SEANCE DU 24 OCTOBRE 2002
IMPLANTATION DES ÉOLIENNES
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 360,
2001-2002) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des
affaires économiques et du Plan, sur sa proposition de loi relative à
l'implantation des éoliennes et à la protection de l'environnement (n° 287,
2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'aborderai
successivement les points majeurs de cette proposition de loi.
Tout d'abord, quelle est l'origine de cette proposition de loi ? Le 21 mars
2001, j'avais interrogé le ministre de l'équipement, des transports et du
logement de l'époque, M. Gayssot, à propos du flou plus ou moins artistique qui
entourait la question de l'implantation des éoliennes. J'avais reçu une réponse
dilatoire, selon laquelle il convenait d'attendre que des décrets soient
pris.
J'avais renouvelé ma question le 6 juin 2001, à l'occasion de l'examen d'un
projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et
financier, et obtenu une réponse à peu près identique. Mais j'avais alors
rappelé un principe qui vaut dans la Manche comme dans d'autres départements, à
savoir qu'une très grande confiance dans les propos du ministre n'excluait
cependant pas une légère méfiance
(Sourires),
ce qui m'amènerait à
élaborer une proposition de loi !
Je voudrais, à cet instant, remercier M. le président du Sénat et le bureau de
notre assemblée d'avoir accepté d'inscrire ce texte à l'ordre du jour réservé,
ainsi que le président de la commission des affaires économiques et du Plan
d'avoir très largement accompagné ma démarche depuis le début et de s'être
penché personnellement sur le problème que je souhaitais voir aborder. Je tiens
également à vous remercier, madame la ministre, d'avoir accepté de venir au
Sénat débattre de cette proposition de loi : j'y suis extrêmement sensible.
Je formulerai maintenant quelques considérations préliminaires.
Quel est l'objet de cette proposition de loi ? Il s'agit non pas de légiférer
pour le plaisir de légiférer, mais de permettre l'application d'une directive
européenne du 27 septembre 2001 qui fait obligation aux Etats membres de
l'Union européenne de promouvoir la production d'électricité à partir
d'énergies renouvelables. La France s'était engagée, à l'époque, à produire de
cette façon 21 % de son électricité, soit une augmentation de 6 % par rapport à
la situation qui prévaut actuellement, où 15 % de notre électricité est
produite à partir d'énergies renouvelables.
On sait, par ailleurs, que l'énergie hydraulique et les cellules
photovoltaïques ne permettront pas d'atteindre un tel objectif ; par
conséquent, il faudra s'appuyer, pour l'essentiel, sur l'énergie éolienne.
A cet égard, un rapport au Parlement sur la programmation pluriannuelle des
investissements de production électrique fait apparaître que, pour atteindre le
seuil de 21 %, il sera nécessaire d'implanter plusieurs milliers d'éoliennes,
probablement de 8 000 à 9 000. Ce chiffre est purement indicatif, mais il
montre bien, en tout cas, que les implantations devront être nombreuses. Quoi
qu'il en soit, un encadrement législatif est indispensable.
C'est la raison pour laquelle j'ai élaboré le texte qui est aujourd'hui soumis
au Sénat. Il s'agit de prendre acte de l'engagement pris par la France de
produire 21 % de son électricité selon les modalités que j'ai rappelées, mais
sans accepter que l'on fasse n'importe quoi n'importe où.
Il est donc impératif de soumettre ces implantations au droit commun : tel est
l'unique objet de la présente proposition de loi.
Cela implique notamment de clarifier le régime juridique d'implantation des
éoliennes. A l'heure actuelle, on ne sait s'il est nécessaire de demander un
permis de construire ou si une simple déclaration de travaux suffit. L'objet de
l'article 1er est de lever cette ambiguïté, en précisant qu'un permis de
construire devra être sollicité pour l'édification de toute structure
éolienne.
D'ores et déjà, je tiens à remercier mon collègue Hilaire Flandre d'avoir bien
voulu déposer des amendements visant à améliorer très sensiblement le texte et
à faire en sorte qu'il ne puisse y avoir une application quelque peu
inconsidérée des mesures présentées.
Un autre objectif majeur, madame la ministre, est d'organiser la concertation.
On ne peut plus continuer de vivre un conflit d'usage qui oppose le dogmatisme
au pragmatisme, l'intérêt général à l'intérêt particulier. La concertation est
une nécessité : un bon projet, c'est un projet partagé. D'ailleurs, en 1995,
alors que je rapportais un projet de loi présenté par l'un de vos
prédécesseurs, M. Michel Barnier, ce dernier et moi-même avions, au terme d'une
collaboration étroite, instauré la commission nationale du débat public, dont
la mission est non pas de trancher, mais d'organiser le débat et de faire en
sorte que nos concitoyens puissent, le plus largement possible et dans les
meilleures conditions possibles, participer à la réflexion générale.
Il est donc indispensable d'organiser cette concertation, ce qui fait l'objet
des articles 2, 3, 4 et 5.
L'article 2 tend à faire en sorte que la commission départementale des sites,
perspectives et paysages soit systématiquement consultée. Pourquoi une telle
disposition, alors que l'implantation ne concerne pas forcément des sites
protégés ? Tout simplement parce que l'impact de la verticalité de l'éolienne -
si l'on peut s'exprimer ainsi ! - excède largement le périmètre d'assise de
celle-ci, voire le paysage considéré. Il faut donc tenir compte de cet aspect
visuel des choses, qui peut largement déborder du cadre de nos préoccupations
habituelles.
