SEANCE DU 30 OCTOBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont aussi incompatibles avec l'exercice des fonctions de maire, de président d'un conseil général, de président d'un conseil régional ou de président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre. »
La parole est à M. Jean-Louis Masson.
M. Jean-Louis Masson. Mon amendement a pour objet d'institutionnaliser l'incompatibilité des fonctions d'exécutif d'une collectivité décentralisée et des fonctions ministérielles. Le Gouvernement avait indiqué qu'il appliquerait cette règle. Dans les faits, il l'a presque totalement mise en oeuvre. Le gouvernement précédent, qui était un gouvernement de gauche, l'avait également appliquée. Il existe donc un certain consensus pour admettre cette disposition. Je souhaite, par conséquent, confirmer de manière institutionnelle une pratique qui a tendance à être reconnue par tous.
« Pourquoi présenter un tel amendement dans ce cadre ? », se demanderont certains. Tout simplement parce qu'il me paraît sain, pour une nation telle que la France, à partir du moment où l'on accorde des pouvoirs décentralisés aux collectivités territoriales, d'éviter la confusion des genres entre les fonctions exercées au plus haut niveau de l'Etat et les fonctions d'exécutif d'une collectivité décentralisée.
Lors de l'examen, sous la précédente législature, des lois sur le cumul des mandats, on avait pu se demander pourquoi une telle disposition n'était pas prévue. Tout simplement parce qu'une loi constitutionnelle était nécessaire. Mais comme il n'y aura certainement jamais de loi constitutionnelle spécifique sur le problème des cumuls, il faut profiter, pour présenter un tel dispositif, d'un projet de loi concernant la décentralisation et donc les problèmes de cohérence entre diverses fonctions exécutives. Je tiens à rappeler que, lors de l'examen, sous la précédente législature, des lois sur le cumul des mandats, la majorité de l'époque - majorité de gauche - avait indiqué qu'elle était favorable à une intégration, à la première occasion, d'une telle disposition dans la Constitution ; quant à l'opposition de droite, elle avait beaucoup reproché à la majorité de gauche de l'époque de ne pas avoir commencé par prendre cette mesure.
Je crois donc que nous avons tous l'occasion ici d'avancer un peu dans ce domaine. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. C'est une proposition tout à fait intéressante, mais qui n'a rien à voir avec le présent projet de loi constitutionnelle.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, pour les mêmes raisons qu'a avancées M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, contre l'amendement.
M. Michel Charasse. Notre collègue M. Masson pose une bonne question, mais je ne suis pas sûr, comme la commission d'ailleurs, que ce soit bien le cadre pour ce faire.
M. Lucien Lanier. Tout à fait !
M. Michel Charasse. Il n'empêche que la question mérite d'être soulevée.
Seulement, mon cher collègue, les incompatibilités ou les inéligibilités pour les membres du Parlement sont fixées par la loi organique. Personnellement, j'ai peur que la fixation par la Constitution d'un régime d'incompatibilités visant les membres du Gouvernement ne soit trop restrictive et trop réductrice.
Il faut à mon avis laisser au Parlement le soin d'entrer dans les détails dans une loi qui ne soit pas du niveau de la Constitution et se laisser la possibilité de procéder à des adaptations au cas par cas.
M. Lucien Lanier. Très bien !
M. Michel Charasse. J'aurais été plus gêné, monsieur Masson, si vous aviez présenté un amendement renvoyant à une loi organique la fixation des incompatibilités et des inéligibilités. En effet, dans ce cas, on aurait renvoyé à la loi organique et l'on aurait pu régler le problème par celle-ci.
Mais l'amendement n° 40 rectifié, tel qu'il est rédigé, est dangereux parce qu'il risque d'aller trop loin ou pas assez loin et, en outre, d'interdire à la loi d'édicter d'autres incompatibilités que celles qui seraient prévues par le texte constitutionnel.
M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Michel Charasse. C'est la raison pour laquelle, même si l'idée me paraît bonne, je ne peux voter cet amendement.
