, que je retire également dès à présent les amendements n°s 128 et 129, après l'article 9, qui visaient des cas très concrets où l'échevinage pourrait se révéler utile. Vous pourrez très certainement, le moment venu, en tirer des éléments de réflexion, monsieur le ministre.
M. le président. L'amendement n° 106 est retiré.
L'amendement n° 83, présenté par M. Haenel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Dans le troisième alinéa du 3 du IV du rapport annexé à l'article 1er, après la somme : "262 M EUR", insérer les mots : "en dépenses ordinaires". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Cet amendement est purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 214, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après le troisième paragraphe du 3° du IV, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« Le rôle des assistants spécialisés qui travaillent au sein des pôles économiques et financiers et des pôles de santé publique fera l'objet d'une évaluation approfondie afin d'apprécier les conditions dans lesquelles il est possible d'accroître leur efficacité. »
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je soumets cet amendement au Sénat afin de répondre au souhait de M. Cointat de nous voir réfléchir à l'efficacité des pôles économiques et financiers et des pôles de santé publique, ainsi qu'à la manière dont sont associés au travail des magistrats les assistants spécialisés. Il s'agit d'une collaboration dont il convient d'évaluer l'efficacité avant de renforcer éventuellement ces pôles et d'augmenter le nombre des assistants spécialisés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 214.
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes quelque peu étonnés par la méthode qui est ici employée.
Vous aurez remarqué que notre groupe n'a déposé aucun amendement sur les annexes, qui n'ont pas de valeur normative mais qui marquent simplement des orientations à caractère général. Il ne faudrait cependant pas tomber dans l'absurde. Nous examinerons la semaine prochaine le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, et une phrase du rapport annexe me revient à l'esprit, selon laquelle les maires peuvent faire des suggestions au préfet. Cela est très bien, mais est-il nécessaire de rédiger un rapport et de le soumettre au Parlement pour découvrir que les élus peuvent, humblement, modestement, adresser des suggestions à M. le préfet ?
Cela étant, nous n'étions pas informés des souhaits de M. Cointat, qui s'exprime d'ailleurs de manière très explicite par le biais de très nombreux amendements. Nous regrettons cependant qu'il les retire aussi souvent, après que chacun a jugé qu'ils étaient excellents !
Quoi qu'il en soit, considérez la situation dans laquelle nous nous trouvons, monsieur le garde des sceaux : vous nous proposez de légiférer à partir d'un rapport annexe, dans lequel vous nous expliquez que votre ministère va procéder à une évaluation approfondie ; or vous pouvez procéder à toutes les évaluations que vous souhaitez, fussent-elles approfondies, sans qu'un texte de loi vous y autorise, afin d'apprécier les conditions dans lesquelles il est possible d'accroître l'efficacité d'un dispositif ! Je vous assure, monsieur le ministre, que vous pouvez travailler en permanence, matin, soir et nuit, afin d'apprécier les conditions dans lesquelles il vous est possible d'accroître l'efficacité des services publics dont vous avez la responsabilité. Mais pourquoi nous demander de voter une disposition allant dans ce sens ? Je vous garantis, monsieur le garde des sceaux, que vous en avez le droit, et ne vous privez pas de l'exercer, mais sans nous solliciter !
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Je fais bien entendu miens les propos que vient de tenir mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur, mais je voudrais apporter quelques précisions complémentaires.
Je crois que les assistants spécialisés représentent une expérience qui est jugée globalement plutôt positive, mais que d'emblée quelques questions se sont posées, qui restent en suspens aujourd'hui. Ils ne sont pas toujours bien utilisés ou utilisés à bon escient, et il existe des variations dans le recours à leurs services selon les juges d'instruction : certains leur font faire certaines choses, d'autres ne veulent pas les leur faire faire. En outre, il y a des incertitudes sur les limites de leurs missions au regard des compétences que la loi réserve exclusivement à l'autorité judiciaire, c'est-à-dire aux magistrats et à la police judiciaire.
Ce qui m'inquiète dans la proposition du Gouvernement, étant entendu que je ne pense pas que, sous la plume du garde des sceaux, accroître l'efficacité des assistants spécialisés signifie qu'ils n'ont pas été efficaces jusqu'à présent - ils ont été aussi efficaces qu'ils le pouvaient, compte tenu des missions qu'on leur a données et des moyens qui étaient les leurs - c'est que, en faisant figurer ces dispositions dans le rapport annexé, on donne l'impression que l'on dispose des quatre ou cinq années de la loi de programmation pour procéder à l'évaluation, alors que la question se pose d'une façon beaucoup plus urgente.