L'article 3, madame la ministre, permettra au Gouvernement de combler une
lacune qui est imputable à vos prédécesseurs, et non pas à vous-même, en
transposant dans le droit national la directive du 3 mars 1997 relative aux
études d'impact, ce qui aurait dû être fait avant le 14 mars 1999.
L'article 4, quant à lui, a trait à l'enquête publique à laquelle devra être
soumis tout projet d'éolienne de plus de douze mètres. C'est à ce stade
qu'interviendra, pour l'essentiel, la concertation avec les citoyens.
Que l'on me permette d'indiquer au passage que les enquêtes publiques sont en
quelque sorte la traduction concrète d'un proverbe chinois selon lequel « le
pignon de ma maison appartient à mon voisin » !
(M. Bruno Sido applaudit.)
Une maison peut bien nous appartenir, c'est
quand même le voisin qui la regarde, et il faut donc que les riverains puissent
se prononcer sur les projets d'implantation d'éoliennes. Voilà ce que je
souhaitais souligner à propos de l'article 5, dont nous reparlerons tout à
l'heure.
L'article 6 vise, quant à lui, à faire en sorte qu'il n'y ait plus de sites «
orphelins ». En effet, nous avons eu trop souvent à souffrir, dans nos
communes, de l'existence de sites industriels à l'abandon, à la suite de
l'arrêt des activités économiques auxquels ils étaient affectés. Ces sites
constituent de véritables zones de non-droit et n'appartiennent plus à
personne, mais les collectivités locales sont, le plus souvent, obligées de les
remettre en état alors que cela ne relève pas de leurs compétences. Mieux vaut
prévenir que guérir, et c'est pourquoi je propose que des garanties financières
soient demandées aux opérateurs pour que, à la fin de l'exploitation, le site
puisse être remis en état. Il faudra étudier quelles seront les modalités de
financement de cette disposition, mais je pense qu'il appartiendra au
Gouvernement de le préciser par décret.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement le débat sur le projet de loi
relatif aux marchés énergétiques qui s'est tenu au Sénat la semaine dernière.
Notre collègue Ladislas Poniatowski était le rapporteur de ce texte, dont
l'article 20
sexies
prévoyait que des collectivités pourraient
éventuellement devenir productrices et distributrices d'énergie. En effet, rien
n'interdit
a priori
à une collectivité de créer son propre parc éolien.
Qu'en sera-t-il alors de l'obligation qui est faite aux
distributeurs-producteurs de racheter l'excédent ? Les collectivités
seront-elles soumises aux mêmes règles qu'EDF ? Les questions qui se posent à
cet égard sont trop nombreuses pour que je les énumère ici, toutefois il faudra
y revenir, car ce sujet est important à la fois pour les collectivités et pour
nos concitoyens.
En conclusion, cette proposition de loi n'a pas d'autre objet que de régler un
conflit d'usage, un conflit de société, une opposition qui pourrait exister
entre la doctrine et la pratique.
Je me réjouis d'ailleurs que le Gouvernement ait doté la France d'un ministère
de l'écologie et du développement durable. Qu'est-ce que le développement
durable ? C'est la conjugaison harmonieuse des aspects économique,
environnemental et social. C'est probablement la dimension qui a manqué à vos
récents prédécesseurs, madame la ministre. Ceux-ci se préoccupaient sans doute
uniquement de l'environnement, sans se soucier du développement durable, alors
que l'harmonie de notre société dépend de la conjugaison harmonieuse de ces
deux volets.
La proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter devant le Sénat tend
donc à régler le conflit que j'ai évoqué. La loi n'est pas un élément
d'interdiction, c'est, au contraire, un facteur fondamental de liberté. Je
voulais insister fortement en dernier lieu sur cette dimension du texte : la
liberté dépend du code dont on se dote, la loi nous protège de l'arbitraire. Je
puis peut-être achever mon propos en citant Diderot : « S'il est difficile de
dire quelque chose qui soit compris comme on le dit, il est pis encore, c'est
qu'on ne peut rien faire qui soit compris comme on le fait. » Cette proposition
de loi vise simplement à garantir la liberté.
(Très bien ! et
applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Monsieur le
président, monsieur le président de la commission des affaires économiques,
mesdames, messieurs les sénateurs, mardi prochain, je me rendrai à la huitième
conférence des parties à la convention sur les changements climatiques, à New
Dehli. Il n'y a sans doute pas un élément plus important pour la sauvegarde de
notre environnement que ces problèmes de changements climatiques. Et s'il était
nécessaire de s'en convaincre, il suffirait de lire l'excellent rapport de
votre collègue M. Marcel Deneux, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques, qui rappelle l'impérieuse nécessité
de lutter contre les changements climatiques.
On sait, de façon à peu près sûre maintenant, que ces changements climatiques
sont dus, pour une grande part, à l'augmentation des gaz à effet de serre.