M. le président. Apparemment, c'est non pas la qualité de cet amendement mais sa place qui est en cause !
M. Michel Charasse. Et sa trop grande ambition !
M. le président. Monsieur Masson, l'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Louis Masson. Par cet amendement, j'ai avant tout voulu poser le problème
L'analyse de notre collègue Michel Charasse est très subtile. En l'état actuel de la Constitution, mentionner dans cette dernière une incompatibilité obligerait effectivement à la constitutionnaliser. Quant au renvoi à une loi organique, il relève d'une démarche intellectuellement astucieuse.
Cela étant dit, je préfère retirer mon amendement, en souhaitant qu'un jour peut-être la pratique suivie par l'actuel gouvernement et par le gouvernement précédent reçoive une consécration et s'impose à tous les gouvernements.
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié est retiré.
L'amendement n° 169, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le premier alinéa de l'article 24 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Parlement vote la loi. Il en évalue les résultats. Il contrôle l'action du Gouvernement. »
La parole est à Mme Nicole Borvo
Mme Nicole Borvo. On dira sans doute que mon amendement est hors sujet, mais on ne peut en revanche méconnaître qu'il est d'ordre constitutionnel et qu'il se rattache directement au débat sur l'article 2 et sur le domaine de la loi.
Nous avions déjà proposé un amendement identique dans le cadre du débat sur le quinquennat. Au fil des réformes constitutionnelles, nous restons donc attachés à cet amendement.
A l'époque, notre amendement avait été repoussé par la majorité sénatoriale de façon assez méprisante (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants),...
M. Jean Chérioux. Nous ne sommes jamais méprisants, nous !
Mme Nicole Borvo. ... au motif qu'il était hors sujet et qu'il s'agissait d'une simple répétition de dispositions déjà existantes.
Je répéterai ce que j'avais dit à l'époque : ce refus faisait peu de cas du travail de la commission Vedel, constituée comme chacun sait d'éminents spécialistes, qui avait justement fait une proposition allant dans ce sens.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non, la commission Vedel n'a pas proposé cela !
M. Nicole Borvo. Cette proposition se fondait sur le constat de l'important affaiblissement du rôle du Parlement dans le cadre des institutions de la Ve République et de sa pratique, affaiblissement du rôle du Parlement qui s'était bien entendu accompagné d'un affaiblissement de la loi.
La combinaison des articles 34 et 37, dont nous proposons par ailleurs une réécriture, a, pour la prmeière fois dans une constitution, limité le champ de la loi au profit du règlement édicté par le pouvoir exécutif.
L'autre objectif de l'amendement n° 169 est de rappeler que le Parlement constitue une pièce maîtresse de la démocratie. Cela paraît évident, mais il faut le redire car nous savons que passer outre le contrôle du pouvoir législatif est une tentation permanente pour le pouvoir exécutif.
Notons d'ailleurs que le rythme particulièrement précipité auquel on nous demande d'adopter des projets de loi constitutionnelle tend à faire considérer le Parlement comme un lieu d'enregistrement de la loi plutôt que d'élaboration de cette dernière.
Pour toutes ces raisons, il nous paraîtrait tout à fait important de rétablir le principe de l'édition des normes par la loi, l'exception relevant du règlement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Je ne voudrais pas être désagréable avec Mme Borvo,...
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas grave !
M. René Garrec, rapporteur. ... que j'ai d'ailleurs écoutée avec beaucoup d'intérêt. Qu'elle me permette de lui dire, en prenant toutes les précautions d'usage, que son amendement n'a pas de rapport avec le projet de loi constitutionnelle et que l'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est également défavorable. Comme vient de le dire M. le rapporteur, cet amendement n'a pas de rapport avec l'objet du débat.
Par ailleurs, cette proposition pourrait avoir des incidences très dangereuses sur le reste parce que cela nous poserait un problème d'exclusivité et d'incompatibilité avec les autres dispositions relatives aux droits du Parlement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
ou avant l'article 2