SEANCE DU 29 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 1er. - Pour l'imposition des revenus de l'année 2001, le montant de
l'impôt résultant de l'application des dispositions des 1 à 4 du I de l'article
197 du code général des impôts est réduit de 5 %. »
Sur l'article, la parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai également
l'amendement n° 15 présenté par le groupe communiste républicain et citoyen.
L'article 1er de ce collectif budgétaire comporte la première mesure
financière du nouveau Gouvernement : la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu
acquitté en 2002. Injuste socialement, inefficace sur le plan économique, elle
annonce des orientations budgétaires régressives pour 2003, privilégiant
l'intérêt des classes les plus aisées et renforçant l'austérité des dépenses
publiques et sociales.
Le geste en faveur des plus gros contribuables est flagrant. Un journal
populaire d'Ile-de-France pose la question suivante : « Les petits salaires ne
risquent-ils pas d'être les perdants de la rentrée ? » Cette question est
d'autant plus légitime que ce sont eux, en effet, qui subissent de plein fouet
la hausse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, les hausses
importantes des tarifs publics, sans oublier, messieurs les ministres, votre
refus d'accorder, le 1er juillet dernier, un coup de pouce supplémentaire au
SMIC.
D'effets positifs sur le pouvoir d'achat, la consommation et la croissance,
quoi que vous en disiez, messieurs les ministres, votre mesure n'en entraînera
guère. Car ceux qui vont bénéficier de vos largesses fiscales sont précisément
ceux qui ont la moindre propension à consommer : au mieux un tiers du bénéfice
de la baisse d'impôt serait consommé, avec un effet négligeable sur l'activité.
Vous-même n'évaluez la croissance induite par votre baisse d'impôt qu'à 0,1 %
pour 16 milliards de francs. Quel rendement ! Le reste ira encore stérilement
alimenter les portefeuilles de placements.
Injuste, inefficace, la baisse de l'impôt sur le revenu ne constitue pas
davantage un encouragement au travail et à l'initiative, comme vous le
prétendez. Ceux qui profiteront le plus de cette mesure sont les contribuables,
pour lesquels les salaires comptent le moins par rapport aux revenus financiers
et patrimoniaux.
Dans les revenus des 1 % de ménages les plus aisés, qui vont profiter de 33 %
du bénéfice de la baisse d'impôt, les salaires rentrent seulement pour 43 %,
contre 64 % en moyenne.
Si vous aviez vraiment voulu faire un geste fiscal efficace pour soutenir la
croissance, rien ne vous empêchait de réduire l'imposition indirecte si injuste
pesant sur la consommation, par exemple la TVA.
Votre choix de baisser l'impôt sur le revenu traduit, en fait, un tout autre
objectif. C'est ce que révèle la contradiction flagrante entre votre mesure et
l'objectif que j'ai envie de qualifier d'« obsessionnel », que vous continuez
d'afficher, de baisse du déficit. Vous n'avez pas de paroles assez dures pour
fustiger vos prédécesseurs sur ce point. Pourtant, votre mesure va creuser le
déficit.
Vous prétendez vous être appuyés sur l'audit de la situation des finances
publiques pour préparer ce collectif budgétaire. Pourtant, on peut y lire : «
La contrepartie de cette politique de baisse des prélèvements obligatoires est
de nous faire débuter la phase nouvelle qui s'ouvre avec un déficit plus lourd
qu'on aurait pu l'escompter. » Et le coût total des baisses d'impôt de la
précédente législature, qu'à titre personnel je n'ai jamais approuvées, y est
estimé à 2,4 % du PIB. Le seul coût de la baisse de l'impôt sur le revenu en
2001 est estimé à 4,6 milliards d'euros par la Cour des comptes.
En ce qui concerne les allégements de cotisations sociales patronales, autre «
clé de voûte » de votre stratégie selon le Premier ministre, qui coûtent déjà
la somme colossale de 18 milliards d'euros à la sécurité sociale, je veux
également insister ici sur ce que les auteurs de l'audit m'ont répondu en
commission : « Aucun économiste n'est en mesure de donner de chiffres précis
sur leurs conséquences sur l'emploi ».
La vérité, c'est qu'avec ces réductions d'impôts et de charges vous continuez
à saper délibérément les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale pour
livrer davantage notre pays à l'emprise des marchés financiers.
Les 2,55 milliards d'euros que va coûter la baisse de l'impôt sur le revenu
serviront, au nom de la résorption du déficit budgétaire, à justifier de
nouvelles coupes dans les dépenses publiques et sociales, ainsi que de
nouvelles privatisations.
La lettre de cadrage de M. le Premier ministre ne projette qu'une progression
de 0,2 % des dépenses publiques pour 2003. Elle s'accompagne d'une attaque sans
précédent contre l'emploi public : un quart des départs à la retraite ne
devrait pas être remplacé, selon M. le rapporteur général.
Mais qui n'allez-vous pas remplacer ? Quel service public allez-vous sacrifier
? La vérité, c'est que le pouvoir d'achat des fonctionnaires a baissé de 10 %
depuis 1983 et que le coût de la fonction publique est passé de 11 % à 8 % du
PIB. Depuis lors, la dégradation de l'offre et de la qualité du service public
est quasi générale. La situation de sous-effectif est alarmante dans bien des
secteurs, et elle est aggravée du fait d'une application des 35 heures en
général sans création de postes. Allez-vous supprimer des postes d'enseignants,
d'infirmiers ou de contrôleurs des impôts, alors que ces derniers, avec leurs
syndicats, se plaignent déjà de ne plus pouvoir assurer correctement la
répression de la fraude ?
A propos de cette attractivité économique de la France dont vous parliez ce
matin, je vous rappelle que nous la devons grandement, selon les mêmes rapports
que vous citiez, à nos infrastructures et à la qualité de nos services publics,
précisément ce que le
dumping
fiscal que vous préconisez menace.
Les citoyens les plus modestes seront pénalisés deux fois par votre politique
budgétaire : non concernés par les baisses d'impôts, ce sont eux qui subiront
le plus fortement l'austérité des dépenses publiques d'éducation, de santé et
de transport.
