SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002


M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la question n° 70, adressée à Mme la ministre de la défense.
Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense et de M. le secrétaire d'Etat aux anciens combattants sur le suivi des conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires.
Le rapport du 6 février 2002 de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rédigé par MM. Béteille et Revol, a permis de répondre à de nombreuses questions posées par les associations de vétérans et de riverains des sites des essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie.
Cependant, en l'absence d'études épidémiologiques, les auteurs n'ont pas pu aborder deux questions importantes : les conséquences sanitaires à moyen et long terme des radiations ionisantes sur les personnels militaires ou civils ayant soit travaillé sur les sites des essais, soit résidé à proximité, d'une part, et le principe « de présomption d'origine de la maladie », d'autre part.
Seules des études systématiques de la santé des vétérans et des populations directement impliquées pourront pallier l'absence de données et compléter efficacement les travaux de l'Office parlementaire. Pour mener à bien de telles études, le respect de la recommandation des rapporteurs - « un quelconque secret-défense ne saurait être invoqué pour s'opposer à l'obligation de communication du dossier médical » - devra être garanti. Depuis l'adoption de la loi n° 2002-203 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il ne saurait y avoir de citoyens moins protégés que d'autres.
Le ministère de la défense a annoncé la création d'un observatoire de la santé des vétérans et d'un groupe de travail visant à étudier les conditions d'élargissement de la reconnaissance d'imputabilité d'une affection à un service militaire ; ces organismes pourraient recevoir une délégation pour mener à bien de telles études.
En ce qui concerne ces deux instances, nous souhaiterions connaître les délais prévus pour leur mise en place, leur composition, ainsi que leur champ d'intervention. Prenant comme références la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel ou la Commission nationale consultative des droits de l'homme, nous attirons l'attention du Gouvernement sur l'importance d'une représentation, au sein de ces organismes, certes du ministère de la défense, mais aussi des parlementaires, des personnalités qualifiées et de représentants des associations de vétérans et de riverains.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, qui n'a pas pu être parmi nous ce matin, étant retenue à Bruxelles. Elle m'a cependant demandé de vous apporter les réponses qu'il convient.
Dans son rapport publié en février 2002, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a dressé l'historique des essais nucléaires français et étrangers et a analysé les études dosimétriques effectuées.
Dans leurs conclusions, les auteurs de ce rapport reconnaissent que les mesures déjà engagées répondent aux besoins.
En effet, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet d'indemniser tout militaire qui, s'il ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité - c'est, comme vous le savez, madame le sénateur, une question de délais -, peut, à tout moment, utiliser la démarche de l'imputabilité par preuve.
Cette preuve peut être admise à partir d'un faisceau de présomptions. Ainsi, en l'absence d'une preuve indiscutable, un ensemble de circonstances permet d'admettre l'imputabilité.
S'agissant des essais nucléaires, des pensions ont été concédées près de vingt ans après la date du fait générateur.
Dans le cas précis d'exposition à des sources radioactives, le service de protection radiologique des armées enregistre, centralise, exploite et conserve en permanence les données relatives à l'exposition aux rayonnements ionisants des personnels du ministère de la défense.
Par ailleurs, les dossiers médicaux des personnels bénéficient uniquement de la législation relative au secret médical et, par conséquent, ne sont pas sujets au secret défense.
La législation prévoit que toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé et qu'elle peut accéder à ces informations soit directement, soit par l'intermédiaire d'un membre du corps médical.
En conséquence, tout individu qui en fait personnellement la demande reçoit, et c'est bien normal, communication des informations médicales qui le concernent. Pour cela, il peut s'adresser soit au service de protection radiologique des armées pour les données relatives à l'exposition aux rayonnements ionisants de l'ensemble des personnels du ministère de la défense, soit à la direction centrale du service de santé des armées pour les dossiers médicaux du personnel militaire.
S'agissant des études épidémiologiques, M. de Vathaire, chercheur à l'INSERM, a eu accès aux archives et aux dossiers médicaux qu'il souhaitait consulter et qui lui étaient nécessaires pour réaliser son étude relative aux cancers développés par les personnels ayant été affectés en Polynésie française entre 1985 et 1995.
Ses résultats ne montrent pas de répartition particulière pouvant être liée à l'exploitation du centre d'expérimentation du Pacifique. M. de Vathaire diligente par ailleurs une autre étude, qui sera sans aucun doute très intéressante.
Enfin, la création de l'Observatoire de la santé des vétérans devrait permettre d'assurer un meilleur suivi des militaires qui seraient exposés à des risques particuliers et faciliter les recherches éventuelles d'imputabilité, de nombreuses années après le fait générateur.
Installé depuis le début du mois de septembre, un échelon précurseur a pour mission de préciser les objectifs et les moyens dudit Observatoire. Il est rattaché à la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale. Cet Observatoire montera en puissance en 2003 et nous nous efforcerons d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, du faisceau de renseignements très précis que vous avez apporté à notre assemblée. Permettez-moi d'insister sur le cas particulier des sous-traitants, qui ne relèvent peut-être pas directement des services des armées.
Je rappellerai qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande des études scientifiques conduites par des organismes indépendants recensant les altérations de l'ADN ont permis de dresser une liste exhaustive des troubles éventuels, réels ou supposés, provoqués par ces irradiations, même à faible dose.

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