SEANCE DU 2 OCTOBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« Après le texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
«
Art. 41-17-1.
- Les juges de proximité sont répartis au sein de leur
juridiction par une ordonnance annuelle du président du tribunal de grande
instance chargé de l'organisation de la juridiction de proximité. Cette
ordonnance est prise en la forme prévue par le code de l'organisation
judiciaire. »
L'amendement n° 21, présenté par M. Balarello, est ainsi libellé :
« Après le texte proposé par cet article pour l'article 41-23 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958, ajouter un article additionnel ainsi rédigé
:
«
Art. 41-24.
- Les juges de proximité dépendent, pour leur
organisation, du magistrat du tribunal de grande instance chargé du service du
tribunal d'instance dans le ressort duquel ils exercent.
« Un décret en Conseil d'Etat en précise les modalités. »
L'amendement n° 38, présenté par M. Fauchon, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après le texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
«
Art. 41-17-1.
- Les juges de proximité sont répartis dans les
tribunaux d'instance par une ordonnance annuelle du président du tribunal de
grande instance prise en la forme prévue par le code de l'organisation
judiciaire. L'organisation de la juridiction de proximité est placée sous
l'autorité du magistrat chargé de la direction et de l'administration du
tribunal d'instance. »
La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 17
rectifié.
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Cet amendement vise à prévoir l'organisation du travail
et donc un mécanisme permettant de répartir les dossiers relevant de la
compétence de cette nouvelle juridiction entre les juges la composant.
Cette fonction de répartition ne peut en effet pas être confiée à un juge de
proximité, dont les fonctions sont temporaires et intermittentes.
Cet amendement permettra donc de doter la juridiction de proximité d'une
organisation coordonnée par le président du tribunal de grande instance, lequel
aura, à mon avis, le recul suffisant pour le faire et une vision globale de
l'ensemble de son ressort.
Une disposition réglementaire sur laquelle je m'engage d'ores et déjà
complétera ce dispositif en permettant d'associer à l'organisation de la
juridiction de proximité le magistrat chargé de la direction de
l'administration du tribunal d'instance, qui sera consulté pour l'élaboration
de l'ordonnance de roulement assurant la répartition des juges de proximité au
sein de leur juridiction.
Tel est le dispositif que je propose au Sénat. Il me paraît raisonnable et
permettra à la fois le recul nécessaire et la vision d'ensemble indispensable à
l'organisation de la mise en place des juges de proximité.
M. le président.
La parole est à M. Balarello, pour présenter l'amendement n° 21.
M. José Balarello.
Cet amendement a pour objet de préciser que les juges de proximité dépendent
pour leur organisation du magistrat chargé du tribunal d'instance.
Après de longues discussions ce matin, la commission des lois en a amélioré la
rédaction : la nouvelle mouture a été présentée dans l'amendement n° 38, déposé
par M. le rapporteur au nom de la commission des lois, notre volonté unanime
étant de voir le président du tribunal d'instance, c'est-à-dire l'ancienne
justice de paix, diriger ces nouveaux juges, par analogie sans doute avec le
juge de paix suppléant, ainsi que la plupart des orateurs l'ont confirmé à
cette tribune.
Cependant, monsieur le garde des sceaux, je comprends votre souci de vous
montrer cohérent, notamment avec les dispositions de l'article 7 de la loi
d'orientation et de programmation pour la justice que nous avons votée
récemment.
L'amendement n° 17 rectifié me donne d'autant plus satisfaction que vous venez
de nous assurer que, par voie réglementaire, vous demanderez aux présidents des
tribunaux de grande instance de désigner le juge chargé du tribunal d'instance
pour organiser la juridiction de proximité.
Mon amendement étant satisfait, je le retire donc.
M. le président.
L'amendement n° 21 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 38.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission, saisie de l'amendement n° 21 et de
l'amendement n° 17 dans sa rédaction initiale, avait cherché à déposer une
sorte d'amendement de synthèse.
Mais le Gouvernement ayant rectifié l'amendement n° 17 et M. Balarello ayant
retiré l'amendement n° 21, je vais retirer l'amendement n° 38. J'indique
cependant que, derrière cet effort d'organisation, se profile une question que
soulevait d'ailleurs M. Balarello à juste titre : n'y aura-t-il pas intérêt,
plus tard, à regrouper les juges de proximité autour du juge d'instance, qui
serait le pivot ?
Mais ce point ne relève pas d'une loi organique. Nous sommes convenus d'y
réfléchir et peut-être de l'expérimenter. Je n'insiste donc pas davantage.
Cela étant, je retire, au nom de la commission, l'amendement n° 38 et m'en
remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 17 rectifié.
M. le président.
L'amendement n° 38 est retiré.
Reste seul en discussion l'amendement n° 17 rectifié.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt contre l'amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On a du mal à trouver une justification à la rectification de l'amendement n°
17 !
En effet, avant rectification, il était dit : « Les juges de proximité sont
répartis dans les différents services de la juridiction de proximité... » On ne
voit pas comment il y aurait différents services dans un nouvel ordre de
juridiction !
Mais cette rédaction a été rectifiée de la manière suivante : « Les juges de
proximité sont répartis au sein de leur juridiction... », et cela ne veut rien
dire non plus !