Certes, compte tenu du choix de l'industrie nucléaire fait par notre pays voilà
de nombreuses années, nous n'avons, dans le cadre du protocole de Kyoto, qu'un
engagement de maintien de nos émissions de gaz à effet de serre. En effet, nous
avons un engagement à 0 %. Nous sommes même allés au-delà, puisque, au cours
des dernières années, la France a réussi à baisser de 2 % ses émissions de gaz
à effet de serre. Néanmoins, vous l'avez rappelé, monsieur Le Grand, nous avons
pris, dans le cadre des directives européennes, des engagements forts. Nous
nous sommes notamment engagés à augmenter de façon notable la part des énergies
renouvelables dans notre pays.
Actuellement, dans notre facture énergétique, 13,7 % sont fournis par les
énergies renouvelables : 13 % par l'énergie hydroélectrique et 0,7 % par les
autres énergies, et en particulier par l'éolien, ce qui est peu eu égard, vous
l'avez rappelé, à l'engagement que nous avons pris de porter à 21 % la part
d'électricité fournie par les énergies renouvelables.
Il faut signaler que cet engagement est pris dans le cadre d'une augmentation
de 10 % à 15 % de la facture globale de fourniture d'énergie électrique. Nous
devrons donc faire un effort considérable en matière d'énergie éolienne. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle des dispositions tarifaires motivantes ont
été prises. Nous sommes donc au pied du mur.
Face à cette énergie éolienne, l'observateur le plus impartial ne peut que
constater un certain nombre de dysfonctionnements.
D'abord, si on la compare à d'autres pays qui ont développé l'éolien - je
pense en particulier au Danemark - la France, de par la disposition de son
plateau continental maritime, peut faire très peu d'éolien maritime. En effet,
le plateau continental s'enfonce très vite, contrairement au plateau baltique.
Nous sommes donc contraints à faire de l'éolien terrestre. Aussi, l'impact sur
le paysage et sur l'environnement est très contraignant, sans oublier l'effet
sur la faune.
Par ailleurs, le développement de l'énergie éolienne s'est fait de manière
anarchique, faute de schémas régionaux ou départementaux, monsieur Le Grand.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
On a abouti ainsi à une certaine incohérence eu égard aux
dispositions de protection de la nature.
Voilà quelques semaines, je me suis rendue dans un site Natura 2000 où, alors
que la procédure prévoyait un certain nombre de dispositions de protection de
l'environnement, on se proposait de disposer une chaîne éolienne en ligne de
crête sur les monts du Forez. Cela apparaissait totalement contradictoire avec
ladite procédure.
L'énergie éolienne s'est aussi développée d'une façon assez injuste. Monsieur
Le Grand, vous avez cité, très justement, le proverbe selon lequel « le pignon
de ma maison appartient à mon voisin ». En effet, ce ne sont pas toujours les
communes ou les structures intercommunales les plus touchées par l'impact
paysager qui tirent les bénéfices économiques de l'implantation des éoliennes.
On ne peut que constater que l'éolien s'est développé d'une manière exorbitante
par rapport au droit de l'urbanisme.
Nous avons vu, tout naturellement, monter le mécontentement d'un certain
nombre d'usagers et d'associations de protection de la nature, ce qui n'est pas
sans nuire au nécessaire développement de l'énergie éolienne dans notre pays.
Il fallait « réveiller » le Gouvernement. Cher Jean-François Le Grand, vous
avez tenté de le faire s'agissant du gouvernement précédent. Vous n'avez pas
vraiment réussi. Je veux vous le dire : vous y réussirez avec ce gouvernement
(applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE),...
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'est déjà quelque chose !
(Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
... et avec la ministre de l'écologie et du développement
durable !
Dans un premier temps, vous avez élaboré une proposition de loi, comprenant
deux articles, sur la nécessité d'une commission d'enquête et d'une étude
d'impact. Sous l'impulsion du président Gérard Larcher, dont on connaît la
compétence et l'enthousiasme à la tête de la commission des affaires
économiques et du Plan, cette proposition de loi a été complétée, à juste
titre, par trois articles relatifs aux permis de construire, aux schémas
départementaux - tout au moins un embryon de schéma qui fonctionnerait sur un
mode volontariste - et à la nécessité de provisionner les crédits nécessaires
au démontage pour ne pas avoir de sites orphelins.
Toutes ces propositions sont bienvenues. Elles lancent le débat sur l'énergie
éolienne et le Gouvernement les examinera. Dans le cadre de nos engagements
internationaux, cette proposition de loi est un élément très important, qu'il
conviendra également de verser au débat sur l'énergie voulu par le Premier
ministre et annoncé dans son discours de politique générale. En effet, celles
et ceux qui considèrent que c'est en ne faisant rien que l'on fera la promotion
de l'éolien se trompent : ils auront alors les citoyens contre eux. Or, on ne
peut défendre l'environnement qu'avec les citoyens. C'est ce que vous proposez
de faire !
(Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Qu'on le veuille ou non, le vent - le vent chéri par les poètes et maudit par
les victimes des tempêtes, adoré par les marins qui aiment la voile et maudit
par eux lorsqu'il est trop fort - devient un enjeu économique. Ainsi,
l'Allemagne est, avec 10 000 mégawatts installés, le premier producteur
mondial, suivie par l'Espagne - Don Quichotte se réjouirait de voir autant
d'ailes à combattre. Vient ensuite le Danemark, qui, comme vous l'avez dit,
madame la ministre, a la chance d'avoir un plateau continental plat et qui peut
donc implanter des éoliennes en mer, suivi par les Pays-Bas qui commencent à
installer des éoliennes en mer du Nord, même si l'on ne sait pas vraiment ce
que cela donnera au regard de la sécurité maritime.
