SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 19. - Après l'article 322-4 du code pénal, il est créé un article
322-4-1 ainsi rédigé :
«
Art. 322-4-1
. - Le fait de s'installer, en réunion, en vue d'y
établir une habitation, sur un terrain appartenant soit à une commune qui s'est
conformée aux obligations lui incombant en application de l'article 2 de la loi
n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du
voyage, soit à tout autre propriétaire, sans être en mesure de justifier de son
autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain, est puni de
six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
« Lorsque l'installation s'est faite au moyen d'un véhicule automobile, il
peut être procédé à la saisie de ce véhicule en vue de sa confiscation par la
juridiction pénale.
« Les personnes physiques coupables de ce délit encourent également les peines
complémentaires suivantes :
« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire
;
« 2° La confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction. »
La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz.
Je serai bref, puisque j'ai dit l'essentiel de ce que je pensais de l'article
19 en défendant la motion tendant à opposer la question préalable. J'apporterai
cependant quelques précisions.
Nous déplorons que cet article, comme d'autres, soit ciblé vers certaines
catégories de personnes, ce qui n'est jamais bon. Lorsque l'on vise des
comportements, cela a une valeur universelle, mais lorsque, même par des
périphrases, on vise des personnes que chacun peut identifier aisément, cela
semble évidemment plus discutable.
Nous sommes tout à fait hostiles, vous le savez, monsieur le ministre, mes
chers collègues, à ce que le délit d'occupation sans titre d'une propriété du
domaine public, communal en l'occurrence, ou du domaine privé puisse être
sanctionné par une peine de six mois d'emprisonnement et une très forte amende,
assorties de mesures complémentaires : la saisie du véhicule, voire sa
confiscation sur décision judiciaire et, sur décision judiciaire également, la
suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans.
Le droit pénal repose sur la faute individuelle et, étant donné la confusion
évidente qui règne sur des terrains occupés de façon intempestive, il sera
difficile pour le magistrat de savoir qui est responsable.
En revanche, nous trouvons tout à fait sain, et même courageux et clair, que
le Gouvernement engage une action pour que les collectivités locales appliquent
la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l'accueil des gens du voyage. Il est
logique que les gens du voyage ou les nomades ne soient pas poursuivis
lorsqu'ils ne peuvent disposer d'un terrain qui leur soit réservé, ce qui ne
veut pas dire que des mesures pour les faire partir ne seront pas prises, c'est
bien évident ! J'ajoute que, en revanche, lorsque les nomades s'installeront
sur une propriété privée, ils seront, là aussi, passibles de poursuites.
Je n'en dirai pas plus sur ce point pour le moment, puisque, lors de la
discussion des amendements sur l'article 19, mes collègues prendront le
relais.
Je voudrais maintenant, monsieur le ministre, plutôt que d'avoir recours à un
pseudo-rappel au règlement, vous faire part de notre émotion à l'égard de ce
qui est en train de se passer autour de Sangatte.
A propos d'un dossier tout à fait différent, nous avons dit, hier, qu'il
n'était pas question d'accepter une politique conduisant à l'immobilisme. Nous
partageons tous ce sentiment.
Cela dit, pour avoir passé de longues heures, en 2000 puis en 2001, pour la
commisison des lois, sur le site de Sangatte et pour avoir discuté avec des
réfugiés, je pense que la solution, aujourd'hui, consiste vraiment à jouer la
carte du droit d'asile. C'est essentiel, compte tenu de l'improvisation qui a
présidé à la fermeture de Sangatte, notamment du fait de l'avancement de sa
date de fermeture. D'après les informations que nous ont communiquées les élus
du Nord et du Pas-de-Calais, que vous avez reçus et qui ont d'ailleurs tenu des
propos très divers, des centaines de réfugiés continuent d'affluer, ce qui pose
un gigantestque problème.
La solution est à la fois française, internationale et européenne.
En effet, l'article 9 de la convention de Dublin permet à un Etat de négocier
avec un autre Etat de l'Union européenne des demandes de droit d'asile pour
regoupement familial. Je me suis laissé dire que cette solution aurait
d'ailleurs pu permettre de résoudre le problème et que l'on était sur le point
d'aboutir lorsque l'évacuation a été décidée. Vous le confirmerez ou
l'infirmerez, car mes informations sont peut-être erronées.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés
locales.
Ce n'est pas simplement faux, monsieur Mermaz, c'est totalement
faux.
M. Louis Mermaz.
Vous nous l'expliquerez et nous en prendrons acte.
Par ailleurs, - et c'est, selon moi, une ouverture sur l'avenir - la
Commission européenne a fait une excellente proposition en vue de l'adoption
d'un statut unique des réfugiés. Le Parlement européen accepte cette décision.
Et, aujourd'hui, si mes informations sont exactes, le blocage viendrait du
Conseil européen.
Il est donc important que, au plan national comme au plan européen, des
solutions, à la fois réalistes et humaines - ce n'est pas contradictoire -
soient prises par le Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
abordons, avec cet article 19, la répression de l'installation sans titre sur
un terrain. A l'évidence, ce sont les gens du voyage qui sont clairement visés,
et donc stigmatisés par cet article.
Nous pensons, monsieur le ministre, que c'est une disposition discrimatoire
dans la mesure où elle vise une catégorie entière de notre population qui -
malgré les croyances - est française à 95 %.
Traiter comme vous le faites la question des gens du voyage sous un angle
uniquement pénal ne peut que renforcer une discrimination et un rejet à leur
égard, qui se fondent notamment sur la méfiance du sédentaire envers
l'itinérant.
Les parlementaires ne sont pas en reste sur le sujet, à lire les amendements
déposés par les sénateurs de droite, sans compter les différentes propositions
de loi déposées à l'Assemblée nationale et tendant à alléger la procédure
d'expulsion demandée par les maires confrontés au stationnement illégal des
gens du voyage en dehors des aires d'accueil aménagées à cet effet, ou encore
la demande de création d'une commission d'enquête sur les gens du voyage.
Il est clair en tout cas qu'en voulant ainsi accélérer l'expulsion des gens du
voyage d'une commune, on règle le problème de façon très provisoire, car on ne
fait en réalité que le déplacer.
En effet, une fois expulsés, les gens du voyage iront s'installer sur une
autre commune. C'est donc un cercle vicieux.
Alors qu'en respectant la loi Besson et en offrant des aires de stationnement
en nombre suffisant on règle de façon durable le problème.
M. Michel Charasse.
Comme à Paris !
M. Robert Bret.
Oui : vous voulez parler de votre amendement sur les aires d'accueil à Paris
?
M. Michel Charasse.
Oui, oui...
M. Robert Bret.
Nous en discuterons le moment venu !
M. Michel Charasse.
Oui, oui...
M. Robert Bret.
Mes chers collègues, il faut bien convenir que le voyage comporte deux
dimensions indissociables l'une de l'autre : la circulation et le
stationnement.
Sans stationnement, le voyage, qui se définit comme étant le fait de circuler
tout en ayant la possibilité de s'arrêter, n'a plus vraiment de raison d'être.
Pire, il peut se transformer en errance.
D'où l'importance des structures d'accueil : chacun sait que ce sont des lieux
de citoyenneté, de scolarisation des enfants, de lien social avec les
administrations qui permettent de lutter contre l'exclusion.
Force est de constater, mes chers collègues, que le nombre d'aires aménagées
est insuffisant au regard des besoins réels et que tous les schémas
départementaux n'ont pas encore été pris.
Monsieur le ministre, vous nous avez rappelé, au cours du débat, que seuls
vingt-quatre départements se sont dotés de schémas départementaux et que
quarante-quatre schémas départementaux sont en état d'être signés. A cela
s'ajoute que, pour 35 000 caravanes, il existe aujourd'hui 7 000 places dans
les aires d'accueil de notre pays, dont 4 000 pâtissent de conditions
déplorables. Telle est la réalité aujourd'hui.
Pourtant, la loi Besson du 5 juillet 2000 entendait pallier les lacunes de la
législation de 1990 en créant les conditions d'un équilibre satisfaisant entre
la liberté constitutionnelle d'aller et venir des gens du voyage, leur
aspiration à pouvoir stationner dans des conditions décentes et le souci
légitime des élus locaux d'éviter les installations sauvages qui occasionnent
des difficultés avec leurs administrés.
Rappelons que des délais - que nous souhaiterions plus courts - sont à
respecter pour la création de ces aires d'accueil et que des sanctions sont
prévues en cas de non-respect.
Par ailleurs, des contreparties existent : il s'agit d'aides financières
incitatives de la part de l'Etat pour le financement des études de faisabilité
d'une aire d'accueil, la réalisation, la rénovation ou le fonctionnement de
telles aires.
Pour la réalisation ou la réhabilitation des aires d'accueil, l'Etat, vous le
savez, monsieur le ministre, accorde une subvention d'investissement qui peut
s'élever jusqu'à 10 671 euros par place pour une nouvelle aire, et jusqu'à 6
403 euros pour la réhabilitation d'une aire existante, la région, le
département, la caisse d'allocations familiales pouvant apporter des
subventions complémentaires.
De même, pour l'essentiel, les communes n'ont pas à mettre un euro pour la
gestion des aires d'accueil : l'Etat apporte une aide de 128,06 euros par place
et par mois. Cette aide est versée par la CAF, et, là aussi, le département
peut participer aux dépenses, dans la limite du quart.
Par ailleurs, il faut savoir que les collectivités locales qui réalisent ou
financent des aires d'accueil bénéficient d'une majoration de leur dotation
globale de fonctionnement.
Force est de constater que, plus que des sanctions pénales contre les gens du
voyage, la solution la plus réaliste et la plus efficace réside dans
l'aménagement d'aires d'accueil. A ne pas le faire, vous pourrez bien durcir
sans cesse les sanctions pénales, monsieur le ministre - on le voit déjà avec
l'amendement de M. de Montesquiou qui tend à doubler la peine de prison et à
multiplier par dix l'amende prévue dans votre projet - vous n'en sortirez pas.
Là aussi, ce sera un cercle vicieux.
Autrement dit, monsieur le ministre, cet article 19 qui se veut incitatif et
qui tend à aider les maires faisant l'effort de se doter d'aires d'accueil
risque, lui aussi, d'être contreproductif.
Telles sont les observations liminaires que je tenais à faire avant le débat
sur les amendements, au cours duquel nous interviendrons à nouveau.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je
souhaiterais faire une petite mise au point avant d'en venir au fond.
Avant-hier soir, vous avez regretté que je n'aie pas évoqué les problèmes que
nous rencontrons avec les Roms roumains et moldaves qui se sont installés à
Choisy-le-Roi.
Vous êtes un parlementaire averti, monsieur le ministre, vous savez donc que
la tradition veut que le ministre réponde à la fin de la discussion organisée,
où seuls ont droit à la parole les intervenants désignés par les groupes. J'ai
pris le fait que vous ne répondiez pas pour un manque d'élégance qui ne
justifiait pas de provoquer un incident.
Vous ne doutiez pas un instant, monsieur le ministre, que j'interviendrais au
moment opportun, je le fais maintenant sur l'article 19.
Vous savez à quel point les problèmes de la vie des gens du voyage et de la
sécurité me préoccupent. Vous avez par ailleurs pu voir, lors de votre visite
du bidonville de Choisy-le-Roi, accompagné de M. Davisse, le maire de Choisy,
du maire de Vitry et du président du conseil général du Val-de-Marne que, sur
le terrain, qui s'était vidé lorsque vous êtes arrivé à Choisy par craintes de
reconduites à la frontières, les rats pullulaient encore.
Quatre cents personnes ont vécu au pied de l'autoroute A 86 avec un point
d'eau de fortune et l'électricité tirée de l'éclairage de l'autoroute. Ils ont
vécu non loin de l'usine chimique Aventis, dans un secteur classé Seveso. Et
l'incendie qui s'est déclaré aurait pu avoir des conséquences
catastrophiques.
