SEANCE DU 10 OCTOBRE 2002
RÈGLEMENT DÉFINITIF DU BUDGET DE 2001
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 8, 2002-2003),
adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de
2001. [Rapport n° 12 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur
général, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un double et sincère plaisir
pour moi d'être avec vous aujourd'hui : le plaisir de retrouver l'assemblée à
laquelle je me sens si profondément attaché et celui aussi de vous présenter un
texte dont l'examen reste rituel et rassemble encore assez peu de
parlementaires mais qui demain, j'en suis sûr, sera le rendez-vous budgétaire
important.
Examinons donc le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001,
approuvé le 1er octobre dernier par l'Assemblée nationale.
Ce texte apure les comptes d'un exercice budgétaire conduit par le précédent
gouvernement. D'emblée, je veux souligner à quel point toutes les difficultés
budgétaires constatées par l'audit des finances publiques pour l'année 2002
étaient déjà en gestation en 2001, difficultés qui ont rendu... difficile la
construction du budget pour 2003.
Cette observation l'illustre, le débat parlementaire sur le projet de loi de
règlement n'est pas seulement un exercice formel de constatation. Ce doit être
aussi un moment de vérité. C'est le moment approprié pour apprécier réellement
la qualité d'une gestion et d'une politique des finances publiques. C'est, je
le sais, la conception de la commission des finances du Sénat, c'est votre
conception, monsieur le rapporteur général, et j'en ai trouvé la traduction
dans votre rapport écrit, qui, comme toujours, est d'une très grande
qualité.
L'examen du projet de loi de règlement est intéressant aussi à deux autres
titres.
D'une part, c'est l'occasion de vérifier la sincérité des évaluations de la
loi de finances initiale et des lois de finances rectificatives qui l'ont
modifiée : c'est le passage de l'exercice de la prévision à celui de
l'exécution, auquel j'attache, vous le savez, un prix tout particulier, comme
on me l'a enseigné à la commission des finances du Sénat.
D'autre part, lorsque les indicateurs de performance auront été généralisés,
en conformité avec la loi organique relative aux lois de finances, la loi de
règlement sera le rendez-vous clé pour apprécier la gestion des ministères ; le
Parlement pourra apprécier,
ex post
, si les indicateurs de résultat
affichés dans la loi de finances initiale reflètent ou non une gestion
performante.
Certes, la « LOLF », comme on l'appelle désormais, n'est pas encore
intégralement applicable. Ses dispositions entrent progressivement en
vigueur.
Deux d'entre elles sont cependant d'ores et déjà entrées en application : la
première, c'est le dépôt du projet de loi avant le 30 juin de l'année suivante
et, selon la seconde, chaque assemblée doit désormais examiner ce texte avant
la loi de finances de l'année à venir.
Ces deux dispositions seront respectées : après l'Assemblée nationale, le
Sénat débat aujourd'hui du projet de loi portant règlement définitif du budget
de 2001 avant d'avoir entamé l'examen du projet de loi de finances pour 2003.
Malgré un ordre du jour parlementaire très chargé pour votre Haute Assemblée,
nous avons pu, ensemble, satisfaire aux délais prescrits. Je m'en réjouis.
Cela permettra aux deux chambres du Parlement de statuer de manière plus
éclairée sur le budget pour 2003, en prenant en compte les enseignements de la
gestion de l'exercice 2001, enseignements que l'on peut trouver, monsieur le
rapporteur général, dans votre rapport et que je vais maintenant tenter de
résumer.
Optiquement, l'exécution 2001 ne paraît pas exagérément défavorable. Le
déficit budgétaire s'est élevé à 32 milliards d'euros et les déficits publics,
au sens de Maastricht, ont été de 1,4 % du produit intérieur brut. Ces chiffres
sont certes moins mauvais que les chiffres de la gestion 2002 révélés par
l'audit : je rappelle que lorsque nous sommes arrivés aux affaires, il y a
quelques mois, nous avons trouvé 44,6 milliards d'euros de déficit budgétaire
prévisionnel et des déficits représentant 2,6 % du PIB pour l'ensemble de la
sphère des administrations publiques.
Mais, déjà, l'exécution de 2001 marque une inflexion de tendance portant en
germe les difficultés révélées par l'audit.
Tout d'abord, le déficit des administrations publiques, au sens de Maastricht,
s'est dégradé, pour la première fois depuis 1993, en 2001. Certes, la
dégradation a été modeste : 1,4 % du PIB en 2001 contre 1,3 % en 2000.
Néanmoins, l'inflexion était déjà sensible et, pour la première fois depuis
huit ans, le déficit public a cessé de s'améliorer.
Le déficit du budget de l'Etat ensuite s'est, pour sa part, dégradé de 10 %
par rapport à celui qui avait été constaté en exécution 2000.
Plus grave encore, l'excédent primaire, c'est-à-dire le solde des dépenses et
des recettes avant paiement des charges de la dette, a nettement reculé - la
baisse est de 2 milliards d'euros - par rapport à la gestion 2000.
En clair, si le précédent gouvernement n'avait pas bénéficié en 2001, comme
d'ailleurs les années précédentes, de l'impact de la baisse des taux d'intérêt,
le déficit budgétaire se serait dégradé plus nettement encore en 2001. Cette
remarque me permet de souligner que la diffusion de la baisse des taux sur
l'ensemble de l'encours de la dette est maintenant derrière nous.
Permettez-moi d'insister un instant sur ce point. En cinq ans, de 1997 à 2001,
la charge de la dette n'a augmenté que de 1,1 milliard d'euros. Autant dire
qu'elle est restée presque stable chaque année. Dans le projet de loi de
finances pour 2003, elle augmente de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi
de finances initiale pour 2002. En d'autres termes, le poids des déficits
accumulés et la charge d'intérêts qui en résulte amputent davantage nos marges
de manoeuvre en une seule année que lors des cinq gestions consécutives, de
1997 à 2001.
Nous trouvons donc bien en gestation dans l'exécution 2001 l'ensemble des
facteurs qui pèseront lourdement sur les déficits publics en 2002, même s'ils
n'apparaissent pas encore pleinement dans les comptes 2001, et cela pour deux
motifs.
D'abord, le retournement conjoncturel du milieu de l'année, amplifié ensuite
par les attentats du 11 septembre, n'a eu qu'un faible impact sur les recettes
2001 : elles ont été davantage influencées par la conjoncture de l'année 2000
que par celle de l'année 2001. J'ai souligné d'ailleurs ce phénomène de
décalage devant votre commission des finances à l'occasion de la présentation
du projet de loi de finances pour 2003.
Ensuite, les dépenses 2001 n'ont pas été affectées par les engagements de la
fin de la législature précédente. C'est sur la gestion 2002 que ces engagements
vont massivement peser, comme l'a souligné l'audit des finances publiques.
La progression des crédits reportés sur la gestion suivante, c'est-à-dire sur
la gestion 2002, en atteste. Ce phénomène des reports de crédits mérite
d'ailleurs que l'on s'y arrête un instant. Sous la précédente législature, les
crédits non dépensés en fin d'année et reportés sur l'exercice suivant n'ont
cessé de s'accroître. A la fin de l'année 2001, ils ont atteint le montant
impressionnant de 14,1 milliards d'euros pour le budget général. Les
importantes ouvertures du collectif de fin d'année 2001 auront été un facteur
important de dérive pour l'exécution 2002.
Nous devrons progressivement résorber cette masse de crédits, qui menace
l'exécution des budgets tels que les vote le Parlement. La LOLF nous y invite
d'ailleurs, puisqu'elle limite à 3 % des dotations initiales le montant des
crédits reportables d'un exercice à l'autre.
Les dépenses ont, en apparence, été « tenues » en 2001. La norme en volume a
été respectée. Remarquons toutefois que, en 2001, pour la première fois depuis
trois ans, les dépenses ont progressé de plus de 2 %, de 2,8 % exactement ! Le
respect de la norme en volume n'a été acquis que grâce à une hausse des prix
supérieure aux prévisions initiales.
