SEANCE DU 13 NOVEMBRE 2002
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo.
Mon rappel au règlement est relatif à l'organisation de nos travaux.
A cinq heures, ce matin, la majorité sénatoriale a obtenu à l'arraché
l'adoption d'un texte que je qualifierai de « revanchard », tendant à remettre
en cause l'objectif de mixité sociale dans les zones urbaines fixé par
l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains,
dite « loi SRU ».
La proposition de loi présentée par la majorité sénatoriale et rapportée par
M. Dominique Braye vise en effet à supprimer la disposition de la loi SRU
incitant les communes situées en zone urbaine à construire des logements
locatifs sociaux afin d'atteindre le seuil de 20 % ou de 25 %, selon la taille
et la localisation de la collectivité territoriale, par rapport à l'ensemble du
parc.
Cette loi tendait notamment, monsieur le ministre, à apporter des solutions
pour les ghettos de misère, de pauvreté et de violence sociale où prospère la
mal-vie.
M. Charles Revet.
C'est vous qui l'organisez !
Mme Nicole Borvo.
L'attitude de la droite, sur la question du logement, est révélatrice d'une
volonté de désigner les pauvres, les gens dans le besoin comme des menaces pour
les autres.
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean Chérioux.
C'est ridicule !
Un sénateur du RPR.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Nicole Borvo.
Au nom de quelle légitimité les élus locaux s'arrogeraient-ils le droit de
choisir les habitants des communes qu'ils administrent ? Il s'agit aujourd'hui
d'un problème majeur pour notre société, d'un élément incontournable de toute
reconstruction des zones urbaines et du tissu social.
Aussi le débat d'hier soir était-il inacceptable, en particulier sur le plan
formel. En effet, comment tolérer que le Sénat débatte d'un sujet si important
dans une telle précipitation, sans concertation préalable avec les intéressés
?
Un sénateur du RPR.
C'est faux !
Mme Nicole Borvo.
Le Gouvernement, la majorité sénatoriale vont-ils poursuivre longtemps cette
marche forcée qui fait fi des principes élémentaires des discussions
démocratiques ?
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Nous avons constaté cette accélération des débats hier lors de l'examen du
projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la
République, ce matin à l'occasion de l'examen de la proposition de loi portant
modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains,
et nous la constaterons peut-être au cours de la discussion du projet de loi
pour la sécurité intérieure, pour lequel l'urgence a été déclarée.
(M. Jean
Chérioux s'exclame.)
M. Henri de Raincourt.
Il y a urgence, effectivement !
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, le Parlement de notre pays ne peut être réduit à jouer
ce rôle, de plus en plus caricatural, de chambre d'enregistrement. Vous
invoquez souvent la nécessité de contre-pouvoirs dans le jeu institutionnel :
où sont-ils aujourd'hui si l'opposition parlementaire, et même le Parlement
dans son ensemble, est ainsi mis devant le fait accompli ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. Philippe François.
Et il ne l'a jamais été auparavant, peut-être ?
Mme Nicole Borvo.
Sur le fond, je souhaite souligner que l'attitude de la droite sénatoriale sur
la question du logement social met en évidence l'effet d'affichage que vous
cherchez à obtenir, monsieur le ministre, au travers du projet de loi que nous
nous apprêtons à examiner.
En effet, comment pourrions-nous croire que vous voulez lutter contre
l'insécurité, en particulier quand elle atteint les plus pauvres de nos
concitoyens, alors que vos amis remettent en cause ici même toute tentative
d'apporter une solution de fond en poussant à la pérennisation et au
renforcement des ghettos de pauvreté ?
(Protestations sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
Monsieur le président, je tenais, par cette intervention solennelle, à
protester contre ces méthodes de travail qui visent à faire adopter à la
sauvette de graves mesures de régression sociale. La conférence des présidents
devrait se réunir afin de mettre en place une organisation plus acceptable de
nos débats parlementaires.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Borvo.
La parole est à M. Dominique Braye, pour un rappel au règlement.
M. Dominique Braye.
Je m'attendais à cette mise en cause.
Nous avons travaillé toute la nuit ; l'examen du texte s'est achevé ce matin à
cinq heures et je remercie tous les collègues qui ont participé à ce débat.
J'ai été mandaté par la commission des affaires économiques, voilà plus de six
mois, procéder à l'évaluation de l'application des quatre lois Voynet,
Chevènement, Gayssot et Vaillant...
M. Jean Chérioux.
Elles sont catastrophiques !
M. Dominique Braye.
...et essayer de les mettre en cohérence. Il y a du travail !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas un rappel au règlement !
M. Henri de Raincourt.
Et avec Mme Borvo, c'était un rappel au règlement ?
M. Dominique Braye.
Le rapporteur que je suis a donc tout simplement proposé
(Exclamations sur
les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
qu'un certain nombre de
blocages évidents - et l'article 55 de la loi SRU en était un - soient levés le
plus rapidement possible.