Quant au discours dogmatique que vous continuez à nous asséner sur
l'efficacité de la gestion privée comparée à la logique de service public, il
se heurte au scandale de Vivendi Universal. Et que dire encore de la dette
pharaonique de France Télécom, qui atteint 60 milliards d'euros ? Les usagers
nationaux financent à fonds perdus une politique désastreuse d'investissements
internationaux.
Je vous invite à réfléchir sur quelques chiffres : l'argent englouti dans le
rachat de NTL, en juillet 1999, pour 7,9 milliards d'euros, puis de MobilCom,
en mars 2000, pour 3,7 milliards d'euros équivaut au financement de la
couverture totale du territoire en fibre optique que l'ART, l'Autorité de
régulation des télécommunications, propose dans son dernier rapport de faire
financer par les collectivités locales.
Je vous pose la question, messieurs les ministres : appuyez-vous toujours la
poursuite de la stratégie de la direction de France Télécom ? Le Premier
ministre, en refusant d'agréer la hausse des tarifs d'EDF, a manifesté un signe
de lucidité, même s'il a des arrière-pensées concernant la privatisation
éventuelle de l'opérateur public.
(M. Gaillard s'esclaffe.)
La colère
sociale, juste et légitime, gronde. Vous l'aurez compris, messieurs les
ministres, elle a notre soutien. C'est la raison pour laquelle nous sommes
totalement opposés à l'article 1er dont nous demandons, par l'amendement n° 15,
la suppression.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
M. le ministre des finances nous a présenté un projet de baisse de 5 % de
l'impôt sur le revenu dès l'année 2002 qui devait être l'amorce d'une baisse
globale de 33 % d'ici à 2007. Depuis, il est vrai, la promesse s'est un peu
atténuée.
(Sourires.)
Parallèlement, le Gouvernement prévoit de donner
des moyens nouveaux à la police, à la justice, aux hôpitaux, notamment.
Dans le même temps, le Président de la République s'est engagé, au sommet de
Barcelone, les 15 et 16 mars, aux côtés de Lionel Jospin, puis au Conseil de
Séville, le 22 juin, à réduire à zéro nos déficits d'ici à 2004.
Soyons clairs, tout cela ne nous paraît pas très sérieux. Ces orientations ne
nous semblent ni justes, ni réalistes, ni efficaces. A entendre M. Mer tout à
l'heure, il s'agirait de « psy-cho-lo-gie », mes chers collègues. Autrement
dit, les finances de la France sont aujourd'hui gérées par la psychologie.
Monsieur le ministre, vous avez employé l'expression à quatre reprises. Non,
c'est un défi au bon sens, j'allais dire au bon sens des banlieues.
M. Michel Caldaguès.
Quelle absurdité !
M. Paul Loridant.
La croissance est ralentie, le déficit budgétaire s'aggrave, comme le
constatent les auteurs de l'audit que vous avez commandé, et vous baissez les
impôts ? Mes chers collègues, quel est celui d'entre nous - maire, président de
conseil général ou conseiller régional - qui prétendrait baisser les impôts
devant l'aggravation du déficit de sa collectivité ? Pensez-vous qu'une telle
mesure serait acceptée par le conseil municipal ou le conseil général ? Et
croyez-vous que le contrôle de légalité laisserait passer une telle décision ?
Mes chers collègues, le contrôle de légalité du pouvoir exécutif aujourd'hui,
c'est le Sénat. Et vous ne dites rien !
M. Yann Gaillard.
On ne gère pas l'Etat comme une commune !
M. Paul Loridant.
Voilà la vérité. C'est un défi au bon sens. Pour aggraver le cas, le ministre
des finances nous explique que, en 2003, tout ira mieux parce que la croissance
sera de retour. Mais, monsieur le ministre, que n'attendez-vous l'année 2003
pour baisser les impôts ! Les Français sont réalistes et de bon sens : ils
attendront 2003 !
De surcroît, ces orientations nous paraissent fondamentalement injustes. Il
est évident, en effet, que cette baisse d'impôt favorisera les contribuables
les plus aisés dans la mesure où elle est proportionnelle et non pas
progressive. Alors que les salariés sont de plus en plus soumis à la
flexibilité dans leur entreprise, les dirigeants voient, au contraire, leurs
rémunérations progresser de manière exponentielle à coup de
stocks-options
et de mesures spécifiques. Les grands dirigeants sont dans une situation,
certes, difficile, puisqu'ils sont révocables du jour au lendemain, mais ceux
qui souffrent le plus sont bien les salariés, victimes de stratégies de
fusion-acquisition-restructuration. Dans l'affaire Vivendi Universal, on a pu
pleurer sur le sort de M. Messier, mais il faut plutôt s'inquiéter de la
situation des salariés du groupe...
Dans un tel contexte, les premiers actes du Gouvernement sont éloquents. C'est
précisément ce moment qu'il a choisi pour refuser de donner un coup de pouce au
SMIC et pour diminuer l'imposition des plus aisés.
Cette politique est abusive, mais ne veut pas apparaître comme telle : je vous
rappelle que le Président de la République, le 14 juillet dernier, a cherché à
nous persuader qu'il s'agit non pas d'un choix idéologique - il est bien connu
qu'on ne fait jamais d'idéologie dans la partie droite de l'hémicycle - mais
d'une mesure de survie.
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas de l'idéologie, c'est de la psychologie !
M. Paul Loridant.
Le Premier ministre et le Gouvernement pensent-ils que c'est vraiment de cette
manière qu'ils vont renouer le dialogue avec la « France d'en bas » ?
Non seulement ces orientatons sont injustes mais elles sont également
irréalistes.
L'audit des finances publiques a montré que le déficit de l'Etat atteindra
entre 41,9 et 44,6 milliards d'euros en 2002. La croissance sera
vraisemblablement de 1,4 % en 2002. Les conjoncturistes prévoient au mieux une
croissance de 2,7 %, en moyenne, pour 2003, contrairemeznt au Gouvernement qui,
jusqu'à présent, avançait plutôt le taux de 3 %. Au demeurant, le rapporteur
général de la commission des finances se montre plus prudent en annonçant 2,7 %
ou 2,8 % de croissance.