En effet, les juges de proximité sont à eux seuls une juridiction. Ce sont des
juges uniques, qui doivent être dans un ressort déterminé par un décret en
Conseil d'Etat ; ils n'ont donc pas à être répartis au sein de leur
juridiction.
Certes, je veux bien qu'il puisse y en avoir deux dans une juridiction,
pourquoi pas ? Mais alors, il faut le dire dans la loi ! Or, ce n'est pas le
cas.
Il est dit dans l'exposé des motifs de l'amendement que la « fonction de
répartition ne peut être confiée à un juge de proximité dont les fonctions sont
temporaires et intermittentes ». Mais la répartition de quoi ? Il ne s'agit pas
de répartition dans les services. Il s'agit de la répartition des dossiers. Or
ce n'est pas la même chose de répartir des dossiers ou de répartir des juges.
Je comprends bien la difficulté à laquelle vous vous heurtez : elle est
insurmontable si vous ne modifiez pas la loi du 9 septembre 2002.
Bien entendu, nous ne voterons pas cet amendement, mais nous avons la
gentillesse de vous mettre en garde : attention, où allez-vous ?
Vous voulez une juridiction nouvelle. Il y a les cours d'appel, les tribunaux
de grande instance, les tribunaux d'instance, vous ajoutez une juridiction : le
juge de proximité. On ne peut donc accepter qu'il soit dit que ces juges « sont
répartis au sein de leur juridiction ».
Ce qui doit être défini c'est quel sera le ressort de chacun des juges qui
sera nommé.
Peut-être pensez-vous que, puisqu'il peut bien y avoir plusieurs juges au
tribunal d'instance, il pourrait y en avoir aussi plusieurs dans la juridiction
nouvelle. Si c'est cela, dites-le dans la loi et précisez que l'un d'eux
préside.
Dans l'objet de l'amendement, il est écrit que la fonction de répartition « ne
peut pas plus être confiée à un "juge-directeur" de la juridiction de proximité
qui n'existe pas ». Eh bien, créez-la ! Mais vous ne pourrez le faire qu'en
modifiant la loi du 9 septembre 2002. Vous ne pouvez résoudre la difficulté par
le biais d'un cavalier qui n'a rien à faire dans un projet de loi organique sur
le statut des juges de proximité et qui, en fait, ne règle même pas le
problème.
Dans l'amendement qu'il a retiré, M. Balarello proposait la formule suivante :
« Les juges de proximité dépendent, pour leur organisation,.. » C'était moins
mal, permettez-moi de le dire, et cela aurait pu être acceptable, quoique «
pour leur organisation », on ne sait pas très bien ce que cela signifie.
Quant à l'amendement, également retiré, de la commission, il prévoyait : « Les
juges de proximité sont répartis dans les tribunaux d'instance... », ce qui
était pire puisque cele impliquait la fusion de deux juridictions différentes
!
En tout cas, le texte proposé par le Gouvernement n'est pas acceptable et,
monsieur le garde des sceaux, je le répète, vous ne vous en « sortirez » pas si
vous ne modifiez pas la loi du 9 septembre 2002.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je souhaiterais obtenir une explication de M. le garde des sceaux à propos de
cet amendement n° 17 rectifié, qui est le signe de la grande contradiction dans
laquelle se trouve le Gouvernement.
De deux choses l'une.
Ou bien les juges de proximité relèvent d'une nouvelle catégorie de
juridiction, et il s'agit d'un nouveau type de magistrat qui vient s'ajouter
aux autres et, dans ce cas, le dispositif prévu par l'amendement n° 17 rectifié
n'a pas lieu d'être.
Ou bien vous êtes dans la logique - à laquelle vous finissez par venir parce
que vous sentez bien que, si vous ne faites pas quelque chose, cela ne marchera
pas - consistant à rattacher, d'une manière ou d'une autre et fût-ce au prix
d'un bricolage, les juges de proximité au tribunal de grande instance et, dans
ce cas, on aboutit en effet à une autre solution que celle qui était dans la
loi dont nous avons débattu en juillet. Les juges de proximité seraient alors
des juges d'instance faisant partie des tribunaux d'instance.
Comme vous n'avez pas voulu choisir entre ces deux solutions ou, plutôt, comme
vous en avez choisi une mais, voyant qu'elle ne marcherait pas, vous êtes en
train d'en choisir une seconde, vous construisez un texte totalement hybride et
fort mal constitué !
L'avant-dernier alinéa de l'exposé des motifs de l'amendement laisse
d'ailleurs apparaître un paradoxe « Le président du tribunal de grande
instance, par son autorité dans un ressort plus vaste, aura tout à la fois la
proximité et la distance nécessaires pour assurer la mise en place et le bon
fonctionnement de la nouvelle juridiction. »
Voilà donc une nouvelle conception de la proximité ! Vous créez des juges de
proximité, puis vous les rattachez, sans le dire, car vous êtes en
contradiction avec ce que vous avez affirmé avant, aux tribunaux d'instance,
qui sont gratifiés à la fois de la proximité et de la distance. Quel hommage
!
Mme Nicole Borvo.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après le texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance
n° 58-1270 du 22 décembre 1958.
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
ARTICLE 41-18 DE L'ORDONNANCE N° 58-1270
DU 22 DÉCEMBRE 1958