SEANCE DU 30 OCTOBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 170, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi
libellé :
« Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé : «
Art. 34.-
L'Assemblée nationale vote seule la loi. Elle ne peut pas déléguer ce
droit. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le mot :
"locales" est remplacé par le mot : "territoriales". »
L'amendement n° 48 rectifié
ter,
présenté par M. Cointat, Mme
Brisepierre, MM. Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand et
Guerry, est ainsi libellé :
« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le quatorzième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il est
inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de l'organisation, du fonctionnement et des compétences des instances
représentatives des Français établis hors de France ; ».
La parole est à Mme Mathon, pour défendre l'amendement n° 170.
Mme Josiane Mathon.
Cet amendement anticipe sur le débat relatif à l'article 2 du projet de loi
qui, selon nous - nous nous en expliquerons dans un instant - menace gravement
la loi comme expression de la souveraineté populaire.
La Constitution de 1958, en établissant une liste exhaustive du domaine de la
loi, même si la jurisprudence du Conseil constitutionnel a pu l'étendre
quelquefois, a participé à l'affaiblissement politique du parlement.
La rédaction que nous vous proposons s'inspire du texte constitutionnel de
1946. Nous savons qu'il n'est pas parfait et a donné lieu à des dérives
réglementaristes plus ou moins masquées.
Ces dérives et l'échec de la constitution de 1946 furent sans doute dus plus à
un ensemble de facteurs, aux conditions historiques, notamment la
décolonisation, qu'à un pouvoir incontrôlé du Parlement et à un champ trop
large du domaine de la loi.
Il nous paraît important, pour restaurer la confiance de notre peuple dans sa
représentation politique, de donner à cette dernière la capacité de maîtriser,
par la loi, le cours des choses.
Tel est le sens de l'amendement n° 170.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. René Garrec,
rapporteur.
Cet amendement vise à mettre un terme à la distinction entre
les expressions « collectivités locales » et « collectivités territoriales
».
Le Conseil constitutionnel considère que ces expressions sont équivalentes. Il
me paraît néanmoins nécessaire d'harmoniser la rédaction de la Constitution en
retenant les termes « collectivités territoriales », qui sont les plus
employés, l'expression « assemblées locales » demeurant en revanche inchangée
dans la mesure où elle ne suscite aucune confusion.
M. le président.
La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 48
rectifié
ter.
M. Christian Cointat.
La décentralisation est certainement une très bonne chose. Encore faut-il
qu'elle maîtrise l'ensemble des paramètres ; parmi ces derniers figurent les
Français établis hors de France : soit ils risquent de se trouver totalement
privés de ce qu'ils ont pu obtenir jusqu'à présent, soit ils ont une véritable
chance d'aller dans la direction que nous a tracée le Premier ministre.
Cet amendement comporte un principe général et un aspect de sécurité
juridique.
Si l'on n'y prend garde, le transfert des compétences de l'Etat vers les
collectivités territoriales risque de poser de très sérieux problèmes aux
Français établis hors de France qui ne remplissent pas les conditions de
territorialité liées à ce transfert.
Tel est d'ailleurs déjà le cas pour certaines allocations sociales qui, pour
de simples raisons de territorialité, ne sont plus servies aux Français établis
hors de France alors même qu'ils ont cotisé pour pouvoir les obtenir ; en
effet, les conseils généraux qui sont chargés de les accorder ne peuvent pas
les exporter à l'étranger.
Il en va de même en matière d'enseignement. Ainsi, un Français de l'étranger
qui réside près de la frontière et qui, pour des raisons diverses, désire
mettre ses enfants dans une école d'une commune française se voit opposer la
non-territorialité.
Renforcer l'autonomie des universités, c'est très bien, mais il faudra aussi
tenir compte des Français de l'étranger, car, pour l'instant, inscrire l'un de
ses enfants dans une université française, près de laquelle pourtant il a de la
famille pour l'héberger, s'apparente au parcours du combattant.
Vous allez me répondre, monsieur le ministre, que le Gouvernement a bien
évidemment songé à tout cela et qu'il a prévu que l'Etat conserve, pour les
Français de l'étranger, certaines attributions, qui ne seraient pas transférées
aux collectivités territoriales. Certes, monsieur le ministre, mais à la
différence près que, lorsque l'on engage des négociations pour obtenir des
avancées sociales, on a plus de poids si l'on fait partie d'un ensemble. Or les
deux millions de Français de l'étranger se trouvent seuls, sans aucune
organisation, pour se faire représenter d'une manière efficace ; leur poids
s'en trouve quelque peu diminué, vous en conviendrez ! Il faut être conscient
de cette situation.