Or, d'après les économistes, le taux de croissance nécessaire pour stabiliser
le déficit public est de l'ordre de 2,4 %. On voit que, dans ces conditions, il
est impossible de ramener le déficit public à zéro d'ici à 2004. En effet, le
manque à gagner engendré par cette réforme ficale sera de 2,57 milliards
d'euros, à ajouter au 1,9 milliard d'euros de la baisse d'impôt décidée par le
précédent gouvernement. Soit dit en passant, même si la méthode est différente,
il y avait un point commun entre la majorité actuelle et le gouvernement
socialiste précédent : ils avaient, les uns et les autres, inscrit dans leurs
orientations la diminution des impôts.
Dès lors, on ne voit pas très bien par quel coup de baguette magique le
Gouvernement parviendra à annuler le déficit public.
Ces orientations ne me paraissent pas efficaces. Il y a fort à parier que la
politique menée par le Gouvernement ne conduira pas à une amélioration des
finances publiques dans les années qui viennent. Je pense au contraire qu'elle
va accroître le fossé entre ce que M. Raffarin appelle la France d'en haut et
la France d'en bas.
La France avait vraiment besoin d'une autre politique, plus juste et plus
sociale.
M. Hilaire Flandre.
Les Français n'en ont pas voulu !
M. Paul Loridant.
Messieurs les ministres, si j'avais été à votre place trente secondes, je
n'aurais pas fait de psychologie. J'aurais pris un seul engagement, celui de ne
pas augmenter les impôts sur l'ensemble de la législature à venir afin
d'assurer, avec une telle politique, le redressement de la France.
M. Hilaire Flandre.
Vous aurez une marge de manoeuvre quand vous reviendrez au pouvoir !
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Les deux premiers sont présentés par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 15 est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 1er. »
L'amendement n° 16 est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 1er :
« I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :
«
Art. 278
- Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à
18,60 %. »
« II. - Les dispositions du I ci-dessus sont applicables à partir du 1er août
2002. »
L'amendement n° 6, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent,
Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe
socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 1er :
« A. - Dans le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, les taux :
"7,5 %" ; "21 %" ; "31 %" ; "41 %" ; "46,75 %" et "52,75 %" sont respectivement
remplacés par les taux : "6,75 %" ; "18,9 %" ; "28,85 %" ; "38,15 %" ; "46,05
%" et "51,95 %".
« B. - Le 1 du I du même article est complété
in fine
par un alinéa
ainsi rédigé :
« Le montant de la réduction de l'impôt ainsi calculé résultant de la révision
des taux du barême par la loi n° du de finances rectificative pour 2002
ne peut être inférieur à 50 EUR, dans la limite du montant de l'impôt calculé,
ni supérieur à 1 500 EUR. »
« C. - Les éventuelles pertes de recettes résultant du A et du B sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit
de consommation sur les tabacs visé à l'article 575 A du code général des
impôts. »
L'amendement n° 15 a été défendu.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n°
16.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Nous proposons de substituer à la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 % celle
du taux normal de la TVA, qui passerait de 19,6 % à 18,6 % à compter du 1er
août prochain
Contrairement à la baisse de l'impôt sur le revenu, celle de la TVA est juste
socialement et soutient réellement la consommation populaire, moteur d'une
croissance saine et créatrice d'emplois.
La TVA est en effet - chacun le sait ici -, comme tous les prélèvements
indirects sur la consommation, un impôt perfide, profondément injuste,
dégressif dans les faits et qui pénalise les ménages les plus modestes. Je me
permets de vous renvoyer aux résultats de l'enquête de l'INSEE sur le « budget
des familles », citée dans le rapport du Conseil des impôts de 1999 sur la TVA
: celle-ci représente près de 13 % des revenus d'un ménage gagnant 9 000 EUR
par an et moins de 7 % de ceux d'un ménage dont les ressources atteignent 70
000 EUR.
Une baisse du taux de la TVA profiterait donc en priorité à ceux qui en ont le
plus besoin, à ceux qui vivent essentiellement des revenus du travail ou de
substitution, salaires, retraites, allocations familiales, allocation adulte
handicapé. Ce sont ces catégories qui ont la plus forte propension à
consommer.
Il est certain que les ménages modestes, qui sont largement exclus du bénéfice
de la baisse de l'impôt sur le revenu, n'utiliseraient pas les bénéfices qu'ils
tireraient d'une baisse de TVA pour spéculer.
Songeons, puisque nous sommes au mois de juillet, que quatre Français sur dix
ne seront pas partis en vacances cette année ce sera également le cas de 60 %
des ménages percevant moins de 1 000 EUR par mois et d'un tiers des enfants.
C'est donc pour favoriser la justice sociale et fiscale et pour soutenir la
consommation populaire que nous proposons, comme nous l'avons fait ici à
maintes reprises, de baisser le taux normal de la TVA et, dans un premier
temps, de revenir à celui de 18,6 %.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que c'est la majorité de 1995 qui avait
relevé, à l'époque « à titre temporaire », le taux de la TVA de 18,6 % à 20,6 %
avec comme objectif affiché de diminuer le déficit budgétaire et,
accessoirement, de financer des mesures prétendument destinées à soutenir
l'emploi et à préserver la protection sociale. Vous devriez tenir compte de
cette expérience !
Le gouvernement sortant a depuis fait repasser ce taux à 19,6 %, mesure allant
dans le bon sens, mais dont nous avons à chaque débat budgétaire souligné
l'insuffisance, notamment au regard des engagements qui avaient été pris en
1997.
Aujourd'hui, la nouvelle majorité affiche toujours, comme en 1995, l'objectif
de réduire le déficit budgétaire et n'a de cesse de fustiger les dérapages
antérieurs en la matière. Pourtant, avec la baisse de 5 % de l'impôt sur le
revenu, d'autres orateurs l'ont mentionné, la majorité s'apprête à creuser
encore ce déficit de 2,55 milliards d'euros.
La baisse de un point du taux normal de la TVA à partir du 1er août que nous
proposons dans cet amendement coûterait moins cher au budget de l'Etat - 1,9
milliard d'euros - et serait beaucoup plus efficace pour soutenir l'économie.