La grande misère engendre une exploitation éhontée par des trafiquants de
toutes sortes, nous le savons. Pour accepter de vivre de cette manière
misérable, il faut vraiment être malheureux dans son pays d'orgine, ce qui
induit, vous en conviendrez, de s'attaquer à la cause de cette misère en Europe
et dans le monde.
Monsieur le ministre, je dois à la vérité de dire que vous vous êtes occupé de
ce problème et, aujourd'hui, le site s'est vidé lorsque le préfet a annoncé la
visite de la Croix-Rouge.
Les riverains, qui ont beaucoup pâti de la présence de ce bidonville près de
chez eux, apprécient d'avoir retrouvé leur tranquillité. Mais, à côté, il reste
un autre bidonville, plus petit, où vivent une centaine de personnes, et où
s'est rendu l'abbé Pierre.
Je viens encore d'intervenir auprès du préfet du Val-de-Marne pour placer pour
l'hiver ces familles dans des foyers et examiner leur situation personnelle, y
compris leur demande de droit d'asile, comme vous le faites à Sangatte.
Nous avons pris acte de vos démarches auprès du gouvernement roumain, ce qui
n'équivaut pas, vous le savez, nous vous l'avons dit, à une approbation de tous
les aspects de votre politique de sécurité. Le gouvernement roumain n'a pas eu
une attitude responsable en incitant ses concitoyens à partir dans ces
conditions, en leur laissant miroiter qu'ils trouveraient du travail en France,
comme je l'ai vu dans un reportage.
Monsieur le ministre, comme je l'ai dit à la mairie de Choisy après votre
visite, si nous avons cessé de trembler chaque fois que le camion des pompiers
ou une ambulance interviennent - car n'importe quelle catastrophe pouvait
arriver à tout moment - ma souffrance n'en demeure pas moins. Je me demande en
effet ce que sont devenues ces familles reconduites entre Paris, la Suisse et
la Roumanie. Comment ces Roms ont-ils été reçus dans leur pays ? Ce sont des
familles qui souffrent et cela, pour moi, reste un problème.
Ce drame pose la question des droits de l'homme en Europe. A-t-on examiné la
demande de droit d'asile déposée par ces 400 personnes ? Nous devions avoir un
bilan ; je vais demander au préfet qu'il nous le donne.
Cette misère matérielle et morale en France, qu'ils préfèrent à leur vie en
Roumanie, en dit long sur leur condition d'existence dans leur pays. Le
bidonville déserté, le problème n'est pas réglé pour autant.
Je vous ai demandé d'oeuvrer avec insistance au Gouvernement afin que les pays
riches apportent l'aide nécessaire à ces pays, d'abord en arrêtant de piller la
main-d'oeuvre à bon marché et, ensuite, en exigeant de l'Europe qu'elle crée
les meilleures conditions d'adhésion à l'Union européenne.
(Mouvements
d'impatience sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, on a tellement parlé de ces bidonvilles, partout, à la
télévision notamment ! Moi, je n'ai pas d'autre moyen de m'exprimer. Il faut
bien qu'on en parle dans cette enceinte ! Mais je termine, monsieur le
président.
M. Gérard Cornu.
C'est trop long !
M. le président.
Madame, votre temps de parole est écoulé.
Mme Hélène Luc.
J'ai presque terminé, monsieur le président.
La France doit verser le plus rapidement possible une contribution de 0,7 % du
PIB pour l'aide publique au développement à l'ONU.
Le succès du forum social qui s'est tenu à Florence a été une démonstration
extraordinaire de la volonté de la jeunesse d'agir pour la justice entre le
Nord et le Sud, pour une meilleure répartition des richesses dans le monde et
pour l'utilisation des crédits en faveur de tous les pays d'Afrique afin qu'ils
soient, par exemple, dotés en eau potable. C'est ce qui s'est dit à
Johannesburg.
M. le président.
C'est terminé, madame !
Mme Hélène Luc.
Oui, je sais, vous ne voulez pas écouter parce que vous savez où je veux en
venir !
M. Gérard Cornu.
Oh là là ! Ce n'est pas possible !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
Mme Hélène Luc.
Le forum a été une formidable manifestation...
M. Gérard Cornu.
Que c'est pénible !
Mme Hélène Luc.
... contre la guerre qui se prépare en Irak, malgré le vote de l'ONU,...
M. Bernard Plasait.
Ce n'est pas sérieux !
Mme Hélène Luc.
... et cela ne met pas en cause notre lutte contre le terrorisme.
Monsieur le ministre, pour terminer
(Ouf ! sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants)
,...
M. le président.
Je suis obligé de vous interrompre, madame. Je ne peux pas tolérer que vous
dépassiez votre temps de parole, sinon tout le monde fera de même. C'est
inacceptable !
Monsieur Carle, vous avez la parole.
Mme Hélène Luc.
Il me reste une phrase, monsieur le président.
Monsieur le ministre, la solution pour régler les problèmes de Choisy, de
Sangatte, de Lyon et d'ailleurs, c'est, vous l'admettrez, d'aider chaque peuple
à vivre dans son pays.
M. Robert Del Picchia.
Voilà ! Allons !
Mme Hélène Luc.
Vous l'avez bien compris, je veux démontrer aussi que la seule répression - ce
que vous proposez - ne réglera pas le problème de l'immigration. C'est pourquoi
je voterai contre cet article, et d'autres encore. C'est une question de
responsabilité à l'égard des générations futures. Nous devons relever le défi
!
Je vous remercie, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, le schéma départemental d'accueil des gens du voyage,
inscrit dans la loi Besson, ne serait opérationnel, à mon sens, qu'à trois
conditions.
Il doit tout d'abord être élaboré en parfaite concertation avec les élus
concernés, car il n'est pas concevable que ces derniers apprennent un certain
nombre de mesures par voie de presse.
Si, ensuite, la loi Besson est nécessaire, elle reste largement insuffisante
et entraîne des effets pervers qui se retourneront rapidement contre les
maires, en particulier, car c'est à eux, et non au préfet que s'adressent soit
les victimes, soit les administrés en cas d'occupation illégale.
L'obligation d'accueil des gens du voyage ayant pour corollaire l'obligation
pour l'Etat de faire respecter la loi par ces derniers, il est donc
indispensable de compléter la législation actuelle par un certain nombre de
mesures visant à prévoir une procédure d'expulsion rapide en cas d'occupation
illégale d'un terrain public ou privé, à saisir ou confisquer le véhicule - ce
sont des mesures que vous proposez - mais aussi à s'assurer de la transparence
des revenus avec la même rigueur que celle qui est appliquée à tous nos
concitoyens, ni plus ni moins, et à assurer la sécurité physique tant des élus
que des propriétaires des terrains en cas d'occupation illégale. Cela n'a pas
toujours été le cas.
Ainsi, dans mon département, le maire de Ville-la-Grand a quasiment perdu
l'usage d'un oeil à la suite d'une agression par un nomade à qui il signifiait
justement d'aller sur le terrain municipal. Un chef d'entreprise a été
gravement blessé et hospitalisé plusieurs semaines parce qu'il voulait
interdire l'accès du parking de l'entreprise aux gens du voyage.
Monsieur le ministre, on peut comprendre l'exaspération des élus, la colère
des commerçants, des chefs d'entreprise, qui voient les abords de leur outil de
travail occupés, leur magasin cambriolé par des gens qui affichent un train de
vie sans commune mesure avec leurs revenus déclarés et qui restent, très
souvent, impunis, alors que, dans le même temps, ce commerçant, ce chef
d'entreprise, parce que son chiffre d'affaires aura augmenté, se verra
peut-être, lui, signifier un redressement fiscal. Le contrôle de la
transparence financière me semble une mesure indispensable qui doit être
appliquée, comme je l'ai dit, sans discrimination.
Enfin, le coût des places et des équipements devra être revu à la baisse. Il
n'est pas raisonnable, en effet, qu'il puisse atteindre 20 000 euros, voire 30
000 euros, alors que l'on sait que ces équipements seront rapidement
dégradés.
Par conséquent, c'est grâce aux mesures que nous mettrons en place que ce
schéma départemental d'accueil des gens du voyage deviendra opérationnel dans
les semaines ou les mois qui viennent.
M. Bernard Plasait.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le ministre, cet article 19 ne va servir à rien. Vous n'allez pas
l'appliquer, vos collaborateurs le disent eux-mêmes ! En effet, à l'occasion du
colloque organisé à Marseille, le jeudi 24 octobre dernier, sous l'égide de
l'Association des maires de France, par votre directeur adjoint de cabinet,
Daniel Canepa, celui-ci a déclaré : « L'objectif de cet article 19 est de ne
servir à rien... il suffit qu'il soit dissuasif. » J'ai relevé ces propos dans
une dépêche de l'Agence France-presse en date du 24 octobre 2002. Monsieur le
ministre, les confirmez-vous ?
Nous, membres du groupe socialiste, sommes pour légiférer afin de lutter
contre l'occupation sans titre d'un terrain ou d'un bien immobilier. Mais nous
refusons le procédé choisi par le Gouvernement, par ailleurs inapplicable, je
vous l'ai indiqué dans mon intervention générale, consistant à créer un délit
d'occupation sans titre d'un terrain qui ne viserait que les gens du voyage,
puisque l'article 19 du projet de loi prévoit deux peines complémentaires, à
savoir la suspension du permis de conduire et la confiscation du véhicule. M.
le rapporteur souhaite d'ailleurs renforcer le dispositif en étendant la peine
à l'ensemble des véhicules utilisés.
C'est pour ces raisons, notamment, que le groupe socialiste a déposé deux
amendements et un sous-amendement afin, d'une part, de réduire considérablement
la sanction et de la limiter à une simple amende et, d'autre part, de supprimer
les peines complémentaires qui sont en contradiction avec la volonté de rendre
effective une telle mesure.
Je comprends bien votre philosophie : vous utilisez, et c'est logique, la loi
Besson pour introduire une alternative que vous n'aviez pas prévue ! Entre
parenthèses, c'est parce que les socialistes ont voté une loi qu'une telle
alternative est possible !
M. Maurice Ulrich.
Ils sont formidables !
M. Jacques Mahéas.
Ils sont effectivement quelquefois formidables !
(Exclamations sur les
travées du RPR.)
Chers collègues, je vous remercie de le reconnaître !
M. Jean Chérioux.
Les Français ne le pensent pas !
M. Gérard Cornu.
Vous avez bien légiféré là-dessus !
M. Jacques Mahéas.
Cette alternative, c'est l'élaboration de schémas départementaux. Monsieur le
ministre, mes chers collègues, j'attire votre attention sur un point : dans le
cadre d'un accord départemental, il ne faudrait pas aboutir à pénaliser une
commune qui n'aurait pas de lieu d'accueil ! Or il me semble que tel est
l'esprit du texte. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous m'indiquiez
comment je dois interpréter cette disposition de votre projet de loi.
Par ailleurs, certaines communes disposent déjà de lieux de camping aménagés,
sans pour autant qu'ils soient réservés aux nomades. Ainsi, dans ma ville, à
Neuilly-sur-Marne, il y a des gens du voyage qui travaillent sur des marchés
forains et qui stationnent pendant toute l'ouverture du camping municipal.
J'estime donc que la ville de Neuilly-sur-Marne répond déjà aux dispositions de
la loi Besson.
(M. Philippe Nogrix s'exclame.)
Comme vous le voyez, nous n'avons pas de position tranchée - nous ne
demandons pas la suppression de l'article 19 -, nous souhaitons seulement que
vous preniez en compte nos amendements, puisque, selon vos collaborateurs
eux-mêmes, cet article 19 ne sert à rien. Mieux vaut donc une loi un peu plus
souple, mais applicable, qu'une loi couperet, inapplicable. Vous serez plus
crédible !
M. le président.
La parole est M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre de l'intérieur, qu'à travers
l'article 19 relatif à l'installation sans titre sur un terrain, je me permette
de revenir sur votre visite à Choisy-le-Roi et sur les suites que vous lui avez
données à l'Assemblée nationale.
