SEANCE DU 6 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 199, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et
Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M.
Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et
Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est
ainsi libellé :
« Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la
Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au
congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord
mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non
admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
« II. - Les titres XIV, XV et XVI de la Constitution deviennent respectivement
les titres XV, XVI et XVII.
« III. - Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé :
"Dispositions relatives à la Polynésie française."
« IV. - Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78
ainsi rédigé :
«
Art. 78
. - La Polynésie française se gouverne librement et
démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts
propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi
organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut
détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la
Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi
que la répartition des charges résultant de ceux-ci.
« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées
en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties
des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation
de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures,
la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les charges.
« La loi définit également :
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la
Polynésie française et notamment les conditions dans lesquelles certaines
catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du
pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil
constitutionnel ;
« - les conditions dans lesquelles le délégué du gouvernement a la charge des
intérêts nationaux et du respect des lois ;
« - les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de
celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour
l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière
;
« - les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation
au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer
d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci,
dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation
ou la ratification sont soumises aux dispositions des articles 52 et 53. »
L'amendement n° 165, présenté par MM. Peyronnet, Bel, Charasse et Courteau,
Mme Durrieu, MM. Dreyfus-Schmidt, Dauge, Frimat, Frécon, Lagauche, Lise, Marc,
Mauroy, Raoul, Sueur et les membres du groupe socialiste et rattachée, est
ainsi libellé :
« Après l'article 11, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution,
un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au
congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord
mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non
admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 199.
M. Robert Bret.
On l'aura compris, cet amendement vise à inscrire enfin dans la Constitution
les dispositions constitutionnelles qui ont été adoptées en 1999 par le Sénat
et par l'Assemblée nationale mais qui n'ont jamais été soumises au Congrès.
Le débat sur la question de la Polynésie française ayant eu lieu à l'occasion
de l'examen de l'article 9, je souhaite recentrer notre proposition sur le
premier paragraphe de notre amendement, relatif à la Nouvelle-Calédonie, et
donc rectifier mon texte en ce sens.
Ce premier paragraphe tend à préciser la définition du corps électoral pour
les élections au congrès et aux assemblées de Nouvelle-Calédonie. La
disposition présentée permet de satisfaire pleinement aux accords de Nouméa.
Il est regrettable que l'examen du texte de 1999 n'ait pu aboutir parce que
celui-ci était lié à un autre texte qui visait à réformer le Conseil supérieur
de la magistrature mais qui fut bloqué à l'époque.
Il est temps, aujourd'hui, de mettre un terme à cette attente en adoptant
notre proposition, qui, je le rappelle, avait recueilli l'accord des deux
assemblées.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n°
165.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Cet amendement ayant le même objet que le précédent, mon propos sera bref.
Il s'agit de clore définitivement le débat sur la composition du corps
électoral en Nouvelle-Calédonie pour les élections provinciales. La loi
organique de mars 1999 avait transcrit dans le droit positif les dispositions
de l'accord de Nouméa, qui avait été signé, en mai 1998, par les représentant
du Front de libération nationale kanak et socialiste, le FLNKS, par ceux du
Rassemblement pour la Calédonie dans la République, le RCPR, et par le Premier
ministre, M. Lionel Jospin. Conformément à cet accord, la loi organique a
limité le corps électoral appelé à voter lors de ces consultations
provinciales.
Il se trouve que le Conseil constitutionnel a méconnu l'interprétation donnée
par le législateur. Une procédure avait été entamée, qui n'était pas allée
jusqu'à son terme, à savoir l'inscription des dispositions dans une loi
constitutionnelle. Je vous propose, mes chers collègues, de procéder
aujourd'hui à cette inscription.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
M. René Garrec,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 199, la commission a souscrit à
la philosophie du projet de loi constitutionnelle, qui tend à éviter un
émiettement du cadre constitutionnel de l'outre-mer. Elle ne peut accepter la
création d'un titre spécifique pour la Polynésie française.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, elle estime inopportun d'inscrire dans la
Constitution une disposition relative au corps électoral restreint tant que la
Cour européenne des droits de l'homme ne se sera pas prononcée sur les recours
formés.
S'agissant de l'amendement n° 165, les deux assemblées avaient approuvé en
1999 la disposition présentée, mais il ne semble pas opportun aujourd'hui de
l'inscrire dans la Constitution, alors que les recours contestant le caractère
discriminatoire d'un corps électoral figé sont pendants devant la Cour
européenne des droits de l'homme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Comme l'a indiqué à l'instant M. le rapporteur, depuis la réforme de 1999, qui
n'avait pas abouti, la Cour européenne des droits de l'homme est saisie de la
question du droit électoral en Nouvelle-Calédonie par le biais d'une série de
recours individuels dirigés contre le refus d'inscription sur la liste
électorale spéciale pour l'élection du congrès des assemblées de province de
Nouvelle-Calédonie.
Le Gouvernement estime que la plus sûre façon d'aboutir à une condamnation
certaine de la France par la Cour européenne des droits de l'homme...
M. Michel Charasse.
Ah !
Mme Brigitte Girardin,
ministre.
... serait de tenter, à l'occasion de la réforme
constitutionnelle en cours, d'accentuer encore ce « gel » du corps électoral en
bloquant celui-ci, alors que ladite cour ne s'est même pas encore prononcée sur
la conformité à la convention européenne des droits de l'homme de la notion de
corps électoral restreint glissant.
Il convient donc d'attendre la décision de la Cour européenne. Je précise
qu'il n'y a pas d'urgence sur cette question, puisqu'elle ne commencera
réellement à se poser avec acuité qu'à partir de novembre 2008, date à laquelle
les électeurs installés en Nouvelle-Calédonie depuis novembre 1998 pourront
prétendre à l'électorat.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 199.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement
n° 165.
M. Michel Charasse.
Un accord local a été conclu en Nouvelle-Calédonie et il semble correspondre
aux souhaits de la population, mais on ne le suit pas. Cela veut donc dire que
l'on a décidé toute la journée que l'on suivrait pour tout le monde, sauf pour
la Nouvelle-Calédonie ! Je le signale au passage...
Par ailleurs, cette disposition vise à introduire ou à confirmer une
discrimination entre les citoyens. La discrimination sera possible partout dans
ce que l'on a voté toute l'après-midi, sauf en Nouvelle-Calédonie. De surcroît,
on apprend maintenant que la France risque d'être condamnée à cause des
discriminations en Nouvelle-Calédonie, alors que, toute l'après-midi, on a
étendu les discriminations à tout le monde. C'est-à-dire que nous venons de
mettre en place le dispositif qui peut nous faire condamner par la Cour
européenne. Donc, tout est parfait, tout va très bien, madame la Marquise !
(Sourires.)
J'ajoute qu'il n'y a pas de contradiction entre mes positions traditionnelles
en ce qui concerne l'amendement n° 165, dont je suis cosignataire. En effet
comme la Nouvelle-Calédonie c'est une situation transitoire avant
l'indépendance, ce n'est pas gênant de voter ce type de disposition, alors que
ce n'est pas le cas des autres départements et territoires d'outre-mer.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 165.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10