Alors, pourquoi ne pas opter aujourd'hui, messieurs les ministes, pour cette
mesure, qui correspond mieux aux objectifs que vous affichez ?
Cela irait dans le sens d'une harmonisation fiscale européenne, puisque le
taux normal de la TVA dans notre pays est notoirement supérieur à celui de nos
principaux partenaires - 16 % en Allemagne, 17,5 % au Royaume-Uni - et
largement au-dessus du taux plancher de 15 %.
En revanche, l'impôt sur le revenu que vous proposez de baisser est celui qui
pèse le moins dans les recettes fiscales françaises par rapport à ces mêmes
partenaires : 8 % contre 9,6 % en Allemagne et même 10,5 % en Grande-Bretagne,
où seraient pourtant tentés de s'expatrier, selon vous, les contribuables
français.
M. Hilaire Flandre.
Eh oui !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais j'ai compris, et depuis longtemps, combien les critères européens,
d'ailleurs de concert avec Bruxelles, sont toujours utilisés dans un sens
unique, à savoir la justification d'orientations ultralibérales.
Nonobstant cette dernière remarque, je vous demande, mes chers collègues,
d'adopter notre amendement comme un signe fort pour redonner de l'énergie à la
« France d'en bas ».
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Marc Massion, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Marc Massion.
Cet amendement vise à rendre plus juste la baisse de l'impôt sur le revenu ici
proposée.
Comme cela a été rappelé au cours de la discussion générale, le groupe
socialiste n'est pas opposé aux baisses d'impôts, y compris en matière d'impôt
sur le revenu. Il en a déjà voté dans le passé et il est prêt à poursuivre dans
la même voie, comme cet amendement le prouve, mais à condition d'aller dans le
sens d'une meilleure justice fiscale. Car il y a baisse d'impôt et baisse
d'impôt !
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
M. Marc Massion.
La vôtre, messieurs les ministres, n'est pas satisfaisante, elle est en
particulier socialement injuste, comme l'ont déjà dit mes amis.
Une formule m'a frappé, qui est revenue dans les propos des ministres puis de
M. le rapporteur général dans la discussion générale : cette disposition serait
prise pour encourager ceux qui travaillent. Il y a des Françaises et des
Français qui, heureusement, travaillent et qui ne sont pas imposables sur le
revenu.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ceux qui travaillent et qui font travailler !
M. Marc Massion.
Que faites-vous pour eux qui seront déjà frappés par l'augmentation d'un
certain nombre de tarifs ?
M. Christian de La Malène.
Ils ne paient pas d'impôts !
M. Marc Massion.
Cette sélection que vous opérez entre les salariés me paraît choquante même
si, nous dit-on, elle est « psychologique ».
M. Roland Courteau.
Très bien !
M. Marc Massion.
Pour en revenir à l'article 1er, dont nous débattons, nous proposons par notre
amendement de diminuer de 10 % le taux des deux premières tranches du barème de
l'impôt sur le revenu, de 7 % les deux suivantes, et, enfin, de 1,5 % les deux
dernières. L'économie d'impôt ainsi procurée serait au moins de 50 euros et au
plus de 1 500 euros. Cette mesure est simple ; elle est évidemment plus juste
que celle que propose le Gouvernement.
Il conviendrait aussi que le Gouvernement engage dans les plus brefs délais
une réflexion sur la prime pour l'emploi, afin que celle-ci soit plus favorable
au travail à temps partiel tout en continuant à rendre plus attractif le
travail à temps plein. Une telle démarche serait le prélude à l'augmentation,
qui nous paraît indispensable, de la prime pour l'emploi en 2003, augmentation
qui comme l'année passée, devrait intervenir dès le mois de janvier.
Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que votre « rabais sur facture »
de 5 % - passez-moi l'expression, mais c'est la vôtre : c'est ainsi que vous
avez vous-même qualifié votre mesure fiscale - ne modifierait pas la
progressivité de l'impôt sur le revenu.
C'est probablement exact, mais il est certain qu'il atténuera la progressivité
de l'ensemble de notre système de prélèvements obligatoires, en effet, monsieur
le ministre, diminuer le poids du seul impôt progressif diminue automatiquement
la progressivité de l'ensemble !
Dans notre pays, certains prélèvements sont dégressifs,...
M. Hilaire Flandre.
C'est ainsi que l'on décourage !
M. Marc Massion.
... par exemple la taxe d'habitation, d'autres sont proportionnels, comme la
contribution sociale généralisée, la CSG, ou la TVA ; un seul est progressif :
l'impôt sur le revenu. Il nous semble sage que chacun conserve le même poids,
afin que l'équilibre d'ensemble ne soit pas modifié.
En outre, diminuer le seul impôt progressif est la plus mauvaise des
décisions, tant celui-ci est déjà faible en France, comme l'a souligné le
rapport général de M. Gilles Carrez à l'Assemblée nationale : il représente,
avec la CSG, 8,1 % du PIB, contre 10,9 % en moyenne dans l'Union européenne.
Aussi, pour vous éviter une telle conséquence, qui devrait vous être
insupportable, nous vous proposons, monsieur le ministre, mes chers collègues,
de renforcer la progressivité de l'impôt sur le revenu.
Avec l'adoption de l'amendement n° 6, tout le monde gagnera à la baisse de
l'impôt sur le revenu - mais les plus modestes, il est vrai, plus que les plus
aisés. Certes, le gain sera moins progressif par rapport au revenu que celui
que produirait votre « rabais sur facture ».
En renforçant la progressivité de l'impôt sur le revenu tout en réduisant son
importance, nous maintenons inchangée la progressivité de l'ensemble des impôts
français. Le contrat social, en partie fondé sur cette progressivité, est ainsi
sauvegardé.
En outre, la mesure sera bénéfique pour l'économie, car l'augmentation du
pouvoir d'achat ainsi obtenu sera consommée, alors que si nous suivons votre
proposition, elle sera plutôt absorbée par l'épargne.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
Mme Hélène Luc.