Comme vous l'avez dit vous-même, vous vous êtes fait « un petit plaisir » en
mentionnant l'efficacité qui vous a été reconnue pour avoir évacué
intégralement le bidonville de Lugo occupé par 600 Roms.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Non : 1 200 Roms.
M. Serge Lagauche.
Admettons... 1 200 Roms.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Allez, 900 !
Ce sont des Roms !
(Sourires.)
M. Serge Lagauche.
Reprenant abusivement cet argument d'efficacité dans un contexte précis comme
un soutien par le président du conseil général du Val-de-Marne et du maire de
Choisy dû à votre politique sécuritaire, vous avez en revanche oublié les
réserves que j'avais émises sur les moyens employés pour vider ce camp de ses
occupants, notamment sur le fait que la présence aux côtés des policiers
français de policiers roumains, quelques jours auparavant, n'était pas
étrangère à ce départ précipité.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Exactement !
M. Serge Lagauche.
J'avais alors souligné que les Roms, depuis plusieurs siècles, ont subi de
nombreuses persécutions en Europe.
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
En
Europe de l'Est !
M. Serge Lagauche.
Si certains - ceux qui disposent de moyens disproportionnés par rapport à
leurs revenus - relèvent effectivement de la justice, la très grande majorité
d'entre eux constitue une population de personnes socialement en grande
difficulté, et non de mafieux, relevant donc de la solidarité nationale.
Depuis le début, vous faites l'amalgame entre les gens du voyage, qui sont
Français pour l'essentiel et qui ont simplement un mode de vie différent du
nôtre, les Roms, qui sont souvent sédentaires dans leur pays d'origine et qui
sont venus chercher en France des conditions d'existence meilleures, et, enfin,
les délinquants et les mafieux, qui exploitent bien souvent la misère de ces
candidats à l'immigration.
Les peines complémentaires prévues - six mois d'emprisonnement et 3 750 euros
d'amende - ne suffisaient pas. Le Gouvernement préconise en plus le retrait du
permis de conduire pour trois ans maximum et la saisie du véhicule automobile
ayant servi à l'infraction. Mais tout cet arsenal de sanctions possibles n'est
pas encore suffisant pour la commission des lois, qui, elle, nous propose dans
son rapport de préciser que « l'ensemble des véhicules utilisés pour commettre
l'infraction pourront faire l'objet d'une confiscation ».
Alors, je pose une question essentielle : les caravanes en font-elles partie ?
Si tel est le cas - ce que je n'ose pas imaginer -, dites franchement aux gens
du voyage en infraction, au lieu d'en faire des SDF, qu'ils ont l'obligation de
se sédentariser et que vous n'acceptez pas leur mode de vie fondé sur la
mobilité, ce sera moins hypocrite ! Leur confisquer leur permis de conduire ou
leur véhicule revient en effet à leur interdire et donc à nier ce mode de vie.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du
groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Il serait discourtois de ma part de ne pas apporter de réponse
aux orateurs qui viennent d'intervenir pour expliquer la philosophie de ce
projet de loi.
Ce texte vise, d'abord, à faire tomber les masques de l'hypocrisie. Au
ministère de l'intérieur, je reçois chaque semaine des appels au secours de la
part d'élus de toutes tendances politiques. Il n'y a aucune différence : il y a
autant de maires de gauche qui m'appellent au secours face à l'envahissement
d'une partie de leur commune que de maires de droite.
M. Gérard Cornu.
Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
C'est une réalité ! J'en veux pour preuve que, depuis ma prise
de fonction, voilà six mois, les démarches les plus insistantes émanent des
élus communistes du Val-de-Marne, département qui compte ving-trois campements
illégaux. J'aimerais que l'on m'explique, notamment tous les donneurs de
leçons, ce qu'il convenait de faire.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Devais-je tolérer une situation bien confortable pour ceux qui
ne sont pas dans le Val-de-Marne, mais un peu moins pour ceux qui, tous les
jours, vivent cette douloureuse réalité ?
Le maire communiste de Choisy-le-Roi, qui n'est pas l'un de mes proches, vous
en conviendrez, est venu me voir à deux reprises. Mme Luc, avec l'acharnement
sympathique qu'on lui connaît, m'a écrit, m'a téléphoné, est venue me trouver
en me disant : « Monsieur Sarkozy, vous ne pouvez pas laisser tomber les gens,
notamment les habitants de Choisy-le-Roi. » Je leur ai d'ailleurs rendu hommage
- vous l'avez noté vous-même - parce qu'ils ont supporté, pendant des mois et
des années, une situation que personne n'aurait acceptée.
Je n'oublierai pas la visite que j'ai faite à Choisy-le-Roi, un endroit où je
n'avais pas l'habitude d'aller, je le confesse bien volontiers : les habitants
m'attendaient ! Vous étiez là, madame Luc, dans ce camp de Lugo, et il y avait
notamment un homme qui brandissait une petite pancarte en carton sur laquelle
était écrit : « Monsieur Sarkozy, ne nous laissez pas tomber ! » Alors, vous
savez, les interventions pleines de bons sentiments !... Cela n'empêchait pas
de dormir quand des gens étaient au milieu des rats au camp de Lugo, coincés
entre l'autoroute et le périphérique, au pied des maisons des habitants de
Choisy-le-Roi, qui n'en pouvaient plus. Que devais-je faire ? Regarder les bras
croisés ?
M. Jacques Mahéas.
Appliquer la loi !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Pourquoi ne l'avez-vous pas fait et pourquoi cette situation
s'est-elle envenimée ?
(M. Jean Chérioux s'exclame.)
Monsieur Carle, vous avez dit qu'il y avait eu, dans votre département, des
bagarres avec des blessés. Il y en a eu dans tous les départements !
J'ai reçu les associations qui représentent les gens du voyage. Elles m'ont
dit : « Monsieur Sarkozy, jamais la situation n'a été aussi difficile. » Mais,
si la situation est aujourd'hui difficile pour les gens du voyage, cela est dû
non pas à mon texte, mais à l'immobilisme de ces dernières années, qui a
conduit à une double incompréhension.
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Claude Carle.
Absolument !
M. Bernard Plasait.
Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Il y avait, d'une part, l'incompréhension d'une population qui
n'accepte pas les gens du voyage et, d'autre part, l'incompréhension, par les
gens du voyage, de l'exaspération dont ils se sentent les victimes.
Il faut agir ! Et, de la même façon que je vous ai proposé d'agir sur la
prostitution, je voudrais vous expliquer l'esprit de l'action que nous vous
proposons.
Mme Hélène Luc.
Les problèmes des Roms ne sont pas ceux des gens du voyage !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je dirai ceci à la majorité : les gens du voyage bénéficient
d'une liberté de circulation qui existe depuis de très nombreuses années, et il
n'est pas question de la remettre en cause.
Ces personnes représentent un mode de vie qui a traversé les siècles, qui doit
être respecté et dont l'existence doit être préservée.
J'ai d'ailleurs été très touché, monsieur Mahéas, par les propos que vous avez
tenus : « L'article 19 de votre projet de loi ne servira à rien. »
M. Jacques Mahéas.
Ce n'est pas moi qui l'ai dit ! C'est votre collaborateur !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Pour ma part, j'entends me référer à M. Besson, maire
socialiste de Chambéry, qui, en la matière, n'a de leçon à recevoir de
personne. M. Louis Besson a déclaré, le 24 octobre dernier : « La loi sur la
sécurité intérieure de M. Sarkozy va donner un "coup d'accélérateur" à
l'application de ma propre loi. »
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Mahéas.
C'est l'alternative ! C'est ce que j'ai dit !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
J'aimerais donc que l'on m'indique au nom de quoi le groupe
socialiste serait opposé à un texte qui est revendiqué comme fondateur, en
quelque sorte, par M. Besson lui-même.
MM. Jacques Mahéas et Serge Lagauche.
Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
C'est écrit ! Que cela vous gêne, je le comprends ! Si M.
Besson lui-même reconnaît que nous ne pratiquons pas l'amalgame, je suis
persuadé que vous en tirerez les conclusions.
M. Jacques Mahéas.
Nous sommes pour la solution alternative ! C'est la sanction que nous refusons
: elle est inapplicable !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
La sanction est tout à fait applicable !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Exactement
!
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Lorsque le maire d'une petite commune se retrouve avec un
terrain communal envahi, c'est la procédure civile qui s'applique. Il faut
prendre un avocat. Cela coûte cher et les petites communes n'en ont pas
toujours les moyens. Et, même en référé, il faut des semaines voire parfois des
mois pour obtenir l'exécution d'une décision de justice.
M. Jean-Claude Carle.
Absolument !
MM. Jacques Mahéas et Michel Dreyfus-Schmidt.
Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Vous pouvez tous en porter témoignage !
J'ajoute que les préfets étaient peu enclins à agir...
M. Jacques Mahéas.
Là, on est d'accord !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... parce qu'ils ne se sentaient pas soutenus par le précédent
gouvernement !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur le banc de la
commission.)
Et nous sommes là au coeur de la tartufferie : d'un côté des
bons sentiments, de l'autre des textes inapplicables, et au milieu le refus de
donner aux préfets les moyens d'appliquer la loi républicaine.
Nous nous trouvons, encore une fois, dans un imbroglio, comme à Sangatte, dont
personne ne sait comment sortir, et qu'on regarde avec des yeux ronds en disant
: « Mon Dieu, à quelle heure cela va-t-il nous éclater à la figure ? »
Vous savez, parmi les bonnes nouvelles que j'ai reçues depuis six mois, il y
en a une que j'ai particulièrement appréciée : c'est l'interview de Daniel
Vaillant, hier, sur Sangatte : « Ah, je n'aurais pas fait comme Sarkozy ! »
Voilà une bonne nouvelle, car comme il n'a rien fait en la matière, cela prouve
qu'au moins, moi, je sais où se trouve la marche avant.
M. Jacques Mahéas.
Vous déplacez les problèmes !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
S'agissant des sanctions, la pénalisation est le seul moyen
d'avoir une action efficace. Vous vous êtes référés aux propos qui ont été
tenus par M. Canepa. Je sais très bien ce qu'il a dit ! Ayant été préfet du Var
pendant des années, il connaît ces problèmes. C'est un collaborateur de grande
qualité. Qu'a-t-il dit ? Que nous espérions de toutes nos forces que la loi
serait suffisamment incitative...
M. Jacques Mahéas.
Dissuasive, ce serait mieux !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... pour ne pas avoir à l'appliquer au quotidien. C'est bien de
cela qu'il s'agit ! Le droit pénal n'est pas destiné à prononcer des
condamnations immédiates. Il a pour objet d'imposer le respect et la crainte,
de façon à inciter chacun à appliquer la loi. C'est tout l'intérêt de nos
principes !
Vous me dites que la sanction n'est pas applicable. Au nom de quoi ? Je vous
garantis que l'on ne va pas se gêner ! Si des campements installés illégalement
sur des terrains, branchés sur des réseaux d'électricité ou d'eau de façon
illégale, ne respectent pas les règles, les forces de l'ordre auront les moyens
juridiques d'agir, et elles interviendront ! Lorsqu'il faudra saisir les
véhicules, nous les saisirons ! Les mises en fourrière ne concernent pas que
les villes : elles peuvent aussi viser les villages. Et s'il y a des questions
à poser sur les trains de vie manifestement disproportionnés, nous les poserons
!
Les gens du voyage ne sont pas des malhonnêtes, mais, à l'inverse, il y a
parmi les gens du voyage des gens malhonnêtes.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Je ne vois pas au nom de quoi nous
aurions peur d'affirmer ce qui n'est ni plus ni moins que le simple bon sens
!
Voilà la discussion que nous vous proposons. Je n'accepterai pas
d'amalgame.