A l'évidence, cette énergie commence à se développer, ce qui présente bien sûr
un intérêt en ce qui concerne l'émission des gaz à effet de serre et le respect
du protocole de Kyoto. En l'occurrence, la France n'est pas parmi les meilleurs
élèves, bien qu'elle soit protégée par l'existence de son parc nucléaire.
Madame la ministre, vous avez eu raison de rappeler que, grâce au choix du
nucléaire effectué avant les années quatre-vingt, la France est probablement le
pays qui, en l'état actuel, nuit le moins à l'environnement, même si certaines
associations n'en conviennent pas volontiers.
(M. Raymond Courrière
s'exclame.)
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. Paul Girod.
Cela étant dit, l'éolien, c'est du vent, et celui-ci commence à créer une
drôle d'atmosphère.
M. Raymond Courrière.
C'est moins dangereux que le nucléaire !
M. Paul Girod.
En effet, même si l'éolien est une énergie propre et s'il a un aspect
sympathique, les associations écologiques de notre pays commencent, elles
aussi, à se poser un certain nombre de questions. Si tant est que l'on puisse
prouver que les moulins du Moyen-Age produisaient autant d'énergie qu'un
réacteur nucléaire chez nous
(M. Lanier rit.)
, ils étaient de dimension
moyenne et avaient un aspect sympathique ; le meunier était révéré.
Aujourd'hui, les choses ne sont pas tout à fait de la même nature. On voit
apparaître des objections de la part de ceux qui résident près des
implantations. Ces objections, qui concernent le respect du paysage et les
nuisances sonores, ne sont pas dénuées de fondement.
Et si nous avions seulement affaire à des personnes n'ayant, en l'occurrence,
aucun intérêt personnel, cela irait ! Ainsi, dans mon département, on dénombre
actuellement au moins douze sociétés qui sont en train de prospecter, de faire
des promesses, de faire miroiter ceci ou cela, dans des endroits parfois
inattendus.
Elles expliquent que le recours à l'énergie éolienne est la seule solution.
Or, nous avons à notre disposition, comme vous-même, madame la ministre, le
rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques élaboré par MM. Birraux et Le Déaut et aux termes duquel si
l'éolien est certes intéressant, dans un pays comme le nôtre, compte tenu de
ses caractéristiques et d'un certain nombre de contraintes, mieux vaut, en
matière d'énergies renouvelables, s'orienter davantage vers la biomasse et un
certain nombre d'autres procédés. D'autant que huit éoliennes coûtent tout de
même dix milliards d'euros, auxquels il faut ajouter trois milliards d'euros au
titre du raccordement. Il faut aussi prévoir une installation de substitution
pour les périodes au cours desquelles il n'y a pas de vent. Sinon, comment
fera-t-on rouler le TGV quand il n'y aura pas de vent pour fabriquer l'énergie
électrique nécessaire ? Et comme il ne s'agira pas de faire face à des pointes
de consommation, il faudra disposer d'installations permanentes.
Le coût est considérable. Il faut donc probablement regarder d'un peu plus
près les possibilités offertes par le solaire et la biomasse. Tout à l'heure,
M. Le Grand a dit que l'énergie photovoltaïque n'avait peut-être pas un grand
avenir. Cela dépend encore de l'évolution des connaissances. La biomasse, en
revanche, dans un pays comme le nôtre, qui compte de grandes surfaces
agricoles, est sans doute une possibilité sur laquelle nous devons beaucoup
plus travailler qu'il n'y paraît à première vue.
Autrement dit, sur une piste intéressante, l'énergie éolienne, on voit se
développer, d'une part, des spéculations anarchiques et, d'autre part, des
tentations excessives en direction des agriculteurs ou des petites communes
rurales. Notre collègue Jean-François Le Grand a eu raison de déposer sa
proposition de loi, et la commission des affaires économiques et du Plan de la
renforcer et de l'enrichir. En effet, cela vous donnera, madame la ministre, un
point d'appui parlementaire majeur en la matière, et je m'en rejouis.
Je formulerai maintenant quelques brèves observations.
Protégeons les éoliennes de détail des agriculteurs qui pompent un peu d'eau
ou qui font un peu d'électricité pour leur ferme. Il faut sans doute moduler un
peu le dispositif.
S'agissant des schémas, je veux bien qu'ils soient départementaux et
régionaux. Mais quelles sanctions prévoir ensuite ? Ce point mérite sans doute
d'être éclairci.
En revanche, en ce qui concerne les garanties financières, elles doivent être
lourdes et définies au préalable. Autrement dit, il faut qu'elles fassent
partie de ce qui sera déposé entre les mains du promoteur et de celui qui est
victime consentante, à savoir le bénéficiaire local. Cet élément pèsera dès le
départ et, à la sortie, nous ne nous trouverons pas devant des friches qui
ressembleraient étonnamment à des oiseaux sans ailes mais qui, hélas !
défigureraient le paysage.
