SEANCE DU 31 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 4
bis.
- Dans le cadre de la lutte contre les activités
lucratives non déclarées portant atteinte à l'ordre public et à la sécurité
publique, les agents de la direction générale de la comptabilité publique, de
la direction générale des douanes et droits indirects, de la direction générale
des impôts et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et
de la répression des fraudes doivent répondre aux demandes formulées par les
officiers et agents de police judiciaire concernant les renseignements et
documents de nature financière, fiscale ou douanière, sans que puisse être
opposée l'obligation au secret. »
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Charasse et Peyronnet, Mmes
Michèle André, Bergé-Lavigne, Blandin et Cerisier-ben Guiga, MM. Boulaud,
Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Charles Gautier, Lagauche, Mahéas, Masseret,
Rouvière, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi
libellé :
« Compléter l'article 4
bis
par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les officiers et agents de police judiciaire qui obtiennent
communication des renseignements et documents protégés par le secret et
transmis par les agents des administrations financières sont tenus à la même
obligation de secret que ceux-ci. »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
L'article 4
bis,
qui a été ajouté par l'Assemblée nationale, prévoit
que les agents des administrations financières - impôts, douanes, comptabilité
publique, concurrence, etc. - sont déliés du secret à l'égard des officiers et
des agents de police judiciaire. Cela paraît indispensable si l'on veut, en
particulier, que les groupements qui rassemblent des fonctionnaires de toutes
ces administrations, y compris des officiers et des agents de police
judiciaire, puissent fonctionner normalement.
Toutefois - je parle d'expérience, monsieur le ministre, et vous pourriez
invoquer la même expérience puisque vous m'avez quasiment succédé au ministère
du budget - les agents des administrations financières sont toujours
extrêmement réticents à lever le secret, parce qu'ils savent très bien,
notamment lorsqu'il s'agit de l'autorité judiciaire, qu'il existe une absence
d'imperméabilité qui risque de mettre en cause des renseignements très précieux
dans des enquêtes en cours en matière de filières de drogue, de blanchiment ou
de fraude fiscale internationale si des fuites se produisent et,
malheureusement, elles apparaissent très rapidement.
Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur ce point : si les
agents des administrations financières n'ont pas la certitude que les enquêtes
en cours dont ils ont la charge ne risquent pas d'être mises en cause par la
levée du secret, ils ne parleront pas. Par conséquent, l'efficacité des
services sera considérablement amoindrie s'il manque un certain nombre
d'éléments qui sont nécessaires à la police pour accomplir sa tâche.
C'est pourquoi j'avais déposé, avec le groupe socialiste, un amendement, en
espérant qu'il pourrait être débattu et adopté puisqu'il était simple. Je le
retire. Il n'en reste pas moins que la question demeure. Cet amendement
était-il indispensable d'un point de vue juridique ? Pas forcément, dans la
mesure où le code pénal prévoit déjà que celui qui détient un secret est tenu
de ne pas le divulguer. Mais, d'habitude, monsieur le ministre, lorsque le
secret est levé on prend toujours la précaution de l'inscrire dans la loi, même
si ce n'est pas nécessairement utile.
A partir du moment où ce texte sera adopté par le Sénat sans aucune
modification, il me semble important, pour améliorer l'efficacité des services,
mais aussi pour rassurer les agents des administrations financières - je pense,
en particulier, à ceux de l'administration des douanes qui sont engagés au
péril de leur vie dans des opérations de livraisons contrôlées, dans des
filières de drogue - que ceux-ci aient réellement l'assurance, d'une manière ou
d'une autre, que la loi sera appliquée strictement et avec rigueur et que, à la
moindre fuite, des sanctions seront prises.
Aujourd'hui, nous constatons de nombreuses fuites dans les affaires
judiciaires, dans les tribunaux, dans les commissariats de police. Des plaintes
sont déposées ou non pour violation du secret de l'instruction et celles qui
sont déposées n'aboutissent jamais !
Il faut donner l'assurance à ces agents que l'intérêt de leurs enquêtes, que
leur travail minutieux de fourmi, qui dure parfois depuis des années, et
surtout que leur sécurité ne seront pas mis en cause.
C'est la raison pour laquelle je vous ai interrogé en commission sur ce sujet,
monsieur le ministre. Je vous réitère aujourd'hui ma demande de bien vouloir
assortir les commentaires de ce texte que vous adresserez aux agents et aux
officiers de police des mises en garde les plus fermes. Ce n'est plus de la
rigolade ; il ne s'agit pas de « balancer » une information au café du coin
pour faire plaisir aux journalistes amis du secteur ; on touche véritablement
au coeur de l'Etat régalien lancé dans des opérations extrêmement compliquées
et dangereuses, et on ne peut pas se permettre de mettre en cause l'efficacité
de l'ensemble des services et la sécurité des agents.
M. le président.
L'amendement n° 6 rectifié est retiré.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Je vous remercie, monsieur Charasse, de me permettre de revenir à
mes premières amours. Il s'agit de l'article L. 103 du livre des procédures
fiscales. Comme vous le savez pertinemment, en matière de secret fiscal, c'est
l'information elle-même qui est l'objet du secret et non pas le statut de
l'agent qui détient le secret. C'est donc l'information qui est couverte par le
secret, peu importe qu'elle se trouve détenue par un agent du fisc, un
douanier, un policier ou un gendarme. Dès lors, il est inutile de prévoir un
dispositif législatif pour préciser qu'une information doit rester secrète,
bien qu'elle soit entre les mains d'un policier ou d'un gendarme.
Cependant, pour faire un pas dans votre direction - et je reconnais
l'importance de cette question de confidentialité, notamment dans le travail
extraordinaire des douaniers en matière de lutte contre la drogue, un certain
nombre d'entre eux étant infiltrés dans les grands réseaux, chaque année, au
péril de leur vie - je vous propose de rédiger une circulaire précise rappelant
ces faits à l'ensemble de ceux qui travaillent dans le cadre des GIR. Ainsi,
votre préoccupation sera prise en compte sans alourdir notre législation, qui
est déjà trop complexe. D'ailleurs, vous l'avez vous-même reconnu avec beaucoup
d'honnêteté, ce serait superfétatoire.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 4
bis.
(L'article 4
bis
est adopté.)
Article additionnel après l'article 4 bis