M. Jacques Mahéas.
C'est vous qui pratiquez l'amalgame !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je n'accepterai pas non plus de renoncer à l'esprit de la loi
Besson. Je suis sûr qu'il convient de réserver des emplacements pour les gens
du voyage, mais je donnerai à tous les élus locaux, de France et de Navarre,
fussent-ils communistes ou socialistes, les moyens de faire respecter sur le
territoire de leur commune l'Etat de droit et la règle républicaine.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
J'interviens maintenant, monsieur le président, car vous avez donné la parole
à M. le ministre. Il s'agit d'une affaire très complexe.
Mme Hélène Luc.
Oui !
M. Michel Charasse.
Monsieur le ministre, c'est un texte qui est très attendu par les
maires,...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Bravo !
M. Michel Charasse.
... y compris ceux de gauche, ainsi que par la population. Je peux en
témoigner puisque nous avons, en ce moment, les uns et les autres, nos congrès
des maires.
Le congrès de l'Association des maires de France se tiendra la semaine
prochaine, et ce sujet y sera certainement abordé, monsieur le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
C'est une question très difficile. Je dis toujours à mes collègues maires - je
l'ai dit encore devant mon congrès départemental il y a peu de temps ; votre
préfet a dû vous en faire part - qu'il faut aborder ce problème avec modération
et réalisme. Car les choses dérapent souvent sur du racisme ou sur des mises en
cause qui sont absolument insupportables et qui ne répondent pas aux problèmes
posés. Par conséquent, il faut savoir de quoi il s'agit.
Monsieur le ministre, notre problème, ce ne sont pas les nomades traditionnels
que nous avons dans nos villages, qui sont quelquefois installés depuis très
longtemps, qui sont propriétaires de leur terrain, qui sont assimilés par la
population, qui sont tolérés, qui nous créent des problèmes. Notre problème
vient d'une minorité qu'on appelle « les grands circulants », c'est-à-dire ceux
qui s'installent sans prévenir et sans demander l'autorisation de personne.
Maintenant, la mode, ce sont les stades municipaux ! Je peux vous dire que,
comme président de l'association des maires de mon département, j'ai passé le
mois d'août à régler des problèmes de communes dans lesquelles se sont
installées les caravanes de grands circulants, qui n'ont rien à voir avec ce
que l'on appelle le nomade traditionnel, c'est-à-dire le campement habituel :
j'en ai sur ma commune et cela ne me pose aucun problème ; à ma population non
plus.
Ce sont les grands circulants, je le répète, qui soulèvent des difficultés.
Ils arrivent. Le maire se précipite sur place, surtout s'ils sont au stade
municipal et qu'un match est prévu le lendemain. Deux gendarmes débonnaires
viennent voir. Tout le monde se fait houspiller par les grands circulants qui
disent : « On est là ; on a décidé de rester quatre ou cinq jours ; on ne
partira pas », sous-entendu : allez vous faire voir ! Quelquefois, ils
menacent, profèrent des insultes, donnent des noms d'oiseaux.
On a alors le sentiment d'être complétement démunis, de se trouver face à un
problème insoluble, qui résulte de la force avec laquelle les intéressés
agissent. Bien sur, il y a la voix judiciaire ! Mais elle est absolument
inopérante, parce que, en référé, les juges n'aiment pas ce genre de
difficultés et prennent tout leur temps.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'exclame.)
En outre, pour pouvoir prononcer le référé, il faut avoir
l'identité de tout le monde. Pour ce faire, il faut rentrer dans le camp et,
s'il n'y a que deux gendarmes, courageux mais pas téméraires, on attend et le
temps passe.
Quant aux préfets, monsieur le ministre, je n'ai pas vraiment apprécié ce que
vous avez dit tout à l'heure. Il y a vingt ou trente ans dans ce pays que les
préfets ne sont plus soutenus par l'Etat pour l'action à mener sur le terrain
face à ces phénomènes. Et ce n'est pas plus le précédent gouvernement qu'il
faut accuser ! Excusez-moi, monsieur le ministre, mais, cet été, j'ai rencontré
des problèmes dans mon département et j'ai appelé la préfecture, qui n'a pas
vraiment bougé.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Je vous ai aidé ! Comme d'habitude !
M. Michel Charasse.
Vous avez effectivement aidé, à sa demande, monsieur le ministre, un député
socialiste qui se trouvait dans une situation particulière. Je le reconnais !
Mais la préfecture n'a pas bougé pour deux autres maires. Je veux bien admettre
que c'était parce que nous étions en plein mois d'août, pendant les vacances.
Ce n'est pas une accusation, je ne cherche pas à régler des comptes !
Seulement, monsieur le ministre, le problème étant ainsi posé - et je pourrais
en parler longuement -, je me demande quelle sera l'efficacité de l'article 19.
En effet, quelles que soient les dispositions votées, lorsque je me trouve en
présence de trente, quarante, cinquante ou soixante caravanes
(M. Michel
Dreyfus-Schmidt s'exclame)
, parfois plusieurs centaines, je ne sais pas
comment les évacuer sans engins de l'armée et sans trois ou quatre escadrons de
gendarmerie ! En plus, la bagarre est assurée. Les caméras de télévision
parisiennes sont là, complaisantes, qui filment tout, à l'envi, avec la
recherche forcenée d'une bavure, pour pouvoir jouer les martyrs, étant entendu,
en plus - mes amis socialistes m'excuseront de dire cela - qu'il y a de la
manipulation religieuse là-dessous : certains pasteurs protestants sont
particulièrement actifs dans ce domaine !
Monsieur le ministre, l'article 19 sera inopérant s'il n'est pas accompagné de
mesures de surveillance, comme pour les
rave parties
, afin que l'on
sache qui va où. En effet, si l'on ne prévient pas le rassemblement avant qu'il
soit installé et si l'on n'a pas la volonté - si jamais il est installé parce
que l'on n'a pas pu faire autrement -...
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Charasse.
Je termine, monsieur le président, mais je n'ai pas abusé depuis le début de
ce débat !
M. Robert Bret.
Et cela ne fait que commencer !
M. Michel Charasse.
Donc, si l'on n'a pas la volonté, en plus, de montrer que la force existe et
qu'elle sera appliquée, il faut bien qu'il y ait une solution.
Il y a la voie judiciaire civile, dites-vous. Certes, mais il y a aussi une
autre voie, la voie administrative quand les conditions d'hygiène et de
sécurité ne sont pas remplies dans les campements ainsi installés. Le maire
peut toujours, à la fin des fins, se retrouver en correctionnelle pour ne pas
avoir pris les mesures nécessaires !
C'est sûr que la liberté d'aller et venir est garantie en France ; c'est sûr
que les populations de gens du voyage ont droit à cette liberté, comme tous les
autres citoyens, d'ailleurs, qu'ils soient français ou étrangers. Mais c'est
sûr aussi que la liberté des uns commence où s'arrête celle des autres et qu'un
article de loi sans moyens ou sans volonté ne suffit pas toujours à régler le
problème !
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je serai très bref, car beaucoup de choses ont été dites sur lesquelles nous
sommes d'accord, y compris sur la gêne qu'éprouvent les communes qui sont
touchées. Ainsi, lorsque les caravanes venues d'Allemagne traversent le
territoire de Belfort pour descendre vers les Saintes-Maries-de-la-Mer, cela
fait, en effet, beaucoup de monde, et l'on ne demande pas la couleur du maire
pour savoir où l'on s'installe !
Je tiens à vous faire remarquer, monsieur le ministre, qu'il s'agit ici d'une
question d'offre et de demande, comme, d'ailleurs - on en parlait hier, à
l'occasion de la discussion de l'article 18, pour la plupart des textes. Ne
pensez-vous pas qu'il ne sert à rien d'annoncer des mesures pénales, en effet
difficilement applicables, alors que les aires d'accueil prévues par la loi
Besson ne sont pas encore réalisées ?
Où voulez-vous donc que ces gens aillent ? Il faut bien qu'ils aillent quelque
part ! Or comme il n'y a pas de lieux pour les accueillir, il faut donc,
d'abord, consentir des efforts pour que cette loi soit appliquée et attendre
que les aires pour l'accueil des campements soient construites avant de
prétendre être dissuasif avec des peines.
Telle est, monsieur le président, l'observation que je voulais livrer au
débat, et qui n'avait pas encore été formulée : elle me paraît devoir être
prise en considération car, en l'état actuel des choses, elle condamne le texte
lui-même.
M. le président.
Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 154, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
Vous avez raison, monsieur Charasse, c'est une question difficile et il faut
l'aborder - M. le ministre l'a dit - sans hypocrisie et avec la volonté
d'apporter des réponses aux problèmes qui sont ici posés.
Soutenant cet amendement de suppression, nous souhaitons démontrer que les
sanctions prévues par l'article 19 sont inapplicables et inadaptées à la
problématique des gens du voyage.
Je reprendrai le titre du journal
Libération
le 5 novembre
dernier...
M. Michel Charasse.
Oui, des spécialistes !
M. Robert Bret.
... qui résume parfaitement notre état d'esprit : « Les gens du voyage ont des
droits. »
Parce qu'ils ont un mode de vie différent, ils sont déjà largement
marginalisés, on le sait, et, avec votre projet de loi, monsieur le ministre,
vous renforcez encore cette marginalisation.
Nous ne devons pas confondre, mes chers collègues, les gens du voyage, à 95 %
français, et les Roms, originaires des pays de l'Est, qui ne sont pas concernés
par votre texte, monsieur le ministre.
Les premiers peuvent exercer des professions itinérantes - ils sont marchands,
vendangeurs - ou voyager pour des raisons familiales ou religieuses à
l'occasion de pèlerinages et de missions ; ils cherchent alors des terrains où
s'arrêter temporairement.
Les seconds sont des sédentaires et demandent des papiers afin de pouvoir
travailler : c'est le problème des flux migratoires et du futur élargissement
de l'Union européenne à certains pays de l'Est.
De manière générale, ces deux populations demandent à vivre dans des
conditions décentes. Pourtant, les uns et les autres se heurtent
quotidiennement au refus des habitants et des maires quand ils demandent à
s'installer sur le territoire de leur commune.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous souhaitez procéder à la confiscation
des véhicules lorsque ceux-ci ont permis l'infraction. S'agissant de gens du
voyage, il est évident que leur installation s'est faite au moyen de véhicules
! La saisie pourrait donc être systématique.
Certains de nos collègues soulignent le décalage entre les signes extérieurs
de richesse et les revenus officiels des gens du voyage, qui seraient des
citoyens privilégiés par rapport aux honnêtes gens. Or la plupart du temps,
véhicules et caravanes sont leur unique capital.
En réalité, mes chers collègues, beaucoup d'entre eux vivent dans la
précarité, dans des conditions insalubres, à proximité d'autoroutes, de
déchetteries ou sur des anciennes décharges encore polluées, le tout dans une
insécurité permanente, compte tenu du rejet dont ils font l'objet.
C'est pourquoi la loi Besson est une bonne chose, bien qu'elle ne concerne que
les villes de plus de 5 000 habitants. Or 32 000 communes comptent moins de 5
000 habitants en France, comme l'a rappelé M. Pierre Hérisson lors de la
discussion générale.
C'est elles qu'il faudrait inviter à prendre des mesures d'accueil plutôt que
de sanctionner les gens de voyage !
Je rappelle que, à la suite d'un arrêt du Conseil d'Etat de 1983, toutes les
communes de France devraient permettre, pour quarante-huit heures, le
stationnement des gens de voyage, sur des aires d'accueil ou non. C'est la loi
!
M. Michel Charasse.
Non, c'est la jurisprudence !
M. Robert Bret.
Vous avez raison, mon cher collègue.
Il faudrait déjà s'assurer du respect des dispositions de la loi Besson avant
de sanctionner sévèrement le stationnement illégal ! Car, mes chers collègues,
où se trouve l'illégalité, en réalité ? Les maires qui ne respectent pas la loi
Besson ne sont pas sanctionnés et, pendant ce temps-là, les gens du voyage ne
peuvent s'installer, faute de terrains aménagés. Il faut bien qu'ils
stationnent quelque part, mais, s'ils le font, ils sont voués à être sévèrement
punis.
