SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
L'amendement n° 116, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau,
Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM.
Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cette division et son intitulé. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 117.
Comme nous l'avons dit lors de l'examen des dispositions antérieures,
l'instauration d'une compétence du juge de proximité pour connaître des
infractions commises par les mineurs met à mal le principe fondamental de la
spécialisation de la justice des mineurs ; de surcroît, elle est en
contradiction avec la Convention internationale des droits de l'enfant.
Certes, on pourrait me rétorquer que, à l'heure actuelle, certaines
infractions sont jugées par les tribunaux de police. Mais, si j'en crois ce qui
nous a été dit, ou pas dit, hier, car le débat que nous avons eu sur les juges
de proximité est resté très flou, les juges de proximité n'auront ni la
possibilité ni l'obligation de prescrire aux travailleurs sociaux des
investigations sur la personnalité des jeunes concernés. Or on ne peut pas
juger un enfant ou un adolescent si on n'a pas une connaissance sérieuse et
récente de sa personnalité. Tous les spécialistes le disent, cette connaissance
est indispensable. N'oublions pas que la personnalité des jeunes évolue
beaucoup. Lorsque je parle des travailleurs sociaux, cela concerne les jeunes
et les parents.
Nos amendements visent donc à supprimer la section 5 et son intitulé ainsi que
l'article 18.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 116 ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Puisqu'il s'agit d'un amendement de suppression, la
commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis
défavorable.
Cela étant dit, je voudrais essayer de vous rassurer, madame Borvo. Je l'ai
déjà dit dans mon propos introductif, mais je le répète pour que cela soit bien
clair : les compétences qui sont ainsi données aux juges de proximité
appartenaient au tribunal de simple police. En effet, votre argumentation
consistait à dire que nous retirons des compétences à la justice spécialisée
pour les octroyer aux juges de proximité. Il n'en est rien : le tribunal de
police n'est pas le tribunal pour enfants.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 116.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. le garde des sceaux a bien sûr, raison. Le tribunal de police peut déjà
juger les contraventions des quatre premières classes pour les mineurs. Mais il
n'est pas interdit non plus, monsieur le garde des sceaux, à l'occasion d'un
texte sur la justice, de réparer ce qui peut, en effet, s'être avéré une
erreur, surtout dans les conditions actuelles, que vous nous rappelez et que
nous connaissons. Lorsqu'un mineur commet une infraction qui ne semble pas très
grave, le juge des enfants peut en effet, et c'est une bonne disposition, être
saisi afin que soient prises les mesures éducatives ou préventives qui se
révéleraient nécessaires.
(M. le garde des sceaux s'entretient avec M. le
rapporteur.)
Je constate que je ne parviendrai pas à convaincre M. le garde
des sceaux. Certes, il a beaucoup à faire, mais j'aimerais qu'il m'entende !
Qui vole un oeuf vole un boeuf... Aussi, lorsqu'un jeune commet une
contravention, il serait bon d'appeler immédiatement l'attention du juge des
enfants, au lieu que ce jeune soit jugé à la va-vite, de surcroît par un
magistrat qui n'en est pas un. En effet, dans cette hypothèse, ne se pose
aucune question de droit importante qui permettrait le renvoi devant le
tribunal d'instance. Il faut saisir cette occasion pour préciser que,
s'agissant des contraventions des première, deuxième, troisième et quatrième
classes, c'est le juge des enfants qui doit être saisi.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur le fait que les juges de proximité
ne sont pas des membres de la magistrature. En cet instant, nous attendons
toujours le projet de loi organique qui organisera leur statut. Je suis curieux
de voir comment un juge à temps partiel sera transformé en un membre du corps
judiciaire, au sens où la Constitution l'entend.
En ce qui concerne les mineurs, indépendamment de la considération
constitutionnelle que je viens d'évoquer, il y a des principes. Rappelez-vous
que toute la justice des mineurs repose sur la spécialisation du juge des
enfants et sur la spécialisation des magistrats du parquet. Y aura-t-il,
s'agissant des mineurs, des juges de proximité spécialisés ? Dans ce cas,
compte tenu de toutes les précautions que l'on nous a annoncées, comment
procéderez-vous pour assurer leur formation ? En effet, lorsque le tribunal de
police est amené à juger un mineur pour une contravention, la procédure prévoit
soit une admonestation, soit l'adoption de mesures de surveillance, soit la
transmission au juge des enfants, etc. Ces dispositions ne se comprennent et ne
prennent leur effet que dans la mesure où les magistrats ont toute compétence
dans ce domaine. Il existe des dispositions internationales, qui, je le
rappelle, ont été approuvées par la France.
Les contraventions sont des sanctions pénales. Même si elles obéissent à une
procédure différente et si elles ne peuvent pas, et c'est heureux, aboutir à
une condamnation, à une peine d'emprisonnement, ce sont des sanctions pénales.
On ne peut pas donner un tel pouvoir à un juge de proximité qui n'est pas un
magistrat. On ne le peut pas !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 116.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, ce matin, nous avons examiné quarante et un amendements.
Il en reste cent dix-neuf en discussion.
M. Robert Bret.
Et nous avons pourtant perdu une heure !
M. le président.
Une heure et demie, très exactement !
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.