Pas de problème !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Votre indication est quelque peu tendancieuse, chère
collègue ! Permettez-moi de m'exprimer au nom de la commission !
(Sourires.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai
entendu comme vous toutes ces argumentations qui, en réalité, ont un seul objet
: nous démontrer que la politique fiscale que conduisait l'ancien gouvernement
était la bonne et qu'il ne fallait point en changer.
Si cette politique, qui visait à concentrer au maximum et de plus en plus la
charge de l'impôt sur le revenu sur une catégorie de plus en plus étroite,
était la bonne politique, si c'était la politique la plus opportune aux yeux de
l'opinion publique et, en même temps, la plus conforme à l'équité, mes chers
collègues, elle aurait au moins été défendue au second tour de l'élection
présidentielle, pardonnez-moi de vous le rappeler !
Vous vous exprimez avec, semble-t-il, la certitude d'être les seuls détenteurs
de la vérité en matière de politique fiscale, et vous essayez d'enfoncer la
majorité présidentielle et le Gouvernement dans une mauvaise conscience que
nous devrions partager.
Eh bien, pardonnez-moi de vous le dire : je ne suis pas d'accord avec cette
façon de voir les choses.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. Francis Mer rappelait très opportunément et fort justement, tout à l'heure,
que l'économie était d'abord faite de psychologie et que ceux des acteurs qui
ont un rôle déterminant dans l'élaboration du climat qui permettra la
croissance devaient être confiants dans la politique économique.
M. Gérard Delfau.
Merci pour les autres !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Souhaitez-vous m'interrompre, mon cher collègue ?
M. Gérard Delfau.
Si vous le désirez, certainement, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vous en prie, si M. le président vous y
autorise.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le rapporteur
général.
M. Gérard Delfau.
Plus exactement à la demande de M. le rapporteur général !
(Marques de
dénégation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
Pas vraiment !
M. Gérard Delfau.
Monsieur le rapporteur général, la confiance se mérite. Elle ne peut être
forte et avoir d'effets à long terme que si elle entraîne l'ensemble de la
nation.
M. Jean Chérioux.
Pas sur le plan économique !
M. Gérard Delfau.
La critique permanente que nous adressons à ce collectif budgétaire est qu'il
est orienté, partial et inégalitaire.
M. Hilaire Flandre.
Vous êtes experts en la matière !
M. Gérard Delfau.
Dans un contexte mondial difficile - et, sur ce point au moins, nous sommes
d'accord, vous et nous -, il n'offre pas les bases stables qui donneront
confiance et relanceront notre économie, alors que tant de facteurs de par le
monde contribuent à « miner » ses soubassements.
Telle est la précision que je souhaitais apporter. Nous pouvons être en
désaccord sur des nuances. Là, notre divergence est de fond.
(Exclamations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Caldaguès.
Pourquoi ne l'avez-vous fait ?
M. Jean Chérioux.
Faites de l'économie !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, il est vrai que nous avons un désaccord de fond.
Il porte notamment sur le fait, mes chers collègues, que vous bornez vos
analyses aux frontières de l'Hexagone.
M. Gérard Delfau.
Pas du tout !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si vous étiez attentifs à la question si importante
de l'attractivité économique et fiscale de la France, je crois que vous
raisonneriez autrement. Notre attractivité diminue, toutes les études l'ont
montré, y compris celles qui ont été demandées par les ministres que vous
souteniez.
La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu est un signal qui tend -
pardonnez-moi de répéter ce qui figure dans mon rapport écrit - à rehausser à
moyen terme le potentiel d'offre de l'économie. C'est une mesure, un signal qui
s'adresse aux investisseurs, à celles et à ceux qui peuvent jouer un rôle dans
le processus de création d'emplois. Par ailleurs, il convient de mettre
l'accent sur la concentration toujours plus forte de l'impôt sur le revenu sur
les ménages aux revenus moyens et élevés à laquelle je faisais allusion à
l'instant. L'ancien rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale notait
lui-même dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2002 qu'elle
s'était accrue, ces dernières années, non par le jeu de la majoration des taux
des tranches du haut du barème, mais par la diminution systématique de la
contribution de ceux qui sont imposés dans les premières tranches du barème.
C'est là une réalité : l'impôt sur le revenu se concentre sur une fraction
toujours plus faible des redevables.
Que vous le vouliez ou non - tous les chiffres sont contenus dans ce rapport
-, cela entraînera de plus en plus de réactions de refus de l'impôt de la part
des contribuables, qui aménageront leur situation afin d'éviter de se trouver
dans une position qu'ils estimeront excessivement pénalisante sur le plan
fiscal.
Or vous savez très bien, monsieur Delfau, que, au jeu des inégalités, les
choses sont complexes ! Le contribuable « très bien pourvu » aura tout moyen,
ou en tout cas bien plus de moyens que d'autres, pour solliciter les conseils
les plus avisés et aménager sa situation fiscale.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous leur en donnez encore plus les moyens !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela se fera par le biais de toute une palette
complexe d'instruments qui existent.
A contrario
, ceux qui ne pourront
pas y avoir accès, les cadres moyens et supérieurs, supporteront pour une large
part le rendement de l'impôt sur le revenu.
Au jeu des comparaisons et de l'équité, des variations sont toujours
possibles, et, en défendant tout à l'heure les petits contribuables et les
personnes défavorisées, vous défendiez, assurément sans le vouloir, la
situation extrêmement privilégiée de celles et de ceux, en nombre très limité,
qui sont les mieux pourvus par la fortune dans le monde d'aujourd'hui.
(Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Roland Courteau.
Il fallait y penser !
M. Gérard Delfau.
C'est une escroquerie morale !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La mobilité du facteur de production, notamment du
travail, c'est la réalité factuelle, et je vous mets au défi de prouver le
contraire, mes chers collègues.
La compétition fiscale est une réalité, et elle est vive en Europe. Les taux
marginaux de l'impôt sur le revenu diminuent chez plusieurs de nos voisins ;
ainsi, la réforme fiscale allemande conduira, à terme, à la définition d'un
taux marginal de 42 %.
