SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
L'amendement n° 76, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un article
40-1 ainsi rédigé :
«
Art. 40-1.
- Lorsque la victime souhaite se constituer partie civile
et demande la désignation d'un avocat après avoir été informée de ce droit en
application du 3° des articles 53-1 et 75, le procureur de la République, avisé
par l'officier ou l'agent de police judiciaire, s'il décide de mettre l'action
publique en mouvement, en informe sans délai le bâtonnier de l'ordre des
avocats.
« Dans le cas contraire, il indique à la victime, en l'avisant du classement
de sa plainte, qu'elle peut directement adresser sa demande de désignation
auprès du bâtonnier si elle maintient son intention d'obtenir la réparation de
son préjudice. »
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
L'article 39 prévoit la notification de ce droit à la victime
par les officiers de police judiciaire sans pour autant que les conditions
d'application de ce dispositif figurent expressément dans le code de procédure
pénale. Il est donc apparu de meilleure méthode législative de consacrer
clairement cette faculté nouvelle ouverte aux victimes - bénéficier, à leur
demande, de la désignation d'un avocat d'office - plutôt que de prendre acte de
son existence par allusion.
Il est donc proposé d'insérer un nouvel article 40-1 dans le code de procédure
tendant à fixer les conditions de fonctionnement de ce mécanisme.
Le dispositif qui vous est soumis préciserait que la victime, après avoir été
informée de son droit de se voir désigner un avocat par le bâtonnier, ne
pourrait exercer celui-ci que si elle souhaite se constituer partie civile, par
cohérence avec la précision apportée à l'article 39.
Deux hypothèses doivent être distinguées. Si le procureur de la République
décide d'engager des poursuites, c'est à lui de demander sans délai cette
désignation au bâtonnier, ce qui permettra notamment à la victime d'être
immédiatement assistée par un avocat de permanence en cas de poursuites par
comparution immédiate. S'il décide de ne pas engager des poursuites, c'est
logiquement à la victime, à laquelle le parquet aura préalablement rappelé ses
droits, de demander directement cette désignation du bâtonnier, par citation
directe ou plainte avec constitution de partie civile. En pratique, l'avis de
classement du parquet comportera le formulaire de demande de désignation
d'avocat que la victime n'aura qu'à adresser au bâtonnier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 76.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 39.
L'amendement n° 201, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Après l'article 39, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. Dans le premier alinéa de l'article 706-14 du code de procédure pénale,
les mots : "au plafond" sont remplacés par les mots : "à trois fois le
plafond".
« II. Dans le deuxième aliéna de l'article 706-14 du même code, les mots : "au
triple du" sont remplacés par les mots : "à neuf fois le". »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier.
Il s'agit d'une demande de bon sens compte tenu du niveau actuel des plafonds
de ressources pour l'obtention par les victimes d'infractions d'une
indemnité.
J'ajoute qu'il serait souhaitable que le ministère public se charge du
recouvrement, car la victime est souvent en peine de le faire compte tenu du
fait que le recouvrement par voie ordinaire lui est souvent étranger.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
C'est un amendement qui est favorable aux victimes et qui
mérite, par là-même, d'être approuvé dans son principe. Cependant, compte tenu
des brefs délais d'examen de cette disposition, la commission n'a pas eu le
temps d'en expertiser les implications pratiques et financières. Elle souhaite
donc entendre le Gouvernement et elle s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement dans
la mesure où, comme l'a très bien indiqué M. le rapporteur, l'étude d'impact
financier n'a pu être réalisée en raison des brefs délais d'examen de cette
disposition. J'ai cependant l'intuition que le coût de cette mesure est très
important et ne serait pas sans conséquences sur les primes d'assurances.
On ne peut s'engager dans une affaire de ce type sans un examen précis des
conséquences et sans consultation des professionnels. C'est la raison pour
laquelle je souhaite le rejet de cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 201.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si vous n'aviez accepté que des amendements pour lesquels une étude d'impact
aurait été réalisée, vous n'en auriez pas adopté beaucoup ! Il est très facile
de prendre des mesures d'aide aux victimes quand elles ne coûtent rien. C'est
plus difficile quand elles ont un coût. Pourtant, ce que les victimes
préfèrent, c'est être indemnisées.
Or, aujourd'hui, grâce à la commission d'indemnisation des victimes
d'infraction, la CIVI, avant même les poursuites et la condamnation, on peut
obtenir la réparation intégrale du préjudice en cas d'incapacité de travail, de
viol, etc. Il faut tout de même le savoir ! Auparavant, il était prévu que les
services d'enquête devaient prévenir les victimes qu'elles pouvaient
éventuellement saisir la CIVI, mais cela ne figurait pas dans la loi.
Maintenant, ce sera précisé et c'est tant mieux !
Je rappelle que c'est Robert Badinter qui a créé cette disposition en 1983 et,
à l'époque, son coût était également élevé. Il s'agissait d'une mesure très
importante.
En ce qui concerne les autres délits, ceux qui sont très ennuyeux, ils ont été
créés en 1990. La loi de 1990, modifiée par la loi du 15 juin 2000, dispose, en
effet, dans son article 706-14 : « Toute personne qui, victime d'un vol, d'une
escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une
destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui
appartenant, ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une
indemnisation effective et suffisante de son préjudice, et se trouve de ce fait
dans une situation matérielle ou psychologique grave, peut obtenir une
indemnité dans les conditions fixées par les articles 706-3... ».
C'est nouveau, mais il faut savoir que, d'ores et déjà, pour des dégradations
- par exemple pour une voiture brûlée -, il est possible de saisir la CIVI,
mais seulement à certaines conditions. A l'époque, en 1990, ces conditions
étaient sans doute modestes, d'une part parce que c'était le début, d'autre
part parce que cela coûtait cher.
M. Roger Karoutchi.
Là aussi, c'est cher !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Par ailleurs, des plafonds de ressources sont fixés et on ne peut demander
réparation que lorsque les ressources sont inférieures au plafond prévu par
l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour
bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle. Cela ne va pas très loin :
c'est de l'ordre de 3 000 ou 4 000 francs.
En outre, l'indemnité maximale est égale au triple du montant mensuel du
plafond de ressources, c'est-à-dire environ 12 000 francs. Ce n'est pas
beaucoup !
(Exclamations sur les travées du R.P.R.).
Si vous voulez vraiment aider les victimes dans un texte où vous prévoyez des
crédits importants sur cinq ans, ne pouvez-vous pas envisager d'augmenter les
plafonds de ressources ? Nous vous proposons de les multiplier par trois. Nous
aurions pu vous suggérer, monsieur le garde des sceaux, la réparation
intégrale. A l'évidence, ce serait l'idéal ! Je vous précise qu'il n'est pas
question, en la matière, des compagnies d'assurance. Un fonds a été créé...
Un sénateur du RPR.
Il est alimenté par les caisses !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Certes, mais il n'est pas interdit d'envisager que le parquet soit chargé de
récupérer les sommes ainsi allouées. C'est extrêmement important. Il
conviendrait donc d'insérer cet amendement dans le présent projet de loi, de
façon que, la semaine prochaine, l'Assemblée nationale, éclairée par les études
d'impact que M. le garde des sceaux aura ordonnées, puisse déterminer ce qu'il
est possible de faire. Il s'agit là d'une mesure tangible, d'une véritable aide
aux victimes.
Les dispositions que nous avons prises, même si, à l'époque, elles avaient
également un coût élevé, nous paraîssent souhaitables, car leur coût est
moindre que le recours à une association.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 201.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 40