Cette situation est injuste et démontre bien qu'on ne peut en rester là, vous
avez raison, monsieur le ministre. Je crains, hélas, qu'une fois de plus les
propositions que vous nous soumettez n'apportent plus de problèmes que de
réponses.
Par exemple, le traitement judiciaire de la situation délicate des gens du
voyage tel que vous le proposez risque de porter atteinte, il me semble, au
principe d'égalité des citoyens devant la loi.
D'une part, les maires qui verront s'installer illégalement des gens du voyage
sur le territoire de leur commune ne pourront saisir le même juge : il s'agira
du juge pénal pour les maires de communes de plus de 5 000 habitants, du juge
civil pour les maires des autres communes, donc de moins de 5 000 habitants.
D'ailleurs, quel besoin aviez-vous de pénaliser davantage les gens du voyage,
alors que les maires peuvent déjà agir si des dégradations sont commises ?
D'autre part, les gens du voyage seront en situation d'inégalité devant la
justice, puisque, selon les communes dans lesquelles ils s'installeront, ils
dépendront soit de la justice civile soit de la justice pénale, avec, bien sûr,
des sanctions différentes à la clé. Il vous faudra, monsieur le ministre,
fournir des critères clairs aux magistrats pour définir qui est responsable
pénalement.
La voie pénale impose le respect du principe de la personnalité des peines. En
la matière, monsieur le ministre, il n'existe pas de peines collectives, ni
même de notion de représentation.
Nous refusons les sanctions contre les gens du voyage qui nous sont soumises,
raison pour laquelle nous proposons la suppression de l'article 19.
Sachons, monsieur le ministre, mes chers collègues, convaincre nos maires sans
passer par la voie pénale. Nos maires doivent respecter la loi, il est de la
responsabilité du préfet d'y veiller et, personnellement, je préfère le retour
à la loi Besson. Adopter une autre démarche reviendrait à démontrer l'échec du
politique et ouvrirait grand la voie à la judiciarisation de notre société.
Nous demanderons un scrutin public sur cet amendement, monsieur le
président.
M. le président.
L'amendement n° 109, présenté par M. Peyrat, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour
insérer un article 322-4-2 dans le code pénal :
« Le fait de s'installer, en réunion, en vue d'y établir une habitation, sur
un terrain appartenant soit à une commune qui s'est conformée aux obligations
lui incombant en application de l'article 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet
2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, soit à une commune
ayant pris les dispositions nécessaires pour se conformer à ladite loi mais ne
disposant pas encore de l'aire de stationnement, soit à tout autre
propriétaire, sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle
du titulaire du droit d'usage du terrain, est puni de six mois d'emprisonnement
et de 3 750 euros d'amende. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 90, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
322-4-1 du code pénal, remplacer les mots : "s'est conformée aux obligations
lui incombant en application de l'article 2" par les mots : "est en situation
régulière au regard". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je considère que, sous les réserves que j'ai indiquées tout à l'heure et qui
ne témoignent pas d'une hostilité de principe, la référence à la loi Besson est
bonne. Nous avons effectivement voté cette loi en juillet 2000 et j'ai le
sentiment que c'est le seul moyen de trouver, à terme, sur tout le territoire -
mais pas forcément dans toutes les communes - les moyens d'accueillir ceux que
j'appelais tout à l'heure « les grands circulants », de façon qu'ils n'aient
plus d'excuse pour stationner en dehors.
Mais le problème, pour le moment, est un peu plus compliqué par le fait que la
loi Besson a été très mal ou très peu appliquée jusqu'à présent. La date limite
d'application de la loi Besson pour l'établissement de schémas départementaux,
c'était le 8 janvier dernier. Or, à ma connaissance, un quart seulement des
départements sont en règle.
M. Robert Bret.
Vingt-quatre !
M. Michel Charasse.
Oui, un quart, comme je le disais. Cela signifie que les trois quarts ne sont
pas encore en règle, à commencer par la ville de Paris, ou alors, si elle
l'est, elle ne s'y est mise que très récemment et d'une façon tout à fait
symbolique, même si, bien entendu, c'est de là que s'expriment les plus grands
donneurs de leçons tous azimuts, mais j'y reviendrai.
M. Jean-Claude Carle.
C'est vrai !
M. Michel Charasse.
Evidemment, on peut toujours trouver des subterfuges. Je signale à mes
collègues que, sur un terrain qui n'est pas un stade municipal et qui est
régulièrement occupé dans des conditions irrégulières, on peut toujours épandre
un peu de lisier de porc - ça ne sent pas bon ! - ou installer cinq ou six
ruches, cela fait vraiment fuir !
M. Louis Mermaz.
Voir
Les Copains
, de Jules Romains !
M. Michel Charasse.
Exactement, et, en plus, c'est très sympathique.
(Sourires.)
Cela dit, monsieur le ministre, je propose l'amendement n° 90 pour une raison
très simple : je considère que votre texte, tel qu'il est rédigé, n'est pas
vraiment applicable, car je ne sais pas ce qu'est une commune qui s'est «
conformée aux obligations lui incombant » au titre de la loi Besson. S'il n'y a
pas de schéma départemental, la commune n'a donc aucune obligation, sauf si
elle a plus de 5 000 habitants. Mais, dans ce cas-là, on n'a pas attendu la loi
Besson. Et, si le schéma départemental existe, je ne vois pas quelles sont les
obligations qui peuvent peser sur une commune qui ne figure pas dans le schéma
départemental et qui n'a donc pas à créer d'aire de stationnement.
C'est la raison pour laquelle je préférerais la formule visant les communes
qui sont en situation régulière au regard de la loi du 5 juillet 2000. Dans ce
cas-là, c'est beaucoup plus clair. Si une commune de plus de 5 000 habitants
n'a pas réalisé son aire, elle n'est pas en situation régulière. Si le schéma
départemental existe et qu'elle n'a pas réalisé son aire dans le délai de deux
ans, - parce qu'elle a deux ans pour le faire - alors elle est en situation
irrégulière. Bref, tout le monde comprend.
Je vous rassure, je n'ai pas inventé l'expression « en situation régulière au
regard de la loi ». C'est la formule consacrée dans le statut des militaires,
notamment, pour le régime d'éligibilité. On exigeait, en effet, que l'on soit
en situation régulière au regard des lois sur le recrutement. C'est la même
chose ici.
Si cet amendement n'est pas adopté, je considère que, tel qu'il est rédigé, le
texte actuel n'est pas applicable, parce que je ne sais pas ce que veut dire «
se conformer aux obligations » si l'on n'a pas d'obligation !
M. le président.
L'amendement n° 207, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
322-4-1 du code pénal, remplacer les mots : "six mois d'emprisonnement et 3 750
euros d'amende" par les mots : "d'une contravention de 5e classe". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est un amendement de repli par rapport à celui qui tend à la suppression de
l'article 19. Je pense, d'ailleurs, que chacun ici voit combien nous sommes
courageux de proposer cette suppression, parce que l'effet d'affichage de
l'article 19 est évidemment important pour beaucoup d'élus, mais aussi pour nos
concitoyens. Nous le comprenons parfaitement.
Cela étant, et nous l'avons dit il y a un instant, tant que ne sont pas
réalisées les aires qui permettent de recevoir les gens du voyage, il n'est pas
pensable d'appliquer des mesures pénales à l'encontre de ces personnes. A
défaut, nous pensons qu'il faudrait au moins s'en tenir à une contravention de
la 5e classe.
Le code pénal est fait pour faire peur, nous dit-on. Mais, dans ce cas, il n'y
a pas de raison de s'arrêter en si bon chemin. Oublierait-on le principe
fondamental de proportionnalité des peines ? Au surplus, il serait peut-être
plus facile d'infliger des contraventions que de saisir les voitures ou d'aller
relever l'identité de tout le monde !
La voie civile n'est pas rapide, dit-on. Mais elle peut l'être ! Quantité de
décisions le démontrent, et il n'est nul besoin de relever l'identité de tous
les présents. On peut faire un référé d'heure à heure suivant une procédure
contradictoire, et il ne faut pas longtemps aux magistrats pour rendre une
décision dans ce cadre-là. Il est vrai que cela prend tout de même un petit peu
de temps, comme il est vrai que jamais les préfets n'ont accordé le concours de
la force publique pour exécuter les décisions prises en référé par les
présidents de tribunaux.
Monsieur le ministre, se trouve-t-il actuellement, en France, une commune ou
un propriétaire privé qui ait un terrain occupé par de grands circulants ? Si
tel n'est pas le cas, il serait intéressant de le savoir. S'il y en a,
avez-vous accordé, monsieur le ministre - s'il a été demandé - le concours de
la force publique ou êtes-vous prêt à en faire la demande ? J'aimerais obtenir
une réponse, elle nous permettrait de savoir vraiment de quoi l'on parle.
En tout cas, nous vous proposons, par cet amendement, encore une fois
subsidiaire par rapport à l'amendement de suppression, une désescalade dans la
hiérarchie des incriminations, pour faire du délit proposé une contravention de
la 5e classe.
M. le président.
L'amendement n° 252 rectifié
ter,
présenté par MM. de Montesquiou et
Othily, est ainsi libellé :
« A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article
322-4-1 du code pénal, remplacer les mots : "de six mois d'emprisonnement et de
3 750 euros d'amende" par les mots : "de douze mois d'emprisonnement et de 37
500 euros d'amende". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il était pourtant intéressant !
M. le président.
L'amendement n° 208, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer les quatre derniers alinéas du texte proposé par cet article pour
l'article 322-4-1 du code pénal. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les quatre derniers alinéas de l'article 19 sont ceux qui autorisent la saisie
du véhicule. On commence par saisir la voiture ; après quoi, on attend que le
tribunal correctionnel statue et, éventuellement, prononce la confiscation.
L'autre solution est celle du retrait du permis de conduire, auquel cas on
s'en prend évidemment aussi bien aux « grands circulants » - je retiens
l'expression, car elle est explicite - qu'à ceux qui voudraient se
sédentariser. L'appelation globale de « gens du voyage » recouvre en réalité
une grande diversité de population.
Si l'on veut que les gens s'en aillent - et s'en aillent aussitôt ! - ce n'est
évidemment pas en leur confisquant leur voiture, pas plus qu'en suspendant leur
permis de conduire qu'on y arrivera, parce qu'alors ils ne pourront plus s'en
aller !
C'est tellement vrai que le Gouvernement a déposé un sous-amendement tendant à
exclure de cette mesure - c'est un effort, ce qui prouve bien qu'il est utile
de réfléchir longuement sur ce texte - les véhicules assimilés à des domiciles
et un autre sous-amendement visant les voitures qui les tirent. Que reste-t-il
? Ne seraient plus touchées par cette mesure que les voitures luxueuses que
l'on trouve, paraît-il, sur ces terrains. Personnellement, je n'en ai pas vu,
mais je n'y vois pas d'inconvénient, s'il ne reste que celles-là, même si, je
l'ai dit, ce n'est pas le meilleur moyen de les faire partir. Il y en a
d'autres !
M. le ministre vient de nous annoncer que, si la présence de voitures
luxueuses ne correspondant apparemment pas aux revenus des intéressés est
détectée, le nécessaire sera fait, c'est-à-dire qu'une enquête sera diligentée.
Ce n'est pas plus difficile que cela, si ce n'est qu'il est peut-être difficile
de pénétrer dans un camp où se trouvent - comme vous le disiez tout à l'heure,
monsieur le ministre - quelque 1 200, 600 ou 300 familles, autrement qu'avec
plusieurs compagnies de CRS.
Nous vous demandons donc, en l'état, de supprimer ces mesures qui, comme j'ai
eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, rappellent Gribouille se
jetant à l'eau pour ne pas se mouiller !