La droite sénatoriale a souhaité remplacer la logique de la contrainte et de
la sanction de la loi SRU par la politique du contrat et de la confiance.
(Applaudissements sur plusieurs travées du RPR.)
M. Guy Fischer.
Vous punissez les pauvres !
M. Dominique Braye.
Certes, la loi SRU a entraîné un petit dynamisme dans le logement social, mais
elle atteignait déjà ses limites et il fallait lui redonner du souffle.
Mme Nicole Borvo.
Elle est bien bonne celle-là !
M. Robert Bret.
C'est pour cela que vous l'amputez !
M. Dominique Braye.
L'objectif que s'était fixé votre rapporteur et qui a été partagé cette nuit
par les membres de la majorité sénatoriale, c'était de faire en sorte que l'on
redonne un nouveau souffle à la mixité sociale,...
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Dominique Braye.
... à l'accès au logement pour tous, notamment aux personnes les plus
modestes. Nous y sommes parvenus.
M. Gérard Le Cam.
Péniblement ! Vous n'étiez même pas d'accord avec le Gouvernement !
M. Dominique Braye.
Tout le monde, et le ministre lui-même,...
M. Robert Bret.
Même le ministre était gêné !
M. Dominique Braye.
... a reconnu que le chiffre de logements construits serait supérieur si
toutes les communes s'engageaient dans le nouveau dispositif.
Nous faisons confiance aux élus locaux pour contractualiser avec l'Etat, en
sachant que ceux qui ne voudront pas le faire seront bien sûr soumis aux
dispositions de l'ancienne loi SRU.
Je terminerai par deux chiffres. Avec l'ancienne loi SRU, au mieux 20 000
logements étaient construits par an.
M. Jean-Pierre Sueur.
Quel rapport avec le règlement ?
M. Dominique Braye.
Si toutes les communes s'engagent dans le nouveau dispositif, ce seront 24 000
logements qui seront construits !
(Applaudissements sur les travées du RPR,
de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur
certaines travées du RDSE. Protestations sur les travées du groupe socialiste
et du groupe CRC.)
Et nous avons demandé qu'au terme d'une période triennale soit dressé un bilan
de la construction des logements sociaux, qui fera l'objet d'un rapport devant
le Parlement.
Mme Nicole Borvo.
Vous l'avez déjà dit hier !
M. Dominique Braye.
J'ai hâte d'être dans trois ans, et je donne rendez-vous à nos collègues du
groupe communiste républicain et citoyen.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste
et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le rapport établi par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes sur le projet de loi que nous
examinerons dans un instant, rapport auquel le Gouvernement a prêté le plus
grand intérêt, si j'ai bien lu les derniers sous-amendements qu'il a présentés
ce matin, commence ainsi : « Votre délégation tient d'abord à exprimer son vif
regret de n'avoir disposé que de très peu de temps - quelques jours - pour se
prononcer sur un dispositif pourtant essentiel. Son rapporteur n'a pu procéder
qu'à un petit nombre d'auditions, alors qu'une consultation de tous les
services, organismes et associations concernés par ce dossier aurait été
évidemment souhaitable. Elle exprime donc avec force le voeu que puissent
prévaloir à l'avenir des conditions d'examen des textes législatifs moins
précipitées. »
Un sénateur socialiste.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Braye vient de nous expliquer ce qui s'est passé cette nuit. Apparemment,
il avait encore des choses à dire... Le moins que l'on puisse dire, c'est que
ce matin, à cinq heures, il n'y avait plus beaucoup de monde dans l'hémicycle.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye.
Détrompez-vous !
M. Hilaire Flandre.
Vous n'étiez pas là pour le voir !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai moi-même jeté l'éponge à deux heures.
(Nouvelles exclamations sur les
mêmes travées.)
D'autres l'ont fait à trois heures. Nous aurions aimé que
nos collègues assistent à ce débat, comme nous aimerions qu'ils assistent à
tous les débats, mais ce n'est pas possible compte tenu des conditions dans
lesquelles on nous fait travailler. Elles ont été dénoncées, à juste titre, par
Mme Borvo, et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les
hommes et les femmes, dont les membres appartiennent en majorité à la droite
sénatoriale, est du même avis.
M. Philippe Darniche.
Ici, ce ne sont pas les 35 heures !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est sur ce point que je souhaitais intervenir, monsieur le président. Nous
ne devions plus avoir de séance de nuit. Or, maintenant, il y en a tous les
jours.
M. Hilaire Flandre.
C'est une des conséquences des 35 heures !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous sommes des êtres humains, nous ne pouvons pas tout suivre. Or nous le
voudrions. Nous vous remercions, monsieur le président, de demander à la
conférence des présidents d'en tenir le plus grand compte.
(Applaudissements
sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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