Par conséquent, si l'inclusion dans le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation devait conduire à prendre son temps pour régler ce problème alors que ces assistants spécialisés ont montré que, dans un certain nombre de cas, ils étaient vraiment indispensables pour soutenir les magistrats dans leur travail, ce serait du temps perdu. C'est pourquoi je ne voudrais pas que, si cet amendement est adopté, il soit le signe que l'on peut mettre trois, quatre ou cinq ans pour réfléchir à un problème qui, à mon avis, doit être réglé de façon beaucoup plus urgente.
M. Pierre Fauchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Je suis désolé de devoir dire que ce texte me paraît bizarre, ...
M. Paul Loridant. Vous avez dit « bizarre » ?
M. Pierre Fauchon. ... et même vexatoire.
D'une manière générale, vous pouvez bien entendu - nous en sommes d'accord - faire procéder aux évaluations qui vous paraissent souhaitables. Mais le fait de viser particulièrement dans une loi une seule catégorie de personnel et de demander qu'elle fasse l'objet d'une évalution approfondie sera perçu négativement par les intéressés : ils vont considérer qu'on les soupçonne de ne servir à rien ou de ne pas faire leur travail, et donc que l'on se méfie d'eux. Ou alors, il faudrait prévoir une telle disposition législative pour tous les autres emplois.
Je souffre donc pour ces personnels, qui, en vertu d'une disposition législative expressément prévue pour eux, devront faire l'objet d'une évaluation approfondie. Je trouve cela injuste, désagréable, vexatoire, et je ne vois pas bien quel intérêt il y a à faire figurer cela dans la loi !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il n'y a absolument rien de vexatoire dans le fait d'évaluer.
Nous sommes dans une société où il faudra bien que chacune et chacun, qu'il soit ou non fonctionnaire, accepte d'être évalué dans son travail. Par conséquent, le fait de prévoir une évaluation signifie non pas que le travail est mal fait, mais que l'on va se poser la question de savoir comment améliorer éventuellement les choses.
Ce qui s'est passé en matière de santé publique montre à l'évidence que nous devons, par exemple dans ce domaine, nous interroger sur les moyens mis à la disposition des magistrats pour assumer leurs responsabilités extrêmement difficiles dans des dossiers où la recherche scientifique évolue très vite, où les conditions d'exercice d'un certain nombre de métiers sont devenues extrêmement difficiles et à haut risque. Il est donc indispensable que nous réfléchissions à la façon de doter d'experts un certain nombre de pôles de magistrats qui ont devant eux des dossiers très délicats à examiner.
C'est dans cet esprit, et dans cet esprit seulement, c'est-à-dire dans un esprit positif, monsieur Fauchon, que je propose cet amendement à la suite d'une discussion avec un parlementaire - et cela paraît normal dans le cadre d'une discussion au Parlement ! -, en l'occurrence M. Cointat, qui s'inquiètait de ces dispositifs.
Tels sont à la fois le fond du débat - et cela me paraît un vrai débat, très important pour la réussite d'un certain nombre d'investigations judiciaires en cours - et la raison technique liée au débat parlementaire qui nous réunit ce soir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je remercie M. le garde des sceaux de ses explications, car nous nous demandions en effet d'où venaient les souhaits de M. Cointat : nous avions lu tous ses amendements et n'avions pas vu celui-là !
M. le garde des sceaux nous dit que M. Cointat et lui-même ont discuté de ce point tous les deux : voilà qui va encourager chacun à aller discuter avec M. le garde des sceaux ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Vous n'allez pas lui reprocher d'être ouvert à la discussion, tout de même !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sur la méthode, monsieur le garde des sceaux, je considère qu'il vaudrait mieux que le Gouvernement ne recommence pas à agir ainsi. Certes, vous pourriez prétendre que le Gouvernement n'a pas eu beaucoup de temps pour préparer son texte. Mais comme l'urgence a été déclarée sur ce dernier et qu'il n'y aura donc qu'une seule lecture devant le Sénat et devant l'Assemblée nationale, mieux vaudrait, si vous avez encore beaucoup d'amendements à déposer, le faire tout de suite !
Soyez gentil, donc, si vous devez déposez de nouveaux amendements, de ne pas le faire au tout dernier moment, surtout lorsque cela n'a pas une importance considérable.
En tout cas, convaincus que vous pouvez faire tout ce que vous voulez, quand vous voulez, en matière d'évaluation de qui vous voulez, comme vous l'a très bien dit Jean-Pierre Sueur, nous ne voterons pas cet amendement qui nous paraît inutile. Nous perdons du temps avec des amendements comme celui-là !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Haenel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Dans les quatre derniers alinéas du rapport annexé à cet article, remplacer (quatre fois) les mots : "de fonctionnement" par les mots : "ordinaires". »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. C'est un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er et du rapport annexé, modifié.

(L'article 1er et le rapport annexé sont adoptés.)

Article 2