Madame la ministre, vous l'avez compris, je soutiens notre ami Jean-François
Le Grand et la commission des affaires économiques et du Plan. Je souhaite que,
dans cette affaire de vent, nous ayons les meilleures odeurs possibles, et pas
celles de la corruption !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons
aujourd'hui une proposition de loi visant à préciser le régime juridique
d'implantation des éoliennes, afin de renforcer la protection de
l'environnement et d'assurer une meilleure préservation de notre patrimoine
paysager.
En effet, par leur impact visuel sur le paysage - certaines éoliennes ont une
hauteur de plus de 100 mètres - et par le bruit qu'engendre leur
fonctionnement, notamment, elles peuvent constituer une nuisance certaine pour
leur environnement.
De plus, l'installation de ce type de structures n'est pas sans conséquence
sur le site de leur implantation. Les fondations sont des masses de béton et de
ferraille de plusieurs centaines de tonnes, qui déforment le terrain en
profondeur.
A ce stade de mon intervention, je souhaiterais vous faire part d'un dossier
qui m'a été remis par mon collègue et ami Guy Fischer et qui concerne un projet
d'implantation d'une ferme d'éoliennes sur le plateau du Mézenc, dans le
département de la Haute-Loire.
Ce projet prévoit l'installation de seize mâts de 115 mètres de hauteur à
proximité d'habitations, à trois kilomètres d'un village classé et dans un
paysage qui bénéficie de différentes mesures de protection : CTE, Natura 2000,
espace naturel sensible, réserve de chasse et de pêche.
D'après les renseignements qui lui sont parvenus, il n'y a pas eu vraiment de
concertation avec les habitants, et cette opération est en totale contradiction
avec les politiques de développement touristique et de préservation du site
mises en place depuis des années.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
D'où la nécessité de cette proposition de loi.
Mme Evelyne Didier.
Pour nous, c'est presque un cas d'école, qui mériterait une étude plus
approfondie.
Si la proposition de loi qui nous est soumise ne réglera sans doute pas tous
les problèmes, elle donnera un cadre juridique à l'installation des
aérogénérateurs - n'est-ce pas, monsieur Flandre ?
(M. Hilaire Flandre
approuve.) -,
ce qui faisait défaut jusqu'ici.
M. Jacques Oudin.
Bravo !
Mme Evelyne Didier.
Nous ne pouvons donc que féliciter M. le rapporteur pour son initiative.
La proposition de loi soumet l'implantation des éoliennes de plus de 12 mètres
de hauteur à la procédure du permis de construire, avec avis de la commission
départementale des sites, perspectives et paysages. Je souscris à cette mesure.
Elle permet de contrôler l'installation des éoliennes, notamment par les
collectivités.
Par ailleurs, ce texte prévoit, et c'est une bonne chose, une étude d'impact
pour les structures de 2,5 mégawatts de puissance installée, en précisant qu'en
cas de réalisation fractionnée le seuil à retenir est celui du programme
général.
Lors d'une réunion de la commission, j'avais évoqué cette question, craignant
que des petites structures implantées de manière fractionnée mais continue,
dans des communes, voire dans des départements différents, ne constituent en
réalité, à terme, un projet important, qui, de ce fait, ne serait plus soumis à
la règle.
Je parlerai enfin de l'obligation qui est faite à l'installateur de constituer
des garanties financières destinées à assurer la remise en état du site en fin
d'exploitation.
La remise en état du site - je parle de l'état initial - exige qu'on règle le
problème des mâts et des hélices en fin de vie, celui de leur dépose et de leur
transport. Si le site est définitivement abandonné, il faudra en outre
s'occuper des énormes cratères laissés dans le sol par les fondations. Ce point
me semblait important à souligner.
La volonté de M. le rapporteur d'associer le conseil général à la procédure de
contrôle des implantations contribuera aussi, nous l'espérons, à apporter des
garanties supplémentaires.
A l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaiterais faire part des quelques
réflexions que je formule à propos de notre politique énergétique.
Notre indépendance énergétique ne peut être assurée que par une politique
nationale volontariste, intelligente et efficace, grâce à une loi d'orientation
qui définira les priorités de nature à satisfaire les besoins en s'appuyant sur
une stratégie industrielle et financière cohérente pour le moyen et le long
terme.
Cette approche doit, selon moi, être complétée à l'échelon local par une
implication des collectivités concernées, qui sont des donneurs d'ordres dans
le cadre de leurs politiques propres et qui peuvent conduire des
expérimentations.
Seul l'Etat peut élaborer un plan d'ensemble sur les questions stratégiques,
pour en assurer la cohérence sous le contrôle de la représentation
nationale.
Il n'est pas concevable de laisser ce secteur se développer au gré des seuls
investissements du secteur privé, préoccupé uniquement de rentabilité
financière.
Un contrôle démocratique est nécessaire, et ce à plusieurs niveaux : au niveau
parlementaire pour les grandes orientations, au niveau des collectivités, qui
soutiennent les investissements dans le cadre de leurs compétences, enfin, au
niveau des citoyens-consommateurs - je n'ai pas dit des consommateurs ; il y a
une nuance.
Il serait en outre souhaitable de développer une réflexion pour garantir la
meilleure adéquation possible entre types de consommation et types de
production.
Dans ce champ d'activités, les politiques de recherche et de développement
peuvent trouver un terrain d'expérimentation intéressant.