Comme nous devons entrer résolument dans cette marche vers la
décentralisation, les Français de l'étranger doivent prendre, eux aussi, leurs
responsabilités, mais il faut que l'Etat leur donne les moyens de s'organiser.
Pour ce faire, soit on reconnaît qu'ils appartiennent à une communauté, la
collectivité des Français de l'étranger - par analogie, d'ailleurs, à ce qui se
fait déjà sans que, malheureusement aucune organisation spécifique soit créée
-, et dès lors ils pourront prendre leur destin en main, tout en restant bien
sûr sous le contrôle de l'Etat, soit on décide que la loi doit couvrir ce champ
d'action.
A la demande unanime des élus des Français de l'étranger, nous avions déposé
une série d'amendements visant à faire reconnaître cette communauté, sans
territoire certes, mais représentant une collectivité réelle de citoyens
français. J'ai cru comprendre que cette initiative était prématurée et que le
Gouvernement souhaitait réfléchir. Comprenant les difficultés que celui-ci
pouvait rencontrer, nous avons retiré ces amendements, sauf un, qui est
important : c'est celui que nous examinons maintenant et qui vise à remettre à
la loi ce que la Constitution n'accorderait pas directement à la collectivité.
En effet, si la décentralisation déshabille les Français de l'étranger, il faut
bien, au moins, que la Constitution reconnaisse à la loi le pouvoir de les
réhabiller d'une manière décente.
M. le Premier ministre a fait part devant notre assemblée - suscitant un grand
enthousiasme - de la volonté du Gouvernement de se rapprocher des citoyens, de
rapprocher les autorités locales des citoyens, bref de rapprocher les décisions
des citoyens. Or on ne peut pas considérer que la France ne comprend que des
citoyens résidant sur le territoire national et écarter les deux millions des
Français établis hors de France ! Notre crédit est fondé sur la confiance -
c'est le credo de M. le Premier ministre - et nous sommes tous d'accord avec
lui, mais cette confiance doit être honorée.
M. le Premier ministre nous a demandé de ne pas nous limiter à des paroles,
mais de passer aux actes. Nous allons voir s'il en va ainsi : deux millions de
Français nous regardent, qui attendent que nous passions aux actes, que nous
prenions en compte leur existence.
Ignorer cette attente serait très grave. En effet, cela remettrait en cause
toute l'opération engagée par Jacques Chirac lorsqu'il était Premier ministre,
de 1974 à 1976 : c'est lui qui créa la commission Bettencourt, qui dota
l'organisation des Français établis hors de France des structures dont elle
bénéficie aujourd'hui. Par ailleurs - je tiens à le souligner - c'est Pierre
Mauroy, alors Premier ministre, qui décida de faire élire au suffrage universel
les représentants des Français établis hors de France. C'est ce qui a tout
modifié - il faut en être bien conscient - puisque nous relevions jusqu'alors
du domaine réglementaire et qu'ensuite nous n'avons plus échappé au domaine de
la loi.
Il serait temps que la Constitution entérine cette avancée, faute de quoi tout
ce que nous avons fait par la voie législative pourrait être remis en cause. Je
suis certain que, si la loi de 1982 avait été soumise au Conseil
constitutionnel, elle aurait eu de grandes chances de ne pas être déclarée
conforme à la Constitution.
Se pose également le problème de la sécurité juridique. Je n'insisterai pas
davantage, puisque mon temps de parole commence à s'épuiser.
En conclusion, je dirai que si le présent débat est important pour tous, il
est vital pour les Français de l'étranger.
En effet, d'un côté, cinquante ans d'efforts risquent d'être anéantis, mais,
de l'autre, une grande chance de progrès s'offre à eux si leur spécificité est
prise en compte.
En 1990, le Sénat a voté, avec l'approbation du gouvernement de l'époque, une
loi allant plus loin que celle de 1982 en faveur des Français de l'étranger. Il
faut à présent aller jusqu'au bout du raisonnement ; il faut impérativement
nous prendre en compte, afin que nous puissions, d'une manière ou d'une autre,
exister.
M. le Premier ministre a déclaré hier : « La décentralisation, c'est la
confiance faite au peuple. Notre démarche s'inscrit dans cette logique de
confiance. La République appartient à tous, elle trouve sa vie dans la
confiance aux citoyens. » Les Français de l'étranger font partie de ces
citoyens et doivent être traités à part entière !