Nous devons donc nous placer dans cette perspective comparative, avec le souci
que la France soit un pays attractif pour ses talents et qu'elle leur permette
de s'exercer sur le territoire national.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mais vous diminuez la dépense publique ! Vous faites le contraire !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il faudra naturellement, madame Beaudeau, diminuer la
dépense publique.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce faisant, vous cassez les atouts !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas le moindre mérite de la politique de
baisse des prélèvements obligatoires...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Pour qui ? Pour faire quoi ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... que de contraindre l'Etat à diminuer la dépense
publique dans des proportions au moins suffisantes pour contribuer au retour à
l'équilibre des comptes publics et pour dégager les marges de manoeuvre
nécessaires au financement des investissements, qui préparent l'avenir.
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission émet donc un avis défavorable sur les
amendements n°s 15, 16 et 6, pour toutes les raisons que je viens d'exposer.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je ne suis pas du tout convaincue !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Sous le bénéfice des très judicieuses observations que
vient de faire M. le rapporteur général, le Gouvernement va pouvoir être
bref.
Madame Beaudeau, il faut tout de même que vous preniez en compte les raisons
qui nous ont conduits à proposer cette réduction de 5 % du montant de l'impôt
sur le revenu. Le taux de prélèvement est plus élevé dans notre pays que chez
ses principaux partenaires : il est de 45,8 % en France, pour une moyenne de
41,6 % en Europe, et je ne parle pas des Etats-Unis - cela vous fâcherait ! -,
où le taux de prélèvement est de 25,9 %.
Une telle pression fiscale et sociale pénalise le travail et l'initiative,
madame Beaudeau, et freine le développement de notre pays !
Notre impôt sur le revenu est concentré, M. le rapporteur général le rappelait
: un contribuable sur deux ne le paie pas, et 1 % des foyers en acquitte près
de 30 %. Dans les tranches supérieures, il faut tout de même se souvenir qu'il
atteint, conjugué à la CSG, plus de 60 % du revenu, nous situant ainsi très
au-dessus de nos partenaires, qui sont en même temps nos concurrents.
Une telle situation ne peut plus durer. Elle pousse nos cadres à s'expatrier
et rend difficile l'implantation de cadres étrangers dans notre pays - au
moment même où les entreprises, sur l'ensemble du territoire européen, sont en
train de revoir leurs implantations -, et tous les rapports consacrés à ce
sujet, cela a été évoqué lors de la discussion générale, ont abouti à cette
même conclusion.
Il faut donc agir. Le Gouvernement le fait sans tarder, rendant ainsi hommage
à ceux qui travaillent. L'enjeu, en effet, c'est de croire dans le travail des
Français, dans la valeur morale et matérielle du travail, de croire dans la
capacité de nos compatriotes à attirer des activités nouvelles, donc des
emplois nouveaux sur notre territoire, grâce à la qualité de notre
main-d'oeuvre et à sa performance.
Il ne faut plus décourager l'accueil d'activités nouvelles, il faut
l'encourager ; il ne faut plus fuir ceux qui entreprennent, il faut les
attirer. Tel est l'esprit de notre réforme.
C'est ce qui me conduit, madame Beaudeau, si vous maintenez votre amendement,
à recommander au Sénat de le rejeter.
S'agissant de l'amendement n° 16, votre solution, qui consiste à baisser le
taux de la TVA, n'est pas adaptée.
Je ne l'appelle pas à mon secours, mais, après tout, il faut rendre à César ce
qui appartient à César, M. Laurent Fabius - alors ministre des finances d'un
gouvernement que vous souteniez, madame Beaudeau - vous avait lui-même dit au
sujet d'un amendement identique qu'il l'estimait tout à fait inopportun.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ce n'est pas parce qu'il a fait des bêtises qu'il faut continuer !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour être agréable à mes anciens collègues socialistes,
je le cite : « Lorsque cette baisse est faible, alors même qu'elle représente
un coût considérable, elle se répercute très difficilement pour les
consommateurs. »
C'est la raison pour laquelle je vous propose de retirer votre amendement, en
vous rappelant que le Gouvernement vous propose - c'est plus utile - d'agir sur
des secteurs très spécifiques, à forte intensité de main-d'oeuvre, qu'il
s'agisse, en effet, de la restauration ou des travaux d'entretien et
d'amélioration des logements, par la consolidation de la TVA.
Si vous ne retiriez pas votre amendement, le Gouvernement en demanderait donc
le rejet.
Les auteurs de l'amendement n° 6, quant à eux, sont favorables à la baisse de
l'impôt sur le revenu, mais la méthode qu'ils préconisent n'est pas bonne, car
elle tend à aggraver la progressivité et la concentration de l'impôt sur le
revenu. Personne ne peut souhaiter une telle évolution.
Cette proposition pénaliserait le travail et l'initiative.
Nous avons fait le choix d'un dispositif qui réduit l'impôt dans une même
proportion pour tous ceux qui le paient. C'est selon nous la condition
nécessaire pour relancer l'activité et pour encourager le travail.
L'amendement n° 6 pourrait aller à l'encontre des objectifs de ses auteurs.
Comme je le disais, il accroît la progressivité et la concentration de l'impôt.
Il aboutit à un dispositif complexe, incompréhensible pour nos concitoyens et
lourd à gérer puisqu'il conduit à une double liquidation de l'impôt.
A l'inverse, admettez que notre dispositif est clair et lisible.
M. Roland Courteau.
Et injuste !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Enfin, le coût de cette proposition est de 6,8
milliards d'euros, soit un coût excessif au regard de la situation
budgétaire.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de retirer votre amendement. A
défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Je ne peux me satisfaire de la façon dont MM. les ministres présentent leur
proposition : ils sous-entendent que, cette baisse favorisant ceux qui
travaillent, les parlementaires qui font d'autres propositions sont
nécessairement les adversaires de ceux qui travaillent. Messieurs les
ministres, je m'inscris totalement en faux par rapport à cette présentation.
Personnellement, je l'ai dit tout à l'heure, j'aurais souhaité que l'on ne
touche pas au barème de l'impôt. J'aurais préféré que le Gouvernement prenne
l'engagement, sur l'ensemble de la législature, de ne pas augmenter les impôts
et de consacrer les fruits de la croissance au redressement des finances
publiques et à l'activité économique.