Les énergies renouvelables - et il ne faut pas se limiter aux éoliennes parce
que l'énergie solaire, la biomasse et les courants marins sont également des
pistes de travail - constituent des réponses pertinentes de nature à satisfaire
des besoins ponctuels ou ciblés tout en étant des solutions efficaces en termes
économique - par la proximité - environnemental - par la réduction des
transports et de la pollution - et social - par la satisfaction des besoins
particuliers.
Autrement dit, nous devrions raisonner non plus en termes de rentabilité
strictement financière, mais en termes quantitatifs et qualitatifs, en
recherchant la réponse la plus adaptée et la plus efficace au regard des
besoins à satisfaire.
Cette logique permettrait de développer davantage la solidarité internationale
en direction des pays où la contrainte sociale, économique et environnementale
est plus forte encore.
Bien entendu, l'expérimentation implique une évaluation qui permettra de juger
de la rentabilité des solutions choisies au regard de tous les critères
pertinents qui auront été définis, par exemple la satisfaction des besoins,
l'efficacité sociale, le coût, l'effet sur l'environnement, la position sur le
plan énergétique global, la cible visée, la viabilité industrielle.
En conclusion, je voudrais réaffirmer notre attachement au développement des
énergies renouvelables dans le cadre d'une politique énergétique cohérente,
dans un souci de développement durable, soucieux de l'environnement et du cadre
de vie.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et
citoyen votera ce texte.
(Applaudissements sur l'ensemble des
travées.)
M. le président.
Ma chère collègue, vous avez suscité une approbation unanime, puisqu'il y a eu
des applaudissements sur l'ensemble des travées.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
C'était mérité !
M. le président.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes
dans un contexte favorable au développement des éoliennes.
Le lancement, en décembre 2000, par le précédent gouvernement, du plan
national de lutte contre le changement climatique a formalisé non pas tant un
changement d'orientations de notre politique énergétique que de nouvelles
tendances visant, d'une part, à relancer la politique de maîtrise de la demande
d'énergie et, d'autre part, à soutenir le développement des énergies dites
renouvelables, comme celle qui est produite à partir du vent et qui nous occupe
aujourd'hui.
En ce domaine, notre pays a pris des engagements formels : faire passer d'ici
à 2010 de 15 % à 21 % la part de notre électricité produite à partir des
sources d'énergie renouvelables.
Pour tenir ces engagements, différentes mesures ont été prises, notamment dans
la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de
l'électricité, comme l'obligation faite à EDF et aux distributeurs non
nationalisés de racheter l'électricité produite à partir d'énergies
renouvelables.
Grâce à ces mesures, l'énergie éolienne connaît un bon développement : elle
dispose d'une marge de progression importante ; elle possède une rentabilité
intéressante, cet aspect étant encore plus évident si l'on prend en
considération le fait qu'elle induit de très faibles coûts indirects.
La principale difficulté engendrée par l'implantation des éoliennes porte sur
leur intégration dans l'environnement. C'est justement sur ce point qu'un
certain nombre de précisions et de garanties doivent être apportées, tel est
l'objet de cette proposition de loi.
Comme je l'ai déjà dit, ce contexte favorable explique que de nombreux projets
éoliens soient actuellement soumis aux élus locaux.
Face à cette situation, un certain flou existe en matière de réglementation
propre, notamment, à garantir les nombreux paramètres mis en jeu par ces
projets, qu'ils soient techniques, sociaux ou environnementaux.
Pour chaque projet, il est important de s'assurer, par exemple, de la distance
au réseau, des servitudes publiques, de l'accès, du respect des paysages, de la
prise en considération des zones naturelles protégées, de l'impact visuel et
sonore, des activités économiques environnantes, des propriétés foncières,
etc.
La proposition de loi qui nous est présentée vise à appréhender un certain
nombre de ces problèmes.
Sur la forme, je tiens à souligner que la plupart des points abordés auraient
pu être réglés de manière réglementaire. La proposition de loi n'était donc pas
d'une nécessité absolue ; elle présente néanmoins l'avantage de permettre le
débat au Parlement d'une question aux enjeux locaux et nationaux importants.
A l'origine, cette proposition de loi ne comportait que deux articles, l'un
relatif au permis de construire, l'autre à l'enquête publique.
Le travail accompli par la commission des affaires économiques, sans aucun
doute largement inspiré par les conclusions du rapport qui avait été, en son
temps, commandé par le précédent gouvernement, a permis de l'étoffer
notablement.
Il ressort de ce travail plusieurs points positifs : la saisine de la
commission des sites avant délivrance du permis de construire ; la soumission à
étude d'impacts en fonction d'un critère de puissance et non d'un critère
financier ; enfin, l'instauration d'un schéma d'implantation des éoliennes.
Une question se pose néanmoins : le choix départemental est-il opportun au
regard de la compétence de la région, notamment à travers le schéma régional
des services collectifs de l'énergie ?
Pour conclure, j'évoquerai brièvement deux points particuliers.
Le premier porte sur la compatibilité des implantations d'éoliennes avec les
règles locales d'urbanisme. Il semble qu'au regard des plans locaux
d'urbanisme, sauf interdiction explicite formulée dans le règlement, les
éoliennes sont autorisées dans toutes les zones. Pour les communes couvertes
par les anciens plans d'occupation des sols, et dans le cas où le règlement
énumère les constructions et installations autorisées sans prévoir les
éoliennes, une modification de ce règlement apparaît nécessaire, si se
manifeste la volonté d'implanter des éoliennes.