Les dépenses de l'Etat connaissent une très forte inertie : la commission des
finances du Sénat a dénoncé ce fait à de multiples reprises. Le précédent
gouvernement a progressivement mis en place les facteurs qui sont causes de ces
dérives, encore embryonnaires en 2001 mais patentes en 2002. Ces facteurs sont
bien connus : il s'agit, par exemple, de la vive progression de l'emploi
public, de la mise en place des emplois-jeunes, de l'instauration de la
couverture maladie universelle ou de la réforme de l'aide médicale d'Etat.
Toutes ces dépenses sont graduellement montées en puissance, sans être
correctement budgétisées dans la loi de finances pour 2002, et nous avons dû
les intégrer dans le collectif de cet été.
A la vérité, les allégements fiscaux décidés par le précédent gouvernement ont
été financés par des plus-values conjoncturelles et non par la maîtrise
structurelle des dépenses. Entre 1997 et 2002, les baisses d'impôts et de
charges ont représenté 2,5 points de PIB, alors que les efforts en matière
d'économies ne portaient que sur 1,1 point. L'écart entre les deux engendre
cette dégradation structurelle du déficit que nous avons à affronter
aujourd'hui. Elle a été temporairement masquée par d'importantes rentrées
fiscales spontanées et par des prélèvements croissants opérés au titre des
recettes non fiscales. Mais, dès 2001, ces deux facteurs n'empêchent plus la
dérive que nous avons aujourd'hui tant de difficulté à stopper.
Comment ne pas déplorer que ces baisses d'impôts et de charges n'aient pas été
utiles à l'économie comme elles auraient pu l'être ? En effet, pour une part
substantielle, elles ont servi à compenser le passage aux 35 heures, par
exemple, qui a lui-même entraîné une amputation de la production nationale.
La gestion au titre de 2001 est donc loin d'être satisfaisante. La continuité
de l'Etat requiert, toutefois, que nous apurions les comptes, et c'est ce que
je vous proposerai de faire tout à l'heure, en adoptant ce projet de loi.
J'évoquerai rapidement la partie normative de ce texte. Il vous est demandé à
la fois de constater des résultats et d'approuver des modifications de crédits.
Ces modifications concernent des mesures traditionnelles de régularisation sur
des chapitres assortis de crédits évaluatifs. Je vous les présenterai très
brièvement, en convertissant systématiquement les montants en euros. Vous
voterez en effet, mesdames, messieurs les sénateurs, en fonction de montants
exprimés en francs, puisque c'est dans notre ancienne monnaie qu'a été exécuté
le budget pour 2001.
S'agissant du budget général, sont proposées des ouvertures de crédits de 1,1
milliard d'euros et des annulations de crédits devenus sans emploi de 1,6
milliard d'euros. En ce qui concerne les comptes spéciaux, des crédits
complémentaires sont demandés pour un montant de 5,9 milliards d'euros, dont
5,5 milliards d'euros relatifs aux avances à l'Agence centrale des organismes
d'intervention dans le secteur agricole, au titre des besoins temporaires de
préfinancement des dépenses communautaires. En outre, une autorisation de
découvert de 9,7 milliards d'euros est demandée pour le compte « Opérations
avec le FMI », doté, pour mémoire, en loi de finances initiale.
Ces sommes sont importantes ; toutefois, les opérations ainsi financées sont
classiques, et même totalement mécaniques. Pour ce qui concerne, par exemple,
les avances aux organismes d'intervention agricole, il s'agit seulement d'une
opération temporaire : les fonds en question ont fait l'objet d'un
remboursement par l'Union européenne.
Par ailleurs, divers apurements vous sont proposés.
Il s'agit d'abord d'approuver les traditionnelles mesures de remises de dettes
aux pays étrangers, pour 0,1 milliard d'euros, conformément aux résolutions de
la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, la CNUCED,
et aux engagements pris par la France lors des sommets internationaux.
J'indique, à ce propos, que ces remises de dettes n'ont aucune incidence
budgétaire. En revanche, elles pèsent sur notre besoin de financement, au sens
de Maastricht, puisqu'elles diminuent le montant de nos créances, et donc notre
patrimoine financier.
Le second apurement proposé porte sur la constatation d'une perte en
trésorerie sur devises, liée à des fonds que détenait l'ambassade de France sur
un compte ouvert dans une banque à Sarajevo, laquelle a fait faillite.
Je conclurai mon propos par quelques mots sur la gestion de fait, qui est
l'objet de l'article 13 du projet de loi. Il s'agit de reconnaître l'utilité
publique de dépenses, d'un montant de 0,3 million d'euros, comprises dans la
gestion de fait de l'Association pour la recherche à l'Ecole des hautes études
en sciences sociales. Les fonds attribués à cette association ont été utilisés
pour financer des dépenses qui auraient dû incomber au ministère de l'éducation
nationale lui-même. La Cour des comptes a donc constaté l'existence d'une
gestion de fait. En reconnaissant son utilité publique, vous éviterez aux
personnels concernés d'être personnellement redevables des fonds. Cette
orientation me paraît tout à fait souhaitable, puisque ces personnels n'ont pas
agi dans leur intérêt propre.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
grandes lignes de ce projet de loi de règlement. En vous demandant de les
approuver, je ne vous propose naturellement pas d'approuver les objectifs
politiques qu'elles sous-tendent, mais tout simplement de prendre acte de la
situation comptable qui vous est présentée et de statuer définitivement sur des
procédures arrivées maintenant à leur terme. Pour la bonne marche de l'Etat, je
vous invite donc à adopter ce projet de loi de règlement, qui deviendrait ainsi
définitif, puisqu'il a déjà été approuvé par l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Mes chers collègues, j'espère ne pas
lasser votre attention, car, en écoutant M. le ministre, je me suis aperçu que
son propos recoupait, en de nombreux points, l'intervention que j'avais
préparée. Cela représente un certain changement par rapport à la configuration
qui prévalait antérieurement, quand je n'avais pas le sentiment de répéter les
propos du ministre !
(Sourires.)
On ne m'en voudra cependant pas, je l'espère, de revenir sur un certain nombre
d'aspects essentiels de la gestion de l'année 2001.
Nous sommes appelés à délivrer un quitus comptable ; certes, la commission
invitera le Sénat à voter le projet de loi portant règlement définitif du
budget de 2001, mais cela ne saurait, bien entendu, valoir approbation, même
rétrospective, de la politique qui a été conduite et qui, sur le plan financier
et budgétaire, nous apparaît tout à fait désastreuse et porteuse, en germe, des
éléments les plus préoccupants de la situation actuelle.
Mes chers collègues, c'est la première fois que le Parlement est appelé à
examiner le projet de loi de règlement de l'année
n
- 1 juste avant
d'étudier le projet de loi de finances pour l'année
n
+ 1. Nous nous
inscrivons là dans le « chaînage vertueux » - c'est l'expression que nous
avions retenue - défini par la loi organique du 1er août 2001 et permettant de
replacer les données budgétaires et comptables de l'Etat dans une série
logique.
Pour bien apprécier cette évolution, il convient de se féliciter de l'appui
que nous a apporté la Cour des comptes dans ses appréciations. Celles-ci sont
extrêmement précieuses, et M. le président de la commission des finances est
particulièrement attentif à ce que nous puissions, dans l'avenir, poursuivre
une collaboration fructueuse avec la Cour des comptes, chacun restant dans son
rôle, conformément aux dispositions de l'article 58 de la loi organique
relative aux lois de finances.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler brièvement le contexte
économique dans lequel a été exécuté le budget de 2001. Nous étions partis de
prévisions de croissance très flatteuses, puisque l'on estimait que le taux de
cette dernière atteindrait 3,3 % ! Il a été en réalité de 1,8 % et, ni en
termes de dynamique de la consommation ni en termes de dynamique de
l'investissement, l'exécution n'a été à la hauteur des espérances. Cette
croissance est l'une des plus faibles de ces dernières années : rappelons, en
effet, le bonheur de l'année 1998, où le taux de croissance fut de 3,4 % ;
rappelons le bonheur de l'année 1999, où il fut de 3,2 % - c'était l'année de
la « cagnotte », avec des recettes fiscales plus élevées que prévu, et comme
nous voudrions retrouver cette « cagnotte »
(Sourires),
même si ce mot
suggère une impression de facilité qui ne dépeint pas la réalité du phénomène ;
enfin et surtout, rappelons le bonheur de l'année 2000, où le taux de
croissance fut de 4,2 % !
