SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Auguste Cazalet, auteur de la question n° 79, adressée à M.
le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. Auguste Cazalet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes chargé de conduire la réforme de
l'Etat et de son administration. Les objectifs que vous vous êtes assignés sont
clairs : mieux traiter le citoyen ; rechercher, pour l'exercice de chaque
mission publique, le mode d'organisation qui soit le plus efficace et le moins
coûteux financièrement ; engager un effort de simplification. J'y souscris
totalement.
Peut-on, dans un pays marqué par une forte soumission aux règles de droit
public qui fait primer la légalité sur le souci d'efficacité et prive la
gestion publique d'une vision programmatique à moyen et à long terme, mener à
bien une telle démarche ? Oui, à condition d'être capable de se remettre en
cause et de s'adapter.
L'analyse critique dont l'organisation de la construction publique a fait
l'objet est assez pédagogique.
Durant le constat qu'en dépit de remarquables réussites architecturales,
nombre de malfaçons ou de défauts de conception affectaient nos bâtiments
publics, il devenait plus que jamais nécessaire de s'interroger sur l'utilité
et sur l'efficacité des procédures.
L'on a souvent reproché au code des marchés publics et aux règles de
comptabilité publique d'enfermer le déroulement d'un projet public dans un
véritable carcan. Mais il a aussi fallu se rendre à l'évidence que ce dont la
construction publique souffrait le plus, c'était des règles que lois et décrets
avaient successivement édictées, aboutissant à une fragmentation des tâches à
l'excès et à une dilution des responsabilités. Que l'Opéra Bastille soit
aujourd'hui enserré dans des filets, de peur que de lourds panneaux mal agrafés
ne tombent sur les passants, ou que le besoin d'un second scanner se fasse
sentir à l'hôpital européen Georges-Pompidou sans que l'on sache où
l'installer, cela laisse songeur...
Coordination défaillante entre équipementiers, maîtrise d'ouvrage et maîtrise
d'oeuvre ; impossibilité de désigner un responsable parce que la faute est née
d'une communication insuffisante entre plusieurs intervenants : il est clair
que l'organisation de la construction publique aurait besoin d'une plus grande
souplesse, d'une intégration accrue des compétences et de la possibilité de
désigner un responsable unique.
La formule du partenariat entre les secteurs public et privé répond aux
nécessités de l'amélioration du système et aux exigences de la puissance
publique. L'efficacité de tels montages, courants à l'étranger, a été démontrée
; quelques administrations françaises y ont même eu recours pour certains
projets phares.
Dans un contexte de restrictions budgétaires et au moment où les capacités de
financement de l'Etat montrent leurs limites, il serait utile de réintroduire
une culture d'efficacité et de savoir faire évoluer nos cadres juridiques et
nos pratiques. C'est aussi cela, la réforme !
Je serais heureux que vous m'indiquiez, monsieur le secrétaire d'Etat, la voie
que vous envisagez de prendre.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol,
secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Monsieur le sénateur, vous avez
ô combien raison de souligner que l'exigence de simplification et de
clarification des responsabilités, de réduction des délais, d'efficacité, est
au coeur de la réforme de l'Etat.
Vous avez également raison, s'agissant plus spécifiquement des constructions
publiques, de dénoncer les lourdeurs inhérentes au code des marchés publics, à
la comptabilité publique, au foisonnement des contrôles, à la « dilution des
responsabilités », pour reprendre votre excellente formule. Vous évoquez, vous
inspirant de ce qui existe chez certains de nos voisins, la possibilité d'aller
davantage dans le sens d'un partenariat entre secteurs public et privé.