Je poursuivrai par un rappel des propos de Dominique de Villepin, ministre des
affaires étrangères, qui, un temps, présida le Conseil supérieur des Français
de l'étranger : « Nos communautés françaises, partout dans le monde, sont une
partie du coeur de la France. » Eh bien, messieurs les ministres, mes chers
collègues, écoutez ses battements, s'il vous plaît !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Je suis désolé, madame Borvo, mais je suis obligé de répéter
ce que j'ai dit tout à l'heure, malgré la peine que cela me cause : il me
semble que cette disposition est sans rapport avec l'objet de la loi
constitutionnelle. A mon regret, je donnerai donc un avis défavorable sur
l'amendement n° 170.
Mme Hélène Luc.
Vous pourriez faire un effort de temps en temps !
M. René Garrec,
rapporteur.
Cette fois, j'y ai mis les formes !
(Sourires.)
J'en viens à l'amendement n° 48 rectifié
ter
. Il me semble difficile
de créer une collectivité publique des Français de l'étranger. Il s'agit d'une
construction dont la complexité ferait reculer n'importe quel juriste.
Quant à la disposition selon laquelle la loi fixe les principes fondamentaux
de l'organisation, du fonctionnement et des compétences des instances
représentatives des Français établis hors de France, la commission a décidé de
soumettre cette question à la sagacité de M. le ministre.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Sur l'amendement n° 170, l'avis du Gouvernement est
défavorable. Il nous semble en effet que la phrase : « L'Assemblée nationale
vote seule la loi » entre en contradiction avec l'article 38 de la Constitution
et les dispositions relatives au vote par référendum.
M. Adrien Gouteyron.
C'est le Parlement tout entier qui vote la loi !
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
En effet, je n'avais pas mentionné l'injure faite au
Sénat !
Avec l'amendement n° 48 rectifié
ter,
M. Cointat pose, j'en conviens,
un vrai problème, problème dont M. Del Picchia s'est ouvert à moi.
Comme l'a dit M. le rapporteur, il me semble difficile de créer une
collectivité fictive, en tout cas sans base territoriale. Il n'en demeure pas
moins qu'il faut trouver une solution. On pourrait essayer de la trouver dans
le cadre de la loi organique qui suivra immanquablement le vote de la réforme
constitutionnelle ! Je propose à M. Cointat d'engager une concertation sur ce
sujet. Comme je l'ai dit à M. Del Picchia, nous sommes à la disposition des
élus des Français de l'étranger pour essayer de trouver une solution qui, en
tout cas, ne me paraît pas avoir sa place dans le cadre de cette réforme
constitutionnelle.
Enfin, l'amendement n° 3 me paraît tout à fait bienvenu et judicieux. En
effet, les dénominations « collectivités territoriales » et « collectivités
locales » étant utilisées indifféremment, cela peut être source de confusion.
Par conséquent, prévoir une unification me semble une bonne idée, à laquelle le
Gouvernement est favorable.
M. Gérard Delfau.
Enfin une proposition de la commission qui est acceptée !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi constitutionnelle, après l'article 1er.
Monsieur Cointat, acceptez-vous la suggestion de M. le ministre s'agissant de
l'amendement n° 48 rectifié
ter
?
M. Christian Cointat.
Je vais essayer de clarifier le débat en faisant deux remarques.
Premièrement, j'aurais aimé que M. le président de la commission des lois
rappelle que ladite commission a décidé non pas de demander l'avis du
Gouvernement, mais de s'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. René Garrec,
rapporteur.
Nous n'en sommes pas au vote !
M. Christian Cointat.
Je voudrais que les choses soient bien claires !
Deuxièmement, je tiens à rappeler également que, conformément au souhait du
Gouvernement, souhait que j'avais cru déceler à travers certains contacts, nous
avons modifié le texte de notre amendement. Comme vous pouvez le constater, il
s'agit de l'amendement n° 48 rectifié
ter
, qui a donc subi plusieurs
rectifications.
M. Guy Penne.
Absolument !
M. Christian Cointat.
Les termes « collectivités », « collectivités publiques », qui avaient été
successivement utilisés, ont totalement disparu.
Finalement, l'objet de l'amendement n° 48 rectifié
ter
est d'intégrer
dans le domaine de la loi les principes fondamentaux « de l'organisation, du
fonctionnement et des compétences des instances représentatives des Français
établis hors de France ».
Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre une loi organique pour régler un
problème qu'il serait beaucoup plus simple de résoudre en modifiant la
Constitution ! Nous aurions ainsi toutes les garanties nécessaires.
Je répète que c'est la loi de 1982 qui a modifié la nature du Conseil
supérieur des Français de l'étranger, en le transformant d'organe technique
consultatif auprès d'un ministère en assemblée élue au suffrage universel. Il
eût été normal, à l'époque, de modifier la Constitution pour entériner cette
décision. Toutefois, il était difficile de réunir le Congrès à cette seule
fin.
Aujourd'hui, nous avons une opportunité de normaliser la situation et de faire
en sorte que la loi ne s'applique plus dans des conditions juridiquement
contestables. Alors, pourquoi ne pas le faire ? Monsieur le ministre, je suis
prêt à me ranger à vos arguments, mais je reste persuadé qu'il vaut mieux agir
sans délai. Nous apporterons ainsi aux Français établis hors de France la
preuve qu'ils sont considérés comme des Français à part entière.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Je sais tout l'intérêt que porte mon ami Guy Penne à cette proposition, mais
je peux lui dire, ainsi qu'à M. Cointat, qu'ils n'ont pas besoin d'attendre les
lois organiques dont vient de parler M. Devedjian.
Je me permets en effet de rappeler les termes du dernier alinéa de l'article
34 de la Constitution : « Les dispositions du présent article pourront être
précisées et complétées par une loi organique. »
Autrement dit, si nos collègues sénateurs des Français de l'étranger se
mettaient d'accord pour élaborer une proposition de loi organique sur ce sujet,
qui n'a pas vraiment de rapport avec le présent texte, pour compléter et
préciser l'article 34 dans le sens qu'ils souhaitent nous pourrions nous en
saisir très rapidement.
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
Tout à fait !
M. Michel Charasse.
Le Sénat se trouverait d'ailleurs ainsi à l'origine d'une grande première
puisque, depuis 1958, cette disposition n'a jamais été utilisée.
En vérité, on a tenté de l'utiliser une fois, mais les choses ne sont pas
allées juqu'au bout. Commençant à prendre un peu d'âge
(Mais non ! Mais non
! sur plusieurs travées),
je vais évoquer des circonstances dont on ne se
souvient pas forcément. En 1967, M. Roland Dumas avait déposé à l'Assemblée
nationale une proposition de loi organique visant à étendre la portée de
l'article 34 à la redevance de l'audiovisuel, qui faisait à l'époque l'objet
d'un conflit.
(M. le garde des sceaux marque sa surprise.)
Je vois M. le garde des sceaux hocher la tête : la redevance étant fixée par
voie de décret, le groupe de la fédération de la gauche démocrate et socialiste
avait effectivement proposé que l'article 34 soit complété de manière que cette
redevance soit fixée par la loi.
Quel que soit le sort de l'amendement de M. Cointat ce soir, rien n'interdit
donc à nos collègues sénateurs des Français établis hors de France de rédiger
une proposition de loi organique tendant à compléter l'article 34 de la
Constitution d'une manière conforme à leurs voeux !
Cela peut se faire d'une façon totalement indépendante de ce débat sur la
décentralisation, et sans attendre les projets de loi organique et ordinaire à
venir. Car ce n'est pas demain que nous en serons saisis, compte tenu de la
complexité des problèmes à résoudre !
Voilà pourquoi je ne suis guère tenté de voter, ce soir, l'amendement n° 48
rectifié
ter,
même si j'en comprends bien la portée, que m'a d'ailleurs
expliquée M. Penne, qui siège derrière moi, en me mettant des grands coups dans
le dos, ce qui était très désagréable !
(Rires.)
M. le président.
La parole est à M. Guy Penne, pour explication de vote.
M. Guy Penne.
Je n'ai pas frappé M. Charasse si fort que cela !
(Sourires.)
Il reste que je fais miens tous les arguments qui ont été avancés par M.
Cointat.
Nous sommes un certain nombre à nous battre depuis longtemps pour que la
communauté des Français résidant à l'étranger puisse avoir une véritable
représentation.
Ce qui a été réalisé par Pierre Mauroy mérite effectivement d'être salué. Je
rappelle que, en 1981, le candidat François Mitterrand avait inscrit parmi ses
propositions la possibilité pour les Français de l'étranger d'élire leurs
représentants au suffrage universel. C'est ainsi que, après son élection, est
né le Conseil supérieur des Français à l'étranger, lequel a constitué un grand
progrès. Le nombre des sénateurs représentant les Français établis hors de
France est ensuite passé à douze.