Mes chers collègues, cette série d'années fastes aurait pu - aurait dû -
permettre de traiter les problèmes fondamentaux qui se posent aux finances
publiques, aurait pu - aurait dû - permettre d'opérer plus vite le
rééquilibrage des comptes de l'Etat et la résorption de la dette.
Hélas ! c'est la facilité qui a prévalu, et je crois, monsieur le ministre,
mes chers collègues, que nous n'insistons pas suffisamment sur cette
réalité.
M. Robert Del Picchia.
C'est vrai !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La question que nous serions fondés à poser à vos
prédécesseurs en fonction au cours de la législature 1997-2002, monsieur le
ministre, est tout simplement la suivante : « Qu'avez-vous fait de cette
croissance,...
MM. Lucien Lanier et Yves Fréville.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... puisque, au jour où la croissance fait défaut,
nous retrouvons entiers la dette, les déficits, la lourdeur des dépenses et
l'ensemble des problèmes de l'appareil d'Etat ? »
En 2001, l'environnement international, on le sait, s'est beaucoup dégradé :
le prix du pétrole a atteint son maximum depuis 1991 ; l'économie américaine
était en voie de ralentissement avant même le 11 septembre ; l'activité dans la
zone euro a connu une déclaration et l'inflation y a été plus forte
qu'attendu.
Eu égard à ce contexte, rappelons en quelques mots quelle fut la politique
budgétaire du gouvernement alors en fonctions, s'agissant des recettes, des
dépenses et du solde.
Pour ce qui est des recettes, nous avons vu s'opérer en 2001 un mouvement
préoccupant de décélération des recettes fiscales, qui traduisait la
conjoncture mais aussi les conséquences des mesures prises par le gouvernement
d'alors au travers du « plan Fabius » de baisses d'impôts.
En contrepartie, les recettes non fiscales ont connu une progression
exceptionnelle, sous l'effet conjugué, d'une part, de l'apport d'une quinzaine
de milliards de francs qui auraient dû être comptabilisés dès 1999, mais qui
ont été utilisés en 2001, et, d'autre part, de la mobilisation de ressources à
caractère exceptionnel, de quasi-expédients budgétaires ayant permis de cacher
une partie de la réalité.
L'évolution des recettes fiscales n'a été que de 2 % en 2001. Pour être tout à
fait juste, il faut observer qu'elle eût été différente en l'absence de
modifications importantes d'assiette fiscale entre l'Etat et la sécurité
sociale. Ainsi, 45 milliards de francs de recettes fiscales ont été transférés
à la sécurité sociale en 2000, et près de 15 milliards de francs en 2001, soit
60 milliards de francs en l'espace de deux exercices. Je souligne au passage,
mes chers collègues, que ce fait renforce l'intérêt du débat consolidé sur les
prélèvements obligatoires qui a lieu cet après-midi même, me semble-t-il, à
l'Assemblée nationale et qui se tiendra le 7 novembre au Sénat, ce qui nous
laisse un peu plus de temps pour le préparer : avoir une vision globale des
prélèvements obligatoires est absolument indispensable.
En ce qui concerne les impôts directs, le produit de l'impôt sur le revenu a
crû de 0,4 % en 2001, celui de l'impôt sur les sociétés connaissant, quant à
lui, une hausse « dynamique » de près de 8 % - mais on sait que cet impôt
mesure la réalité économique de l'année précédente. Par ailleurs, le produit de
l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, a progressé de 9,5 %, ce qui
traduisait sans doute l'existence de plus-values ou d'une bonne valorisation
sur les marchés, ainsi que les résultats du contrôle fiscal.
En ce qui concerne la TVA nette, son produit apparaît presque étale avec une
augmentation limitée à 0,4 %, ce qui témoigne à la fois de la conjoncture et
des effets de la baisse d'un point du taux normal de TVA au 1er avril 2000. Que
l'on me permette d'ailleurs de souligner que l'impact économique de cette
mesure est loin d'être certain, bien qu'elle ait coûté chaque année plus d'une
vingtaine de milliards de francs au Trésor.
Enfin, les recettes au titre de la TIPP ont progressé de 3,6 % en 2001.
S'agissant maintenant des dépenses, M. le ministre l'a rappelé, la norme de
progression de 0,3 %, soi-disant respectée, doit être considérée avec
attention. En effet - et là je rappelle simplement les propos de la Cour des
comptes - vos prédécesseurs, monsieur le ministre, ont pris quelques libertés
avec le principe de la permanence des méthodes comptables. Ils ont exclu du
total des dépenses nettes du budget général certaines dépenses qualifiées de «
dépenses exceptionnelles à caractère ponctuel ». Or ces dépenses, qui
s'élevaient à près de 7 milliards de francs en 2000, ont atteint presque 19
milliards de francs en 2001. Il s'agit peut-être de dépenses exceptionnelles à
caractère ponctuel. Cela reste à démontrer pour une partie d'entre elles. En
tout cas, le montant de ces dépenses a beaucoup augmenté en 2001, puisqu'il
représente quasiment trois fois le montant retenu en 2000. Ce n'est pas
négligeable ! A partir de ce constat, la Cour des comptes estime, selon les
hypothèses et l'ampleur des correctifs à apporter, que la véritable
augmentation de la dépense de l'Etat est comprise entre 0,4 % et 0,7 %. En tout
cas, elle ne s'établit pas à 0,3 %.
Ce qui est peut-être encore plus important, c'est la rigidité toujours
excessive de la dépense publique. Sur les 266 milliards d'euros de dépenses du
budget général, près de 40 % sont consacrés aux personnels, 14 % aux charges de
la dette et près de 8 % au fonctionnement courant. Les dépenses passives
représentent donc plus de 60 % de l'ensemble des dépenses de l'Etat.
Si l'on examine de manière un peu plus détaillée les rubriques, on constate
que, au sein des dépenses civiles ordinaires, les dépenses de pensions
représentent le secteur le plus dynamique à l'intérieur des charges de
personnels, rémunérations et pensions. En effet les rémunérations augmentent de
3,8 % et les pensions d'un taux sensiblement plus élevé.
Quant aux dépenses civiles en capital, elles semblent croître en 2001. Mais ce
n'est qu'une apparence, qui s'explique par la rebudgétisation du Fonds
d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
S'agissant des dépenses militaires, l'évolution a été modeste et le décrochage
a été net par rapport aux objectifs de la loi de programmation militaire en
vigueur.
Au total et parmi les dépenses, M. le ministre l'a d'ailleurs rappelé, un
phénomène important apparaît, si l'on considère l'ensemble de ces crédits :
c'est le volume anormal des reports. Le total des crédits reportés sur 2002
représente près de 100 milliards de francs. C'est une véritable épée de
Damoclès qui pèse sur le rythme futur de la dépense publique. Le Gouvernement
est donc parfaitement fondé à mesurer, ministère par ministère, la réalité des
besoins, à l'apprécier et à supprimer, autant qu'il le faut, les reports qui ne
correspondent pas à un rythme de consommation plausible. C'est ce qui a été
fait pour préparer le budget pour 2003. La commission des finances ne peut que
s'associer à cet exercice de vérité, même s'il en coûte ou même si cela peut
dissiper quelques illusions.
En ce qui concerne le solde, nous observons une donnée fondamentale, un point
de retournement crucial : pour la première fois depuis 1997, le déficit
budgétaire dérape. Il est à la fois plus important que le déficit de l'année
précédente et plus important que celui qui était prévu dans la loi de finances
initiale. Cela altère considérablement la capacité de l'Etat à gérer le retour
à l'équilibre des finances publiques. Cela n'empêchait pas vos prédécesseurs,
monsieur le ministre, voilà à peine un an, d'envoyer à l'Union européenne un
programme triennal assurant que le rendez-vous de 2004 serait honoré, alors que
la réalité des chiffres montrait le contraire. Manifestement, cela ne les
gênait pas. Cela ne gêne pas non plus aujourd'hui l'ancien ministre des
finances M. Laurent Fabius : il pousse des cris d'orfraie en observant que la
réalité des chiffres conduit ses successeurs à envisager une série un peu plus
longue d'années avant de parvenir à l'équilibre.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce sont des cris de remords !
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Peut-être. Faisons-lui ce crédit !