Une clarification ou, du moins, une confirmation de cette compatibilité est
souhaitée par les nombreux élus locaux qui nous interpellent sur ce sujet.
Le second et dernier point que j'aimerais aborder porte sur l'esprit qui doit
nous guider dans l'élaboration de ce texte, celui-ci devant faciliter
l'intégration de ces ouvrages sur notre territoire de manière harmonieuse et
non conflictuelle.
J'ai rappelé précédemment que la plupart de ces règles auraient pu être
adoptées par la voie réglementaire et que ce qui pouvait justifier la procédure
utilisée était la volonté des parlementaires de prendre position officiellement
sur un tel sujet.
C'est pourquoi - c'est du moins dans cet esprit que s'est investi notre groupe
sur ce texte - il s'agit non pas de restreindre l'implantation des éoliennes,
qui répondent à un réel besoin, mais de prendre toutes les garanties
nécessaires pour que cette implantation se fasse de manière acceptée et
harmonieuse sur notre territoire.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai tout
de suite que je suis pour les énergies renouvelables. Il y a trente ans, en
1973, après la première crise de l'énergie - ce sont de vieux souvenirs -
auprès de quelqu'un que vous connaissez bien, Olivier Guichard, qui était alors
conseiller technique, j'ai travaillé sur les énergies renouvelables. Nous nous
sommes beaucoup investis pendant les années soixante-dix dans ce domaine.
J'en ai retiré un certain nombre d'enseignements ou de réflexions.
D'abord, sans l'énergie nucléaire, madame la ministre, les pays comme la Chine
et l'Inde ne pourraient jamais accéder au niveau d'autonomie énergétique que
nous connaissons. Leurs besoins ne pourraient pas être satisfaits avec
l'énergie éolienne ou quelque autre forme d'énergie.
En ce qui concerne l'énergie hydraulique, la France, vous l'avez dit, est bien
placée. Elle est bien équipée, mais l'ère des grands barrages est terminée, il
faudra faire autre chose.
J'en viens à l'énergie marémotrice. Nous avons été des pionniers en la matière
puisque la première usine marémotrice du monde fut implantée sur l'estuaire de
la Rance. Ce fut aussi la dernière, peut-être parce que le bilan écologique
était aussi négatif avec l'usine marémotrice que sans. Et pourtant, il n'existe
pas d'énergie plus formidable que l'énergie marémotrice !
S'agissant de l'énergie solaire, nous avons créé la première grande centrale
dans le midi de la France. Nous avions installé 4 hectares de capteurs sur une
grosse chaudière. Cette centrale a été la dernière. Maintenant, nous ne pouvons
que réfléchir au développement de l'énergie solaire éparpillée. Nous avons des
milliers d'hectares de toits bien positionnés face au sud. Encore faut-il avoir
des capteurs dont la fabrication n'ait pas un bilan négatif au regard de
l'apport énergétique qui en résulterait.
Il y a aussi la biomasse et le bois. J'ai entendu dire qu'en Bretagne des
dizaines de milliers de tonnes d'algues vertes se répandent sur les côtes. On
pourrait peut-être les utiliser pour créer du méthane. Il reste que l'on trouve
un peu partout des énergies renouvelables. Simplement, il faut faire le bilan
entre leurs avantages et leurs inconvénients.
Enfin, il y a l'énergie éolienne. A cet égard, je félicite Jean-François Le
Grand d'avoir déposé cette proposition de loi de façon à faire entrer les
structures éoliennes dans le droit commun. S'il faut faire un effort,
faisons-le dans la clarté ! C'est ce vers quoi nous tendons.
Pour ma part, je me pose deux questions : une d'ordre environnementale et
l'autre d'ordre économique.
L'interrogation environnementale tient au simple constat que les éoliennes
doivent s'implanter là où il y a du vent. Quels sont les endroits où il y a le
plus de vent ? D'abord les côtes, ensuite la montagne.
Qu'a fait le Parlement en la matière ? Il a créé pour ces deux zones, le
littoral et la montagne, deux lois spéciales protectrices interdisant les
poteaux : la loi Montagne et la loi Littoral. Cela fait quinze ans que je me
bats sur le littoral, contre les poteaux, qu'ils soient petits, moyens ou
grands !
A ce propos, je tirerai un grand coup de chapeau à EDF, qui, dans mon canton,
l'île de Noirmoutier, a procédé à l'éradication de toutes les lignes de 20 000
volts et a enterré deux kilomètres de lignes de 90 000 volts, pour le coût -
excusez du peu ! - de 10 millions de francs.
Mme Marie-France Beaufils.
Heureusement qu'il y a le service public !
M. Jacques Oudin.
Oui, heureusement que nous avons une entreprise publique qui a une conscience
écologique très forte ! Bravo à EDF !
(Sourires.)
En tant que membre du
conseil de l'environnement de EDF, je peux le dire.
Je me suis toujours battu pour faire enlever les poteaux. Je ne peux donc
m'empêcher de m'interroger lorsque je vois implanter ou proposer d'implanter
des parcs d'éoliennes. J'ai vu celles de Californie, je suis allé à Palm
Springs, j'ai vu des milliers d'hectares avec des milliers d'éoliennes. Ce
n'est pas ce que je souhaite, ce n'est pas ce que vous souhaitez non plus, et
ce n'est pas ce vers quoi nous tendons.