M. le président.
L'amendement n° 22, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« A. - Supprimer les trois derniers alinéas du texte proposé par cet article
pour l'article 322-4-1 du code pénal.
« B. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Après l'article 322-15 du code pénal, il est inséré un article
322-15-1 ainsi rédigé :
«
Art. 322-15-1.
- Les personnes physiques coupables de l'infraction
prévue à l'article 322-4-1 encourent exclusivement les peines complémentaires
suivantes :
« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire
;
« 2° La confiscation du ou des véhicules utilisés pour commettre l'infraction.
»
« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
"I". »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Les deux premiers sont présentés par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André et
Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et
les membres du groupe socialiste et apparenté.
Le sous-amendement n° 273 est ainsi libellé :
« Supprimer le B de l'amendement n° 22. »
Le sous-amendement n° 283 est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa (2°) du texte proposé par le II du B de
l'amendement n° 22 pour l'article 322-15-1 du code pénal :
« 2° La confiscation du ou des véhicules automobiles utilisés pour commettre
l'infraction à l'exception des véhicules destinés à l'habitation et de ceux
servant à tracter les caravanes, roulottes, maisons mobiles ou transportables
aménagées pour le séjour. »
Le sous-amendement n° 278, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé
:
« I. - Dans le dernier alinéa (2°) du texte proposé par l'amendement n° 22
pour l'article 322-15-1 du code pénal, après le mot : "véhicules", insérer le
mot : "automobiles".
« II. - A la fin du même alinéa, après le mot : "infraction", ajouter les mots
: "à l'exception des véhicules destinés à l'habitation". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Cet amendement a un double objet. D'une part, il tend à mieux
préciser qu'en cas d'occupation d'un terrain tous les véhicules utilisés
pourront être confisqués.
D'autre part, pour respecter le plan du code pénal, il vise à inscrire les
peines complémentaires dans un article distinct situé à la fin du chapitre dans
lequel la nouvelle infraction prendra place.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre les sous-amendements
n°s 273 et 283.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La nouvelle incrimination est assortie d'une confiscation du véhicule,
c'est-à-dire du lieu d'habitation des personnes visées par l'article 19 du
projet de loi, ou du retrait du permis de conduire le véhicule leur permettant
de tracter leur habitation. Sans leur domicile et sans la possibilité de
tracter leur véhicule, comment rendra-t-on effective l'application d'une telle
mesure ? C'est pourquoi nous avons déposé le sous-amendement n° 273.
Quant au sous-amendement n° 283, je voudrais insister sur ce texte, au nom des
membres du groupe socialiste et apparenté. Mon intervention aurait été plus
facile si le sous-amendement n° 278, déposé par le Gouvernement, avait été
examiné avant ; je vais cependant m'y référer.
J'ai salué tout à l'heure le dépôt de ce sous-amendement : mieux vaut tard que
jamais. Il tend à préciser que les véhicules doivent être « automobiles », à
l'exception des véhicules destinés à l'habitation, c'est-à-dire les
camping-cars, qui sont à la fois des véhicules et des domiciles.
Les familles concernées pourront donc s'en aller lorsqu'elles seront obligées
- ou décidées - à le faire, ce qui ne sera pas le cas des autres, en
particulier de ceux dont la voiture sert à tracter la caravane.
C'est pourquoi le sous-amendement n° 283 vise à compléter celui du
Gouvernement, en proposant la rédaction suivante : « La confiscation du ou des
véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction à l'exception des
véhicules destinés à l'habitation et de ceux servant à tracter les caravanes,
roulottes, maisons mobiles ou transportables aménagées pour le séjour. »
Si ce sous-amendement n'était pas adopté, il y aurait deux poids deux mesures.
Or il n'est pas envisageable que vous ayez pensé aux uns et pas aux autres.
C'est la raison pour laquelle nous invitons le Sénat tout entier à adopter
notre sous-amendement et le Gouvernement à l'accepter, car, après avoir annoncé
qu'il était ouvert à nos amendements, il n'en a pas encore approuvé beaucoup !
Mais je ne doute pas que la majorité sénatoriale suivra le Gouvernement si
celui-ci décide d'émettre un avis favorable.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour présenter le sous-amendement n° 278.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Le sous-amendement n° 278 vise à éviter la confiscation de la
caravane qui constitue le domicile des gens du voyage.
La précision ainsi introduite est nécessaire pour éviter de mettre en cause le
principe de l'inviolabilité du domicile, qui est une composante de la liberté
individuelle.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, par ce sous-amendement, nous rejoignons votre
préoccupation. Il montre que, dans l'arsenal répressif que nous avons imaginé,
nous faisons la différence entre les véhicules qui seront saisis et la caravane
elle-même, qui est un véhicule servant à l'habitation et qui sera donc, en
quelque sorte, « inviolable », au sens du principe constitutionnel.
(M.
Michel Dreyfus-Schmidt approuve.)
M. le président.
L'amendement n° 69 rectifié, présenté par M. Carle et les membres du groupe
des Républicains et Indépendants, est ainsi libellé :
« A. - Supprimer les trois derniers alinéas du texte proposé par cet article
pour l'article 322-4-1 du code pénal.
« B. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Après l'article 322-15 du code pénal, il est inséré un article ainsi
rédigé :
«
Art. ...
- Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue à
l'article 322-4-1 encourent exclusivement les peines complémentaires suivantes
:
« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire
;
« 2° La confiscation du ou des véhicules automobiles utilisés pour commettre
l'infraction, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation. »
« C. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
"I". »
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 22 de la commission. Je ne
reprendrai donc pas les arguments développés par M. le rapporteur, puisqu'il
s'agit de confisquer l'ensemble des véhicules, excepté, bien sûr, ceux qui ont
un usage d'habitation.
L'amendement que je présente fait donc la synthèse entre l'amendement de la
commission et le sous-amendement du Gouvernement.
M. le président.
L'amendement n° 110, présenté par M. Peyrat, est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
le texte proposé par cet article pour insérer un
article 322-4-1 dans le code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
«
...
la réparation des dommages et des dégradations causés par
l'installation illicite ou au cours de cette installation aux équipements
existants et au terrain illégalement occupé ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 66, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 322-4-1 du code
pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« Les maires des communes concernées par les faits ci-dessus réprimés pourront
saisir directement le juge des référés afin qu'il prenne, d'heure à heure,
l'ordonnance de référé nécessaire à l'expulsion des gens du voyage en
stationnement illégal. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'amendement n° 154, présenté par M. Bret, a pour objet de
supprimer le délit d'occupation illicite d'un terrain. Ce rejet est d'autant
plus incompréhensible que l'article 19 permettra d'accélérer la mise en oeuvre
de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du
voyage. Cet article est au contraire extrêmement utile et la commission ne peut
émettre qu'un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 90, je comprends bien la préoccupation de
M. Charasse, dont le texte tend à préciser l'incrimination d'occupation
illicite d'un terrain.
Le projet de loi prévoit que le délit n'est constitué dans le cas d'occupation
d'un terrain communal que si la commune s'est conformée aux obligations qui lui
incombent en application de l'article 2 de la loi relative à l'accueil et à
l'habitat des gens du voyage.
M. Charasse souhaite que l'on parle plutôt de communes « en situation
régulière au regard » de la loi. Il craint une interprétation restrictive de la
loi, observant que, lorsqu'un schéma départemental n'est pas signé pour la
réalisation des aires d'accueil, la commune n'y peut rien et devrait donc être
considérée comme respectant ses obligations.
Cette objection est fondée. Pour autant, la rédaction que propose M. Charasse
n'est pas plus protectrice et laisse, à mon avis, la même latitude au juge pour
apprécier la situation.
On peut même penser que le texte du Gouvernement est meilleur pour les
communes, puisqu'il implique de se conformer à la loi une seule fois. Le texte
de M. Charasse risquerait de laisser entendre qu'il faut être à chaque instant
en situation régulière, même si les équipements ont été détruits.
L'un des objectifs de l'article 19 du projet de loi est d'accélérer la mise en
oeuvre de la loi du 5 juillet 2000. Afin d'assurer l'efficacité du nouveau
dispositif, chacun aura intérêt à ce que la loi sur l'accueil et l'habitat des
gens du voyage soit bien appliquée.
La signature des schémas départementaux paraît maintenant être en bonne voie
dans la plupart des départements. Aussi, à mon grand regret, je suis obligé
d'émettre un avis défavorable sur l'amendement de M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Cela ne règle pas le problème !
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
En effet, il faut trouver une meilleure rédaction.
L'amendement n° 207 vise à réduire les peines encourues en cas d'occupation
illicite d'un terrain. Cette infraction deviendrait une contravention de la 5e
classe. Dans ces conditions, elle relèverait du domaine réglementaire. Il
convient au contraire de prévoir des peines dissuasives face à des
comportements inadmissibles. La commission est donc défavorable à cet
amendement.
L'amendement n° 208 tend à limiter considérablement l'infraction d'occupation
illicite d'un terrain en supprimant, d'une part, la possibilité de saisir les
véhicules et, d'autre part, les peines complémentaires. Ces dispositions sont
particulièrement nécessaires ; la commission émet donc un avis défavorable.
J'en viens au sous-amendement n° 273. Il aurait pour effet de faire
disparaître les peines complémentaires prévues pour le délit d'occupation
illicite d'un terrain. La commission est au contraire très favorable à ces
dernières, notamment à la peine de confiscation des véhicules utilisés pour
commettre l'infraction. Elle est donc défavorable à ce sous-amendement.
La commission ne s'est par ailleurs pas prononcée sur le sous-amendement n°
283 qui vient d'être déposé, mais j'y suis défavorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pourquoi ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
J'y suis défavorable, monsieur Dreyfus-Schmidt, parce que la
commission est favorable à l'amendement n° 278 présenté par le Gouvernement,
dont la rédaction est bien meilleure.
Enfin, la commission est favorable à l'amendement n° 69 rectifié, dont l'objet
est identique à son propre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur
l'amendement n° 154.
Mme Marie-Christine Blandin.
Monsieur le ministre, vous ne saisirez pas les véhicules des gens qui errent à
Calais et qui, depuis la fermeture du centre de Sangatte, se sont logés sous
des lambeaux de toile dans le parc public de la ville. Vous ne saisirez pas
leur véhicule, parce qu'ils n'en ont pas !
Pourtant, ils peuvent tomber sous le coup de l'article 19, puisqu'ils sont
installés dans un lieu public. Alors, il reste l'amende et la prison.
Qui sont-ils ? Des miséreux incultes venus chercher l'Eldorado, comme on
l'entend souvent ? Pas du tout : 80 % d'entre eux ont été au lycée, 50 % sont
bacheliers, certains ont même un niveau bac + 7 ; seuls 7 % d'entre eux étaient
au chômage, contrairement à ce qui se dit.
Ils ont simplement fui la guerre, la persécution, la violence arbitraire.
Kurdes en Irak après l'offensive anti-Saddam, abandonnés à leur audace,...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Quel est le rapport ?
Mme Marie-Christine Blandin.
... ruraux en Afghanistan après les bombardements inopérants, est-ce un crime
d'avoir fui l'insécurité quotidienne intolérable ?
Monsieur le ministre, je réitère notre demande : vous devez intervenir auprès
de M. Vitorino et une position claire de la France doit être établie sur un
statut unique des réfugiés.
En attendant, je ne peux que voter pour l'amendement de notre collègue Robert
Bret.
Monsieur le ministre, vous me demandez quel est le rapport. Permettez-moi de
vous répondre que, si vous aviez écouté le début de mon propos, que je
réitère...
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Non, je vous en prie ! J'ai écouté, ce n'est pas si
compliqué.
Mme Marie-Christine Blandin.
Les personnes que j'évoquais tombent sous le coup de l'article 19, puisqu'ils
logent dans le parc public de la ville de Calais.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Bien sûr que non !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas.
En supprimant l'article 19, nous ferions un grand pas...
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Un grand pas en arrière !