N'oublions pas que ces séries de déficits se traduisent par une augmentation
constante de la dette. Et n'oublions pas non plus, mes chers collègues, que, au
point où nous sommes arrivés, cela représente pour chaque Française ou chaque
Français une dette de 14 000 euros. A sa naissance, chaque petit Français
trouve dans son berceau un gros paquet qu'il lui faudra supporter une grande
partie de sa vie, une dette de 14 000 euros, avec une charge annuelle de 760
euros.
Si cet endettement supplémentaire avait permis d'enrichir le patrimoine
public, ce serait un moindre mal. Or, les données de la comptabilité
patrimoniale qui nous sont fournies, et qui sont intéressantes malgré les
conventions sur lesquelles elles reposent, montrent que, au contraire, le
patrimoine des administrations publiques s'est considérablement appauvri,
puisqu'il aurait connu, entre 1996 et 2000, une variation nette négative proche
de 86 milliards d'euros. De plus en plus d'endettement donc, et, dans le même
temps, un patrimoine public qui n'a cessé de diminuer en valeur de façon
préoccupante.
Pour conclure, je terminerai par deux enseignements.
D'abord, en 2001, tous les ingrédients, tous les germes de déséquilibre sont
présents pour nous conduire à une situation extrêmement préoccupante en phase
de ralentissement de la croissance : des recettes incertaines, des expédients
qui, pour avoir déjà été utilisés, vont, dès lors, diminuer les marges de
manoeuvre de l'avenir, des dépenses qui dérapent, très peu de volontarisme dans
la gestion des crédits publics, et en particulier du personnel, un déficit qui
se creuse, une dette qui progresse et un patrimoine public qui ne cesse de se
dévaloriser. Tout cela crée un ensemble de conditions qui ne rendent
certainement pas facile la tâche aujourd'hui, et qui la rendront probablement
encore moins facile demain.
Le second enseignement, c'est la nécessité, pour nous parlementaires, en
particulier pour les membres de la commission des finances, d'attacher toute
l'importance qui convient au contrôle de l'exécution des budgets. Nous nous
sommes efforcés de pratiquer aussi souvent que possible le contrôle sur pièces
et sur place. Je me souviens d'un jour de février 2002 où je m'étais rendu à
Bercy pour examiner les conditions de clôture de l'exercice 2001 : on m'avait
tenu des propos rassurants, qui, hélas ! ont été très vite démentis par la
réalité.
Les contrôles sur pièces et sur place et le suivi précis de l'exécution du
budget, qui repose à présent sur des prérogatives parlementaires clairement
prévues par la loi organique, sont nécessaires et ils représentent une part
très significative de nos responsabilités. Monsieur le ministre, vous ne serez
donc pas surpris que nous poursuivions dans ce domaine les pratiques
antérieures et que nous fassions du contrôle de l'exécution budgétaire une
priorité de nos programmes de travail pour les mois à venir.
Au total, mes chers collègues, et au vu de tous ces éléments, même s'ils ne
sont pas réjouissants quant au fond, il convient de prendre acte de la gestion
passée et des chiffres qui nous ont été communiqués. Je le répète : cela ne
saurait être interprété comme un accord donné à une politique dont nous ne
partagions pas les principes.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent
projet de loi de règlement, qui porte sur le dernier exercice budgétaire que
l'on peut imputer en totalité au précédent gouvernement, ne semble pas devoir
souffrir d'incertitude quant au vote qui interviendra au terme de notre débat.
En effet, ce texte sera approuvé.
Au-delà de cette observation liminaire, il est évident que ce qui est le plus
important dans ce débat, ce sont les perspectives qu'il trace quant aux années
à venir et les analyses qu'il permet de dégager.
Dans les faits, les projets de loi de règlement continuent de souffrir d'un
caractère formel assez profondément ancré, leurs articles consacrant bien
souvent la simple réalité des mouvements financiers qui ont été observés au
cours de l'exécution budgétaire.
S'agissant du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2001,
force est donc, une fois de plus, de se référer à la discussion du projet de
loi de finances initiale.
A ce titre, je formulerai une première observation.
L'année 2001 marque, chacun le mesure désormais, la première année de
retournement de la conjoncture économique, retournement qui, je le dis au
passage, est encore plus patent dans le cadre de l'exécution budgétaire de 2002
et rend fort hypothétique l'équilibre des finances publiques tel qu'il ressort
du projet de loi de finances initiale pour 2003, lequel sera bientôt examiné
par les deux assemblées.
Le groupe communiste républicain et citoyen avait eu l'occasion, lors des
débats menés dans notre assemblée, de pointer la nécessité d'une démarche plus
audacieuse en matière de finances publiques, susceptible de soutenir
effectivement la croissance, plus que ne le prévoyait le texte initial.
Monsieur le ministre, je suis persuadée que vous avez encore à l'esprit,
puisque vous présidiez alors la commission des finances de notre assemblée, les
mesures que nous préconisions, mesures que vous combattiez déjà, et que
combattaient aussi - je l'ai beaucoup regretté - les ministres des finances du
gouvernement précédent !
Nous disions notamment : « Comment inscrire dans le texte du projet de loi de
finances pour 2001 nos choix de justice sociale, de soutien à la croissance
solidaire ? »
Dans cette optique, nous avions défendu des propositions comme la baisse du
taux normal de TVA, la réduction de l'avoir fiscal, l'amélioration de
l'efficacité économique de l'impôt de solidarité sur la fortune ou la baisse de
la TVA sur certains produits de consommation populaire et - pourquoi ne pas le
dire ? - la baisse de la TVA pour la restauration traditionnelle, mais je pense
que nous étions d'accord sur ce dernier point. Toutes ces propositions allaient
dans le sens d'une plus grande justice fiscale et permettaient d'accroître
l'efficacité de la dépense et des politiques publiques. Nous estimons que c'est
toujours le cas.
Ces mesures n'ont pas trouvé place, et on peut le regretter, dans le projet de
loi qui a été finalement adopté, ce qui n'enlève d'ailleurs rien à leur
pertinence ni à leur actualité.
La seconde observation que je formulerai est liée à l'environnement
économique.
Le projet de loi de règlement intègre une progression relative du déficit
public, qui atteint, à la fin de l'exercice, 31 605 millions d'euros, soit une
augmentation d'environ huit points par rapport à l'exercice précédent, mais
cela ne représente pas un dérapage excessif au regard du produit intérieur
brut.
La situation de l'exercice 2002 est, on le sait, assez différente, tandis que
les prévisions pour 2003 semblent plutôt procéder de l'affichage et que nous
risquons de nous voir entraîner, ainsi que l'a annoncé hier M. Francis Mer à
l'Assemblée nationale, vers une rigueur budgétaire qui aurait pour conséquence
moins de crédits, moins d'équipements pour répondre aux attentes de notre
pays.
Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire d'une progression des déficits
quoique nous soyons fondés à poser une fois de plus cette question de fond :
est-il véritablement dramatique que l'Etat soit en déficit, dès lors que ce
déficit contribue au développement économique et à la satisfaction des besoins
collectifs ?
Par ailleurs, on ne peut manquer d'observer que le déficit de l'année 2001 est
inférieur, en fin de compte, au poids propre de la dette publique, ce qui n'est
pas pas spécialement un signe de mauvaise gestion. Il s'en faut même, sur ce
chapitre, d'environ 5 milliards d'euros.
Même si nous n'approuvons pas la politique qui a été menée, nous constatons
que l'exécution du budget de 2001 a été conduite en application des règles
comptables. Au moment où les choix politiques opérés par le gouvernement actuel
conduisent dans le rouge les comptes publics - plus de 10 milliards d'euros de
déficit supplémentaires en exécution à la fin du mois d'août 2002 au regard du
mois d'août 2001 -, cela mérite d'être noté.
Au terme de ces observations, je ne peux, évidemment, manquer de souligner que
nous ne pouvons partager les conclusions de M. le rapporteur général sur ce
projet de loi. Notre vote sera une approbation comptable d'une loi de règlement
et d'exécution d'un budget.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville.
« Moment de vérité », avez-vous dit, monsieur le ministre, pour qualifier le
débat qui nous occupe aujourd'hui ; il s'agit plutôt, selon moi, d'une oraison
funèbre pour les cinq années perdues dans le redressement des finances
publiques. En tout cas, cette loi de règlement arrive en temps utile pour que
soit éclairée la discussion de la prochaine loi de finances. C'est là la
conclusion d'une décennie d'efforts.