Je ne peux donc pas accepter qu'on laisse sous-entendre que ceux qui ne
voteront pas l'article 1er en l'état ne sont pas favorables à la valeur «
travail ». Je vous rappelle d'ailleurs au passage, monsieur le ministre délégué
au budget, que nous avons eu il y a quelques mois, dans ce même hémicycle, un
débat sur cette valeur « travail ». Je vous avais alors rappelé que cette
notion relevait éminemment de l'analyse économique marxiste, propos qui vous
avait paru incongru dans cet hémicycle...
La seule source de richesse, messieurs les ministres, c'est le travail, nous
en sommes d'accord. Mais de quel travail parlons-nous ? Dans votre bouche,
c'est le travail des dirigeants, des patrons, des créateurs d'entreprise, des
cadres supérieurs qui a une valeur.
(Protestations sur les travées du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
Je ne dis pas que leur activité est
inutile, au contraire, car elle produit de la richesse, mais je ne peux laisser
dire qu'elle est seule source de richesse. La richesse, elle vient de
l'ensemble des salariés. Oui, le travail est source de valeur et doit être
récompensé, mais vous ne récompensez que les plus aisés. Je vais dire le mot :
vous faites une politique de classe !
(Nouvelles protestations sur les mêmes
travées.)
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
M. Loridant m'incite à prendre
la parole. Je voudrais qu'en ce début de législature nous essayions de sortir
des considérations dogmatiques. C'est au nom du réalisme que nous devons
revisiter notre fiscalité sur le travail.
Je voudrais vous rendre attentifs à l'exigence de compétitivité du territoire
national et je ferai à cette fin référence à une situation qui illustre de
façon presque absurde les déviations et les excès de notre fiscalité.
N'avez-vous pas été impressionnés par le développement soudain de la pratique
des options d'achat et de souscription d'actions, les
stock-options
?
Les
stock-options,
cela peut être excellent pour motiver l'encadrement,
mais n'avez-vous pas le sentiment qu'elles sont devenues des instruments
destinés à substituer aux salaires, qui étaient excessivement taxés - charges
sociales, impôt sur le revenu... - des rémunérations alternatives ? Dans ce
système poussé à l'excès, certains dirigeants peuvent être tentés de raconter
de jolies histoires aux actionnaires pour que le titre monte jusqu'au ciel et
que puissent à l'occasion être empochées des plus-values venant compléter les
rémunérations normales.
On est ainsi allé jusqu'à tordre la réalité. Alors, n'est-il pas plus
réaliste, monsieur Loridant, madame Beaudeau, monsieur Foucaud, de revoir notre
fiscalité pour la mettre en harmonie avec les fiscalités en vigueur dans des
territoires comparables au nôtre ?
Oserais-je dire que cet article n'est que cela et qu'il vise à ramener sur le
territoire national un potentiel de production, d'emplois, de création de
richesses, potentiel sans lequel nos engagements en faveur de la cohésion
sociale resteraient de vaines illlusions ?
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission apporte tout son soutien
au Gouvernement.
(M. le rapporteur général applaudit.)
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je suis très intéressé par le débat sur cet article qui, après tout, est le
plus important du collectif. C'est en effet l'occasion de parler de la
politique fiscale en général.
Il me semble que la mesure qui nous est présentée, et que le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie lui-même, dans son langage très «
robuste », très
matter of fact
, nous a présentée comme un « rabais sur
facture », ne méritait ni cet excès d'honneur ni cette indignité.
C'est une mesure simple, facile d'application, rapide et psychologiquement
intéressante. Elle n'est pas en elle-même un résumé de toute la politique
fiscale du Gouvernement, politique sur laquelle on aura certainement l'occasion
de revenir en bien d'autres circonstances.
C'est justement cette « robustesse », cette simplicité - je dirais même cette
« rusticité » - qui rend à mon avis la mesure intéressante. C'est pourquoi,
bien entendu, je la voterai.
Puisque j'ai la parole, j'en profite pour faire une remarque. Il me semble que
la gauche - et notamment les socialistes - a fait une erreur de tactique quand
elle était au pouvoir. Rappelez-vous, mes chers collègues, que nous avons eu
une grande discussion sur la question de savoir si la mesure qui, finalement,
s'est appelée « prime pour l'emploi » n'aurait pas dû plutôt être appeler «
impôt négatif ».
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
« Crédit d'impôt » pour être précis !
M. Yann Gaillard.
C'était d'ailleurs la position de la commission des finances.
La chaîne aurait ainsi été complète, de cet « impôt négatif » jusqu'à l'impôt
culminant dans la stratosphère qui est si préjudiciable à la compétitivité de
notre pays !
S'il y avait eu cet impôt négatif, qui sait si la mesure aurait été la même
aujourd'hui ? C'est la question que je vous pose. Réfléchissez bien, car je
crois qu'elle mérite que vous vous livriez à un petit examen de conscience !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai bien sûr contre ces amendements qui sont totalement irréalistes,
mais au préalable je veux m'adresser à nos collègues socialistes, qui se
révèlent toujours d'excellents professeurs et d'excellents donneurs de
leçons.
Au lieu de se jeter des idées et des principes à la tête, il faut parler
réalités. Pour le démontrer, je proposerai à nos collègues un détour par
l'histoire, sujet qui, je crois, intéresse les professeurs.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale - passé qui n'est pas si lointain
-, qu'a fait le gouvernement travailliste de Clement Attlee ? Il a suivi votre
penchant et voulu pousser au maximum l'égalité devant l'impôt. Or cette
politique s'est révélée absolument catastrophique, car elle a entraîné non
seulement une fuite des capitaux, mais aussi une fuite des cerveaux, tout ce
qu'il y avait d'intelligent et de productif en Angleterre s'enfuyait aux
Etats-Unis.
C'est peut-être la raison pour laquelle, aujourd'hui, M. Blair, qui est, je
crois, de la même tendance que vous,...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas sûr !
M. Jean Chérioux.
... est aussi réaliste, modeste et pragmatique dans ses propositions
fiscales.