M. Jacques Mahéas.
... parce qu'il suffirait alors d'appliquer la législation existante !
Pour avoir une certaine expérience de la question, je me permettrais de
rectifier certains propos de nos collègues, mais aussi - veuillez m'en excuser
- de M. le ministre.
D'abord, le référé d'heure à heure ne complique pas autant qu'on le dit la
procédure. Il est faux que le recours à un avocat soit obligatoire, même si
c'est une idée très répandue. La loi du 5 juillet 2000 prévoit que, lorsque le
juge est saisi, il statue en la forme des référés, procédure qui n'implique pas
le concours d'un avocat.
Il est vrai en revanche qu'il faut un huissier de justice pour l'assignation à
l'audience des référés mais,
a contrario,
il n'est pas nécessaire qu'un
huissier constate la présence illicite de caravanes sur le terrain. Certes,
monsieur le ministre, un constat d'huissier est souvent demandé, mais ce n'est
pas légal.
Il faudrait donc commencer par appliquer les règles existantes.
A ce propos, il y a de cela trois jours, une douzaine de caravanes sont
arrivées dans ma commune. La première démarche des employés municipaux a été de
se rendre au commissariat afin de déposer plainte pour violation de domicile.
Le commissariat n'a pas accepté la plainte, qui était pourtant fondée. Que les
services du ministère commencent donc par faire leur travail !
Je sais bien que les plaintes refusées ne se voient pas dans les statistiques,
mais ce n'est pas juste ! L'expérience que je vous raconte n'a que trois jours.
Il est impossible que nous continuions à travailler de cette façon.
Il est en revanche tout à fait possible de faire en sorte que des caravanes
quittent la commune au bout d'une dizaine de jours quand tout le monde, et
notamment le préfet, joue le jeu.
Je parle, bien sûr, d'un campement modeste. Si, comme cela est arrivé dans ma
commune, il s'agit d'un rassemblement de 400 caravanes - c'était de surcroît,
je vous l'ai dit, un rassemblement religieux, pour des baptêmes protestants -
il est absolument impossible d'appliquer notre loi et il faut donc trouver
d'autres solutions.
On en connaît une : se montrer un peu plus exigeant à l'égard des communes
pour qu'elles se mettent en conformité avec la loi. Il est tout de même un peu
fort de café de pénaliser les gens du voyage, alors que les communes
elles-mêmes ne sont pas en règle !
Je ne veux pas vous « embêter », monsieur le ministre, mais je souhaite que
vous répondiez à la question suivante : considérez-vous que, dès lors qu'un
camping municipal est en mesure d'accueillir des gens du voyage, la commune
respecte les obligations que lui impose la loi Besson ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Dans ces affaires, il faut être aussi pragmatique que
possible,...
M. Jacques Mahéas.
Oui !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
... et, monsieur Mahéas, il ne s'agit aucunement d'« embêter »
qui que ce soit. S'il y a dans un camping municipal un endroit où il est
possible que les gens du voyage s'installent, je considère qu'il faut admettre
que la commune a satisfait à ses obligations.
M. Jacques Mahéas.
Je vous remercie !
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Comprenez, monsieur Mahéas, dans quel esprit je parle.
Les choses sont assez difficiles pour qu'on ne complique pas davantage la
tâche des communes. C'est dans son esprit que la loi Besson doit être
appliquée. S'il y a un emplacement dans le camping municipal, fort bien ! Pour
une fois, ne soyons pas trop tatillons, en particulier à l'égard des petites
communes, qui n'en peuvent plus des obligations multiples qui les enserrent. Ma
réponse est donc, monsieur Mahéas, sans ambiguïté.
M. Jean-Claude Carle.
Très bien !
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Je veux vous livrer une anecdote tout à fait extraordinaire : la préfecture
cherche actuellement des terrains sur la commune de Neuilly-sur-Marne. Nous
avons fait valoir qu'il y avait un camping, mais il semble que nous ne nous
soyons pas complètement compris. On « phagocyte » donc un terrain que je
réservais - la demande de permis de construire avait été déposée - à un foyer
de travailleurs migrants de la SONACOTRA. Très peu de maires se portent
pourtant volontaires pour accueillir ce type de foyer !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 154.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'acticle 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 108 |
Contre | 202 |
Je viens d'être saisi d'un amendement n° 90 rectifié, présenté par M. Charasse, qui est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 322-4-1 du code pénal, remplacer les mots : "qui s'est conformée aux obligations lui incombant en application de l'article 2" par les mots : "qui a mis un ou plusieurs terrains à la disposition des gens du voyage en vertu des obligations que lui impose l'article 2". »
La parole est à M. Michel Charasse, pour le défendre.
M. Michel Charasse. La rédaction du texte du Gouvernement n'est pas bonne, même si on voit bien ce qu'il veut dire. N'oublions pas cependant que le texte sera appliqué par le juge, lequel pourra avoir une interprétation différente, d'autant que, dans ces affaires de gens du voyage, le juge n'est pas toujours avec nous : il est plutôt contre, il tarde à intervenir, et, quand il intervient, il évite surtout de prendre des mesures rigoureuses !
J'avais proposé une première formule, mais le rapporteur m'a dit en aparté qu'elle ne convenait pas. En effet, à la réflexion, elle n'était pas parfaite, même si elle était légèrement meilleure que la formule du Gouvernement.
J'en propose une autre. Elle n'est pas parfaite non plus, mais ce que je cherche en réalité à savoir, monsieur le ministre, c'est ce qu'il faut entendre à la lecture des dispositions de l'article 19.
Qu'est-ce qu'« une commune qui s'est conformée aux obligations lui incombant en application de l'article 2 » de la loi Besson ? C'est soit une commune de plus de 5 000 habitants qui a aménagé un terrain, soit une commune de moins de 5 000 habitants située dans un schéma départemental qui n'a pas encore aménagé de terrain mais qui n'a pas non plus épuisé le délai de deux ans que lui accorde la loi pour se mettre en règle.
Pour la commune à laquelle la loi fait obligation d'aménager un terrain et qui l'a fait, pas de problème, mais quelle est la situation d'une commune qui n'a pas encore rempli ses obligations ?
Quant à la commune qui n'est pas dans le schéma départemental, elle n'est, elle, concernée par aucune obligation. Mais, monsieur le ministre, dans la formule « le fait de s'installer, en réunion, sur un terrain appartenant soit à une commune..., soit à tout autre propriétaire », les mots : « soit à tout autre propriétaire » ne peuvent-ils pas viser les communes qui ne sont pas concernées par la loi Besson ?
Je ne cherche pas à vous « embêter », monsieur le ministre, mais c'est la justice qui appliquera ce texte, et elle est plutôt réticente à l'égard des demandes des maires concernant les gens du voyage. Je ne souhaite donc pas lui donner des moyens de contourner la loi ou de tout faire pour ne pas l'appliquer.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Charasse, d'abord, le problème n'est pas de m'« embêter » ou pas, c'est de trouver la meilleure solution possible, et c'est un problème complexe.
Ensuite, toutes les communes sont concernées par la loi Besson, même si toutes ne sont pas dans la même situation : dès lors qu'il est appliqué, le schéma départemental ne prévoit pas un terrain dit « loi Besson » sur le territoire de toutes les communes, mais toutes les communes sont concernées par l'existence de terrains dans le schéma départemental. C'est une première remarque.
Deuxième remarque, je suis prêt, monsieur Charasse, à beaucoup de choses, mais je ne souhaite pas que le Gouvernement donne, si peu que ce soit, le sentiment qu'il est prêt à revenir sur l'esprit de la loi Besson.
M. Michel Charasse. Ce n'est pas mon objectif.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne le conteste pas, mais il faut que les choses soient claires : les gens du voyage ont des droits, il ne s'agit pas de les remettre en question.
Il y a trois cas de figure.
Premier cas de figure, le schéma existe, les communes ont construit les aires, et le texte pénal s'applique dans toutes les communes, et il n'y a donc pas de problème. Ce que nous souhaitons, c'est en finir avec l'immobilisme.
Deuxième cas de figure : le schéma existe, les communes de moins de 5 000 habitants qui n'y sont pas inscrites n'ont pas réalisé d'aires, le texte pénal s'applique, parce que le schéma existe, dans ces communes.
M. Michel Charasse. Ah !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne suis pas M. Besson, mais je peux néanmoins parler de l'esprit du schéma départemental. Ce qui pose problème, c'est que toutes les communes ne peuvent pas, du fait des différences de superficie, de nature, etc., avoir un terrain, mais ce qui compte, c'est l'équilibre départemental. Par conséquent, dans une commune de moins de 5 000 habitants qui n'aurait pas appliqué la loi Besson mais qui relèverait d'un schéma départemental, la loi s'appliquerait.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'en arrive au troisième cas de figure : s'il n'y a pas de schéma et que les communes - que personne ne soit blessé par mon expression - « jouent la montre », le texte ne s'applique pour personne.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même pas pour les préfets !
M. Nicolas Sarkozy ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je ne polémique pas...
M. Michel Charasse. Sauf pour les communes de plus de 5 000 habitants.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet. Je crois que ces précisions, monsieur Charasse, sont de nature à éclairer nos débats : vous comprenez bien l'esprit de la démarche gouvernementale. Là encore, des difficultés peuvent surgir, c'est vrai, mais je ne prétends pas tout résoudre parce que c'est impossible. Je pense, néanmoins, que l'on améliore beaucoup la situation.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, je ne trouve pas que votre formule soit très heureuse, mais passons, ne chicanons pas : j'indique tout de suite que je retire mon amendement n° 90 rectifié.
Vous avez décrit les divers cas de figure, mais un point reste à préciser : si le département a élaboré un schéma mais que le délai de deux ans prévu par la loi pour sa mise en application n'est pas écoulé, quelle est la situation, étant entendu que je mets toujours à part le cas des communes de plus de 5 000 habitants, qui font l'objet d'un traitement particulier ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour que les dispositions du texte, donc la pénalisation, puissent s'appliquer, il faudra que les équipements destinés à l'accueil des gens du voyage aient été réalisés là où la loi oblige à les réaliser.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Sinon, le dispositif serait profondément inéquitable. L'esprit qui sous-tend ce texte, c'est de donner aux élus qui ont fait aménager des aires de stationnement les moyens d'agir efficacement. Autrement dit, c'est un système « gagnant-gagnant » : les élus réalisent des équipements pour l'accueil des gens du voyage, et l'Etat, en contrepartie, leur garantit, par le biais d'une procédure, une application rapide et efficace de la loi. Chacun devrait y trouver son compte ; en tout cas c'est dans cette optique que nous avons conçu le dispositif. On verra ensuite ce que cela donnera.
M. Michel Charasse. Pour l'instant, la mesure ne s'applique pas dans 99 % des cas, parce que le délai de deux ans n'est pas écoulé.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous dis que la loi s'appliquera en fonction des réalisations et non des intentions.
M. Michel Charasse. Donc elle s'appliquera dans deux ans ! Voilà qui est clair !
M. le président. L'amendement n° 90 rectifié est retiré.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 207.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement visant à la suppression de l'article ayant été repoussé par le Sénat, nous proposons, par cet amendement, en guise de solution de repli, que la sanction inscrite à l'article 19 soit une contravention de la 5e classe.
Par ailleurs, je profite de cette prise de parole pour demander une réunion de la commission des lois. En effet, M. le rapporteur nous a dit que la commission n'avait pas examiné notre sous-amendement mais qu'il émettait néanmoins un avis défavorable sur ce dernier. Or c'est l'avis de la commission qu'il devait exprimer, et non pas son avis personnel ! Par conséquent, peut-être serait-il bon de réunir la commission des lois afin qu'elle puisse se prononcer, car si le voisin de gauche de M. le rapporteur s'était déclaré favorable à notre sous-amendement, peut-être celui-ci l'aurait-il suivi ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais je souhaite que la commission des lois se réunisse.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission.