Je me souviens avoir, voilà fort longtemps, demandé que le rapport de la Cour
des comptes sur l'exécution du budget soit disjoint de la déclaration de
conformité pour être connu avant la discussion budgétaire. Depuis,
l'administration des finances a fait d'énormes progrès. Je tiens à cet égard,
monsieur le ministre, à souligner la qualité de son rapport de présentation du
compte général. J'y ferai allusion ultérieurement, à propos de l'évaluation de
la dette implicite des retraites notamment.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de l'exécution du budget de 2001 ? Pour
répondre à cette question, j'évoquerai tout d'abord l'exécution du pacte de
croissance et de solidarité qui nous unit aux autres pays européens, pour
ensuite m'attarder sur la persistance de rigidités à long terme, sources de
contraintes et dont l'évolution est préoccupante.
En fait, nous devons nous habituer à vivre dans une économie cyclique,
sensible à des fluctuations d'origine externe et largement imprévisibles : ce
n'est que six mois, voire un an plus tard que l'on s'est rendu compte que le
pic de croissance avait été atteint en décembre 2001 et que la croissance
prévue à 3,3 % allait dégénérer à 1,8 %.
Nous observons le même phénomène aujourd'hui. Avons-nous atteint, monsieur le
ministre, le creux de ce freinage de la croissance ? Vous ne pouvez le savoir.
Nous ne le saurons que dans six mois, voire un an.
Mais cette imprévisibilité ne constitue pas, à mon sens, une excuse à
l'imprévoyance, et ce qui est en cause, c'est l'imprévoyance du gouvernement de
M. Jospin dans la gestion des finances publiques, malgré les conseils qu'avait
donnés, en son temps, Joseph à Pharaon.
(Sourires.)
Le fameux seuil de 3 points de PIB à ne pas dépasser pour le financement des
administrations publiques, voulu par la France, n'avait pas été choisi tout à
fait par hasard. J'ai relu à ce propos avec intérêt le rapport économique,
social et financier accompagnant le projet de loi de finances de 1999. Qu'y
était-il écrit ?
« Il faut conserver un solde structurel, c'est-à-dire corrigé des effets de la
conjoncture, durablement proche de l'équilibre en période de conjoncture
normale, de manière à pouvoir conduire avec souplesse la politique budgétaire
en période de ralentissement. »
Hélas, le gouvernement Jospin n'a pas appliqué ces excellents principes.
Jugez-en à partir des chiffres énoncés par la commission !
Le déficit structurel n'a été réduit que de 0,6 % du PIB sur les cinq années
envisagées et est même resté stable à un niveau de 1,6 % de 1999 à 2001.
En 2000, au pic de la croissance, notre marge de sécurité était donc
inférieure de moitié à ce qu'elle aurait dû être.
Plus grave encore : si l'on ne tient pas compte des intérêts de la dette,
c'est-à-dire de l'héritage des déficits passés, l'excédent primaire moyen,
avant paiement des intérêts de la dette de l'ensemble des administrations, est
resté inchangé à 1,5 % du PIB sur l'ensemble de la période 1997-2001.
Cela s'est traduit immédiatement dans le budget de l'Etat. En 2001, le déficit
s'est élevé à 210 milliards de francs alors que la charge nette de la dette
représentait 240 milliards de francs. Autrement dit, pour les quatre
cinquièmes, les intérêts de la dette ont été financés par de nouveaux
emprunts.
On peut en déduire que la politique affichée par le précédent gouvernement ne
permettait pas de respecter les exigences européennes.
Monsieur le ministre, la mise en oeuvre progressive d'une réduction du déficit
structurel reste une nécessité à moyen terme pour notre pays.
(M. le ministre délégué acquiesce.)
Ce n'est pas un diktat imposé par la
Commission de Bruxelles, mais il n'est pas logique que, indépendamment des
aléas conjoncturels, nous ne soyons pas capables de payer les intérêts de la
dette !
Je me réjouis, par conséquent, qu'à partir de 2004 le Gouvernement suive cette
politique. S'il est certes contraint de laisser s'aggraver le déficit en
période de basse conjoncture, comme c'est le cas aujourd'hui, c'est évidemment
parce qu'il utilise cette marge de 3 %, qui aurait dû être réduite à zéro en
période favorable.
J'en viens aux facteurs de rigidité.
Vous ne vous étonnerez pas, mes chers collègues, que je prenne mes exemples
dans le budget des charges communes et qu'ils portent sur la dette financière,
la dette viagère et la dette liée à l'épargne logement.
En fait, on avait fini par oublier la charge de la dette de l'Etat ; elle
avait cessé de s'accroître en 1999. Mais cette rémission, comme cela a été
excellemment dit par M. le rapporteur général, ne pouvait à l'évidence être que
temporaire, la baisse des taux d'intérêt s'atténuant progressivement.
En 2001, les emprunts phares se plaçaient à un taux proche de 5 %, bien loin
des 9 % atteints en 1995. Mais cet effet taux s'affaiblit d'année en année. Au
demeurant, cet effet a encore été important en 2001 : la dette aurait dû
normalement, par l'accroissement de son volume, entraîner une charge d'intérêts
supplémentaire de 10 milliards de francs. Or, l'effet taux a permis de la
réduire de 5 milliards ; mais, progressivement, cet effet s'évanouira et, à
déficit inchangé, la charge de la dette s'accroîtra mécaniquement d'environ 10
milliards de francs, soit 1,5 milliard d'euros, par an.
Le second point, tout aussi préoccupant, est l'augmentation des charges de
retraites qui se trouvent pour exécution dans le budget des charges communes,
où leur masse apparaît clairement.
Les dépenses nettes de pensions ont frôlé les 200 milliards de francs en 2001,
en croissance de près de 4 % par rapport à l'année précédente. Entre 1990 et
2000, elles ont crû en moyenne de 4,5 %, et ce décalage par rapport à la
croissance moyenne du budget est principalement dû à la forte augmentation du
nombre de pensionnés, qui croît de 1,7 % par an.
Nous savons tous que c'est le contribuable qui supporte l'essentiel de cette
charge puisque la contribution de l'Etat représente à elle seule, si l'on
exclut les participations de France Télécom et de La Poste ainsi que les
retenues sur agents, 70 % de ces pensions.
J'ai constaté avec satisfaction que le rapport annexé au compte général de
l'administration des finances contenait une méthodologie permettant de calculer
l'ensemble des engagements implicites que représentent ces retraites. Je
regrette simplement que cette méthodologie ne soit pas accompagnée de chiffres
propres à nourrir le débat qui est absolument nécessaire sur le devenir des
pensions des fonctionnaires de l'Etat comme sur celui de l'ensemble des
pensions de retraites.
Enfin, monsieur le ministre, j'évoquerai l'évolution des primes d'épargne
logement.
Au cours des quatre dernières années, le montant des primes d'épargne logement
versées s'est accru de 50 %. D'un certain point de vue, c'est réjouissant,
puisque cela signifie que se forme une épargne importante, représentant en
dépôts presque l'équivalent du budget de l'Etat et pouvant alimenter l'ensemble
de notre construction immobilière. Mais, d'un autre côté, il faut bien
constater que cela représente pour l'Etat une dette latente qui a été évaluée à
environ 10 milliards d'euros. En contrepartie, le rapport entre les prêts
financés et les dépôts a décru en quelques années de 30 % à 10 %.
J'ajouterai, pour atténuer mon propos, que les 90 % de dépôts restants ne
seront pas retirés du cycle de la construction et qu'ils permettront d'accorder
des taux avantageux aux accédants à la propriété.
Il n'empêche que ce problème mériterait d'être pris en considération.
Si j'ai fait appel à ces exemples, c'est pour montrer à quelles contraintes le
Gouvernement allait être confronté. Face à de telles tendances, il serait en
tout cas très important que, dans la prochaine procédure budgétaire,
apparaissent clairement les objectifs que se fixe le Gouvernement, ainsi que
les moyens qu'il entend prendre pour les atteindre.