Vous le savez, au-delà des clivages politiques, ces douze sénateurs se
retrouvent très souvent pour défendre nos compatriotes résidant à l'étranger,
lesquels, contrairement à ce que peut faire croire une certaine image
d'Epinal, ne passent pas tous leur temps à se « goberger » sous les cocotiers.
Bien au contraire, on observe plutôt une tendance à la paupérisation des
Français expatriés, sans parler de tous les risques auxquels les communautés
françaises à l'étranger sont souvent terriblement exposées.
On sait aussi que les problèmes budgétaires que nous connaissons ne vont pas
manquer d'aggraver leurs difficultés dans le domaine scolaire ou dans le
domaine social, même si, à cet égard, des avancées ont été réalisées.
Indiscutablement, les intérêts des Français de l'étranger seront mieux
défendus si leur représentation est mieux assurée, notamment dans la
Constitution. Voilà pourquoi j'approuve cette initiative de notre collègue
Christian Cointat et ne suis donc pas tout à fait d'accord avec mon ami Michel
Charasse.
Cet amendement n'a été signé que par neuf des sénateurs des Français de
l'étranger. Si leurs trois collègues de gauche ne l'ont pas fait, cela ne veut
pas dire qu'ils ne le soutiennent pas. Je peux même indiquer qu'ils le voteront
tous les trois.
Quelle que soit la bonne volonté du Gouvernerment, je crois utile de faire ce
pas supplémentaire que nous propose M. Cointat. C'est un geste qui serait
grandement apprécié par nos compatriotes expatriés, dont beaucoup, soit dit
sans faire de misérabilisme, connaissent à l'heure actuelle des conditions de
vie extrêmement difficiles.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert Del Picchia.
J'approuve bien sûr sans réserve tout ce qu'a excellemment dit Christian
Cointat.
J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre, mais comprenez que
j'incline à suivre ceux de Christian Cointat. Peut-être un compromis
pourra-t-il être trouvé entre vous ! Quelle que soit la position qu'adoptera
finalement notre collègue, nous la soutiendrons, et sans qu'il ait à nous
donner des coups dans le dos !
(Sourires.)
Je voudrais seulement rappeler que c'est un décret qui a permis d'organiser
la première élection des représentants des Français de l'étranger au suffrage
universel, en 1982. La loi n'est intervenue que par la suite, ce qui est tout
de même assez original.
M. Michel Charasse.
C'est mieux que ce qu'il y avait avant !
M. Robert Del Picchia.
Par ailleurs, lorsqu'on a voulu aussi instituer la parité pour les élections
au Conseil supérieur des Français de l'étranger, le Conseil d'Etat a refusé
sous prétexte que les Français de l'étranger n'étaient pas mentionnés dans la
Constitution de la même façon que les autres Français. M. Charasse nous a
expliqué que nous pourrions, pour obtenir ce que nous voulons, préparer une
proposition de loi organique, mais c'est d'un signe fort que nous avons besoin
aujourd'hui. Si vous nous dites officiellement ce soir, monsieur le ministre,
qu'il sera donné dans la loi organique, peut-être Christian Cointat se
laissera-t-il convaincre ! Cela étant, un autre amendement traitant des
Français de l'étranger sera examiné ultérieurement. Si Christian Cointat est
d'accord pour retirer celui qui est actuellement en discussion, je pense qu'il
conviendra de maintenir au moins le second.
M. le président.
La parole est à M. Michel Guerry, pour explication de vote.
M. Michel Guerry.
Je souscris totalement aux propos de mes collègues sénateurs des Français de
l'étranger. Je voudrais cependant rappeler comment ceux-ci sont représentés.
Nous sommes deux millions de Français à l'étranger, soit l'équivalent de la
population de Paris
intramuros
. Or, Paris
intramuros
est
représenté par 163 conseillers, 12 sénateurs et 21 députés. Nous, nous sommes
représentés par 150 délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Ce sont des bénévoles, qui « couvrent » chacun, en général, plusieurs pays et
ont une tâche extrêmement difficile. Ces 150 délégués, comme vous le savez,
élisent 12 sénateurs représentants des Français de l'étranger.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ils sont bien représentés !
M. Michel Guerry.
Au Sénat, oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est l'essentiel !
(Sourires.)
M. Michel Guerry.
Mais Paris est, au surplus, représenté par 21 députés !