Cela étant, je suis tout de même un peu interloqué quand il est question
d'implanter des éoliennes dans des zones fragiles. Madame la ministre, vous
allez visiter en novembre un premier champ d'éoliennes, dans le département de
Vendée. Or il s'agit d'une zone classée Natura 2000, zone spéciale de
protection, etc. Eh bien, malgré tout cela, on y a dressé huit éoliennes !
Je crois donc que, sur le plan écologique, il faudrait savoir faire preuve
d'un peu de discernement.
Mais mon interrogation essentielle est d'ordre économique. Economiquement,
est-il possible d'agir dans le cadre tracé par la loi et l'arrêté de 2001, qui
fixent le tarif auquel EDF est obligé de racheter l'électricité d'origine
éolienne ? Car, ne nous leurrons pas : si cette disposition économique
n'existait pas, on ne verrait pas fleurir tous ces projets !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Tout à fait !
M. Jacques Oudin.
Je me suis donc référé à l'avis de la Commission de régulation de
l'électricité, la CRE, en date du 5 juin, dont certains passages sont assez
étonnants. Permettez-moi d'en citer quelques-uns. « Que les kilowattheures
éoliens se substituent à des kilowattheures nucléaires ou à des kilowattheures
issus de centrales à cycle combiné au gaz, le tarif d'achat proposé est très
supérieur à la somme des coûts et externalités environnementales évités, ainsi
que des autres effets positifs supposés de la production éolienne.
« Le tarif proposé se situe également très au-dessus de toutes les estimations
raisonnables des coûts de revient de la filière éolienne. Le développement de
la spéculation liée aux réservations de site depuis l'annonce de ce tarif est
d'ailleurs le révélateur de rentabilités tout à fait excessives :...
M. Paul Girod.
Très bien !
M. Jacques Oudin.
... plus de 20 % par an après impôts, garantis sur quinze ans, même pour des
sites moyennement ventés.
« A ce niveau de rentabilité, toute subvention publique supplémentaire est à
proscrire, et les projets déjà lancés qui demandent à bénéficier du nouveau
tarif devraient rembourser les subventions déjà perçues.
« Dans ces conditions, la CRE recommande au Gouvernement de mettre en oeuvre
le plus rapidement possible la procédure d'appel d'offres prévue par la loi du
10 février 2000 pour révéler le juste prix à payer et éviter les difficultés
liées à un prix administré.
« Pour une quantité installée de 5 000 mégawatts en 2010, annoncée par le
Gouvernement, le coût total cumulé à la charge des consommateurs d'électricité
serait dans le meilleur des cas de l'ordre de 7 milliards d'euros, soit 46
milliards de francs. Si 12 000 mégawatts sont installés, comme annoncé par
certains professionnels de la filière éolienne, ce surcoût approchera 17
milliards d'euros, soit 111 milliards de francs, et atteindrait 26 milliards
d'euros, soit 170 milliards de francs - avec une pointe à 1,5 milliard d'euros,
soit 10 milliards de francs, en 2012 - si l'on considérait que l'éolien se
substitue à du nucléaire... »
« Du fait des caractéristisques de la production électrique française, le
développement de la production éolienne ne contribuera quasiment pas, dans les
quinze prochaines années, à la réduction des émissions françaises de gaz à
effet de serre ni à l'amélioration de la qualité de l'air... »
J'en arrive, après avoir passé d'autres paragraphes tout aussi croustillants,
à la conclusion : « Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CRE
considère que le tarif proposé entraîne des rentes indues aux producteurs
éoliens qui se traduiront par une augmentation significative des prix de
l'électricité en France, et représente un moyen exagérément coûteux pour la
collectivité d'atteindre l'objectif de développement de la filière que s'est
fixé le Gouvernement. Elle émet, en conséquence, un avis défavorable sur ce
projet d'arrêté. »
M. Raymond Courrière.
Et le nucléaire, alors ?
M. Jacques Oudin.
Pour ma part, madame la ministre, je tire deux conclusions.
En premier lieu, lorsqu'on prend une décision dans un domaine aussi lourd que
celui de l'énergie, il est quand même préférable de disposer de bilans
économiques et environnementaux beaucoup plus détaillés que ceux qu'on nous a
proposés l'année dernière !
M. Raymond Courrière.
Est-ce qu'on en avait pour le nucléaire ?
M. Jacques Oudin.
Je pense d'ailleurs que la proposition de loi de Jean-François Le Grand sera
adoptée à une large majorité, et cela est révélateur de l'attitude de nos
collègues qui, sur le terrain, ont bien vu de quoi il retournait.
Au regard de l'urbanisme, faire entrer le régime éolien dans le droit commun
constitue une bonne chose. Mais cela laisse de côté tout le volet
économique.
Il faudrait que la commission des affaires économiques s'intéresse aussi à ce
volet, c'est-à-dire à la question de l'équilibre entre les différentes énergies
par rapport au coût supporté par les consommateurs.
En second lieu, madame la ministre, je tiens à préciser que je suis favorable
à l'énergie éolienne.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du
groupe communiste républicain et citoyen, et sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
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