Voilà quelques exemples des leçons que l'on peut tirer de ce projet de loi de
règlement. Ils ne sont pas uniquement conjoncturels ni liés seulement à
l'action du précédent gouvernement. Ils montrent que des tendances lourdes
existent, tendances qui devront être corrigées. Cela exigera de votre part,
monsieur le ministre, un grand courage, mais nous sommes là pour vous aider.
Enfin, mes chers collègues membres de l'ex-majorité plurielle, si le résultat
des élections législatives avait été autre, je vous aurais bien entendu laissé
le soin d'adopter seuls ce texte. Mais, dans la mesure où M. le ministre nous
demande de respecter la continuité de l'Etat et que M. le rapporteur général
donne à ce vote le sens d'un simple arrêté des comptes, sans grand
enthousiasme, nous émettrons un vote positif sur le présent projet de loi de
règlement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
2001 est le dernier à avoir été élaboré et entièrement exécuté par le
gouvernement de Lionel Jospin. Les socialistes en revendiquent la paternité et
en assument complètement la responsabilité.
Notons aussi qu'il s'agit du dernier budget exécuté en francs.
Relevons surtout que, pour la seconde année consécutive, le Parlement a la
possibilité d'examiner le projet de loi de règlement du budget de l'année
n
- 1 avant le projet la loi de finances de l'année
n
+ 1. La
mobilisation et l'efficacité des services de Bercy méritent d'être salués.
Ainsi, les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances qui
prévoient ce « chaînage vertueux », dispositions impératives cette année, sont
respectées, comme elles l'avaient été par anticipation l'année dernière.
Nous connaissons bien, mes chers collègues, les limites inhérentes à
l'exercice auquel nous allons nous prêter. Fort heureusement, la réforme
résultant de la mise en oeuvre de la loi organique apportera une sensible
amélioration à l'efficacité du contrôle du Parlement sur l'exécution
budgétaire.
Pour autant, dans l'attente de cette « petite révolution », l'examen du
présent projet de loi de règlement est l'occasion de porter une appréciation
d'ensemble sur la politique budgétaire conduite par le Gouvernement en 2011
mais aussi sur l'orientation générale des finances publiques.
Force est de constater que les prévisions de croissance sur lesquelles était
construit le budget de l'année 2001 ne se sont pas réalisées : le PIB a
progressé de 1,8 % alors que la loi de finances initiale prévoyait une
croissance de 3,3 %.
L'écart est important, mais il serait injuste de jeter la pierre au
Gouvernement. Au moment de l'élaboration du budget, le taux de 3,3 % faisait
largement consensus parmi les économistes. Par exemple, en juin 2000, l'OCDE
prévoyait une croissance de 3 % au sein de sa zone. Pour sa part, l'INSEE
n'avait pas anticipé le ralentissement économique et ce n'est que très
progressivement, par petites touches, qu'il a revu ses prévisions à la
baisse.
Avec le recul, on s'aperçoit que le changement de rythme de l'activité a été
important et soudain ; dès lors, il était difficilement prévisible.
En outre, pour l'année 2000, le Gouvernement avait péché par excès de
pessimisme. Voulant sans doute rectifier le tir en 2001 pour parer aux
critiques, il aura versé dans l'excès inverse.
Les aléas de la conjoncture économique ont évidemment eu un impact sur
l'équilibre du budget de l'Etat. Au lieu de diminuer, comme le prévoyait la loi
de finances initiale, le déficit se creuse légèrement, s'établissant à 32
milliards d'euros. Toutefois, la dégradation est d'ampleur limitée : moins de 3
milliards d'euros. Surtout, le solde primaire, c'est-à-dire hors charge nette
de la dette, reste largement positif, ce qui n'avait jamais été le cas de 1993
à 1996.
Certes, le gouvernement de Lionel Jospin avait obtenu en la matière de
meilleurs résultats et même, pour tout dire, des résultats excellents de 1997 à
2000, chaque année voyant le déficit baisser. Il eût, bien sûr, été idéal que
cette évolution se poursuivît en 2001.
Cependant, face au fort ralentissement de l'activité en 2001, le Gouvernement
s'est montré responsable et réactif. Il a clairement fait le choix du soutien à
la croissance et à l'emploi. Pour cela, il a laissé jouer les stabilisateurs
automatiques, politique consistant à ne pas compenser les pertes de recettes et
les hausses de dépenses résultant mécaniquement du ralentissement
économique.
Ainsi, la Cour des comptes estime que 72 % des recettes fiscales liées à la
progression du PIB ont été redistribués, politique volontariste s'il en est,
mes chers collègues !
Force est de constater que la voie ainsi choisie, appuyée par un plan de
consolidation de l'activité intégré à la loi de finances rectificative, a été
particulièrement efficace. Une nouvelle fois en 2001, la croissance de la
France, qui a atteint 1,8 %, a dépassé celle des pays de la zone euro, qui
était de 1,5 %. Jamais, de 1993 à 1996, cela n'avait été le cas, mes chers
collègues.
La Cour des comptes, et tous les économistes avec elle, souligne la qualité du
pilotage économique du précédent gouvernement. La Cour indique notamment dans
son rapport sur le budget de 2001 : « La consommation des ménages reste la
principale composante de la croissance : elle est soutenue par les baisses
d'impôts. »
Or je crains, mes chers collègues, que la baisse de 6 % de l'impôt sur le
revenu ne permette pas de reconduire cette dynamique en 2002 et 2003. L'actuel
gouvernement le reconnaît d'ailleurs en indiquant que l'effet positif serait,
au mieux, de 0,1 point de PIB la première année et qu'il pourrait même être
moindre : « La formule retenue devrait relativement plus bénéficier aux ménages
les plus imposés. Or ce sont également ceux dont le taux d'épargne serait le
plus élevé en moyenne. L'effet sur l'activité pourrait être surestimé. » Alors,
cette baisse de l'impôt sur le revenu relève-t-elle du pragmatisme ou de
l'idéologie ? Je vous laisse juges, mes chers collègues !
Quant au déficit public, il passe de 1,3 % du PIB en 2000 à 1,4 % en 2001. La
tendance à la réduction du déficit, observée chaque année depuis 1997, prend
fin en 2001. Cependant, l'amélioration du solde des administrations publiques
depuis 1997, qui représente 1,6 % du PIB, demeure appréciable.
Par ailleurs, la France, au regard de la réalité des chiffres, est trop
rapidement qualifiée de « mauvais élève de la classe européenne ». Ainsi, comme
l'indique M. le rapporteur général, le déficit public de la France, hors
incidence des licences UMTS, représente, en 2001, 1,5 % du PIB, soit exactement
le même pourcentage que la moyenne des pays de la zone euro.
La France aurait donc été, sous Jospin, un mauvais élève... dans la moyenne !
La démonstration manque de cohérence pour convaincre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il vaudrait mieux être un bon élève !
M. Gérard Miquel.
Si, aujourd'hui, la France est dans la moyenne, mes chers collègues, il y a
fort à craindre qu'elle ne soit, demain, en queue de peloton, compte tenu du
refus irresponsable de l'actuel gouvernement de s'engager auprès de ses
partenaires européens à réduire son déficit.
Si les recettes fiscales ont sensiblement diminué par rapport aux prévisions
sous l'effet de la moins bonne conjoncture économique, la dépense a, quant à
elle, été maîtrisée. La Cour des comptes valide en effet la progression de 0,3
% en volume de la dépense, progression conforme aux engagements du Gouvernement
devant le Parlement et auprès des instances européennes. Certes, la progression
a été plus vive que dans les années passées, mais on reste loin des records
enregistrés de 1993 à 1996.
L'exécution du budget de 2001 est caractérisée par la faible ampleur des
modifications réglementaires de crédits apportées à l'autorisation
parlementaire. Le rapport entre la masse des crédits votés dans la loi de
finances initiale et les modifications qui y ont été apportées ultérieurement
est même le plus faible depuis 1983. Aussi peut-on conclure que le Gouvernement
a été particulièrement respectueux de l'autorisation parlementaire.
Aucune charge n'a été reportée sur l'exercice suivant...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oh !
M. Gérard Miquel.
... et les crédits reportés sur l'exercice 2002, soit 92,7 milliards de
francs, équivalent à peu près aux crédits reportés en 2000 sur l'exercice 2001,
soit 86 milliards de francs. Ces reports résultent en outre, pour une bonne
part, de l'extension des contrats de gestion, qui permettent une utilisation
dynamique et intelligente des crédits.