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Je ferai observer à notre excellent collègue Michel Dreyfus-Schmidt que la position adoptée par M. le rapporteur est parfaitement cohérente avec les votes et les avis émis par ailleurs par la commission.
M. Lucien Lanier. Exactement !
M. Pierre Fauchon, vice-président de la commission. Vous le savez mieux que personne, mon cher collègue ! Par conséquent, n'exagérez pas : je ne crois pas opportun de réunir la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je souhaiterais poser une question un peu particulière à M. le ministre.
Supposons que la capacité d'accueil d'une commune se trouvant en conformité avec la loi Besson soit d'une vingtaine de places mais que cinquante caravanes se présentent et s'« entassent » sur le terrain aménagé, dans les conditions abominables que l'on devine, ou se dispersent hors de l'aire d'accueil : les dispositions du projet de loi seront-elles éventuellement applicables ? Ne conviendrait-il pas, devant une telle situation, de mettre en oeuvre des mesures moins sévères, comme le prévoit notre amendement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Soyons clairs, monsieur Mahéas : les communes ayant satisfait aux obligations prévues par la loi Besson ne disposent pas, pour autant, d'aires de stationnement extensibles à l'infini leur permettant de répondre à toutes les demandes ! (Voilà ! sur les travées du RPR.)
M. Michel Charasse. Il faut l'inscrire dans la loi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il faut tout de même dire les choses telles qu'elles sont, et je vous remercie de me permettre de préciser ce point.
Si par exemple le schéma départemental prévoit qu'une commune doit disposer de cinquante places pour des véhicules tractés avec caravane, les véhicules qui se présenteront au-delà de ce contingent seront en situation irrégulière et la commune pourra recourir aux dispositions de la nouvelle loi. En effet, je ne vois pas comment on pourrait imposer aux communes qui auront fait l'effort d'aménager des aires de stationnement de s'adapter à l'importance des migrations selon la saison, selon le temps ou selon l'envie des personnes concernées !
M. Michel Charasse. Absolument !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par conséquent, monsieur Mahéas, aucun problème ne se posera s'agissant des caravanes qui seront installées sur le terrain conçu pour les accueillir, mais la loi s'appliquera pour les autres.
M. Michel Charasse. Il faudra le dire aux juges !
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Je voudrais quand même rappeler à M. le ministre que la loi Besson a prévu, en contrepartie de l'aménagement d'aires d'accueil, des pouvoirs accrus pour les maires concernés en vue, précisément, d'interdire le stationnement en dehors de ces aires si elles sont conformes aux dispositions légales.
De plus, les procédures d'urgence en matière civile permettent déjà d'ordonner des expulsions en cas d'occupation illégale, et ce dans un délai court.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
M. Robert Bret. Point n'est besoin d'en rajouter, monsieur le ministre,...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Interrogez le maire de Choisy-le-Roi !
M. Robert Bret. ... il suffit que les autorités administratives aient la volonté d'exécuter les décisions de justice.
Par ailleurs, monsieur le ministre, qu'en est-il des aires d'accueil de grands rassemblements, qui relèvent de la responsabilité de l'Etat ? Quels sont vos objectifs à cet égard ?
Enfin, je formulerai une suggestion qui résulte notamment d'un débat qui s'est tenu au sein de l'Association des maires de France : ne serait-il pas judicieux, en particulier pour ce qui concerne les villes de moins de 5 000 habitants, de réfléchir à la réalisation d'aires d'accueil dans le cadre des établissements publics de coopération intercommunale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Tout d'abord, les élus ne m'ont bien sûr pas attendu pour envisager la mise en oeuvre du schéma départemental à l'échelon de l'intercommunalité. Ils sont suffisamment intelligents pour y penser seuls !
S'agissant ensuite des grands rassemblements - je pense notamment ici aux rassemblements évangéliques -...
M. Michel Charasse. Oh là là ! (Sourires.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... permettez-moi de vous dire, monsieur Bret, que je n'ai pas entendu complimenter l'Etat pour la façon dont il a géré le rassemblement de cet été à Damblain, dans les Vosges, qui regroupait 9 200 caravanes sur un terrain choisi par lui !
J'ai suivi personnellement pendant près d'un mois le déroulement de ce rassemblement de 9 200 caravanes. Il va de soi que les rassemblements évangéliques de ce type - c'est du moins ainsi que je les désigne - ne relèvent pas de notre discussion. En effet, ce sont des rassemblements traditionnels, et je me suis engagé auprès de la Fédération protestante de France comme auprès des associations de gens du voyage à continuer de mettre à disposition, pour ces grands rassemblements, des terrains ainsi qu'un encadrement par la gendarmerie ou la police.
Mme Hélène Luc. A titre exceptionnel.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je crois qu'il n'y a pas d'ambiguïté sur ce point, nous devons donner certaines garanties aux organisateurs.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, les propos que vous venez de tenir sont très importants. Il faut en effet que nous puissions dire aux maires que le schéma départemental s'accompagne d'un contrat...
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Exact !
M. Philippe Nogrix. ... entre eux et les gens du voyage, que ceux-ci devront respecter. Les maires n'ont pas que des obligations !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Exact !
M. Philippe Nogrix. Votre message est très important pour les élus locaux, qui ne savaient plus comment faire et commençaient à se plaindre de se voir imposer de nombreuses obligations sans qu'aucune contrepartie ne soit prévue pour les gens du voyage ! A leurs yeux, ces derniers avaient tous les droits, tandis qu'eux-mêmes supportaient toutes les contraintes !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !
M. Philippe Nogrix. En nous garantissant, comme vous venez de le faire, que le Gouvernement veut faire respecter les termes d'un contrat et non pas imposer une obligation unilatérale, vous faites avancer les choses et vous êtes sur la voie de gagner votre pari ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
MM. Jean Chérioux et Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 208.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais que le vote du Sénat sur cet amendement ne préjuge pas la position qu'il adoptera sur le sous-amendement que nous examinerons tout à l'heure et qui vise lui aussi la question des sanctions, qu'il s'agisse de la privation de voiture, de la saisie de celle-ci, de sa confiscation, etc.
Monsieur le ministre, les rassemblements que vous avez évoqués, ceux de Damblain ou de Sainte-Marie-aux-Mines, par exemple, se passent très bien. Le problème est que les véhicules viennent de partout...
M. Jacques Mahéas. Par paquets de trois cents !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et que le voyage dure plus d'une journée ! Par conséquent, sur la route, les conducteurs doivent pouvoir trouver des places de stationnement, et l'on rejoint alors le problème précédent !
Quoi qu'il en soit, ce que nous vous demandons, pour l'heure, c'est de supprimer les sanctions que vous avez prévues et qui sont, je le répète, ubuesques. (M. le ministre proteste.) En effet, on veut obliger les personnes concernées à partir, mais on leur enlève, en l'état actuel du texte, les moyens de le faire ! C'est tout à fait contradictoire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous l'avez déjà dit !
M. Philippe Nogrix. Bis repetita !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Sed non placent ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Prévoir une peine de six mois de prison et une amende de 3 750 euros, ce n'est déjà pas mal ! Appliquons déjà ces sanctions avant d'envisager de prendre d'autres mesures pour empêcher des gens du voyage de partir et les sédentariser, puisque l'on pourrait croire que tel est votre objectif !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 273.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 283.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai pas entendu le Gouvernement dire qu'il n'était pas d'accord avec notre proposition.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout cas, je ne l'ai pas entendu fournir la moindre explication. (Murmures de protestation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est mon droit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mes chers collègues, il serait quand même intéressant de savoir pourquoi le Gouvernement considère qu'un camping-car est un domicile, mais qu'une roulotte tractée par une voiture n'en n'est pas un, alors qu'elle abrite une famille.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai dit le contraire !
M. Jacques Mahéas. Les caravanes resteront sur place ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est tout de même très important !
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, mettez le sous-amendement aux voix !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, la voiture qui tracte la caravane pourra-t-elle ou non être saisie ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui, mais pas la caravane !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Donc, la caravane reste sur place et ses occupants se trouvent de fait sédentarisés ! Choisissez ! C'est quand même incroyable !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous avons choisi ! C'est ce qu'on vous explique depuis ce matin !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vous qui demandez que l'on ne saisisse pas la caravane !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, je vous demande que l'on ne saisisse pas non plus la voiture qui sert à la tirer.
M. Nicolas Sarkozy ministre. Je vous réponds : « Non ! »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'aimerais tout de même que l'on nous entende. La roulotte restera sur place, occupée par la famille, qui sera donc empêchée de partir. Est-ce ce que vous voulez ? Il nous semble pourtant que non...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il y en a assez, monsieur le président ! Cela suffit, il se ridiculise !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il est fatigué !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout cas, ce point nous semble très important, et nous demandons un scrutin public sur le sous-amendement n° 283. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, il nous faut réfléchir sur votre proposition, à savoir saisir la voiture et laisser la caravane sur place, comme vous nous l'avez dit et redit.
J'ai le cas dans ma commune, sur un chemin latéral à une voie ferrée, mais je ne suis pas pour autant favorable à la proposition du Gouvernement. Des gens y campent dans des caravanes, enquiquinent les habitants pavillonnaires du coin et se déplacent en voiture, en laissant les caravanes sur place. En l'occurrence, il n'est plus possible de résoudre le problème, alors qu'il pouvait l'être avec la loi précédente. J'attire l'attention de M. le ministre sur ce point.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Elle est attirée ! (Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jacques Mahéas. Vous ne pouvez pas me répondre comme ça, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Carle. Il a le droit !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Le Congrès des maires de France ayant lieu la semaine prochaine, il faut que l'on comprenne.
Si je comprends bien, le camping-car et la caravane ne sont pas saisissables,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !
M. Michel Charasse. ... seul le véhicule automobile, comme cela est d'ailleurs précisé dans le sous-amendement du Gouvernement, est saisissable.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Effectivement !
M. Michel Charasse. Aussi, je ferai deux observations.
La première, monsieur le ministre, c'est un conseil : si la voiture est pourrie, ne la saisissez pas car les Domaines ne sauront pas quoi en faire. Mais, comme dans les cas que vous visez, la plupart du temps les voitures ne sont pas pourries, ne vous privez pas de faire ce que vous avez à faire !
Par ailleurs, je souhaitais vous raconter une anecdote personnelle, mais j'y renonce afin de ne pas faire perdre de temps au Sénat.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 283.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 43:
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 108 |
Contre | 202 |
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 278.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je précise simplement que nous ne voterons pas contre ce sous-amendement.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 278.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 69 rectifié n'a plus d'objet.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'article 19.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que nous nous étions adressés au ministère de l'intérieur. Quoi de plus normal ? Je vous ai posé une question sur le droit d'asile et j'aimerais que vous y répondiez. (M. le ministre s'exclame.) Je persiste à penser qu'il y a des Roms, des Tsiganes qui sont pourchassés chez eux. Certaines personnes ont déposé une demande de droit d'asile. Le préfet avait commencé l'examen des dossiers. Aussi, je souhaiterais savoir où l'on en est. Il faut que l'on fasse ce que l'on est en train de faire à Sangatte.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est ce qui est en train de se faire !
Mme Hélène Luc. Mais où en est-on ?
M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous ajouter quelques mots ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne veux pas être désagréable en général, et encore moins envers Mme Luc.
De mémoire - ne vous arrêtez pas sur les chiffres -, 500 demandes d'asile politique ont été déposées pour le seul Val-de-Marne. Ces demandes font l'objet d'une instruction, que je ne suis pas quotidiennement. Elles seront traitées comme il se doit et elles seront satisfaites dans le cadre de la loi française, madame Luc. Elles feront l'objet du même traitement qu'à Sangatte ou ailleurs.
A preuve, les gens qui sont autour de Sangatte, je les fais héberger dans des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, donc dans d'autres endroits du territoire national. Cela montre bien qu'il n'y a qu'une seule façon d'instruire les demandes de statut de réfugié politique en France.
Mme Hélène Luc. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 19