Nous considérons que nous sommes, nous, Français de l'étranger, très largement
sous-représentés, et donc très peu entendus.
L'adoption de l'amendement présenté par notre collègue Christian Cointat ne
permettrait de réaliser à cet égard qu'une très modeste avancée. S'il est
rejeté, comment pourrons-nous faire entendre notre voix, à l'étranger, auprès
des Français expatriés ?
On dit un peu partout que la France doit développer sa présence à l'étranger,
sur les plans tant culturel qu'économique ou politique. Comment voulez-vous que
ces mêmes Français ne soient pas désespérés de la France et ne s'en détournent
pas progressivement si nous ne faisons pas avancer leur représentation
politique ?
Ne pas voter cet amendement serait affirmer que les Français de l'étranger ne
sont pas des citoyens réellement égaux à ceux qui habitent la métropole.
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel, pour explication de vote.
M. Hubert Durand-Chastel.
Il est quelque peu curieux de parler de décentralisation en France en cette
époque de mondialisation, alors que la douce France n'a pas suffisamment de
ressortissants installés à l'étranger et se trouve donc en position
d'infériorité vis-à-vis de ses partenaires de l'Union européenne et d'autres
pays.
Aussi convient-il de faciliter les départs à l'étranger en reconnaissant aux
expatriés certaines spécificités et une certaine identité.
Il me semble donc tout à fait important que soit adopté l'amendement qu'a
défendu M. Cointat et que tous les sénateurs des Français établis hors de
France approuvent.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, quelle conclusion la commission tire-t-elle des
arguments qui viennent d'être échangés ?
M. René Garrec,
rapporteur.
Monsieur le président, je voudrais d'abord rétablir une
vérité. J'ai cru percevoir une baisse dans la « charge affective » qu'éprouvait
M. Cointat à mon égard dans la mesure où il n'était plus question de sagesse.
Je tiens donc à lui rappeler que l'avis de sagesse rendu par la commission
concerne l'amendement n° 50, qui porte sur l'article 3 et prévoit que les
projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors
de France seront déposées en premier lieu au Sénat. Les Français établis hors
de France seraient ainsi mentionnés dans la Constitution.
Pour le reste, il nous est apparu hier en commission qu'une loi organique
constituerait la bonne solution.
M. le président.
Quelle est, maintenant, la position finale du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué.
Monsieur le président, le Gouvernement reste
défavorable à cet amendement parce qu'il soulève une série de problèmes de
relation avec l'ensemble du texte constitutionnel, problèmes qui demandent à
être étudiés de près.
Le Gouvernement, s'agissant d'un amendement qui émane de sa majorité, souhaite
se concerter davantage avec elle.
J'ajouterai que la proposition du Gouvernement est honnête : rendez-vous est
pris, et il n'est pas renvoyé aux calendes puisque le projet de loi organique
sera examiné dès le premier trimestre de l'année prochaine.
M. Charasse, avec sa promptitude et sa subtilité juridique habituelles, m'a
précédé : il est bien vrai que l'article 34 de la Constitution prévoit que les
dispositions qu'il contient peuvent être précisées et complétées par une loi
organique. Rien n'est donc perdu.
Je propose, en attendant l'examen du projet de loi organique, une concertation
raisonnable avec les représentants des Français de l'étranger. C'est pourquoi
je demande à M. Cointat de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président.
Monsieur Cointat, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur ?
M. Christian Cointat.
L'essentiel était qu'un large débat ait lieu. Je comprends que le Gouvernement
n'est pas disposé à me suivre. Le mieux étant l'ennemi du bien, je retire cet
amendement.
Cela étant, comme le disait John Kennedy, « une erreur ne devient une faute
que si elle n'est pas corrigée ». J'espère donc que ce que je considère
aujourd'hui comme une erreur sera réparé, car les Français de l'étranger
attendent un signe fort de la part du Gouvernement et de la représentation
nationale, manifestant qu'ils sont reconnus comme des citoyens à part
entière.
Je souhaite que, dans les discussions qui s'engageront avec les représentants
des Français de l'étranger, toutes les sensibilités soient représentées. C'est
la condition pour que l'erreur dont je parlais soit effectivement corrigée.
Mais je fais confiance au Gouvernement pour qu'il en soit ainsi puisque la
concertation est le maître mot de notre action politique.
M. le président.
L'amendement n° 48 rectifié
ter
est retiré.
Articles additionnels avant l'article 2