La Cour note par ailleurs une sensible amélioration de la transparence à
travers la poursuite de la rebudgétisation de nombreux crédits de fonds de
concours comme à travers l'inscription au budget de chaque ministère de crédits
auparavant regroupés au budget des charges communes.
Enfin la Cour des comptes indique que la « période complémentaire n'a pas été
mise à profit pour procéder à des ajustements significatifs du solde
d'exécution budgétaire ». Elle ajoute que, « pour l'essentiel, les arbitrages
budgétaires ont été définis par le Parlement lors de l'adoption des lois de
finances ». Dès lors, j'estime regrettable pour la crédibilité des travaux de
la commission des finances la polémique orchestrée au mois de mars autour du
déficit d'exécution de la loi de finances rectificative, qualifié ironiquement
de « divine surprise » parce qu'il était inférieur au déficit voté.
Je souhaite, pour notre pays, monsieur le ministre, que vous réussissiez
autant que vos prédécesseurs. Mais les premières mesures de votre gouvernement
me donnent à penser que vous n'êtes pas sur le bon chemin.
Le groupe socialiste assume entièrement la responsabilité de l'exécution du
budget de 2001 et de la politique économique et sociale dont il était un
instrument essentiel. En conséquence, il votera évidemment le projet de loi de
règlement du budget de 2001.
M. le président.
La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
discussion d'un projet de loi de règlement peut apparaître comme un exercice
quelque peu conventionnel. Cet exercice présente cependant un mérite : celui de
permettre de faire le point sur une politique encore toute récente, et cela est
d'autant plus utile que, par application de la loi organique du 1er août 2001
relative aux lois de finances, nous examinons ce texte avant de débattre du
projet de loi pour 2003.
La parfaite analyse de notre excellent rapporteur général et le travail
remarquable de la Cour des comptes rendent inutile, bien entendu, un examen
d'ensemble du budget de 2001. J'insisterai seulement ici sur quelques aspects
qui prêtent à réflexion. Sans doute serai-je quelque peu redondant avec tout ce
qui a été remarquablement dit auparavant, mais il n'est peut-être pas vain de
répéter certaines vérités.
Qu'il me soit d'abord permis de relever l'erreur importante d'appréciation qui
a été commise quant aux perspectives de croissance de notre économie. En effet,
pour l'année 2002, le précédent gouvernement avait prévu une croissance de 2,8
% ; or elle a atteint 3,4 %. L'euphorie suscitée par ce résultat a conduit, non
sans imprudence, à tabler pour 2001, c'est-à-dire pour le budget qui nous
occupe, sur une croissance de 3 % ; hélas ! elle n'a pas dépassé 1,8 %.
En 2002, nouvelle déconvenue : une croissance de 2,5 % était prévue et nous
finirons sans doute, si rien ne vient plus à la traverse, à 1,2 %...
Reconnaissons que l'exercice est délicat. Certes, mais persévérer dans
l'erreur est fâcheux, et ce d'autant plus que la conjoncture internationale,
notamment le ralentissement de l'économie américaine, laissait prévoir que la
croissance française allait à l'évidence marquer le pas.
Le budget de 2001 se caractérise aussi, force m'est de le dire, par un manque
certain de transparence. Ainsi, la prime pour l'emploi n'est pas prise en
compte comme une dépense publique au prétexte qu'il s'agit d'un dégrèvement.
Mais qu'est-ce qu'un dégrèvement, sinon une « diminution de charges fiscales »
C'est, en tout cas, la définition qu'en donne le dictionnaire Larousse.
Or une grande partie des bénéficiaires de la prime pour l'emploi ne sont pas,
en réalité, assujettis à l'impôt sur le revenu. Je voudrais bien que l'on
m'explique comment on peut accorder une diminution d'impôt à celui qui n'y est
pas assujetti ! Si l'on estime ne pas pouvoir alléger la charge de ceux qui
paient l'impôt sans faire un cadeau à ceux qui ne le paient pas, il faut bien
avoir le courage de constater la réalité et d'appeler dépense ce qui, de fait,
en est une !
Une autre acrobatie comptable permet d'escamoter les sommes affectées aux
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale : il va de soi que les dépenses du FOREC, qui correspondent à 1,1 % de
la dérive des dépenses de l'Etat - ce qui n'est tout de même pas rien ! -
auraient dû être budgétisées.
Plus généralement, nous pouvons regretter que les baisses d'impôts ne se
soient pas accompagnées d'une diminution des dépenses de l'Etat. Or c'est à une
augmentation de ces dépenses que nous avons assisté : elles ont augmenté, en
effet, de 2,8 % en 2001, alors qu'elles avaient diminué de 0,8 % en 2000.
L'effet de relance de l'économie qui aurait dû résulter des baisses d'impôts
décidées pour 2001 a donc, en fait, été annulé par le dérapage de la dépense
publique qu'a entraîné, notamment, l'augmentation de 2,7 % des charges de
personnels. Le nombre d'emplois nouveaux de fonctionnaires - 23 789 dans le
projet de loi de finances initiale pour 2001 - s'élève à 31 871, je le
rappelle, dans le rapport annuel sur la fonction publique de l'Etat.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est bon, en effet, de le rappeler !
M. Lucien Lanier.
Entre ce que révèle, comme malgré lui, le budget de 2001 et ce qu'il cache,
nous cherchons en vain ce dont nous pourrions nous féliciter : absence de
financement des 35 heures ou de l'allocation personnalisée d'autonomie, déficit
de 2001 supérieur de 3 milliards d'euros à celui de 2000, alourdissement de la
dette publique...
Nous ne pouvons, bien évidemment, que déplorer la politique dont le budget de
2001 est le reflet.
Ce projet de loi de règlement porte enfin en lui - et c'est peut-être le plus
grave - de nombreux germes de dérapage pour 2002.
Néanmoins, parce que nous sommes conscients, et moi plus que personne, de la
continuité de l'Etat - et de son impérieuse nécessité - le groupe du RPR votera
ce projet de loi de règlement sans que ce vote constitue en quoi que ce soit
une approbation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'essaierai d'être bref : nous sommes jeudi soir et je sais que vous
avez sûrement tous des obligations dans vos départements ; toutefois, je tiens
à faire honneur au Sénat et à chacun des intervenants qui viennent de
s'exprimer sur ce projet de loi de règlement.
Je vous ai retrouvé, monsieur le rapporteur général, tel qu'en vous-même
(Sourires)
, c'est-à-dire plein de talent et de qualités pédagogiques.
Comme vous l'avez souligné, nos analyses sont si proches qu'il m'est difficile
d'intervenir après vous sur les sujets que vous avez évoqués. Je reviendrai
cependant sur deux ou trois points.
Vous avez fort bien fait de rappeler les taux de croissance dont le précédent
gouvernement a bénéficié. En effet, ils étaient tout à fait exceptionnels et la
commission des finances avait, à l'époque, alerté le gouvernement sur le bon
usage qu'il convenait de faire des fruits de cette croissance. Nous constatons
aujourd'hui à quel point ces fruits nous seraient bien utiles pour faire face
aux difficultés qui se présentent à nous !
Vous avez également eu raison de rappeler l'importance des transferts de
recettes fiscales effectués au profit des comptes de la sécurité sociale. Là
encore, c'est un élément que la commission des finances du Sénat se doit de
rappeler en permanence lorsque sont évoqués - cela arrive très souvent - les
relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Ainsi, ceux qui
considèrent que l'Etat n'est pas un bon partenaire de la sécurité sociale
doivent se souvenir des nombreux transferts qui ont été effectués au cours des
années qui viennent de s'écouler.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur général, d'avoir souligné
le danger que représente le stock des reports existant, car, si ceux-ci
venaient à être consommés ou exécutés au cours de l'exercice 2002 ou 2003, cela
poserait des problèmes insurmontabes. Au demeurant, compte tenu de la qualité
du travail effectué par la commission des finances, il ne serait pas
inintéressant d'examiner ministère par ministère ce qu'il en est exactement
desdits reports, et je suis sûr que les différents ministres se feront un
plaisir de vous fournir toutes les explications utiles pour parvenir à ce que
vous avez qualifié, dans une formulation délicieuse qui me paraît tout à fait
appropriée, de « rythme de consommation plausible ».