Je me dois de vous rappeler que, au-delà d'une apparence technique, les enjeux
de la construction publique sont tout à fait essentiels : enjeux économiques,
d'abord, puisque c'est l'un des leviers essentiels du secteur du bâtiment ;
enjeux administratifs, ensuite, puisque, évidemment, de la qualité des
constructions dépend en partie la capacité du service public à remplir ses
missions ; enjeux culturels et architecturaux, encore, et c'est pourquoi le
ministère de la culture est particulièrement vigilant ; enjeux éthiques, aussi,
car nous ne devons jamais oublier que l'une des raisons de la lourdeur des
processus, c'est que le service public se doit d'être transparent et de se
prémunir contre les tentations de la corruption ou du clientélisme ; enjeux,
enfin, de la maîtrise des coûts, qui nous poussent à être plus performants et à
faire du mieux possible à budget constant, afin de tenir compte des intérêts de
nos contribuables.
Vous le constatez, la question est très complexe. C'est pourquoi elle concerne
plusieurs de mes collègues du Gouvernement. Le ministre de l'équipement, M.
Gilles de Robien, et le ministre de la culture, M. Jean-Jacques Aillagon,
s'occupent de la question relative à la maîtrise d'ouvrage public. Mes
collègues du ministère des finances, MM. Francis Mer et Alain Lambert, ont pour
leur part la charge d'étudier la révision du code des marchés publics. Je peux
vous assurer que M. Jean-Paul Delevoye et moi-même, qui sommes chargés de la
réforme de l'Etat, avons relayé la préoccupation qu'ont exprimée de très
nombreux élus inquiets de constater une certaine forme de paralysie et un délai
de plus en plus important entre l'annonce d'une construction publique et sa
mise en oeuvre. La réduction des délais est certainement l'une des clefs qui
permettront de restaurer la crédibilité de l'action publique dans notre
pays.
C'est pourquoi M. Jean-Paul Delevoye et moi-même, qui sommes en train de
préparer les ordonnances en matière de simplification administrative, avons
prévu d'introduire dans ces textes deux volets spécifiques.
Le premier concerne la levée de certains verrous législatifs dans le code des
marchés publics, car il faut reconnaître que celui-ci - qui a été préparé un
peu hâtivement par nos prédécesseurs, sur l'initiative, notamment, de Laurent
Fabius - soulève plus de problèmes qu'il n'en résout, particulièrement en
raison de la complexité de la nomenclature.
M. Alain Gournac.
Exactement !
M. Henri Plagnol,
secrétaire d'Etat.
Il nous faut donc le refondre afin de faciliter la
commande publique.
Le second volet vise à lever certains obstacles - que vous avez soulignés avec
raison - liés au concept de maîtrise d'ouvrage public. Certains textes récents,
concernant la sécurité intérieure ou la justice, introduisent des
assouplissements intéressants, sur lesquels j'attire votre attention, qui
permettront notamment de répondre au défi de la construction en matière
d'immobilier pénitentiaire ou de modernisation des commissariats et des
gendarmeries.
Toutefois, il s'agit encore d'exceptions : avant de les généraliser, il faudra
étudier l'ensemble des questions que j'évoquais à l'instant. S'agissant de
sujets d'une importance aussi considérable, vitale même pour les secteurs
professionnels concernés, une phase de concertation étroite avec les
entreprises, petites et grandes, du BTP est nécessaire. Car l'un des soucis des
élus locaux est de préserver la possibilité de faire appel aux entreprises
locales, autant que faire se peut, et d'éviter que ne s'instaure un monopole
des grands groupes.
N'oublions pas non plus les architectes, qui sont chargés de la qualité du
bâti, ainsi que les bureaux d'étude. Vous avez évoqué à ce propos certains
exemples savoureux qui montrent que l'on n'est jamais assez vigilant en la
matière.
Après cette phase de concertation, qui devra bien entendu respecter
l'obligation de préserver la libre concurrence dans le cadre du marché
européen, nous serons en mesure de répondre avec davantage de précision à votre
excellente question, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Auguste Cazalet.
M. Auguste Cazalet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse.
Comme nombre des ministres que vous avez cités, j'ai été maire durant de très
longues années, ce qui me permet de vous dire - et je saurai vous le rappeler -
qu'il s'agit d'un vaste programme !
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures cinq,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)