SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Article 24. - Après l'article L. 2215-5 du code général des collectivités territoriales, il est créé un article L. 2215-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 2215-6 . - Les établissements de vente à emporter d'aliments assemblés et préparés sur place, destinés à une remise immédiate au consommateur, dont l'activité cause un trouble à l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics peuvent faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative d'une durée n'excédant pas trois mois pris par le représentant de l'Etat dans le département.
« Le fait, pour le propriétaire ou l'exploitant, malgré une mise en demeure du représentant de l'Etat dans le département d'avoir à se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent, de ne pas procéder à la fermeture de l'établissement, est puni de 3 750 euros d'amende. »
La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. L'article 24 concerne « les établissements de vente à emporter d'aliments assemblés et préparés sur place, destinés à une remise immédiate au consommateur ». On l'a d'ailleurs appelé l'article « chiche-kebab et pizza ».
Nous souhaitons tous que l'hygiène alimentaire soit assurée. D'ailleurs, les maires y veillent, et des mesures sont prises pour qu'il soit rapidement mis fin à tout éventuel cas de vente d'aliments frelatés. Nous disposons par ailleurs des moyens nécessaires pour éviter tous les troubles qui peuvent se produire sur la voirie ; à cet égard, la police municipale est tout à fait dans son rôle lorsqu'elle intervient.
C'est pourquoi, sans être plus long ni plus éloquent, je soulignerai que je ne vois pas très bien l'utilité de cet article, sauf à réaffirmer encore la volonté de cibler un type de population. Quant à nous, nous préférerons toujours les textes qui stigmatisent des comportements généraux, universels, plutôt que des personnes.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 160 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mmes Luc et Mathon, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 216 est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 217, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M. André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2215-6 du code général des collectivités territoriales, après les mots : "au consommateur", insérer les mots : "non détenteur d'un droit de place". »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 160.
M. Robert Bret. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 161, qui porte sur l'article 25. Ainsi, nous gagnerons du temps. (Murmures sur les travées du RPR.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Merci, monsieur Bret !
Mme Nelly Olin. Bonne parole !
M. Roger Karoutchi. On se met à faire court ?
M. Robert Bret. Ces amendements sont en effet très proches puisqu'ils tendent à supprimer deux articles, les articles 24 et 25, qui ont un objet similaire : l'un a une portée générale, l'autre une portée limitée à Paris ; tous deux prévoient que « les établissements de vente à emporter d'aliments assemblés et préparés sur place, destinés à une remise immédiate au consommateur, dont l'activité cause un trouble à l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publics peuvent faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative d'une durée n'excédant pas trois mois », arrêté pris par le préfet.
Nous souhaitons la suppression de ces articles, car vous semblez croire, monsieur le ministre de l'intérieur, que ces établissements sont des viviers de délinquance. Or nous pensons qu'ils ne constituent pas en eux-mêmes une cause d'insécurité : vous confondez ici les causes et les conséquences d'une situation dans laquelle les exploitants de ces établissements n'ont aucune responsabilité directe.
Certes, pour la plupart d'entre eux, ils ferment tard le soir, et des nuisances sonores, des dégradations et, de manière générale, des gênes peuvent alors être constatées, c'est évident. Mais, encore une fois, vous vous trompez de cible, monsieur le ministre : ce sont non les établissements, mais les personnes venant consommer des sandwichs qui provoquent les nuisances !
D'ailleurs, comme le souligne le rapport, l'étude d'impact du projet de loi transmise au Parlement indique « qu'outre les nuisances sonores - avertisseurs, musique... - et les difficultés de stationnement - double file, encombrement des couloirs de circulation - provoquées, par les attroupements autour de ces établissements, les riverains se plaignent du climat d'insécurité généré par ce phénomène, ainsi que des atteintes à la propreté de la voie publique ». Il est donc ici reconnu que les nuisances sont dues aux attroupements et non aux établissements.
Par ailleurs, les nuisances sonores, les stationnements illicites, les atteintes à la propreté peuvent déjà être sanctionnés par des mesures de police actuellement en vigueur. Si ces établissements sont insalubres ou non conformes à la réglementation sur l'hygiène, la salubrité publique, leur fermeture peut être ordonnée.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons de bien vouloir adopter les amendements de suppression des articles 24 et 25.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre les amendements n°s 216 et 217.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On aurait pu supprimer au moins un article dans ce texte en fondant les articles 24 et 25 et en parlant, par exemple, « du représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, du préfet de police ». Cela aurait été plus clair, tant on a du mal à voir a priori la différence entre les deux articles. Ce qu'on dira pour l'un est donc vrai pour l'autre.
Le Sénat n'aime pas, monsieur le ministre, que l'on s'en prenne au pouvoir des maires !
M. Robert Bret. Tout à fait !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, ces établissements qui « stationnent » - il s'agit d'« établissements de ventes à emporter d'aliments assemblés et préparés sur place » qui sont installés sur la voie publique - paient un droit de place que le maire a évidemment le droit de leur retirer s'ils troublent l'ordre public. C'est aussi simple que cela !
Si ces établissements ne paient pas de droit de place, on peut les expulser, les faire partir. Les maires sont officiers de police judiciaire, ils ont donc des pouvoirs de police, et le Sénat, particulièrement sa majorité, tient à ce que les maires puissent exercer leur droit directement. N'est-ce pas cela la décentralisation ?
Or voilà que vous proposez que ce soit le préfet - c'est donc de la concentration - qui prononce une fermeture. C'est un autre problème, mais laissez donc, s'il vous plaît, les maires régler leurs problèmes.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression des articles 24 et 25 - nous gagnons du temps puisque nous parlons des deux en même temps ! - qui n'apportent strictement rien, si ce n'est qu'ils rognent les pouvoirs des maires.
L'amendement n° 217 tend à l'application de ce que nous avons dit précédemment, en ajoutant les mots : « non détenteur d'un droit de place » après les mots : « au consommateur ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 160 vise à supprimer l'article qui permet de sanctionner le non-respect d'un arrêté de fermeture administrative d'un établissement de vente à emporter.
Les règles actuelles ne sont pas satisfaisantes, car les arrêtés ne sont pas respectés dès lors que les peines encourues sont très faibles. La commission émet donc un avis défavorable.
L'amendement n° 216, identique, tend également à la suppression de l'article sur les établissements de vente à emporter. La commission y est donc aussi défavorable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà pourquoi votre fille est muette !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui, vous voulez supprimer un article que la commission considère bon ! Je ne peux donc pas émettre un avis favorable !
L'amendement n° 217 vise à limiter l'application des dispositions permettant la fermeture d'établissements de vente à emporter aux établissements qui ne sont pas titulaires d'un droit de place. Il est clair que l'objectif n'est pas d'interdire des établissements dont nous aurions autorisé la création. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 160 et 216.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 25