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que vous attachiez toute
l'importance nécessaire au suivi de l'exécution du budget et vous avez rappelé,
à cet égard, les prérogatives du Parlement. Je ne les ai pas oubliées ! Ne les
ai-je pas si souvent évoquées à vos côtés à l'endroit du gouvernement précédent
?
Je puis même vous dire - mais cela ne va-t-il pas de soi ? - que je ne serai
nullement choqué si le Parlement, la commission des finances et son rapporteur
général exercent toutes les prérogatives qui leur ont été confiées, notamment
les contrôles sur pièces et sur place. C'est le rôle du Parlement, c'est ce qui
lui donne son caractère irremplaçable, pour le bienfait de notre démocratie.
Le Gouvernement, de son côté, essaiera de répondre à vos préoccupations. C'est
ainsi que j'ai souhaité que nous ayons un rendez-vous au milieu de l'année pour
examiner l'exécution du budget de 2003.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce rendez-vous pourrait même devenir trimestriel si -
ce que l'on ne peut pas souhaiter - la situation justifiait un suivi au plus
près de l'évolution de l'exécution budgétaire.
C'est donc, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la
commission, à l'aune de notre pratique quotidienne que je vous demanderai
d'apprécier le souci du Gouvernement de répondre à vos préoccupations
d'information et de suivi commun de l'exécution des comptes de l'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau nous a laissé entendre que le déficit pouvait
contribuer au développement du pays. S'il en était ainsi, le pays connaîtrait
beaucoup de prospérité ! Selon le Gouvernement, le déficit appauvrit le pays.
Plus de déficit, c'est plus de dettes ; plus de dettes, c'est plus de charges
d'intérêts ; et plus de charges d'intérêts, c'est moins de dépenses utiles, et
plus d'impôts pour l'avenir.
Mme Beaudeau s'étonne du dérapage de l'exécution de 2002 par rapport au
déficit de 2001. Ce dérapage est, hélas ! cohérent avec les constatations qui
ont été faites par MM. Nasse et Bonnet à l'occasion de l'audit, qui a
d'ailleurs déjà été traduit dans le collectif.
M. Yves Fréville a félicité le ministère des finances pour la qualité des
améliorations qui ont été apportées au compte général de l'administration des
finances. Le spécialiste qu'il est sait à quel point nous essayons de
progresser en la matière et les félicitations qu'il a exprimées confortent,
j'en suis sûr, les fonctionnaires qui ont la responsabilité de ce dossier dans
l'objectif de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de
finances, la LOLF.
Vous avez aussi eu raison, cher Yves Fréville, d'opposer imprévisibilité et
imprévoyance. C'est bien la raison pour laquelle nous proposerons des recettes
fiscales pour 2003 calculées de manière extrêmement prudente - cela ne vous a
pas échappé - avec une élasticité de 0,8, donc inférieure à 1. Nous avons voulu
par là même marquer notre grande prudence.
S'agissant de la détermination du Gouvernement à réduire le déficit
structurel, je vous confirme - je veux éviter toute ambiguïté à cet égard - que
l'intérêt du pays passe bien par le retour à l'équilibre.
Ce retour à l'équilibre doit se faire à un rythme qui, bien entendu, ne porte
pas atteinte à la croissance, elle-même déjà menacée. Mais n'ayez pas de doutes
quant à la détermination du Gouvernement en la matière. Je puis d'ailleurs vous
faire remarquer que, en 2003, nous réduisons le déficit structurel, même si
cette réduction est masquée par la réduction des prélèvements non fiscaux de
plus de 4 milliards d'euros.
S'agissant du débat sur les pensions des agents de l'Etat, il sera, là encore,
éclairci dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, par
le biais de l'examen du compte spécial des pensions de l'Etat.
En ce qui concerne l'épargne logement, j'ai en mémoire les travaux de la
commission des finances du Sénat et je pense que, comme toujours, ils
présentent beaucoup d'intérêt. Il pourrait en effet ne pas être inopportun de
concentrer l'aide de l'Etat sur des opérations qui débouchent effectivement sur
l'achat d'un logement. Ce sujet a souvent été évoqué au sein de la commission
des finances, et le ministre du budget ne peut pas considérer cette
recommandation du Parlement comme inintéressante, bien au contraire. J'ai en
tout cas perçu à travers les propos d'Yves Fréville un encouragement dont je
rendrai compte très fidèlement à Francis Mer.
Monsieur Miquel, je commencerai par un commentaire très positif, puisque vous
avez souligné les mérites de la loi organique relative aux lois de finances et,
sur ce point, nous pouvons nous rejoindre totalement.
Vous vous êtes ensuite félicité des résultats du précédent gouvernement de
1997 à 2000 ; permettez-moi de nuancer mon jugement sur ce point, car, étant
donné les conditions exceptionnelles de croissance dont a bénéficié le
précédent gouvernement, le déficit aurait dû être beaucoup plus réduit. Or il
l'a été moins pendant la période de forte croissance de 1997 à 2000 qu'il ne
l'avait été lors de la période de croissance faible de 1994 à 1996. C'est dire
l'absence d'efforts pendant cette période !
En revanche, j'ai noté dans votre propos une certaine confiance dans l'avenir
lorsque vous avez dit, à propos de l'écart entre la prévision de croissance et
l'exécution, qu'il convenait de ne pas jeter la pierre au gouvernement en
place. J'ose espérer que vous ferez preuve de la même bienveillance à l'endroit
du gouvernement actuel s'il est constaté, au cours de l'exécution 2003, un
petit écart entre la prévision et l'exécution. Enfin, vous avez formé des voeux
de succès à l'égard du gouvernement actuel et j'espère qu'ils seront exaucés.
Quant à la croissance, je vous promets que, s'agissant du déficit, nous
essayerons de faire mieux.
J'en viens à M. Lanier, pour lui dire combien il a raison de relever le
caractère difficile de la prévision de croissance. Il faut être humble en la
matière ! J'ai publié récemment une série d'études sur les douze dernières
années concernant la prévision et la réalisation, et cela nous amène tous à
faire preuve de beaucoup de relativité. Ceux qui se sont trompés en 2001 et
2002 éviteront par humilité, j'en suis certain, de critiquer la prévision pour
2003... qui, pour l'instant n'est pas démentie ! Sachez en tout cas que nous
ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu'elle ne le soit pas.
En ce qui concerne le FOREC, sur lequel vous avez insisté, il faut
effectivement clarifier la situation. Prendre un engagement paraît quelque peu
prématuré au Gouvernement, mais si nous pouvons faire en sorte qu'il soit
supprimé dans le projet de loi de finances pour 2004, nous le ferons.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce serait une bonne option !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ce serait sûrement l'option la plus sage.
En prendre dès maintenant l'engagement et ne pas tenir cet engagement serait
naturellement gênant ; cependant, nous allons travailler en ce sens, monsieur
le rapporteur général.
Vous avez rappelé, monsieur Lanier, la liste des lourdes dépenses nouvelles
qui ont été engagées par le précédent gouvernement. Il s'agit de dépenses
récurrentes auxquelles il nous faut aujourd'hui faire face.
A cet égard - je terminerai par là, mesdames, messieurs les sénateurs - je
dirai qu'il faut se méfier du mauvais usage des fruits de la croissance car,
lorsque celle-ci n'est plus au rendez-vous, les dépenses pérennes, les dépenses
récurrentes qui ont été engagées mettent, à terme, les finances publiques dans
une situation intenable.
L'examen des lois de règlement, je le disais en introduction, me paraissent
être des rendez-vous tout à fait nécessaires, des rendez-vous clés pour
éclairer le débat budgétaire de l'année qui suit. Je souhaite donc que ce débat
sur la loi de règlement du budget de 2001 soit une sorte de « tour de chauffe »
pour le prochain débat sur la loi de règlement du budget de 2002, qui
préfigurera ceux que nous aurons à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi
organique relative aux lois de finances.
Je le répète, j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le Sénat et je me
réjouis par avance de venir défendre devant vous le projet de loi de finances
pour 2003, mesdames, messieurs les sénateurs.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er