Au lieu de nous jeter à la tête des principes sur l'égalité ou la non-égalité,
soyez donc un peu réalistes, voyez les faits, soyez de bonne foi et acceptez ce
que vous propose le Gouvernement !
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
Je voterai bien sûr contre ces trois amendements et pour la proposition simple
du Gouvernement, et ce pour trois raisons.
La première, c'est que cette mesure simple ne modifie pas la progressivité de
l'impôt sur le revenu : si un contribuable paye quatre fois plus qu'un autre
aujourd'hui, il paiera quatre fois plus demain.
La deuxième raison, c'est que cette baisse ne fait que compenser une
augmentation de la part de l'impôt sur le revenu dans le produit intérieur
brut. L'excellent rapport M. Marini montre qu'entre 1997 et 2001 l'impôt sur le
revenu a augmenté de 19,7 %, alors que le PIB a augmenté de trois points de
moins.
En fait, je suis absolument convaincu que, si nous tenions compte des
résultats de 2002, nous constaterions que la baisse de 5 % ne fait que
compenser la dérive de l'impôt sur le revenu par rapport au PIB. Or il faut
maintenir la stabilité de l'impôt sur le revenu dans le PIB pour inciter au
travail, à la prise de risques et à l'épargne. C'est ce que Keynes appelait les
« propensions psychologiques », monsieur Loridant.
Enfin, la troisième raison, et M. Massion le disait à juste titre, est que
notre système fiscal risquerait de devenir de moins en moins progressif.
Je voudrais rappeler que, à l'issue d'un débat différent de celui qu'évoquait
M. Gaillard voilà un instant et au cours duquel nous devions choisir entre la
suppression de la vignette et la supression de la redevance de l'audiovisuel,
nos collègues socialistes ont bien entendu opté pour la suppression de l'impôt
le plus progressif, c'est-à-dire la vignette ! Nous n'avons donc pas, mes chers
collègues, de leçon à recevoir sur ce point.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi
que sur certaines travées du RDSE).
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
A ce stade du débat, monsieur le ministre, vous aurez compris que la baisse de
l'impôt sur le revenu que vous nous proposez ne nous convient absolument pas.
(Rires sur les travées du RPR.)
Elle n'est en rien comparable aux allégements que la précédente majorité avait
décidés. Elle est très injuste et très inégalitaire ; en fait, elle est
foncièrement clientéliste. Elle s'accompagne en outre d'une série de décisions
inéquitables pour les Français les plus modestes : refus de majorer la prime
pour l'emploi, refus de relever le SMIC, hausses annoncées des tarifs de
services publics aussi essentiels que les transports urbains ou le train,
augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers sans parler des
hausses annoncées puis annulées avant peut-être d'être bientôt mises en oeuvre.
Tout cela donne le sentiment que l'heure est à la revanche sociale.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Dans ces conditions, les modalités et les conséquences de la réduction de
l'impôt sur le revenu que vous nous proposez apparaissent encore plus
insupportables. Même la presse, et pas toujours sa fraction la plus
progressiste, ainsi que certains de vos amis politiques, se sont émus des
conséquences de la mesure fiscale qui nous est soumise.
En effet, il est difficile de se montrer plus injuste quand on sait que 1 %
des foyers fiscaux, les plus à l'aise d'entre eux, bien sûr, bénéficieront à
eux seuls de 30 % du montant de l'allégement sur le revenu, qui atteint 5,5
milliards d'euros, tandis que les 10 % de foyers fiscaux les plus aisés
recevront 70 % de cette somme.
Monsieur le ministre, vous ne nous avez pas abreuvés de simulations, par
discrétion sans doute ! Mais j'en reviens au montant de 2 451 euros qui a été
évoqué, à comparer aux dérisoires 169 euros d'économie moyenne que vous
annoncez pour tous les contribuables. Il eût été intéressant de connaître le
montant médiane de la prime.
L'injustice de cette baisse apparaît cependant clairement au travers des
quelques maigres simulations que vous nous avez communiquées. Ainsi, vous nous
dites qu'un célibataire sans enfant économisera 169 euros s'il dispose d'un
revenu annuel de 20 000 euros - c'est le cas d'un cadre moyen pour être concret
- et de 570 euros s'il bénéficie d'un revenu de 40 000 euros, ce qui correspond
au revenu d'un cadre supérieur ou d'un médecin. Pour un revenu seulement deux
fois supérieur, le gain est donc trois fois et demie plus important. Monsieur
le ministre, trouvez-vous cela juste ?
En outre, vous n'avez pris aucune précaution pour éviter les conséquences les
plus inégalitaires de votre « rabais », comme vous dites : pas de plancher ni
de plafond, et calcul de la réduction après décote.
Quant à la moitié la plus modeste des foyers, elle ne retirera aucun avantage
de votre réforme. Il est difficile de réduire les impôts de ceux qui n'en
paient pas, avez-vous dit ; toutefois, la prime pour l'emploi a été créée
précisément pour tourner cette difficulté. Rien ni personne ne vous empêchait
d'en relever le montant.
Le cadeau consenti aux riches ne servira même pas à relancer la consommation,
il alimentera principalement l'épargne spéculative...
(Prostestations sur
les travées du RPR.)
M. Michel Caldaguès.
C'est bien le moment !
M. Paul Loridant.
C'est maintenant qu'il faut acheter !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Demerliat.
Vous savez bien que seule l'augmentation du pouvoir d'achat des plus
défavorisés peut permettre de relancer la consommation. Dans ces conditions,
monsieur le ministre, vous comprendrez que le groupe socialiste vote contre vos
propositions.
M. Michel Caldaguès.
Il n'a rien compris !
M. Philippe de Gaulle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Philippe de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Moi qui suis un homme concret, je suis surpris de cette discussion byzantine.
L'augmentation de l'impôt sur le revenu est proportionnelle et progressive :
c'est la Constitution ; sa diminution ne peut être, de la même façon, que
proportionnelle et progressive. Le reste est littérature, attitude inéquitable,
idéologique et par conséquent inefficace au regard de l'économie de la nation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er